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Hacia una nueva civilización del trabajo

V Congreso de la Asociación Latinoamericana de Sociologia del Trabajo


Montevideo, 18-20 de abril del 2007

Mondialisation et modèles productifs. Questions pour la recherche

Helena Hirata (GTM-CNRS-France)

(abstract)

Une des évolutions notables dans les controverses de la sociologie du travail ces
dernières vingt années a été le passage de la centralité du débat sur les « nouveaux
modèles productifs», mené en France par Veltz et Zarifian, Durand, Linhart, Jurgens,
Volkoff, entre autres, vers une conceptualisation en termes de mondialisation.
Mondialisation et ses conséquences sur l’emploi et le travail, mais aussi, plus largement,
les répercussions financières, économiques, politiques, militaires, culturelles de la
mondialisation1 et ses effets sur les rapports Nord-Sud.
Nous voulons examiner, dans cette contribution, quelles sont les questions
soulevées à la recherche par ce déplacement des axes du débat, des problématiques en
termes de nouveaux modèles productifs et/ou de division internationale du travail vers
une problématique en termes de mondialisation. Quelles implications, en termes de
nouveaux apports ou de limites, peut avoir ce décentrement, sur les objets de la
sociologie du travail ?
Premièrement, quelles sont les conséquences de ce déplacement sur l’analyse du
travail ? En effet, la mise en question des modèles taylorien-fordien dans la réalité des
processus productifs en faveur de la flexibilité et l’adoption des pratiques de gestion en
rupture avec les modèles traditionnels, ont eu des conséquences significatives tant sur
l’activité de travail dans les pays du Nord et du Sud que sur l’analyse du travail lui-
même. La réorganisation de la production à l’échelle mondiale à laquelle on a assisté ces
dernières années a eu des impacts profonds sur l’emploi et le travail selon les sexes, qui
restent encore largement à analyser par la sociologie du travail, dans la mesure où ce sont
plutôt les économistes – et en première ligne les économistes féministes anglo-saxonnes
dans des numéros de revues telles que Feminist Economists ou World Development - qui
se sont emparées de l’analyse des conséquences différentielles de la mondialisation sur
l’emploi. Or, la sociologie du travail ne peut aujourd’hui s’en passer de la prise en
considération des processus de mondialisation si on prend par exemple le travail dans les
centres d’appel, qui implique une « déconnexion géographique entre le fournisseur et
l’utilisateur » (Mouhoud, 2006 :13), une déconnexion qui aurait été impossible à
effectuer sans le développement des technologies de l’information et de la
communication. Il s’agit, donc, de saisir les implications sur les paradigmes de la
1
Un exemple de cette diversité d’approches sur la mondialisation peut être trouvé dans les contributions
pour le récent colloque international sur Le genre au coeur de la mondialisation, Paris, les 21-22-23 mars
2007. Les papiers sont consultables sur le site http://www.gtm.cnrs-bellevue.fr

1
sociologie du travail, des transformations récentes de la production mondialisée - en
termes d’organisation du travail et des conditions de travail - et l’évolution des formes
flexibles d’emploi (essor des emplois dits « atypiques », du travail à temps partiel, du
travail informel, etc.).
Deuxièmement, on affirme que la mondialisation entraîne des opérations
globalisées croissantes d’entreprises et des marchés, à travers la multiplication de filiales
et des partenariats (Mouhoud, 2006). Or, est-ce qu’une conceptualisation des modèles
productifs en termes de mondialisation ne prend pas en considération uniquement des
“firmes leaders”, (Appay, 2007), des grandes entreprises multinationales, laissant de côté
les acteurs des pôles dominés de la mondialisation, ceux, ou celles « d’en bas », des
« circuits de la survie », ou ceux/celles qui sont plutôt caractérisés par l’« ïmmobilité » en
opposition à « l’hypermobilité » du capital? (Sassen, 2006, 2007). L’analyse de la
globalisation des firmes s’intéressant par définition exclusivement aux entreprises
multinationales, on peut en déduire que le travail et les travailleurs dans les petites et
moyennes entreprises à capital local resteraient dans l’ombre et seraient les nouveaux
« oubliés » de la sociologie de la mondialisation. On pourrait dire que l’on assiste en
quelque sorte à une réedition de la controverse sur les « nouveaux modèles productifs »,
où on critiquait la thèse de la « mort du taylorisme » et l’émergence d’un « nouveau
concept de production », en privilégiant le regard sur les lignes de montage et le
chronométrage des ouvrières dans les petites usines traditionnelles de la Bretagne ou des
pays du Sud.
Troisièmement, nous nous intéresserons à la répercussion de ce déplacement des
axes du débat sur l’analyse de la division sexuelle du travail et des rapports de genre.
A l’ensemble des processus actuels de réorganisation de la production évoquées ci-
dessus, il faut ajouter l’essor de grandes métropoles mondiales et les transformations des
Etats-Nations et de leur rôle, en termes de politiques publiques et de politiques sociales.
Tous ces processus n’ont pas la même signification ni les mêmes conséquences pour les
femmes et pour les hommes. La division sexuelle du travail continue à être, pour les
entreprises, un moteur puissant pour remodeler ses nouvelles formes d’organisation du
travail sous l’impulsion des processus de mondialisation, tout en maintenant certaines
formes de ségrégation et de hiérarchisation, existantes auparavant. La question à laquelle
nous voudrions apporter des éléments de réponse est la suivante : une approche en termes
de mondialisation a pu-t-elle renouveler les « gender studies » ?
Enfin, en conclusion, nous indiquerons l’intérêt d’une entrée par le concept de
mondialisation pour penser certaines modalités de travail internationalisé, en forte
expansion dans le secteur des services aujourd’hui : nous pensons aux femmes de ménage
et employées de maison, aide-soignantes, infirmières, nourrices, « assistantes de vie »,
bref, le travail du « care » (soins) aux malades, aux vieux, aux enfants (Ehrenreich,
Hochschild, 2003). « Mondialisation » peut être aujourd’hui plus pertinent que « modèle
productif » pour analyser ce processus d’internationalisation des services à la personne
par le développement très significatif, notamment depuis dix années, de la migration
internationale féminine. Ce travail du « care » pose des questions, récurrentes, à la
sociologie du travail : la question de la reconnaissance des qualités dites féminines (le
« soin » à autrui, la compétence relationnelle) en tant que compétence professionnelle
devient une question d’actualité. La reconnaissance dans la sphère publique du travail
réalisé par les femmes dans la sphère privée est fondamentale et la transformation du

2
travail domestique en travail marchand - effectué éventuellement dans un cadre mixte,
également par des hommes - peut conduire à la reconnaissance et à la rétribution de ce
travail. L’orientation d’un tel processus dépendra fondamentalement du rapport de forces
créé par les mouvements sociaux, mais d’ores et déjà on peut dire que la mondialisation
du « care » contribue puissamment aujourd’hui à mettre en avant, sur la scène publique,
des questions jusqu’alors enfermés dans la sphère privé, voire de l’intimité.

Réferences bibliographiques
Appay, Béatrice (2007) Globalisation et précarisation. Programme de recherche. Janv.
Auer, Peter, Besse, Geneviève, Méda, Dominique (dir) (2005) Délocalisations, normes
du travail et politique d’emploi. Vers une mondialisation plus juste ? Paris, La
Découverte, coll. Recherches, 282p.
Berger (2006 [2005 éd. Orig.]) Made in Monde. Les nouvelles frontières de l’économie
mondiale, Paris, Seuil, coll. Points, 357p.
Ehrenreich, Barbara, Hochschild, Arlie R. (ed.) (2003) Global Woman. Nannies, Maids and sex
workers in the new economy, Metropolitan Books, Henry Holt and Company, New York
Falquet, Jules, Hirata, Helena, Lautier, Bruno (2006) Travail et mondialisation.
Confrontations Nord/Sud, Cahiers du Genre, n.40, 267p.
Mouhoud, El Mouhoub (2006) Mondialisation et délocalisation des entreprises, Paris, La
Découverte, coll. Repères, 122p.
Sassen, Saskia (2006) Vers une analyse alternative de la mondialisation : les circuits de
survie et leurs acteurs, in Cahiers du Genre, n.40, p.67-89.
Sassen, Saskia (2006) Territory, Authority, Rights. From Medieval to Global
Assemblages, Princeton, NJ/Oxford: Princeton University Press, 493p.
Veltz, Pierre (2005, 2 éd. [1996]) Mondialisation, villes et territoires, Paris, PUF, 288p.

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