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94 GENESE ET DEVELOPPEMENT D’UN FAIT SCIENTIFIQUE considére le postulat du « maximum d'expérience” » comme la oi la plus importante de la pensée scienti- ‘avére possible de mettre en pratique la théorie comparative de connaissance, c'est un devoir de le faire. La position ancienne, qui ne permettait pas de sortir des constatations normatives des « mau- vaises » et « bonnes » pensées, est de cette fagon dépassée. Les vues qui sont présentées ici ne doivent pas étre comprises comme relevant du scepticisme. Noug pou- vons certainement connaitre beaucoup de choses. Et si nous ne pouvons pas, selon l'ancienne tradition, « tout » connaitre, cela provient de ce quiil n'est pas possible de tirer quoi que ce soit du terme « tout » ; car chaque nou- lle connaissance engendre au moins un nouveau pro- blame : rétude de ce qui vient d’étre découvert. C'est ainsi que le nombre des problémes a résoudre est infini et que la désignation « tout » n'a aucun sens. Une « chose ultime », un ensemble d’éléments fon- damentaux a partir duquel la connaissance se construi- rait de manire logique est tout aussi inexistant qu'un « tout ». Le savoir ne repose sur aucun substrat ; les idées et les vérités n’existent que grace & des mouve- ments et des interactions constants. w. Dans le sens d’événements vécus susceptibles d'apporter un ‘enseignement. CHAPITRE 3 SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE Part de individu et du collectit dans la découverte. ‘Comment, de fausses hypothéses et de premiares expé- riences impossibles & reproduire, résulte une vraie connaissance. Que voit rétrospectivement auteur ? Jai longtemps réfléchi & la maniére dont je devais présenter la réaction de Wasserman a un non-spécia- liste. Aucune description ne peut remplacer l'idée que ton acquiert aprés de longues années de mise en pra- tique de la réaction. C’est un domaine extrémement riche et complexe qui est en relation avec de nombreux domaines de la chimie, de la chimie physique, de la pathologie et de la physiologie. On opére avec cing facteurs, peu connus en eux- 8 3s actions quils exercent les uns sur les autres 62 par un systeme de contrdles. Le réactif le plus important, ce que lon appelle « l'antigéne » ou mieux dit « extrait », est retenu 96 GENESE ET DEVELOPPEMENT O’UN FAIT SCIENTIFIQUE pour étre utilisé sur la base d’expériences préliminaires nombreuses et variées et de comparaisons avec d'autres préparations d'extraits testées auparavant. On n’obtient un résultat suffisamment sr qu'aprés une mise en ceuvre réguliére et organisée de la réaction, chaque fois sur de nombreux échantillons de sang, plusieurs échantilions étant pris dans chaque série de maniére & pouvoir les comparer avec ceux de la série suivante. i effectuer un contrdle cli- nique du résultat :c’est-a-dire que l'on doit comparer les résultats obtenus en laboratoire avec les observations cliniques, et que l'on doit ajuster en conséquence les maniéres de travailler. Et pourtant — malgré toutes les précautions prises et toutes les mécanise IS féalisées — on doit encore et toujours faire face & imprévu et a la nouveauté : de temps & autre il se produit des relations et des perspec- tives trs prometteuses qui, cependant, disparaissent rapidement a la maniére de mirages. La réaction a un schéma fixe, cependant il existe autant de modifications de ce schéma quill y a de laboratoires mettant en ceuvre repose sur des calouls quantitatifs précis ; mais le regard expérimenté, « le touché sérolo- gique », est toujours beaucoup plus important que le calcul. On peut obtenir une réaction de Wasserman sitive avec un échantillon de sang normal et une réac- tion négative avec un échantillon de sang syphilitique, et ce sans avoir effectué d'erreurs techniques importantes. ‘Ges phénomenes ont été montrés de maniére éclatante au congrés de Wasserman organisé par la Société des nations, au cours duquel les meilleurs sérologues de dif- férents pays ont analysé en méme temps, mais indé- pendamment les uns des autres, un méme échantillon de sang, Il s'avéra que les résultats ne concordaient SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 97, entiérement ni les uns avec les autres ni avec le tableau nique de la maladie. Et pourtant cette réaction est un des outils les plus importants de la médecine, utilisé quotidiennement dans des milliers de lieux différents et traité théoriquement dans de nombreux articles scientifiques. Limportance de cette réaction est visible dans le fait que sa mise en couvre fait objet de réglements officiels et que, dans de nombreux pays, seuls quelques laboratoires sont auto- risés a la pratiquer. Ce domaine - un monde en soi — ne peut étre décrit entigrement par les mots, pas plus que ne peut Iétre nim- porte quel autre domaine scientifique. Les mots ne pos- sédent en eux-mémes aucune signification fixe. Ce n'est que dans un systéme, dans un domaine de pensée par- ticulier, que les mots acquiérent leur sens le plus carac- téristique. La gamme de nuances de la signification des mots ne peut étre percue qu'aprés une « introduction », que catte demiére soit historique ou didactique. ‘Aucune des deux approches n'est purement ration- nelle ou entiérement logique. histoire ne peut, pas plus qu'un événement scientifique, étre construite logique- ment, ne serait-ce que parce qu'elle implique des concepts en voie de formation, peu clairs et indéfinis- . Plus un domaine de pensée est décrit de le et différenciée, plus les concepts qui relevent de ce domaine deviennent complexes, interdé- pendants et se définissent les uns par les autres. Ils deviennent un entrelacs impossible & déméler logi- quement, une configuration organique, résultant de développements conjoints, et dont les différentes com- posantes interagissent les unes avec les autres. Lorsque se termine le processus de développement, il est impos- sible de comprendre comment il a commencé. On ne 98 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE peut pas méme en faire un compte-rendu exact en utili- sant des mots — ou alors il sera compris et décrit une maniére différente de celle avec laquelle il avait été tat d'un développement comme la conclusion logique de prémisses passées. La logique formelle est-elle en mesure d’expliquer I’évolution du concept d’élément chi- mique, du vieux concept qualitatif d’élément au concept moderne de (pour lessenti significations des concepts de propriété, de pois, d'élé- ment, de concentration ont, certes dans une harmo- nieuse interaction, changé totalement au cours du temps. Aucun chimiste du Moyen Age ne pourrait com- prendre une équation chimique actuelle de la maniére dont nous la comprenons, et réciproquement. introduction didactique, ou qui fait autorité, n'est pas. non plus totalement rationnelle : car ’état du savoir du moment reste, sans la connaissance de histoire, aussi peu clair que peut I’étre histoire sans la connaissance du contenu de l'état du savoir du moment. Toute intro- duction d'un domaine du savoir passe par une période pendant laquelle l’enseignement purement dogmatique Un intellect est préparé pour un domaine est recu dans un monde fermé sur lui-méme, est soumis a une sorte di tiquée de la méme maniére depuis comme c’est le cas, par exemple, pour idées fondamentales de la physique, alors il est évident ‘sonne n’ayant pas été ir ‘On pourrait répliquer que, dans le cas ol! une telle it tiation existerait, les débutants seralent les seuls & la ‘supporter sans « en faire la critique » ; le vrai spécialiste SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 997 doit se libérer de la sujétion a l’'autorité, doit encore et toujours légitimer ses principes fondamentaux jusqu’a ce quill obtienne un systéme totalement rationnel. Le spécialiste est cependant déja un étre humain conformé de maniére spécifique qui n’échappe plus a ses liens traditionnels et collects ; dans le cas contraire ce ne serait pas un spécialiste. Les moments qui ne peuvent étre légitimés logiquement ne sont pas nécessaires qu'aux seules introductions, ils le sont aussi aux déve- loppements uitérieurs d'une connaissance, ainsi qu’ la légitimation d’un domaine du savoir constituant en lui- méme une science. Nous voulons maintenant exar Wasserman, dans encore largement utilisé comme manuel, mais a déja été dépassé par la pointe de la recherche. Dr. Julius Citron: Die Methoden der Immunodia- gnostik und Immunotherapie, Leipzig, 1910*. « Premiére lecon : Introduction. Les concepts d'im- munité et d’anticorps. La loi de la spéciticté. Limportance Nous disposons de plusieurs moyens pour recon- naitre les maladies infectiouses. En plus de observation clinique qui, grace au suivi précis des courbes de tem- pérature, des transformations des organes, des érup- tions, des procédés biochimiques, nous permet d'établir 1a. Les méthodes du diagnostic et de la thérapie immunologiques. GENESE Ef DEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE un diagnostic, la recherche étiologique nous a appris & utiliser, dans létablissement d'un diagnostic, la preuve directe de l'agent spécifique, et 'immunologie productions spécifiques de réactions par lorgani Nous savons aujourd'hui que le développement d'une maladie infectieuse ne dépend pas seulement du type, ‘du nombre et de la virulence des germes de la maladi mais qu'elle est aussi fonction du comportement ganisme, La maladie doit étre appréhendée a partir de interaction de ces deux groupes de facteurs, sans quill ‘nous soit possible d’établir dans le détail ce qui doit étre attribué & action de agent pathogéne et de ses pro- ductions d'un part et a la réactivité de lorganisme d’autre part. Bien que la réaction de Porganisme varie beaucoup dans le détail, on remarque que, au-dela de toutes les ditférences individuelles, des bactéries bien caractérisées et leurs productions sont confrontées & des formes basiques, toutes aussi spécifiques, de mesures destinées & défendre lorganisme. Les moyens que le corps utilise & cette fin sont de types cellulaires et hormonaux. Il est possible de classer les maladies infec- tieuses dans un ordre qui montre les réactions de type cellulaire dominant 'image a un bout de l’échelle, alors autre bout les transformations hormonales occu- Pent le devant de la sone ; toutes les gradations inter- médiaires étant représentées entre ces deux extrémes. Nous voyons ainsi, dans la représentation extrémement diversifiée de la tuberculose, les granulations tubercu- leuses revenir encore et toujours en tant que produc- tions caractéristiques de r de méme des infections Iépreuses ues qui sont des transformations de type cellulaire caractéris- tiques de ces maladies. Les réactions biologiques fines qui ont lieu dans les humeurs au cours des maladies SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 10) infectieuses sont plus difficiles @ reconnaitre car elles ‘employer des méthodes spéciales pour nce et différencier les modifications des humeurs qui ont lieu avant tout dans le sérum sanguin. Cependant, comme nous le savons maintenant, les seulement au domaine des maladies purement infec- tieuses, mais elles sont aussi, bien plus largement, des expressions d'événements physiologiques normaux et pathologiques. Pour ce qui concere les réactions humorales, la théorie géniale d’Ehrlich des chaines laté- rales nous a amenés & comprendre que les manifes- tions physiologiques de l'assimilation qui servent a la nutrition et la consommation d’énergie correspondent aux procédés qui, dans des conditions pathologiques, conduisent ala formation de productions issues de réac- tions anti-infectieuses. De maniére analogue, Metchnikott a montré, d'une fagor quable, que le méme groupe de ct mésenchyme et qui est mobilisé par Tennemi bactérien remplit, dans l'ensemble du regne animal, de nombreuses fonctions physiologiques et phy- siopathologiques : ces cellules contribuent & la méta- morphose des structures du corps chez les animaux inférieurs grace @ leur capacité a faire disparaitre des organes entiers. Chez la femme, elles prennent aussi part a involution de lutérus aprés la naissance. Chez détruites des centres nerveux atrophiés & cause de la sénilité et, finalement, 4 la maniare de chromophages, blanchissent les cheveux pour signaler lavance de age. La frontiére entre le physiologique et le patholo- gique est d'un point de vue biologique difficile a déter- 102 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE ‘miner. I n'y a qu'une seule chaine de manifestations dans laquelle existent de nombreuses transitions, Messieurs : Pour que nous puissions comprendre ce fendions sur certains concepts qui sont déja familiers a la plupart c'entre vous. Pour commencer, le mot « immunité » doit étre expli- qué. Vous connaissez tous le phénoméne caractéristique Par lequel, aprés la guérison de la plupart des mal infectieuses, 'organisme subit un changement que 'on ne peut mettre en évidence ni a un niveau macrosco- pique, ni a un niveau microscopique, ni chimiquement et quile protege contre la maladie infectieuse concemée ou qui, du moins, le rend beaucoup moins sensible a cette derniére. Comme on doit, ainsi que vous le découvrirez Par la suite, distinguer différentes sortes dimmunités, i est recommandeé d’introduire certains attributs afin de faciliter la compréhension. C’est ainsi que nous dés- gnerons par « immunité active » la forme par laquelle le corps siimmunise par ses propres moyens au cours du combat contre vez que Jenner et Pasteur ont aussi fabriqué artificiellement cette forme diimmunité obtenue spontanément dans la guérison dans le but dune inoculation protectrice. Notre connais- sance de la nature de 'immunité active est trés incom- plete. Nous pouvons juste montrer que, dans un organisme immunisé activement, ont lieu, contre les germes de la maladie et ses poisons, certaines produc- tions issues de réactions d'un genre particulier. Nous désignons ces productions qui circulent principalement dans le sérum sanguin comme étant des anticorps. Limportance des anticorps, qui ont des efficacités et des noms différents, varie beaucoup. Alors que certains, comme les anticorps agglutinés et précipités, raggluti- SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 108, nine et la préciptine, ne semblent pas posséder vérita- blement d'action immunisante, d'autres sans aucun doute pour fonction de protéger organisme, que ce soit en neutralisant directement les matiéres toxi- niques bactériennes, les toxines (antitoxines), en tuant les bactéries (bactériolysines, baciériocides), ou en transformant les bactéries de fagon a ce qu’elles puis- nt anéanties par les cellules (bactério- tropines, opsonines). Correspondant & ces trois types dominants, on peut parler d'immunité antitoxique, bacté- ricide et cellulaire, avec bien sir de nombreuses variantes intermédiaires. Il est tout & ible quien dehors de ces types connus d'immunité il en existe d'autres encore inconnus. On peut considérer comme certain que limmunité cellulaire peut revendiquer une importance beaucoup plus grande que celle que 'on se donne la peine de décrire sur la base des faits connus. Selon toutes les apparences, lulaire efficace sans l'intermédi stances sérologiques que ce soit et que l'on désigne mmunité « histogéne » et Fimmunité tissulaire. cctant du sérum sanguin contenant des anti- corps, et obtenu a partir d'animaux immunisés, dans des animaux qui ne sont pas immunisés, il est tras souvent Possible de produire Iimmunité contre les agents infec- tieux concernés. Dans ce cas, Porganisme qui a été pro- tégé de cette fagon n’a pas produit ses substances protectrices par lui-méme grace a activité propre de ses cellules, mais les a regues déjé prétes. C’est pour- quoi nous appelons cette forme dimmunité fimmunité passive, de maniére a la différencier de la forme active dont nous avons parlé auparavant. Toutes les sortes d'immunités que nous avons évo- quées jusqu’é présent ont en commun davoir été ‘GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE acquises grace a des processus particuliers, que ce soit au moyen de la guérison naturelle ou artificielle de la maladie, ou de la transmission d’anticorps. A ces immu- nités « acquises », nous devons opposer limmunité naturelle. Nous entendons par immunité naturelle le fait que tous les types d’animaux ne sont pas sensibles & toutes les maladies infectiouses. C’est ainsi que 'étre humain posséde une immunité naturelle contre un ‘ensemble de maladies animales des plus dangereuses, comme le choléra des poulets et le rouget du pore. Limmunité naturelle est presque toujours de type cellu- laire. Larme protectrice naturelle la plus importante est la capacité d'ingestion des leucocytes, la phagocytose. je voudrais attirer brisvement attention sur le fait que fon parle dimmunité « locale » et « géné- rale », pour rendre compte de a différence entre la dimmunité « relative » et « absolue », pour désigner des différences quantitatives, et on différencie rimmunité « permanente » de limmunité « temporaire ». Messieurs : Le second concept dont nous devons absolument nous entretenir est celui danticorps. J'ai déja indiqué briévement que nous entendions par ce terme toutes les productions spécifiques de réactions de forga- nisme contre les germes de la maladie et leurs produc- tions. Pour compléter cette définition, je dois ajouter que les anticorps se forment aussi lorsqu’on incorpore dans un organisme de maniére parentale, c'est-a-dire autre que stomacale, n’importe quelle albumine étrangare de type non bactérienne, par exemple du sang dun animal d'une autre espace, du bianc d'ceut, etc. Afin de mieux connaitre la nature des anticorps, on a essayé de les préparer de maniére purement chimique. SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 105, ‘Cependant, jusqu’a présent, toutes ces tentatives ont échoué. La nature chimique des anticorps est inconnue. Nous ne savons méme pas si ce que nous appelons anticorps forme des structures chimiques indépen- dantes. Nous connaissons seulement les effets du sérum. Les anticorps représentent la matérialisation, réalisée mentalement, des effets du sérum. Pour d raisons didactiques, nous parlerons par la suite de férents anticorps, d'antitoxines, d’agglutinine, etc. pour désigner les capacités antitoxiques, agglutinantes d'un sérum. Bien que lefficacité des différents anticorps varie beaucoup, ils partagent tous une méme propri ‘spécificité. Nous comprenons par la le fait que 'anti- corps du typhus ne peut produire les différentes réac- tions immunitaires qu’avec les bacilles du typhus, Vanticorps du choléra qu’avec les vibrions du choléra, etc. Cette propriété de la spécificité est si essentielle que nous ne pouvons pas désigner comme anticorps les substances qui possédent toutes les propriétés des anticorps a l'exception de celle de la spécificité. A vrai la loi de la spécificité des anticorps n'est pas valable dans la forme grossiére que j'ai utilisée pour ‘vous expliquer initialement le concept. Nous aurons plus tard encore occasion de discuter en détail de la nature de la spécificité, et nous apprendrons aussi a connaitre les limites de cette demniére. Pour instant, je vous prie cependant de graver dans vos mémoires la phrase Sui- vante : chaque anticorps véritable est spécifique et toutes les substances qui ne sont pas spécifiques ne sont pas des anticorps. La loi de la spécificité est la condition préalable du diagnostic sérologique. En effet, c'est seulement parce que nous savons que, par ‘exemple, un sérum de malade ne peut donner de réac- tion immunitaire qu’avec de vraies bacilles du typhus 108 GENESE ET OEVELOPPEMENT D"UN FAIT SCIENTIFIQUE que nous pouvons faire le bon diagnostic, lorsque le malade concerné est vraiment atteint du typhus. Lorsque la spécificité d'une réaction est douteuse, son ation pour effectuer un diagnostic est fragilisée. C’est pourquoi nous devons encore et toujours nous ferroger pour savoir si, et dans quelle mesure, une réaction particuliére est spécifique. Nous devons aussi, par tous les moyens possibles, en particulier grace a la mise en ceuvre d'expériences de contréle, nous assurer du caractere véritable de la spécificité. Permettez-moi , dans la premiére legon, cattirer votre portance d’expériences de contréle sut- fisantes. Au premier abord, il vous semblera peut-étre quelque peu exagéré que les contréles apparemment trés simples demandes pour une expérience requiérent tras souvent beaucoup plus d'efforts que la réalisation de l'expérience elie-méme. Et vous serez peut-étre ten- tés de laisser les contrdles de cété si, dans la pratique, en utilisant les diagnostics sérologiques, vous obtenez, méme sur de grandes séries d’expériences, de bons résultats sans les contréles requis. Cependant, mes- sieurs, je ne pourrai jamais insister assez sur le fait de ne jamais travailler sans effectuer les contrles néces- saires. Vous pourtez ainsi vous protéger de graves erreurs et de faux diagnostics dans lesquels mame 'ex- périmentateur le plus exercé peut tomber s'il n’effectue pas suffisamment de contrdles. Ceci est c'autant plus valable lorsque vous vous engagez indépendamment dans des expériences scientifiques ou que vous voulez ‘mettre un jugement sur de telles expériences. Un travail dans lequel ne se trouvent pas les contréles éliminant toutes les erreurs possibles, mame les plus invraisemblabies, ne permet aucune conclusion scientifique. SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE 107, Je me suis moi-méme donné pour ragle, et je vous la recommande, de regarder avant toute chose les contréles effectués lorsque je lis une nouvelle commu- nication scientifique dans le domaine de la sérologie. es contréles sont insuffisants, le travail, que! que soit son contenu, a alors peu de valeur, dans la mesure ot toutes les données peuvent ne pas étre justes, et doi- vent méme étre considérées comme ne I’étant pas. » Que suggére cette excellente introduction ? Quels éléments y trouvons-nous qui ne soient pa: ne serait pas difficile de les identifier dans la mesure ou nous possédons les rudiments d'autres points de vue ui, & ce jour, n’ont certes pas trouvé leur place dans les manuels. Naturellement les nouvelles maniéres de voir ne peuvent pas non plus étre entiérement | mais comme la force de contrainte des ar de vue a diminué, nous avons obtenu la pos: comparaison. 1. Le concept de maladie infectieuse. Ce concept repose sur les représentations de rorga- nisme comme unité fermée sur elle-méme et d'un agent pathogéne hostile qui envahit ce demier. Lagent produit un effet mauvais (attaque), lorganisme répond a ce der- nier au moyen d'une réaction (défense). Un combat est ainsi engendré, combat qui constitue la nature de la gnée de telles images primitives de combats. Cette conception trouve son origine dans le mythe ancien des demons causes de maladies attaquant les étres humains. Le démon s'est transformé en agent défaite de la « cause » de la maladie. C’est de quoi ren- seignement est encore constitué aujourd'hui. 108 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAT SCIENTIFIQUE I n’existe pourtant aucune preuve expérimentale qui pourrait contraindre un observateur exempt de pré- Jugés @ adopter un tel point de vue. Malheureusement, examiner ici explicitement tous les phénoménes de la bactériologie et de ’épidémiologie, afin de montrer que le démon cause de maladies a hanté la naissance du concept contemporain d'infection et s'est imposé ‘aux chercheurs indépendamment de toutes consi rations rationnelles, nous conduirait trop loin, Faire état de ce qui va a l'encontre de ce point de vye doit suf- fire, Lorganisme ne doit alors plus étre congu comme ne unité indépendante fermée sur elle-méme, comme la théorie matérialiste se le représente encore’. Ce concept devenait beaucoup trop abstrait, beaucoup trop fictit : son contenu dépendait de lobjectif de expé- est passé dans concept d’« unité harmonieuse du vivant », « par laquelle il est signifié que les parties se complétent la biologie modeme veut se faire une image objective du alors ele doit se libérer de toutes les représentations qui reposent sur des points de vue subject. Il arive quill ne soit pas vraiment facile do se détacher totalement de tels jugements. Ainsi la Conscience quia Fre humain de lu-méme de former un tout fermé sur tune unité, éveille spontanément en nous Tidée selon ‘ensemble du monde vivant est divisé en un certain nombre dunités correspondantes que nous appelons organisme ». (H.Gradmann, Naturwissenschaften, 1980, p. 641 : Die Harmonische Lebenseinheit vom Standpunkte exalter Naturwissenschaft) SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE 109 organismes morphologiques (formant des unités indé- pendantes) ne possédent pas cette capacité. Un lichen, dont les constituants ont des origines trés différentes, algues, champignons, forme par exemple une telle harmonieuse du vivant. Ges constituants dépendent tres fortement les uns des autres et, la plupart du temps, ne peuvent pas vivre seuls par eux-mémes. Toutes les symbioses, par exemple, entre les bactéries fixant l'azote et les haricots, entre des champignons localisés sur les racines et certains arbres des foréts, entre les animaux et les photobactéries, entre de nom- breux coléoptéres xylophages et des champignons, for- ment des « unités harmonieyses du vivant ». de méme pour les communautés animales telles que celles que forment les fourmis ou les unités écoloy ‘comme les foréts. Se constitue aussi toute une échelle de complexes qui, selon lobjectif de la recherche, ont recherches c'est la cellule qui constitue I'individu, pour d'autres c'est un ensemble de cellules, pour d'autres gique. « C'est pourquoi c’est un préjugé que de mettre en avant 'organisme » (dans le vieux sens du terme) « comme une unité du vivant d'un type particulier, un é ala biologie moderne? ». A tre humain apparait la lumiere de ces concepts, ‘comme un complexe qui a absolument besoin de déve- loppements harmonieux d'un grand nombre de bacté- ries par exemple : des bactéries intestinales pour le métabolisme, de nombreux types de bactéries vivant dans les muqueuses pour le fonctionnement normal 2.Gradmann, op. cit, p. 666, CGENESE ET DEVELOPPEMENT D’UN FAIT SCIENTIFQUE des muqueuses. De nombreuses espéces montrent encore une plus grande dépendance pour assurer leurs fonctions vitales, dans la mesure oli leur métabolisme et leur reproduction, en fait lntégralité de leur cycle de vie, sont dépendants d'interventions harmonieuses d'autres espéces : par exemple les plantes dont la pol- fi ou le plasmodium dont le cycle de vie dépend d'une transmission entre le moustique et 'homme. nuelles qui ont lieu & un tel complexe biologique reposent sur des phéno- ménes qui peuvent étre classés en différentes catégo- fies : ils peuvent soit (1) relever d'une sorte de processus spontané, dit constitutionnel, a intérieur des génotypes : mutations, transformations spontanées des genes. Ces processus peuvent dans une certaine mesure étre comparés aux phénomanes radioactits spontanés a lintérieur de 'atome. De nombreuses maladies se rattachent cette catégorie : Victre hémo- Iytique (Nageli ; i! est méme possible que l'on doive ran- ger ici le déclenchement de nombreuses épidémies. Ou alors (2) il existe des transformations cycliques qui sont conditionnées en partie par le génotype, en partie par les interactions ayant lieu a Vintérieur de l'unité com- plexe du vivant : le cycle de vie de lorganisme (vieilis- sement), le changement de génération, quelques-uns des phénoménes de dissociation des bactéries. La sérogenése et I'immunogenése appartiennent de la méme facon a cette catégorie, tout comme la virulence comprise comme phase de vie des bactéries. On doit aussi ranger ici de nombreuses maladies infectieuses la furonculose pendant la puberté par exemple. Ou bien encore, dernier cas (3), il existe des changements purs SUR LA REACTION DE WASSERMANN €T SA DECOUVERTE 111 de constellation entre les parties en interaction consti- tuant vons ici citer étoutfement d'un élément de gique par un autre, ou le chamboulement d de l'unité consécutif @ des phénoménes relevant de la premiére ou de la deuxiéme catégorie, ou & des condi- tions physico-chimiques extérieures. La plupart des maladies infectieuses appartiennent & cette derniare catégorie. |! est trés douteux qu’une invasion, dans le vieux sens du terme, c'est-a-dire l'intervention d’orga- nismes totalement étrangers dans des conditions natu- les, soit alors possible, : Porganisme totalement étranger ne trouve aucun récepteur capable de réac- tion, il n’engendre aucun processus biologique. C’est Pourquoi on doit plutét parler d’une révolution compli- é nité complexe du vivant, et non pas d'une invasion de cette derniare’. Cette conception, qui appartient plus au futur qu'au passé et que l'on ne trouve quiimplicitement dans la bio- logie actuelle, ne va pas de soi. Elle n’a pas non plus encore été travail et n'est absolument pas totalement claire. Les concepts de « maladie » et de « santé » devien- nent alors inutiisables pour une application exacte ; c€ que Ton appelait maladie infectieuse ou épidémie appar- tient en partie au premier groupe de phénoméne, en par- tie au second et au troisiame. lI en est de méme pour certains phénoménes biologiques comme le fait de porter des germes, les infections inapparentes, le développe- 3. Comparez avec le travail de L. Hirszfeld dans Ki. Wochenschri, 112 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE ment diallergie et la sérogenese qui, bien quils soient trés importants pour le mécanisme de la maladie, n’ont direc- tement rien en commun avec le fat d’étre malade ; de telle sorte que le vieux concept de maladie devient quement incommensurable avec le nouveau et quill n’est pas remplacé par un substitut parfaitement adéquat. 2.11 s'ensuit que le concept d'immunité dans son sens classique doit étre abandonné. Une propriété fondamentale de tout phénomane bio- logique est une réaction modifiée a un stimulus répété. Quelquefois cela consiste en une immunité particuliére = qu'elle releve de 'accoutumance au poison ou qu'elle soit une véritable immunité contre une maladie. Nous connaissons aussi une immunité mécanique, par exemple contre 'échaudage (épaississement de la Peau) ou contre les fractures osseuses (formation d'un cal). Diautres fois, voire méme dans les cas que l'on vient de mentionner, il y a hypersensibilité. En employant des méthodes suffisamment affinées, on parvient en fait toujours a constater la présence conjointe des deux phénoménes : 8 certains égards il y a une plus grande capacité de résistance, a d'autres une sensibilité ren- foreée. Le concept le plus général dallergie (modifica é ‘absence de réaction ot rszfeld), prend alors la place du concept spontané d'immunité. Au lieu d'anti- corps, on parle de réagines afin de faire ressortir le fait que effet n'est pas dirigé, car la réagine agit aussi bien de fagon a ce que la substance excitatrice soit dégradée et rendue inoffensive que de fagon a ce que ladite sub- stance entre en activité et éventuellement se renforce ou agisse plus rapidement. De nombreux concepts de la théorie de limmunité proviennent de ’époque de illusion chimique pendant SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE 113. quer la totalité ou presque de la biologie grace a l'action de substances définies chimiquement. On traitait les toxines, les ambocepteurs, les compléments comme des individus chimiques, leurs opposants comme des antitoxines, des anticompléments, etc. - Ce schéma pri- mitif (substances stimulantes et inhibitrices) disparait maintenant de plus en plus en accord avec les théories Physico-chimiques et colloidales de ’époque actuelle et appartenant a d'autres domaines. On parle maintenant d’étals (ou de structures) plut6t que de substances pour rendre compte du fait qu'il est possible qu'un état tout & la fois chimique, physique et morphologique, et non pas des substances définies chimiquement ou leur mélange, soit responsable de la modification de la maniére de réagir. 3.Le savoir vivre? du sérologue selon Citron implique beaucoup d'autres habitudes de pensée qui ne peuvent aujourd'hui étre légitimées objectivement. La division entre facteurs humoraux et cellulaires ("habitude [Ritus] francaise attribue au second la plus grande importance, t de la spécifcité dans le sens dans lequel il 36. Un concept typiquement mystique ! 4. La legon de Citron contient aussi une initiation méthodologique. Le débutant doit apprendre le plus vite possible I portance des « contrdles ». Nous avons évoqué plus haut ces expériences comparatives spécifiquement bio- . En francais dans le texte, avec le sens de comportement, de savoir-tre, 14 GENESE ET DEVELOPPEMENT O°UN FAIT SCIENTIFIQUE logiques qui sont réalisées parallélement & expérience ipale. La biologie, a sérologie en particulier, ne disposent d'aucun systéme de mesure universel. Les résultats des expériences quantitatives sont lus mini- métriquement grace une dilution jusqu’a la limite de réactivité et & une comparaison avec des réactifs stan- insi qu’avec leur combinaison. On compare aussi l'action d'une combinaison de réactifs avec des combinaisons incomplétes dans lesquelles a été omis un réactit. Toutes ces comparaisons vérifient le résultat et s'appellent « contréles ». Ce n'est certainement pas leure méthode du point de vue de la théorie de la connaissance ; cependant, jusqu’a présent, nous n’en avons trouvée aucune autre. 5. Cette legon nous livre aussi des enseignements générauxen plus de ceux, pratiques, que je viens d’évo- auer : les connaissances s’élaborent non pas approxi- mativement grace Iintuition, grace a une empathic envers les phénomeénes percus comme des totalités, mais grace a observation (qu'elle soit clinique ou réal sée en laboratoire) des différents composants des phé- nomenes. Ce que l'on appelle le diagnostic, c'est-a-dire lenchassement dans un systéme d'unités nosologiques distinotes, est le but a atteindre. De telles unités existent et elles sont accessibles grace & la méthode analytique, etc. De telles théories forment le style de pensée du col- lectif des sérologues ; elles déterminent orientation des travaux de recherche et associent cette derniare avec une tradition spéci st tout a fait naturel que ces théories soient sujettes a de continuelles transforma- tions. Pour éviter tout malentendu, on doit ici souligner une fois de plus que l'objectif de ces affirmations r’est Pas de mettre en compétition les points de vue passés SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET $4 DECOUVERTE avec ceux qui prévalent aujourd’hui ou les visions pré- sentées dans les manuels avec celles développées par la pointe de la recherche. II n'est pas bon de qualifier de « vérité ou d'erreur » de tels points de vue qui sont conformes & un style, approuvés et utilisés avec profit par tout un collectif de pensée. Certains sont des moteurs, ils donnent satisfaction, D’autres sont devenus dépassés non pas parce quills étaient faux, mais parce que la pensée s'est développée. Il en est de méme pour os propres conceptions. Elles ne demeureront pas car il n'y a vraisemblablement aucune fin au développement du savoir comme il n'y a vraisembiablement aucune fin au développement d'autres formes biologiques. Ils'agissait uniquement de décrire comment le savoir spécialisé n’augmente pas simplement mais change aussi fondamentalement, Cependant on ne doit pas en rester & la constatation banale du caractére passager du savoir humain. Chaque élaboration de connaissance signifie avant tout : déterminer, dans un ensemble donné d'hypo- théses actives, les connexions passives contraignantes. Létude de la maniére dont les hypotheses se transfor- ment n’aboutit que dans la mesure od l'on emprunte le chemin de la recherche sur le style de pensée. Le style de pensée, suggéré dés introduction dans une science donnée et présent dans les moindres détails des sciences spécialisées, oblige a utilisation d'une méthode sociologique dans la théorie de la connais- sance. Le style de pensée n'est ni une queleonque colo- ration des concepts ni une quelconque maniére d'assembler ces derniers. C’est une force contraignante GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FANT SCIENTIFIQUE et non pas telle autre. Que les faits scientifiques soient dépendants du style de pensée est évident. Ainsi la description faite par Citron, qui ment vingt ans en arriare, était encore co comme étant & la pointe de la recherche, montre un assujettissement du savoir & un collectit de pensée, "existence d une force sociale contraignante exeroée sur la pensée. Les interactions qui s'exercent entre "indi vidu, le collectf et le fait seront abordées dans une dis- cussion ultérieure de fa réaction de Wasserman. Si l'on injecte (immunise) un animal, un lapin par exemple, avec des bactéries mortes ou des globules sanguins provenant d'une autre espéce, alors le sérum que Bruck attri- bue rétrospectivement a ces expériences en 1924. 128 GENESE ET DEVELOPPEMENT D‘UN FAMT SCIENTIFIQUE découverte de la réaction de Wassermann en tant que réaction utilisable. La théorie de la réaction, les citcons- tion que la réaction de Wassermann entretient avec la syphilis est un fait, alors c'est avant tout grace a sa grande utilité, grace 2 la probabilité tres importante d’ob- tenir un résultat exact dans des cas concrets, qu'elle devint un fait.On ne peut pas déterminer précisément le nommer aucun auteur q consciente. On ne peut ni précisément quand elle eut lieu, ni méme expliquer logiquement comment elle eut lieu. Les causes de ce changement furent trés souvent objet de discussions. Quant aux héros de action, ils en sont réduits a dire que la technique devait d'abord étre mise au point. On attribue quelquefois la paternité de ce ‘changement a Citron & cause du fait qu'il ait augmenté la dose de sérum. Wasserman et ses collaborateurs utili ‘saient initialement 0,1 cm® de sérum de patients. Citron recommanda l'utilisation de 0,2 cm?.Cependant on peut aujourd'hui aussi obtenir de bons résultats avec 0,04 cm? de sérum de patient. Il suffit que tous les réactifs soient mutuellement ajustés avec précision. C'est précisément cet ajustement des réactifs les uns par rapport aux autres, ainsi que 'apprentissage de la maniére dont les résultats doivent étre lus, qui est fondamental et qui a rendu la réaction de Wassermann utilsable. A cet égard les résultats furent fluctuants : une fois on obtenait des résultats beaucoup trop positifs (méme SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 129 dans des cas de matades non atteints de la syphilis !) ; position intermédiaire entre la plus petite non-spéeificité et la plus grande sensibilté a dd étre établie en taton- Qui ont lu le résultat une fois « d'une maniére un peu plus précise », une fois « d'une maniére un peu moins pré- cise ». A ceci se sont encore ajoutées les modifications dans la préparation des réactifs et d'autres manipula- gnent comme positifs que les tubes dans lesquels se Produit une inhibition totale de rhémolyse. Ce procédé est mauvais ainsi que le montrent les statistiques publiées par ces auteurs, Bruck et Stern par exemple. Un grand nombre de cas avérés de syphilis réagissent ici apparences, d'une phase riences le développement technique de la réaction de Wassermann n’était pas totalement terminé, que l'on cherchait alors & rendre la réaction de moins en moins sensible afin d’obtenir une utilisation clinique pour la 16. Citron, Die Methoden der immunodiagnastik, 1910, p. 187. 130 GENESE ET DEVELOPPEMENT D‘UN FAIT SCIENTIFIQUE syphilis. Nous devons aussi rappeler que le plus grand nombre des réactions obtenues par nous-mémes étaient faiblement positives, qu'une grande importance leur fut alors conférée, mais que plus tard de tels résul- its ne furent plus considérés comme positifs’”. » C'est spoque de la Sensibilité exacerbée, la phase de la non- spécificité, qui est décrite ici. Lexpérience collective dans tous les domaines de la réaction de Wasserman travailla de cette maniére jus- qu’a ce que la réaction devienne utilisabje — abstraction faites des questions théoriques et des idées indlviduelles. Ce travail collectif si important et si pénible n’a pu étre réalisé que comme conséquence de importance sociale particuliére de la question de la syphilis et du probleme des changements subis par le sang syphiltique. Les analyses nombreuses et variées avaient trés vite ‘montré (1907) que, pour fournir les antiganes, c’est-A- dire la substance contenant les spirochates, néces- saires a la réaction, on pouvait employer des extraits alcooliques ou aqueux issus d'organes normaux a la Meier, Marie et Levaditi, Levaditi et Jamanouchi publié- rent, presque en méme temps, sur ce sujet. Lidée de Wasserman et de ses collaborateurs selon laquelle un antigéne et un ambocepteur de la spiro- ire une réaction antigene-ambocepteur spécifique, auraient été détectés est de ce fait devenue totalement fausse. Ceci est particuliérement clair au regard des expériences récentes de Krod, qui montre quill n'y a aucune réaction positive lorsque l'on immu- 17. Weil, Bert. Klin. Woch,, 1921, p. 968. ‘SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE 131 nise des étres humains en employant des spirochates morts, et ce bien que des anticorps de la spirochéte Puissent étre détectés. La réaction de Wassermann ne met en évidence que le changement particulier quia lieu dans le sang syphilitique et, aujourd'hui, nous n’en savons guere plus. A la place des antigsnes conformes & certaines théories et schémas, on utilise & présent presque excl bovin ou humain, auxquels on ajoute éventuellement de la cholestérine, ainsi que Sachs 'a recommat Avec de tels extraits, le sérum luétique produit une floculation ui, dans certaines conditions, est facilement repérable sérum lustique avec extrait dorganes a un effet parti- culier sur le complément (adsorption 2); effet qui a pour conséquence de retirer le complément du systéme hémolytique (globules rouges de moutons plus les jues correspondants). C'est une rcacon de Wassermany po ive. Une autre théorie voit dans la réaction de Wassermann non pas une telle réaction labile dans laquelle est uti une véritable fixation de compiéments selon Bordet et, 18. Cet ajout de cholestrine, excellent, trouve son origine dans. ‘confusion sur certains concepts parmi les sérologues 'y a pas dalbumine dans les extrats alcooliques, ‘cherché pe actif dans les comps alcoo- ‘sont cependant pas bien repré- jut de cholestérine a vraisemblablement iit de état coloidale de lextralt. sentés pour effet délever la 132 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FANT SCIENTIQUE ‘Gengou, se produisant cependant avec des produits tis- sulaires décomposés présents en cas de syphilis, et non as directement avec la spirochéte pallida (la théorie des auto-anticorps de Weil). extrait d organe provenant de personnes en bonne santé correspond aux produits tissulaires décomposés des malades, ce qui dexpliquer le fait que ces produits soient utilisables. 1! existe encore d'autres théories, mais, dans tous les cas, "hypothése de Wassermann était fausse. , fut décou- laquelle était parti Wassermann était fausse, mais que le hasard voulut cependant que lon réalisat une décou- verte d'une trés grande importance pratique”. Et Laubenheimer écrivit en 1930 : « Bien que les raison- ements qui conduisirent Wassermann et ses coliabo- rateurs a la découverte de la méthode désignée de maniére rapide comme la réaction de Wassermann se soient révélés faux, la réaction a, durant les vingt années de son existence, apporté la preuve de sa valeur en tant que diagnostic sérologique de la syphilis et, aujourd'hui encore, elle ne peut étre totalement remplacée par aucune autre méthode existante?’. » Au bout du compte, 19. Bruck, Ber. Klin, Wochen., 1921, p. 581 SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 139 Plaut, avec une distance paisible, fit le commentaire sui- vant : « Considérant la situation dans laquelle se trou- vent aujourd'hui la sérologie en général et la réaction de Wassermann en particulier, certains veulent accuser ‘August von Wassermann d'étre parti de fausses hypo- theses. Cependant, méme si cela était le cas — le débat est pas encore clos -, alors ce fut une bénédiction que Wasserman fit parti de fausses hypothases ; car, sil avait voulu attendre d'étre en possession des vraies hypotheses, il n’aurait jamais trouvé sa réaction. Car aujourd'hui encore - 6 ans aprés la mort de Wassermann — nous ne connaissons toujours pas les vraies conditions de la réaction. Ici et la on trouve laffir- mation insensée selon laquelle la chance aurait joué un rdle dans la découverte de la réaction de Wassermann. II ne peut étre question de chance pour une telle réac- tion que si elle est le produit d'un hasard pur. Mais c'est exactement le contraite dont il s’agit ici. Wasserman a pas trouvé sa réaction par hasard, mais parce quil la cherchait et qu'il procédait de maniére systématique, naturellement en fonction de l'état de notre savoir & il est aussi vrai que les réflexions gentes sont souvent des pensées chanceuses et que les mains habiles sont aussi souvent des mains chan- ceuses. C'est précisément une part de ce qui est inex- plicable dans la nature de la personnalité d'un chercheur génial que de choisir directement, grace a une intuition inspirée, parmi les nombreuses possibilités avec les- quelles un probleme peut étre traité, celle qui mane au succ’s”, » 22, Plaut, Munchener Mediz. Wochen., 1981, p. 1463. 134 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE est important de noter ce que Wassermann pensa lui-méme de cela par la suite : « Vous vous rappelez que, pour la mise au point du diagnostic sérologique de ‘étais parti de idée selon laquelle, et c’était mon dessein trés clair, i fallait trouver un ambocepteur utilisable pour établir un diagnostic, c’est-a-dire une sub- ‘stance entretenant une relation de fixation avec un anti- gene, et qui, apres saturation de cette affinité, fixe, apres la loi établie par Bordet et Ehrlich, le complé- ais comme antigenes les organes d'étres humains syphiliques ou de singes ayant été infectés artificiellement avec la syphilis par A. Neisser®, » Une personne totalement indépendante ‘ne peut, méme avec fa meilleure volonté, confirmer les dires de Wassermann car, dans ses premiers travaux, ce dernier ne cherchait pas « un ambocepteur utilisable our établir un diagnostic » mais, en premier lieu, « des substances sypi stances dissoutes de micro-organismes », c'est-a-cire fantigéne ~ et en second lieu seulement « des sub- stances spécifiques se rapportant aux anticorps de agent pathogene de la syphilis », c'est-a-dire l'ambo- cepteur spécifique. Cependant il a ensuite été prouvé 1. que la détection de la substance syphilitique (Vanti- gene) n’était absolument pas adaptée & mis en évidence par la réaction, s'il s'agit vraiment d'un ambocepteur, n'est en aucune facon 'ambocepteur spé- Gifique d'un anti-agent pathogéne. Le produit final de la recherche fut done trés différent de ce qui était son 23, Wasserman, Berl. Kin. Wochen., 1921, p. 198. SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETS OECOUVERTE 135 objectit premier. 15 ans aprés, une identification des résultats et des objectifs s'est accomplie dans la pensée de Wasserman. La ligne de développement en forme de zig-zag, aux étapes de laquelle il a sans doute aucun viveent contribué, s’est transformée en un chemin rec- tiligne, tracé d’avance**, Comment pouvai autrement ? Wasserman a entre-temps accumulé de Pexpérience et, en paral de ses propres erreurs. !I ne lui aurait méme plus été Possible « de détecter 'antigene spécifique dans 64 des 69 extraits de tissus syphilitiques » et d'obtenir 14 expé- riences de contréle toutes négatives sans aucune exception. Ge qui suit est done fermement établi et peut servir de paradigme pour de nombreuses découvertes : a par- tir d’hypothéses fausses et de premiéres expériences impossibles 4 reproduire, aprés de nombreuses erreurs et de multiples détours, a émergé une découverte importante. Les héros de l'action ne peuvent nous dire ce qui s'est passé : ils rationalisent, idéalisent le che- min. Certains des témoins visuels parlent d’un hasard chanceux, et ceux qui sont bien intentionnés d'intuition absolument pas mon d'un chercheur ~ ou de ne dis- cuter que le mérte. Sie fas part des différents points de vue sur in tante ainsi que sur les contributions faites & cette demiére, seulement avec fobjectif de de fa connaissance ; il s‘agit de montrer que tous ont erreurs. Pour ce qui concerne la déférence montrée a un maitre, ce ‘est pas le succés qui prouve la grandeur, mais le type dfefforts éployés. Je ne crois pas qu'un chercheur révéré devienne plus grand si on le décrit comme un monument d'airain plutot que comme un étre humain, fique, méme d'une importance beaucoup désinvolture. La théorie de la connaissance ne serait-elle donc pas une science ? n adopte le point de vue d'une théorie de la connaissance privlégiant lindividu, alors notre probleme reste sans solution. Si on veut étre en mesure d’analy- ser une découverte en tant que rs on doit se placer d'un point de vue social: que lon doit considérer la découverte comme un événement social. imprégnée de connotations éthiques, de la syp! comme épidémie due au plaisir sexuel® et, deuxiéme- 25. Quill me soit permis d'ttirer encore une fois attention sur le caractére unique de la dimension éthique de cette maladie. Nous lisons, par exemple, dans le peti livre de Reich (1894) cité aupara- vant, a description suivante d'une famille présentée comme syphili- tique : « Toute la famille Catiolupino était incontrélable,faisant montre drexods, de violence, de manque d'éducation, d'arragance, de pré- somption, de defiance jusqu’aux limites extrémes de ce qui est pos sible, 'humeur querelieuse, de contradiction, d'esprit chicaneur, de virtuosité dans le commérage, de dénigrement et de supériorté, de méconnaissance de la nature humaine, d'une dune absence complete de tact, de consid une senvilté admirative envers le Mammon », etc. « Tous ces maux ‘moraux ne peuvent que reposer sur des maux physiques de la ‘meme importance. » « On doit accepter avec une grande certitude que la syphilis acquise s'est transformé en syphilis héréditaire et n'a as été tratée comme il se devait.» Il n’existe aucune autre maladie Qui ait 6t6 considérée & un te! point comme la cause d'une déca- dence morale. La lepre était aussi emprointe d'une forte connotation ‘émotionnelle, mais elle faisait référence au jeu du destin ot non a la SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 127 , la puissance de dé & la recherche par juste valeur. La tuberculose qui, pen- dant des siécles, a causé bien plus de dommages n'a malheureusement pas suscité une telle attention, parce quelle n'est pas une « maladie maudite et déshono- rante » et parce tuberculose ne regut de la société aucune impulsion qui fut aussi puissante. Aucune tension sociale ne vint cher- cher dans la recherche de quoi étre apaisée. C’est pour- quoi nous n’avons dans la recherche sur la tuberculose a renregistrer aucun succés qui pourrait, ne serait-ce que de loi uel et le moral. Geigel parle expres- ‘sément d'un « penchant malicieux » la syphilis a cause de son lien avec Ie coit p.4). « A cause de son mode de régénératio sombre a Tacte secret par lequel la race humaine se perpétue, eh ppése, depuis son apparition a fa fin du xv* siécle — apparition qui ‘choqua profondément public et médecins -, tel un elfe malin el fait porter a une seule erreur le poids c'un péché (0S et plus monstrueux, empoisonne le sang den- ). toujor fants & naitre encore innocents », etc. (Geigel, 138 GENESE ET OEVELOPPEMENT D'UN FAIT SCIENTIFIQUE sur le pemphigus serait impossible. Aucun directeur ministériel ne provoquerait 'enthousiasme des meilleurs chercheurs de sa nation pour cette maladie car elle est socialement sans importance. On ne trouve aucun ser- vice médical spécialisé, aucun directeur expérimenté, aucun assistant enthousiaste, aucun fonds public pour cette derniére ; aucune discussion collective, aucune ‘compétition, aucune reconnaissance publique ne vien- Graient stimuler la recherche. Aucun chercheur ne res- irait extraordinaire tension nécessaire a une telle recherche, et le sentiment, tout aussi nécessaire, du A cette ambiance générale s’ajouta encore celle, spéciale, qui prenait sa source dans lidée ancienne du changement du sang syphilitique. Si la demande bruyante de l'opinion publique pour un test sanguin navait pas existé, alors les recherches de Wassermann nauraient jamais profité de la réponse sociale qui était absolument nécessaire au développe- ment de la réaction, a son « perfectionnement tech- nique », & la constitution d'une expérience collective. Wassermann a d'abord travaillé sur la sérologie de la tuberculose ; oi! étaient alors les nombreux teurs », les amici hostes' bienvenus, la mu combinaisons tatillonnes des concurrents ? C’est pour- quoi ces travaux n’ont pas donné de grands résultats, Et pourtant ils n’étaient certainement pas « plus mau- vais » que les deux pre eux aussi trés inachevés, tout pa ls fussent ensuite apparus, une fois le succés obtenu, aux auteurs et & leurs éléves, £. Compétiteurs. SUR LA REACTION DE WASSERMANN ETSA DECOUVERTE 139 Ce fut d’abord l'ambiance sociale qui créa le collectif de pensée restreint qui, grace au travail commun cor nuel de ses membres et a leur interaction, produisit 'ex- périence collective et qui, de maniére commune et anonyme, mit au point la réaction. Le collectif écarta la détection des antiganes, transforma les 15-20 % des résultats initiaux en les 70-90 % de ceux obtenus ulté- » ce qui avait troduction de I'extrait alcoolique, la ft méme devenir pratique. Il en unifia la mise en couvre, au moins grossiérement, ce qui fut réalisé grace a des moyens fondamentalement sociaux : congrés, presse, réglements et mesures Ce qui peut étre expliqué que par la chance ou le devient, si 'on suppose le travail collectif, facilement compréhensible sitét que l'on dispose d'un motif suffi- samment fort. C'est un hasard si une pierre tombe dans un trou. II est cependant inévitable que la poussiére entre dans les pores : elle tournoie de ci de la jusqu’é ce que finalement elle y entre, mais chaque particule vient siinstaller dans sa position particuliére par pur accident. Les pratiques® de laboratoire permettent a elles seules d’expliquer pourquoi, pour préparer extrait, on a essayé, en plus de l'eau, l'alcool, et plus tard lacétone, et des organes sains en plus des organes luétiques. De Nombreuses personnes menérent ces expériences Presque en méme temps, néanmoins /a veritable pater- nité revient au collectif, aux coutumes de la commu- nauté. 4g. Dans le sens de coutume, usage, moeure. 140 GENESE ET DEVELOPPEMEN UN FAIT SCIENTIFIQUE Le probleme qui nous intéresse, a savoir : comment, @ partir d'hypothéses fausses et de premigres expé- riences peu claires, a partir de nombreuses erreurs et de multiples détours émerge une « vraie » connais- sance, est éclairci grace a une comparaison. Comment se fait:il que tous les fieuves, malgré des directions qui, au départ, peuvent étre mauvaises, malgré tous les détours et toutes les sinuosités, se jettent eer est le lieu dont le niveau est le plus bas, celui oles ‘eaux se rassemblent, qui s‘appelie mer ! il suffit que suf- fisamment d'eau coule dans les fleuves, et qu'un champ de gravité existe, pour que les fleuves se jettent finale- ‘ment la mer. Le champ de gravité correspond a l'am- biance dominante qui imprime la direction, eau au travail de ensemble du collectif. Le résultat ne provient pas de la direction momentanée de chaque goutte mais de la direction générale de la gravitation. Cette maniére de voir nous permet de comprendre la genése et le développement de la réaction de Wasserman. Elle aussi apparait comme la seule jone- tion historiquement possible de mouvements diidées : la idée du sang, la nouvelle idée de fixation de com- pléments, les pensées chimiques et les pratiques en vigueur résultant de ces derniéres se nouent dans un développement convergent et créent un point fixe. Ce dernier devient le point de départ de nouvelles lignes se développant en tous lieux et se joignant a d'autres. Les lignes ne demeurent pas inchangées® : de nou- velles jonctions se produisent en permanence et les 26. Voir plus haut comment la réaction de Wasserman a agi sur le concept de syphilis. SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE 141 anciennes se déplacent les unes en fonction des autres, Un réseau en constante fluctuation que on nomme réa- lité ou vei Ces deriers développements ne doivent cependant pas étre compris comme s'il était possible de recons- ‘ruire la réaction de Wasserman dans tout son contenu objectif en utilisant simplement des moments histo- riques, ou relevant de la psychologie individuelle ou tive. Il reste toujours quelque chose d’inévitable, dimmuable, d’historiquement peu clair lorsque l'on etfectue de telles tontatives. La psychologie collective peut permettre d'expliquer que, aprés les premiers tra- vaux de Wasserman sur la gérologie de la s nombreux chercheurs ont entrepris de les verifier et de s'occuper du « perfectionnement technique ». Cepen- dant lobtention d'un résultat positif, de méme que le contenu objectif de ce demier, ne peuvent avoir pour explication premiére des moments d'un développement historique. Ces « vérificateurs » essayerent de trés nom- breuses combinaisons, mais elles ne furent pas toutes considérées comme également bonnes : seule l'une d'entre elles pouvait étre considérée comme étant la meilleure ou, du moins, seules quelques-unes d’entre elles pouvaient étre retenues comme étant bonnes. Lesquelles furent retenues ne peut &tre reconstruit & partir de tels moments. len est de méme avec le probléme de extrait : du point de vue de la psychologie collective, il est cl Von a essayé des extraits alcooliques en plus des extraits aqueux. Cependant que les extraits al damentalement par des facteurs historiques ou relevant des psychologies individuelle ou collective. Cela corres- ond au probléme, discuté dans\les pages 23, 93 et 114, 142 GENESE ET DEVELOPPEMENT D’UN FAMT SCIENTIFIQUE. des éléments passifs et actifs du savoir. de extrait alcoolique constituait un élément actif ; son table et se présentait comme un élément passif en relation avec un acte de connais- sance isolé. Nous discuterons ensuite de ce probléme plus en détail et nous montrerons que seules des considérations relevant de la théorie de la connaissance comparée per- mettent de comprendre cette contrainte et que cetie der- niére se révéle étre une contrainte intringéque au style de pensée. Nous devons d’abord apporter quelques éléments historiques. La vieille idée du changement du sang ique n’a pas disparu au cours de l’étape Wassermann qui vient d'étre décrite : fa réaction de Wassermann est trop complexe et trop peu claire théo- riquement pour avoir un tel effet. Les tentatives faites « pour remplacer la réaction de fixation des complé- ments par d'autres procédés, si possibles plus simples, se divisent en quatre grandes catégories. Premiérement on a essayé d'obtenir des réactions combinant ia fixation des compléments et la précis lipoides purs et de savons dont I’ gnose sérologique de la syphilis est de plus en plus reconnue. Dans cette perspective, on peut évoquer ies expériences de Porges-Meier avec de I ine, celles de Sachs-Altmann avec de la cholestérine et des oléates de sodium et celle de Hermann-Perulz avec du Glycol de sodium et de la cholestérine. Un deuxieme type d'expériences sinquidte d distillations avec de ique, de l'alcool et de l'acide lactique appartiennent SUR LA REACTION DE WASSERMANN ET SA DECOUVERTE 143, & cette catégorie. Un troisiéme groupe a cherché a rem- placer la réaction de fixation des compléments par d'autres types de méthodes chimiques et biologiques. On trouve, entre autres, dans cette catégorie, les pro- cédés de Schiirmann (H,O,-phénol-chloride de fer), Landau (huile d’iode), Wiener-Torday (cyanide aurique) d'une part et ceux de Weichardt (réaction épiphanine), Ascoli (réaction méiostagmine), Karvonen (conglutina- tion), Hirschfeld-Klinger (réaction de coagulation) d’autre Part. Finalement un quatriéme groupe de travaux a cher- ché, en utilisant les extraits d’organes propres la méthode de fixation des compiéments a exploiter pour étabiir'un diagnostic, le phénoméne de floculation a la place de celui de la fixation des compléments. On doit mentionner ici les expériences pionniéres de Michaelis, vacobsthal et Bruck-Hidaka, de méme que, entre autres, les méthodes de Menicke, Sachs-Georgi, Dold, Hecht, Bruck. On doit acoorder une grande importance pratique ces réactions dans la mesure oii elles constituent des compléments et des contrdles utiles de la méthode de fixation des compléments”, » ‘On doit encore au moins évoquer les nombreuses modifications et simplifications de la réaction de Wasserman. Il existe des méthodes dans lesquelles, & la place du sérum provenant de cochons d'lnde, on uti- lise du sérum humain (la méthode dite active : Stern, Noguchi, etc.). ily a des méthodes dans lesquelles, & la place des ambocepteurs hémolytiques (dans la méthode originale ces derniers étaient fournis par du sérum de lapin), on ajoute ceux contenus normalement dans le sérum humain. Le fait maternel n’ajoute ni 27. Bruck, Die Serodiagnose der Syphilis, 1924, p. 4. 144 GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN FAT SCIENTRIQUE ambocepteur ni complément. Il y a aussi une méthode qui fonctionnerait sans antigenes et méme sans ajout d'extraits, dans la mesure ol I'antigéne serait disponible activation du sérum du patient, pléments, a la préparation des extraits, a la fabrication de 'hémolysine, au mode d'utilisation des globules san- guins, & fa conservation des réactits, etc. Lataille de avalanche déclenchée par Wassermann peut étre estimée a partir d'un article général sur le « diagnostic sérologique de la syphilis », écrit par Laubenheimer et publié en 1927, dans lequel sont cités prés de 1 500 travaux sur ce sujet. Seuls les travaux les plus récents étaient cependant pris en compte”. Sil'on leur ajoute encore les travaux étrangers, ceux qui sont moins connus et les rapports concernant les problémes cliniques que Laubenheimer n'a pas pris complétement ‘en compte, ainsi que les travaux publiés depuis 1927, alors on peut estimer aujourd'hui te nombre de put tions sur ce sujet & prés de 10 000. I! est certain quiil n’existe pas beaucoup de problémes spécialisés aux- quels est consacré un si grand nombre de travaux. 28. Laubenheimer, dans Kolle-Kraus-Uhlenhut, Handbuch der CHAPITRE 4 REFLEXIONS RELEVANT DE LA THEORIE DE LA CONNAISSANCE SUR L'HISTOIRE DE LA REACTION DE WASSERMANN 1. Conséquences générales Plus nous allons au fond d'un domaine du savoir, plus Fassujettissement a un style de pensée est fort. Si 'on compare la description de Ihistoire de la syphi- lis avec celle de la réaction de Wassermann, on remarque alors que cette derniére requiert l'emploi d'un nombre beaucoup plus grand d'expressions techniques. Une plus grande formation préalable — c'est-&-dire des suggestions d'experts beaucoup plus nombreuses — est nécessaire, car nous nous sommes éloignés du monde de 'expérience quotidienne et sommes entrés plus pro- fondément dans celui d'une science particulire. Dans le méme temps, nous nous sommes rapprochés des sujets en possession de ce savoir*, que ce soit collecti- 1. © Ceux qui connaissent ».

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