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ORIENTALIA LOVANIENSIA. ANALECTA 85 EGYPTIAN RELIGION THE LAST THOUSAND YEARS PART Il Studies Dedicated to the Memory of Jan Quaegebeur Willy Clarysse Antoon Schoors and Harco Willems (eds.) UITGEVERIJ PEETERS en DEPARTEMENT OOSTERSE STUDIES LEUVEN 1998 L’HORUS DE TB(Y) DIMITRI MEEKS Aix-en-Provence, CNRS. Durant sa trop bréve carrigre Jan Quaegebeur a brillamment montré tout le parti qu’il était possible de tirer de 'onomastique pour améliorer notre connaissance de la religion égyptienne tardive et mettre en lumiére des dieux, ou des aspects divins, méconnus voire inconnus. En hom- mage A I'ami disparu je voudrais ici examiner un nom propre assez bien attesté, surtout & l’époque saito-perse, et qui a donné lieu a diverses interprétations. Is’agit de {4° JV, plus rarement écrit SX.) et dont on sup- pose qu’il pouvait également se présenter sous une forme abrégée je Pf. 11 est généralement admis que cet anthroponyme ne figure pas au Personennamen de Ranke oi, cependant, il est enregistré sous la forme }\—~_! F XB'. Dans cet exemple, tiré d’une sttle en bois conservée au Musée Calvet d’Avignon le premier signe ressemble, en effet, plus 4 un vautour percnoptére qu’a un faucon’. La véritable lecture du signe initial ne peut toutefois faire de doute?. Dans une note de bas de page Herman De Meulenaere avait proposé', avec une extreme pru- dence, de rapprocher ce nom, souvent confondu par les égyptologues avec Hr-(m)-3hbit «Horus de Khemmis», de r-n-t3-b3t «Horus du buisson» connu par des graphies plus détailiées }\—~ i, J J wE et variantes®. Cette hypothése a été retenue, faute de mieux, tant parce qu’il ne semble pas exister de mot th/db connu qui puisse fournir une expli- cation satisfaisante de ce nom, que parce que I'Horus du buisson est connu de la mythologie égyptienne. Ce buisson ne serait autre que le fourré de papyrus de Khemmis dans lequel le jeune Horus fut caché par sa mére Isis. Dans ce cas I’Horus du buisson ne serait rien d’autre qu’un Personennamen I, 4, 18. 2S. Aupére (éd.), Egypte et Provence, Avignon 1985, p. 41 fig. 20. ® Voir correction implicite de la lecture chez M. THiRION, RdE 45 (1995), p. 188. * H. De MEULENAERE, OLP 6/7 (1975/1976), p. 146 n. 83. 5 Voir en général M. TuirION, RdE 42 (1991), p. 236-239 et 45 (1994), p. 188. On peut encore ajouter aux exemples de Hr-tb celui de Karnak IX (1993), p. 241 et 253 fig. 4. 1182 D.MEEKS aspect de I’Horus de Khemmis®. Différents commentateurs ont toutefois souligné que le buisson des textes mythologiques concerne plutét Thoth et son cil que directement Horus’. Pour ma part, j’ai toujours eu quelque réticence & accepter que 13-b3t puisse, méme a I'époque saito-perse, étre graphié simplement th ou db avec une telle constance. Si la chose n’est pas tout a fait impossible, des graphies aussi abrégées auraient dd représenter I’exception plutot que la régle. Or, il se trouve que I’on peut isoler quelques exemples d’un terme thitb(y) qui a toutes les allures d’un toponyme ov d’une désignation topographique. Ce terme, que nous allons examiner plus avant, fournit une explication de l’anthroponyme Hr-tb et révéle un aspect méconnu d’Horus. C’est une inscription du temple ptolémaique et romain de Téd qui fournit une des meilleures indications sur ce que désigne le terme 1b. Il s’agit d’une procession géographique des provinces du Sud*. Le roi, qui la conduit, est présenté au dieu Montou en ces termes: «ll t'améne les provinces du Sud, (celles) de Hn-Tb, de EBst-tp (sate! We 2's avec tout ce qui s'y trouve ... Tu es le roi du Sud, Ie souverain de Tb (= 3)». L’expression Hn-7b est clairement un équi- valent de Hn-Nhn employée plus loin dans la méme inscription’. Le sens de Hn-Nhn est bien connu. Il s’agit d’une désignation des province les plus méridionales de I’Egypte'®. Selon une inscription de la Premiére Période Intermédiaire elle englobe les sept nomes de la Thébaide!’ mai dans les processions géographiques de I’époque tardive, elle désigne la totalité des provinces du Sud conduites par le roi par opposition a celles du Delta'?. I] est hors de doute qu’ici Tb se trouve dans la Vallée, qu’il la désigne peut-Gtre dans sa totalité, 8 moins que ce soit 14 le nom d’un © En demier lieu, voir M. THIRION, RAE 42 (1991), p. 239 et comparer Y. Koenic, Le papyrus Boulag 6, Le Caire 1981, p. 31 n. n. 7 LF, BorcHouts, OMRO 51 (1970), p. 79; J. Zanber, Studia Geo Widengren Oblata. Supplement to Numen XXI, Leyde 1972, p. 32-38. Voir aussi A. Zivis, Hermo- polis et le nome de I'lbis \ (BdE, 66), Le Caire 1975, p. 176 et 226 n. (b). 8 J.-Cl. Grenigr (éd.), Téd. Les inscriptions du temple ptolémaique et romain copiées par E. Drioton, G. Posener et J. Vandier 1, Le Caire 1980, p. 127-128, n? 80. Cette in scription a été étudiée par J-Cl. GRenisR, BIFAO 82 (1982), p. 162-163. 9 J.~ Cl. GRENIER (€d.), Téd, p. 128 n° 80, 11. ® Voir en général J.-J. CLERE, BIFAO 83 (1983), p. 91 (C), 1G, GaBRa, MDAIK 32 (1976), p. 48 (1. 4) et 49 n. k. Voir également le commen- taire de P. VERNUS, RdE 40 (1989), p. 149 n. j "= AEO 1, p. 58; comparer Edfou V, 261, 11; Dendara VI, 120, 16 et déja N. Grimat, La siéle triomphale de Pi(‘ankhjy au Musée du Caire (MIFAO, 105), Le Caire 1981, p. 7%, 3. L'HORUS DE TB(Y) 1183 site proche de Nin ou identique a cette cité. On préférera, en fait, voir dans 7 le nom d’une ville, ou d’un site, dés lors que ’on met en regard le présent texte avec son symétrique concernant la procession du Delta ott on trouve Phw-W3dt «es confins de Bouto» comme répondant de Hn-T". La premiere orthographe du terme Tb («J if @) est identique a celle contenue dans nombre de graphies du nom propre H»-b, au déter- minatif de la ville prés. La seconde (=!) est curieuse, mais pourrait avoir subi Vinfluence du mot thn «tambourin»'*. Il pourrait, aussi, s’agir d'un terme différent dont le sens exact demeurerait & trouver. L’ensemble de ce texte concerne bien fe sud de I’Egypte y compris la curieuse expression hist-tp (<<,"@\), absente de nos dictionnaires, mais dont la lecture et le sens peuvent étre précisés par les attestations que l'on en glane dans les textes des temples tardifs. Sans entrer trop dans le détai) il suffira de mentionner, pour mémoire, quelques exemples qui illustrent les différents emplois de cette tournure. Il est certain que /isst- tplit) (4) peut désigner «Ja couronne blanche»!> mais aussi la déesse tutélaire de cette couronne ( SU), Nekhbet!®. I faut néan- moins souligner que des graphies ts similaires doivent, ailfeurs, se lire h3st-Dp. Cette expression peut, alors, désigner tour & tour le Delta'?, la couronne rouge ou la déesse Ouadjet'*. Dans le texte de Téd on admet- tra que on a affaire & expression A3st-tp(it), qui désigne la couronne blanche ou sa déesse. Le fait qu’une expression apparemment identique puisse, & fa fois, désigner le nord ou le sud du pays tient ici tant 4 des raisons graphiques qu’a des raisons phonétiques ou mythologiques. Le signe de la langue (“) tire sa valeur du verbe dp «gotiter, déguster>"? qui aboutit, en copte, a Srwme, Twm", L’emploi de ce signe avec les valeurs dp ou tp, indifféremment, est donc pleinement justifié. Le signe “Sy est un hybride qui s’est développé a partir d’une ressem- blance entre tes formes hiératiques du signe de la langue et celui de la 'S J.-Cl. Grenier (64.), Téd, p. 151 n° 103, 7. ' Voir Wh V, 262, 6 (MarierTé, Dendara IIL, pl. 76j = Dendara VI, 114, 7), un verbe 16 «tambouriner»,, pour thn, Une influence de db «hippopotame> parait moins probable 'S Edfou VII, 305, 7 et sans doute Edfou V, 144, 11 en dépit de fa facune qui suit. ' Bdfou WV, 145, 15. » Edfou VI, 283, 6 et sans doute S. SAUNERON, La porte ptolémaique de l'enceinte de Mout @ Karnak (MIFAO, 107), Le Caire 1983, pl. X (n° 11, 11). “© Edfou IV, 76, 113 V. 210, 11; VI, 337, 8; VIL, 171, 1: Edfow Mam., 247, 5 par exemple. Wh V, 443; voir aussi H. BRUGSCH, Dictionnaire hiéroglyphique, Leiprig 1867, p. 466; J. VANDER, Le papyrus Jumilhac, Paris 1962, p. 226 n, 852. > W. Westenvore, Koptisches Handworterbuch, Heidelberg 1977, p. 240. 1184 D. MEEKS. corde ()!. I] peut donc se substituer @ l'un ou I’autre dans chacun de leurs emplois respectifs. Il est évident que la similitude entre les gra- phies de h3st-tpit et celles de h3st-Dp reléve d’un jeu qui veut évoquer la complémentarité ou I’unité des deux parties de I’Egypte, et non d’une confusion due ignorance. Il parait en tout cas peu probable que le groupe qui, A Téd, suit Ast puisse étre une graphic abrégée de Nsty, autre désignation de la Haute Egypte, mentionnée plus loin dans ce méme texte et connue ailleurs encore”. Pour en revenir a Tb il convient de s’intéresser maintenant & une in- scription du mammisi de Philae. Isis, représentée allaitant son enfant dans le fourré de papyrus, est entourée de divinités qui l’assistent et la prote- gent. De part et d’autre de cette scéne on voit, a gauche, Neith accom- pagnée d'un texte et, 4 droite, un autre texte, sans représentation cette fois, qui évoque la naissance d’Horus 4 Khemmis, puis nous livre, suc- cessivement, des discours prononcés par Amon et Nekhbet?’. A gauche, Neith et son texte représentent le Delta, tandis que le texte de droite se rapporte & la Vallée. Dans le discours de Nekhbet on remarque la phrase suivante: «Réjouis-toi Osiris-Onnophris justifié, ton fils est advenu sur terre dans Thy (214 4%@O), Nd-it.f est son nom», Au lieu de lire Tby, les éditeurs ont préféré transcrire «3hbit (so)» et tra- duire «Chemmis» pensant, & |’évidence, qu’il y avait la une erreur du graveur. On remarquera toutefois que le nom méme de Khemmis appa- rait correctement écrit en d’autres endroits du texte examiné ici?’ De plus le discours est celui de Nekhbet et évoque Harendotés dont on sait qu'il est l’une des divinités principales de Nékhen-Hiérakonpolis*®. En rapprochant le texte de Philae de celui de Téd, on ne peut échapper & la conclusion qu’il existait 4 Nékhen un lieu nommé Tby et qui, de sur- croit, était un site homothétique de Khemmis dans le Delta, ce qui explique que son nom ait été déterminé par une plante. En dehors du 21 Motter, Paliographie IL, n° 161 (col. P. 3030) et n® 522 (col. Leiden J. 32). Sous sa forme higroglyphique, cet hybride est connu depuis au moins le début de la 18e dyn, S. Bosticco, Museo archeologico di Firenze. Le stele egiziane. Parte Il, Rome 1965, pl. 13 (. 6). 2 T-CL. Grenier (6d.), Téd [n, 8], p. 128, n° 80, 11; S. SAUNERON, La porte prolé- maique, pl. VIL (n° 3, 7). J.- Cl. GRENIER, BIFAO 82 (1982), p. 163 n. (b) préfére s’en tenir & la lecture Nsty. Il rattache 43st & expression qui précéde pour aboutir 4 une lec- ture Hn-tpht qui ne peut étre retenue. 2H. JUNKER — E. Winter, Philae Il. Das Geburtshaus des Tempels der Isis in Phila, Wien 1965, p. 10-15. % [bidem, p. 14 col. 9 et p. 15, 24. % Shidem, p. 11, 31 et 13, 18. 26 1D, MEEKS, s.v. Harendotes, LA Il (1977), col. 965 avec n. 8-10. L’HORUS DE TB(Y) 1185 fourré de papyrus de Khemmis on concevait done !'existence d'un fourré de Thy, placé sous la protection de Nekhbet, dont on sait qu’elle est une déesse de |enfantement. Cette étroite correspondance entre Thy et Khemmis est naturellement due au fait que Nekhbet et Ouadjet sont les deux déesses tutélaires de chacune des deux couronnes royales d°E- gypte et sont, de ce fait, constamment associées. Mais il y a plus. Ce lien est encore souligné par la correspondance, depuis longtemps mise en {umiére par Ph, Derchain, entre les provinces de Hiérakonpolis et de Bouto, telle qu’elle se manifeste dans les symétries de la mise en page des textes et des représentations & Edfou, par exemple’. Dans ces contextes on notera que l’offrande spécifique de Hiérakonpolis est la fumigation de résine de térébinthe, dont il a été montré qu’il s‘agissait, en fait, d’une évocation a la fois du retour de la Déesse Lointaine et de la théogamie, au sens large, en relation avec Nekhbet et Harendotas”*. C'est, curieusement, un ostracon démotique du début de I’époque romaine, |’O.Corteggiani n°1, qui nous permet de poursuivre notre enquéte. Son texte conserve un fragment d’hymne adressé a une déesse ot l'on trouve des épithtes inattendues dont celle de hnt(t) [dt-Tbi (Geoa]] gi) «Celle qui préside A Hdi-Thi>®, De méme que Hn-Tb correspondait & Ha-Nhn tout heure, Hdt-Tbi parait correspondre ici & Hdt-Nhn «la Blanche de Nékhen» qui désigne non seulement la déesse Nekhbet mais aussi, a I’époque tardive, la ville méme de Nékhen™. Les €pithétes de cet ostracon ne sont pas sans rappeler, a |’occasion, celles contenues dans un document beaucoup plus ancien, «I’Hymne aux dia- démes» royaux. Dans une séquence qui concerne Nekhbet, et la déesse vautour de Haute Egypte en général, on y trouve des appellations telles que imyt Hn-Nka mais aussi wrt-Thw «la Grande de Thw» (S5_ el S20)". Sans doute, dans ces deux derniers exemples, le déterminatif de la plante est-il absent, mais il n’en reste pas moins qu’un lien trés apparent s’établit, ici encore, entre un toponyme Tbi/Tbw, la déesse Nekhbet et la ville de Nékhen-Hiérakonpolis. 7 Ph, DeRCHAIN, CdE 37 (1962), p. 46-47; D. KuRtH, Die Dekoration der Sdulen im Pronaos des Tempels von Edfu (Gott. Orientforsch., IV.11), Wiesbaden 1983, p. 29-36 et schéma fig. 32; F. LABRIQUE, Stylistique et théologie a Edfou (OLA, 51), Louvain 1992, P. 275. > A. Gurpus, Textes fondamentaux de la théologie de Kom Ombo (BdE, 47), Le Caire 1973, p. 343-346. ® B. MENU, CRIPEL 6 (1981), p. 216. * Par exemple Edfow IV, 148, 8; 159, 1 VIL 117, 9. 31 A. Beaman, Hymnen an das Diadem der Pharaonen, Berlin 1911, p. 50 (17) 216, 1; 215, 2; Dendara I, 21, 2: 1186 ‘D. MEEKS Ceci posé, il devient possible de donner un sens plus précis A une scéne du mur sud de la cella du temple d’Hibis & Khargeh?. On sait que ce monument constitue un catalogue des différentes images adorées en Egypte, un trait vertical séparatif marquant le passage d’une aire cul- tuelle & une autre. Ces aires sont classées selon un ordre géographique plus ou moins rigoureux. Certaines d’entre elles, surtout lorsqu’elles occupent un espace étendu sur la paroi, peuvent regrouper plusieurs sites différents. Ainsi, toute la premigre moitié du deuxitme registre de cette paroi est consacrée & Edfou et sa région. La premiere partie du tableau conceme Edfou proprement dit. Tout de suite derrigre un lion hiéracocé- phale piétinant un ennemi, une série de divinités évoque cependant la région de Hiérakonpolis. On distingue, successivement, un enfant debout portant la main a la bouche «Harsiésis maitre du Delta (?)>*, un vautour coiffé de la couronne blanche «Nekhbet, la Blanche de Nékhen», une femme hiéracocéphale debout «Nekhbet sur son grand tréne», un serpent Iéontocéphale sur un naos «Ouadjet de Tb» (7242), enfin un faucon coiffé du pschent, abrité dans un fourré de papyrus et posé sur un «sérekh», & savoir «Horus de Khemmis». Seuls les éléments réunis jusqu’ici permettent de s’assurer qu’une Oua- djet de Teb est ici parfaitement & sa place en compagnie d’un Horus de Khemmis, alors que toute la sctne est consacrée au site de Hiérakonpo- lis®. La seéne confirme que Tb(y) est bien le nom du fourré de papyrus mythique ob Horus aurait vu le jour, non loin de Nékhen. Toutefois les représentations d’Hibis insistent moins sur l'enfant vulnérable caché dans son fourré que sur le jeune souverain, nowvellement couronné, sous T’aspect d’un faucon. Le faucon couronné environné de feuillages est, ® N. de G. Davies, The Temple of Hibis in el Khargeh Oasis I, New York 1953, pl. 4 (I). Voir E. Cavz-Urwse, Hibis Temple Project I, San Antonio 1988, p. 25 (tentative de traduction); p. 193. On constatera que ma traduction diverge quelque peu de celle pro- posée par cet auteur. * En lisant mhw. Mais on peut aussi comprendre mhyt (Wb Il, 124, 8) «(fourré de) Papyrus» ou méme 3by «fourré de papyrus» (Wb I, 18, 8 et FAULKNER, CD, 4). 5 II ne peut s’agir ici de Ouadjet de Nbyt, comme le voudrait E. CRUZ-URIBE, op. cit., avec renvoi a J. YoyOrTE, RdE 14 (1962), p. 93 suiv. Le site de Nhyt se trouvait a l'en- trée du Fayoum, non loin d’Abnas el-Médineh, comme 1'a montré L. HaBacut, ZAS 90 (1963), p. 46. La présence de ce toponyme dans la scéne du temple d’Hibis ne corres- pondrait ni & une logique cultuelle ni A une logique géographique. % On indiquera, pour mémoire, que les deux «aires» qui suivent immédiatement sont consacrées Crocodilopolis du Pathyrite puis a Arment. Les trois aires qui terminent le registre sont moins claires mais doivent étre normalement situées entre Arment et Coptos qui se trouve au début du registre suivant. L'HORUS DE TB(Y) 1187 bien sdir, une fagon connue de représenter I’Horus de Khemmis*®, Mais cette évocation de la «naissance» d’Horus est aussi conforme a la mythologie locale qui fait d’Harendotés & la fois I’héritier d’Osiris et le prototype du souverain assurant la réunification ou l’unité du pays. Le faucon dans son fourré de Nékhen est, d’ailleurs, encore représenté au mammisi de Philae*’. Au temple d’Hibis cette scéne ajoute & la proxi- mité géographique, qui unit Edfou et Hiérakonpolis, un lien cultuel fort entre les deux cités, ce qui permet A leurs dieux de figurer dans un espace commun dévolu au couronnement royal restaurant |’unité du pays. Le faucon couronné, perché sur le «sérekh», renvoie en fait au couronnement du faucon tel qu’il se pratiquait annuellement &@ Edfou*’. Puisqu’il existait deux fourrés ot Horus aurait été caché, c’est qu’on lui supposait deux lieux de naissance distincts. Cette dualité, peu rationnelle en apparence, était indispensable en fait pour fonder sa Iégitimité sur chacune des deux composantes territoriales de sa royauté. A chacun de ces lieux de naissance correspondait une mére différente. Cette double matemnité, qui renvoie & Ouadjet et Nekhbet, est évoquée das les Textes des Pyramides”. Pour étre complet, il n’est pas inutile d’examiner deux documents qui ne peuvent étre éludés dans la présente enquéte, méme si leur significa- tion demeure des plus incertaines. Il s’agit, d’abord, d’une stéle du Moyen Empire du Musée du Caire et qui provient, sembie-t-il, d’Aby- dos, Un certain Nakht, son propriétaire, y porte le titre de «prétre-oudb, porteur de ‘|. fl», H.G. Fischer, qui reléve ce titre, transcrit pru- demment «Habyw (?)» le nom de la divinité*'. Compte tenu des élé- ments précédemment réunis il est, bien sir, tentant de lire ce nom divin Thwy(?) «Celui de Thw». Vu le contexte, une telle lecture ne serait qu’une possibilité de plus mais qu’il fallait, me semble-t-il, envisage. Un passage de la stéle Metternich mérite également qu’on s’y arréte. Ily est question des errances d’Isis, accompagnée de sept scorpions, au cours desquelles elle recommande 4 ses suivantes de ne pas se faire %* Par exemple JuNKER-WINTER, Philae I, p. 18. 37 JUNKER-WINTER, op. cit., p. 302. 38M. ALLIOT, Le culte d'Horus a Edfou au temps des Ptolémées (BdE, 20), Le Caire 1954, p. 609 suiv. A rapprocher des scénes of le faucon est représenté perché sur le «sérekh»: Edfou XIV, pl. DLIIL par exemple. » pyr. Ubers. V, p. 345 et voir CT I, 281 ce. CG 20409. Il ne semble malheureusement pas exister de photographie de cette stéle qui permettrait de vérifier le texte. 4 H.G. FISCHER, Egyptian Titles of the Middle Kingdom. A Supplement to Wm. Ward’s INDEX. Part 1: additional titles, New York 1985, p. 15 (672a). 1188 D. MEEKS remarquer et de suivre des chemins détournés afin que I’ennemi de son fils ne puisse le trouver dans le fourré oii il se cache**. «Prenez garde», dit-elle «de montrer le chemin a celui qui me cherche jusqu’a ce que nous ayons atteint Pr-swy, la Ville des deux seurs, la ott commencent les marais (b3t idhw) et of finit db (phwy db, == J 3 var. J) 4)». Tei idhw et db sont clairement opposés ct il serait, la encore, tentant de voir dans le second mot une graphie particuligre du terme qui nous occupe dans cette étude. La chose demeure cependant peu vraisemblable, méme si la localisation de Pr-swy «La Maison du Crocodile», qui n'est connue que par le présent texte, préte a discussion. On peut identifier 4 une Pr- Sbk «Maison de Sobek» de la Maréotide®, ou encore a /w-swi(y) «ile du Crocodile», supposée se trouver dans les environs d’ Arment, Tout cela demeure problématique et n’éclaire pas le sens de db dans ce texte. Par opposition a idhw, on préférerait y voir la désignation d’une région, d'un territoire, et non d’une ville. Les différents déterminatifs suggérent pourtant quelque chose de bati, sans rapport avec les végétaux*’. La scéne décrite se déroule, selon toute vraisemblance, dans le Delta et ce texte n'est ici mentionné que pour mémoire. Celui-ci améne, toutefois, a se demander s'il n’existait pas une relation quelconque entre le Thy/Tbw de Nékhen et le dieu Tb/Tbw connu par divers textes religieux“, D'aprés les quelques études qui lui ont été consacrées, ce personage incarne en fait I'ceil lunaire, plus spécialement I’ceil endommagé qu’il faut reconstituer”, Quant au «territoire de Tbw» (13-Thw), il semble lié ® A. Kiasens, A Magical Statue Base in the Museum of Antiquities in Leiden, Leyde 1952, p. 12 et 72-73 (commentaire); C. E. SANDER-HANSEN, Die Texte der Metternich- stele, Copenhague 1956, p. 36-37. Pour la traduction je m’inspire de J.F. BorcHouts, Ancient Egyptian Magical Texts, Leyde 1978, p. 60. * Ainsi A. KLASENS, op. cit., p. 73. Sur cette «Maison de Sobek» voir J. YoyorTe, BIFAO 56 (1957), p. 84. * J. VaNbiER, Mo‘alla (BdE, 18), Le Caire 1950, p. 26-27; T.G.H. James, The Heka- nakhte Papers and other early Middle Kingdom Documents (Publ. of the Metrop Museum of Art Egyptian Collection, 19), New York 1962, p. 6-7, od auteur pense quelle pourrait étre lige a la «Maison de Sobek» située dans le méme secteur. * En fait les graphies de ce mot sont identiques aux graphies tardives de abt «brique» (Wb V, 553), mais on ne voit pas quel sens cela donnerait au texte de la stéle Metternich. Certains traducteurs ont tenté dy voir le nom d’une ville Db3 (Edfou du nord?) mais cette hypothése n'est guére convaincante, «Dh3 du nord» est une désignation de Msn, située a lextréme nord-est du Delta, & opposé des marais de Khemmis. Voir Edfou VI, 51, 1 et W.C. Hayes, JNES 10 (1951), p. 159 (TT) et comparer encore le catalogue Les collec- tions égyptiennes dans les musées de Saéne-et-Loire, Autun 1988, p. 82.n° 4 (oi il pour- rait s’agir encore d'un site different). “© A. KLasens, A Magical Statue Base, p. 73 n. 86 suggérait entre le tertitoire de ce dieu et celui évoqué dans la stéle Metternich, © Sur Tow voir K. Sethe, ZAS 57 (1922), p. 30 (16); HoRNUNG, Das Amduat Il (Aeg. {un rapprochement L'HORUS DE TB(Y) 1189 a la navigation nocturne du soleil et situé dans un contexte qui est vaguement celui du Delta. Aucune graphie du nom divin Tbw compor- tant le signe d’une plante ne m’est connue. On admettra que ce dieu et son territoire n’ont rien a voir avec le territoire Db de la stéle Metternich et ne sont, en rien, liés au Thy/Tbw de Nékhen. Le terme 7A(y), s’il a été maintenant mis en lumiére dans 1’onomas- tique et la toponymie, manque pourtant d’une étymologie égyptienne connue. Aucun terme *rb(y) du vocabulaire courant, qui puisse désigner un buisson, un fourré, ou simplement un environnement végétal, ne semble attesté. On peut, sans doute, éliminer du débat le mot db3w > db «feuille, feuillage» qui désigne les feuilles emportées par le vent ou le lit de feuillage que l’on étale sur le sol avant de déposer des offrandes**. Il n’existe, 4 ma connaissance, qu’un seul mot ¢b(i) qui soit lié & Horus et qui puisse désigner quelque chose d’origine végétale. Il s’agit du mot qui désigne 1’épieu, le harpon de 1’Horus d’Edfou®, dont la grande cos- mogonie de ce temple nous apprend qu’il fut fagonné & partir des roseaux (nbi) émergés hors des eaux primordiales et qui constiturent le premier support solide du dieu. Cette roseligre offrirait une bonne contrepartie au fourré de Khemmis, si elle n’était censée se trouver & Edfou et non & Hi¢rakonpolis. On ne peut s’empécher, toutefois, de pen ser a la scéne du temple d’Hibis qui associe les mythes d’Edfou et de Nékhen dans un méme espace cultuel. Ce sont ces liens cultuels, sans nul doute, qui expliquent Ja participation active de Ja cité de Nékhen aux grandes festivités d’Edfou™. La difficulté réside dans le fait que le mot 1h(i) est déterminé par une branche et non par une plante. Le rapproche- ment suggéré ne vaut donc que comme simple hypothese. Nous avons pu montrer l’existence d’un toponyme Tb(y) comportant le signe de la plante, le localiser 4 Hiérakonpolis et nous assurer qu’il désigne un fourré homologue de celui de Khemmis. Ce méme terme apparait, semble-t-il, d@s le début du Nouvel Empire ot, comme dans certains documents tardifs, il est écrit sans le signe de la plante. Que les Abh., 7), Wiesbaden 1963-67, p. 45 (19); J.-Cl. GoYON, Les diewx-gardiens et la genése des temples (BdE, 93), Le Caire 1985, p. 219 n. 3; Chr. FAVARD-MEEKS, Le temple de Behbeit el-Hagara (SAK, Beiheft 6), Hambourg 1991, p. 462-463. 48 Wb V, 562, 2 et 3; MEEKS, Année Lexicographique Il, n? 78. 4904. Edfou VI, 183, 7-8 et comparer IV, 151, 2. Sur le lien entre le harpon et la roseligre primordiale: E.A. REYMOND, The Mythical Origin of the Egyptian Temple, Manchester 1969, p. 88-89, Sur ce harpon rb(i) dans la cosmogonie d°Edfou voir encore M. ALLIOT, BIFAO 64 (1966), p. 146; R.B. FINNESTAD, Image of the World and Symbol of the Crea- tor (Stud. Orient. Religions, 10), Wiesbaden 1985, p. 35 et n. (80); J-Cl. Goyon, Les diewx-gardiens et la genése des temples, p. 146 et n. 1. 0M. ALLIOT, Le culte d’Horus a Edfou au temps des Ptolémées, p. 451-452. 1190 D. MEEKS. deux orthographes recouvrent une méme réalité est déduit du fait que, dans tous les cas, nous avons affaire au méme contexte géographique ou mythologique. I en découle que Th(y) ne peut étre considéré comme une contraction de #3-b3t «le buisson» et ne peut étre l'un des «Deux Buissons» symbolisant I’Egypte dans sa totalités', Ces buissons dési- gnent les plantes héraldiques de Haute et Basse Egypte et tb(y) ne peut raisonnablement désigner la premiére de celles-ci. On devrait, de ce fait, distinguer deux anthroponymes différents, L’un, Hr-n-13-b3", évoque un «Horus du buisson» propre au Delta, celui de Khemmis peut-étre, Vautre Hr-Tb(y), se rapporte & I’Horus de Nékhen. Si le terme 1b(y) semble bien désigner, lui aussi, un «buisson» l’absence d’apparente- ment lexical clair nous empéche d’en déterminer le sens précis. Le contexte mythologique seul permet de penser que ce buisson était consti- tué de plantes aquatiques, papyrus ou roseau, ce qui explique l’emploi d'un déterminatif spécifique dans le nom Hr-Tb(y), mais aussi que ce nom ait pu étre confondu avec d'autres ou qu’il ait été associé A un épi- sode de la vie du jeune Horus auquel il ne renvoie que par un jeu de miroir. P.S. Alors que cet article était sous presse, j’ai pris connaissance de T’étude de H. Satzincer, Der Amonspriester «Horus-vom-Busch» parue dans «Wege offnen. Festschrift Rolf Gundlach», Wiesbaden, 1996, p. 258-263. Les inscriptions de Ja statue publiée montrent que Hr-th est, dans ce cas, effectivement une graphie abrégée de Hr-n-13-b3t. IL n’en demeure pas moins que la ville de Tby (= Hié- rakonpolis), déterminée par la plante, existe bien de méme que I'Horus qui y résidait. 5! Sur cette désignation de I’Egypte dans les textes tardifs, voir A.M. BLACKMAN, H.W, FairMan, JEA 36 (1950), p. 67 (19), ® On notera que ce nom semble connu par une transcription en cunéiforme assyrien, Har-ti-bu-u: H. RaNKE, Keilschrifiliches Material zur dgyptischen Vokalisation, Berlin 1910, p. 28 et voir W. Vycicat, Dictionnaire étymologique de la langue copte, Louvain 1983, p. 24,

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