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Vingtième Siècle, revue d'histoire

L'histoire aux éditions Alcan (1874-1939)


Valérie Tesnière

Abstract
History at Editions Alcan (1874-1939), Valérie Tesnière.
A former student at the Ecole Normale Supérieure, very much at home in the intellectual and academic circles, Félix Alcan was
one of the great publishers of the Third Republic, with whose pedagogic humanism he was constantly associated. The Editions
Alcan provide a privileged vantage point for the analysis of a key moment in the history of French publishing, that of the
emergence of modem and diversified firms. The study also shows, in the case of the positivist historians published by Alcan, the
complex components of the relations between the academic and the publishing worlds.

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Tesnière Valérie. L'histoire aux éditions Alcan (1874-1939). In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°28, octobre-décembre
1990. Dossier : Vichy, propagande et répression. pp. 15-28;

http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1990_num_28_1_2296

Document généré le 05/05/2016


L'HISTOIRE AUX ÉDITIONS ALCAN

(1874-1939)

Valérie Tesnière

Normalien, dreyfusard, proche de s'est aussi adressée à un public cultivé mais


Gabriel Monod et d'Ernest Lavisse, Félix de plus en plus universitaire, tout en
Alcan fut aussi et avant tout un grand représentant une part non négligeable de ce
éditeur. A travers son itinéraire se lisent secteur de l'édition.
deux évolutions décisives : d'une part, A son point de départ, une amitié qui
avec la Revue historique notamment, celle réunit deux normaliens, camarades de
de la mise en forme, de l'apogée puis de promotion, Gabriel Monod et Félix Alcan. Elle
la contestation de l'école « positiviste » ; trouve son aboutissement notamment dans
d'autre part, celle qui, passant pour un la défense de la cause dreyfusarde. Le jeune
temps par la figure de Féditeur-univer- directeur de la Revue historique, fondée en
sitaire, conduit du libraire-éditeur 1876, a trouvé aussi en son ami, fils de
traditionnel à l'émergence de l'édition libraire et universitaire, un instrument parfait
moderne, au sein de laquelle les pour assurer la diffusion des idées de l'école
universitaires s'efforcent de contrôler leur historique positiviste à partir du cadre de
production. la Sorbonne rénovée. Face à des libraires
plus traditionnels et formés seulement au
Il y a quelque paradoxe à présenter la commerce du livre, spécialisés dans
production historique de l'éditeur Félix l'érudition, comme E. Leroux, H. Champion ou
Alcan dont la renommée, comme le A. Picard, Alcan représente un type d'éditeur
rappelait récemment J.-L. Fabiani1, s'est bien particulier. Il convient en outre
établie surtout autour de la philosophie et d'analyser en quoi la démarche commune à Monod
des disciplines qui s'affirment à partir d'elle et Alcan diffère de celle de Lavisse qui fait
et contre elle au tournant du siècle, la choix d'une pédagogie de l'histoire s'ap-
sociologie d'une part, et la psychologie de puyant notamment sur l'école primaire.
l'autre. La gloire d'Ernest Lavisse, attaché L'après-guerre coupe court à cette évolution
aux éditions Hachette et Armand Colin, laisse de l'édition universitaire : désormais, les
dans l'ombre des pans entiers de l'édition professionnels de l'enseignement supérieur vont
historique. Si des générations d'écoliers ont s'efforcer de gérer eux-mêmes leur
été nourries de ses manuels, si les synthèses production.
historiques qu'il a dirigées sont toujours une
O DE LA LIBRAIRIE D'ÉRUDITION
référence, la production parue chez Alcan À L'ÉDITION UNIVERSITAIRE MODERNE
Félix Alcan n'est pas parti de rien. Grâce
1. Jean-Louis Fabiani, Les philosophes de la République, Paris,
Minuit, 1988, p. 104-109. à son association avec Gustave-Germer Bail-

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lière, dont il rachète la librairie en 1883, il Rambaud, Emile Boirac et surtout Gabriel
dispose d'un fonds dont le renom est déjà Lippmann (prix Nobel de physique en 1908).
établi. Né en 1837, après des études de On voit ainsi se profiler un réseau de
médecine, Baillière reprend en 1862 le fonds relations qui se révélera fort utile dans sa
paternel, fort de spécialités comme la carrière d'éditeur. Pour l'instant, F. Alcan
biologie et l'anthropologie. Il aborde cependant enseigne. Il est nommé en même temps
d'autres domaines, car Jean-Baptiste qu'E. Lavisse au lycée de Nancy. Ils se
Baillière, son oncle, ne laisse guère de place voient avec assiduité au cours de l'année
dans l'édition médicale à ses concurrents. 1865. On sait que le futur secrétaire de V.
Pour s'agrandir, il faut regarder ailleurs. Duruy passa d'abord trois ans dans
Gustave-Germer fonde en 1863 la l'enseignement secondaire autant par nécessité que
Bibliothèque de philosophie contemporaine et en par choix5. Il porte effectivement un vif
1866 la Bibliothèque d'histoire intérêt à la pédagogie de l'histoire, déçu par
contemporaine. Il transforme la Revue des cours littéraires le contenu des cours de la Rue d'Ulm, jugé
en Revue politique et littéraire et la Revue des trop vague et superficiel, et veut acquérir
cours scientifiques en Revue scientifique. C'est une expérience de terrain. L'année suivante
peu après avoir été élu, en novembre 1874, les sépare. La mort de Gerson Lévy en
conseiller municipal du 6e arrondissement de 1864 puis celle de Moyse Alcan en
Paris, comme républicain anticlérical, qu'il 1869 contraignent F. Alcan à rentrer à Metz
rencontre F. Alcan et le prend comme aider sa mère à la librairie. Survient la guerre
associé. Il choisit un mathématicien normalien de 1870 : ils subissent tous deux le siège de
pour le seconder à un moment où la vie la ville et optent tardivement pour la France,
publique l'absorbe davantage1. réussissant à vendre le fonds à des
Félix-Mardochée Alcan, né en 1841, a Luxembourgeois, les frères Even.
quatre ans de moins que Baillière. Son grand- Trois personnes semblent avoir joué un
père maternel, Gerson Lévy, était libraire à rôle décisif dans l'association de F. Alcan
Metz2. Sa mère Emilie, qui a épousé Moyse avec G. -G. Baillière : Marc Sée, chirurgien
Alcan, a continué à gérer le fonds composé et membre de l'Académie de médecine, ainsi
d'ouvrages pratiques et de livres de prix3. que T. Ribot et G. Monod, ses meilleurs
Le jeune garçon a hésité entre une formation amis de la Rue d'Ulm. Signalons que F.
musicale pour laquelle il a de grandes Alcan a rencontré en 1874 à Paris la nièce
dispositions et un cursus classique. Il entre du premier, Marguerite Sée, qu'il épouse
finalement à l'Ecole normale supérieure, peu après6. Le partage des taches entre les
section mathématiques (1862-1865), où il se lie associés s'opère de la manière suivante :
non seulement avec Gabriel Monod et Théo- G. -G. Baillière s'occupe de la partie affaires
dule Ribot, mais aussi avec Ernest Lavisse. tandis que F. Alcan assume la direction
Ce dernier lui dira : « Fallait-il que tu fusses intellectuelle. En 1876, G. Monod lance la
bon musicien pour que nous nous soyons Revue historique et T. Ribot la Revue
liés avec un sale scientifique »4. Parmi les philosophique, à la fois manifestes d'une nouvelle
condisciples qu'il fréquente, notons Alfred génération d'universitaires et tribune
inespérée soutenue financièrement par l'un de
1. Dictionnaire international des contemporains du jour, Paris,
1888, p. 23.
2. Rue de la Cathédrale, non loin de l'importante
imprimerie de la famille Hadamard avec laquelle il est lié. On sait
par ailleurs que Madame Alfred Dreyfus est née Hadamard. 5. William R. Keylor, Academy and community : the foundation
3. BN, Q.10 (Catalogues Alcan-Lévy de Metz). of the French historical profession, Cambridge, Harvard University
4. Données extraites des archives privées de la famille Press, 1975, p. 39.
Alcan qui nous a aimablement autorisée à les citer, et en 6. Marguerite Sée est aussi par sa mère Judith Sée parente
particulier des souvenirs manuscrits de Madeleine Alcan, fille de Camille Sée, à l'origine de la rénovation en 1880 de
de l'éditeur. l'enseignement secondaire de jeunes filles.

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leurs meilleurs amis1. La librairie quitte la qui a existé entre les trois condisciples
rue de l'Ecole-de-Médecine en 1878 pour le normaliens que sont Lavisse, Monod et Alcan
boulevard Saint-Germain, au n° 108. a largement conditionné la production
L'entreprise est saine et florissante, mais des historique de l'éditeur. Mais le directeur de
revers de fortune personnels obligent G. -G. Y Histoire générale du IV siècle à nos jours est
Baillière à céder la totalité de ses parts en resté fidèle à la librairie Armand Colin bien
1883 à son directeur littéraire, devenu que le lien conforté au lycée de Nancy en
associé à part entière l'année précédente2. Est 1865 ne se soit pas démenti. En témoigne
ainsi achevée une remarquable transition une correspondance, inédite à ce jour, qui
entre un type de librairie traditionnel, celui s'étale de 1894 à 1919, avec une interruption
de la génération des parents de G. -G. assez longue et significative au moment du
Baillière et de F. Alcan, dépourvus de formation rebondissement de l'affaire Dreyfus en 1897-
universitaire, et un type nouveau, 18984. Alcan et Lavisse s'opposent alors
l'universitaire reconverti dans l'édition. vivement. Tout les sépare. E. Lavisse,
A titre de comparaison, la situation d'un catholique, bonapartiste puis républicain
de leurs contemporains, Honoré Champion, modéré, reste silencieux pendant l'Affaire, ne
est très différente. Commis-libraire prenant publiquement la parole que pour
autodidacte, H. Champion, qui s'est mis à son appeler à l'union des Français. F. Alcan, juif
compte en 1874, réussit à racheter le fonds d'Alsace-Lorraine, est dreyfusard. Leurs
de Bouillon-Vieweg, accentuant son relations se sont alors progressivement
orientation romaniste sans jamais renoncer refroidies, ne reprenant qu'à la veille de la
toutefois au commerce d'ouvrages d'occasion. guerre. Par ailleurs, le projet patriotico-
Le métier est conçu de façon très artisanale ; pédagogique de Lavisse l'a poussé à
la librairie du quai Malaquais est un salon- s'adresser à des éditeurs scolaires, dont les capacités
bibliothèque où se retrouvent les membres de distribution étaient plus importantes. Il
de l'Académie des inscriptions et des érudits édite en 1875 sa thèse chez Hachette ainsi
de province. Son fils Edouard, archiviste- que son Histoire de France (1903-1911 puis
paléographe, tente après 1918 d'infléchir les 1921-1922) et donne à Armand Colin ses
publications de la maison en se lançant dans manuels ainsi que l'Histoire générale (1892-
l'édition littéraire, mais son initiative se solde 1901) qu'il co-dirige avec A. Rambaud. F.
par un échec3. On mesure donc le retard Alcan a certes lancé plusieurs collections de
pris par l'édition savante traditionnelle qui manuels mais E. Lavisse souhaite un éditeur
ne sait pas retrouver un second souffle à entièrement dévoué à ses visées scolaires,
partir de son propre fonds. La mutation de dont la situation de quasi-monopole sur ce
l'édition universitaire s'est effectuée à la fin plan répondrait au monopole que lui-même
du siècle précédent, accompagnant le a établi dans l'organisation des études
mouvement de rénovation de l'institution. historiques et la gestion des carrières au sein
de l'université de 1883 à 1919 (direction des
O L'AFFAIRE DREYFUS : études pour l'histoire, présidence du jury
LA VISSE, MONOD ET ALCAN d'agrégation, direction de l'ENS à partir de
1904), régentant parallèlement le Conseil
II faut reconnaître, sans privilégier à supérieur de l'Instruction publique.
l'excès ce type d'analyse, que la camaraderie Surtout Ernest Lavisse ne peut cohabiter
chez le même éditeur avec Gabriel Monod.
1. La Revue historique et la Repue philosophique sont toujours Les affinités de celui-ci avec F. Alcan sont
aujourd'hui chez le même éditeur puisque les PUF ont succédé
à Alcan. bien plus grandes. L'appartenance à des
2. Archives de la Seine : D II U I 370 (27 octobre 1882).
3. Jacques Monfrin, Honoré Champion et sa librairie, Paris,
H. Champion, 1978. 4. Archives privées Alcan (33 lettres conservées).

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minorités religieuses, les communautés juive F. Alcan a été en effet parmi les premiers
et protestante ', est accentuée par leurs convaincus de l'innocence du capitaine. Le
étroites attaches avec les provinces perdues. récit de sa fille Madeleine se trouve confirmé
Madame Monod mère, née Elisa Gros, est par d'autres éléments de correspondance5 :
alsacienne et farouchement patriote. Son fils « Les plus chaudes relations d'amitié
joue un rôle de premier plan lors de la unissaient mes parents aux Hadamard, et,
fondation de l'Ecole alsacienne : il y enseigne moralement, ils adhérèrent en toute sincérité
de 1874 à 1888 et y rencontre C. Bémont, au mouvement dreyfusard... Par ses relations,
aussi professeur de 1879 à 1890. Madame mon père rendit maint service à la cause.
Félix Alcan se dépense activement dans les En automne 1897, mes parents réunirent
diverses associations caritatives et Bernard Lazare aux de Lanessan et à Gabriel
patriotiques parisiennes : elle fait notamment partie Monod, auxquels il explique longuement les
en 1914 d'un comité soutenu par irrégularités du procès ». Il est instructif de
l'établissement destiné à aider les Alsaciens-Lorrains rappeler brièvement en contrepoint quel a
volontaires à régulariser leur situation vis- été l'itinéraire de l'historien. D'abord,
à-vis des autorités militaires2. En outre, F. persuadé de la culpabilité,
Alcan et G. Monod partagent tous deux le « des doutes naquirent dans mon esprit quand
même amour de la musique. Mais leurs vues je vis le capitaine Dreyfus proclamer son
communes en politique sont plus innocence... quand enfin des témoins sûrs me firent
intéressantes à examiner. On connaît assez bien le connaître tous les antécédents de Dreyfus, sa
parcours de G. Monod3. Républicain dans situation et ses relations... Sans entrer en relations
l'âme, il s'est peu à peu détaché des idéaux avec la famille du capitaine, car je tenais à éviter
de sa jeunesse, contractés dans les cercles les influences personnelles, j'ai obtenu par un
de révolutionnaires exilés que la famille de tiers des fac-similé du bordereau et plusieurs
sa femme Olga Herzen l'a conduit à lettres de Dreyfus de diverses dates, et j'en ai
comparé avec soin les écritures » 6.
fréquenter. Il demeure toutefois résolument
antibonapartiste puis antiboulangiste. F. Cette lettre du 5 novembre 1897 adressée
Alcan n'apprécie guère le général non plus. à Yves Guyot, directeur du Siècle et aussi
Ils incarnent la république opportuniste, ami de l'éditeur, n'infirme pas le témoignage
patriote mais défiante à l'égard des velléités précédent. Elle donne une certaine
d'autoritarisme, englobant dans une même vraisemblance au rôle qu'a pu jouer F. Alcan. On
suspicion les radicaux qui ont fait le jeu de relève ainsi une constante dans l'attitude de
Boulanger. Leur éducation religieuse celui-ci : influer par le jeu de ses relations
empreinte d'idées libérales en a fait des très larges la défense de telle ou telle cause.
agnostiques éclairés. Ils observent un apolitisme C'est une autre de ses ambitions d'éditeur.
de bon aloi, prudence de l'éditeur qui ne Sa femme l'y aide beaucoup en tenant un
veut pas s'engager dans la vie publique, salon fort couru des milieux universitaires.
dégoût du politique pour le directeur de la Il se situe à l'opposé d'un Pierre-Victor
Revue historique*. Ils épousent cependant la Stock qui se ruine à publier toute la
cause dreyfusarde. littérature favorable à Dreyfus.
Insister sur cet épisode permet de mieux
1. Théodule Ribot est aussi protestant. comprendre l'imbrication des liens entre uni-
2. Georges Hacquard, Histoire d'une institution française :
l'Ecole alsacienne (1871-1922), Paris, Garnier et Suger, 1987.
3. Alice Gérard, « Histoire et politique : la Revue historique qu'on laissât en dehors des lycées, les hontes de Panama et du
face à l'histoire contemporaine », Revue historique, avril-juin 1976, boulangisme et qu'on ne donnât depuis 1875 que l'histoire de
p. 371, 374 et 380, ainsi que Charles-Olivier Carbonell, Histoire notre expansion coloniale » (G. Monod, Revue historique, juillet-
et historiens : une mutation idéologique des historiens français (1865- août 1900, p. 309).
1885), Toulouse, Privat, 1976, p. 240 et suiv. 5. Extrait des souvenirs manuscrits de Madeleine Alcan.
4. « Je voudrais même qu'on arrêtât notre histoire 6. Cité dans E. de Haime, Les faits acquis à l'histoire —
intérieure à 1875, à l'établissement de la constitution républicaine ; Lettre de M. Gabriel Monod, de l'Institut, Paris, 1898.

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versitaires et politiques. C'est au siège des française, qui se heurte à une forte
Editions ou dans le salon de Madame Alcan personnalité protestante libérale, drainant des
que se côtoient nombre de dreyfusards : J. collaborateurs à son image, de Charles Bémont 2
Reinach, G. de Molinari du Journal des chargé du secrétariat puis co-directeur à
économistes, Y. Guyot qui récupère comme partir de 1907, à C. Pfister et L. Eisenmann,
collaborateurs de son quotidien A. Giry, les ces derniers originaires d'Alsace-Lorraine.
frères Molinier et H. Häuser. On y voit C. Elle peut toutefois à juste titre se réclamer
Bémont qui s'engage publiquement, signant à la veille de la guerre du bilan esquissé en
diverses pétitions, tout comme H. Sée, G. 1886 pour son dixième anniversaire : « Nous
Pariset ou L. Eisenmann. Ainsi que l'a pensons avoir fait œuvre de bons citoyens,
souligné M. Rebérioux1, cet engagement est en même temps que d'amis de l'histoire en
chose neuve chez les historiens mais il créant en France une sorte de moniteur
surprend moins que la présence constante de international des sciences historiques qui est
l'Affaire dans la Revue historique, en particulier aujourd'hui lu et consulté partout où l'on
dans les comptes rendus bibliographiques de travaille sérieusement » 3.
G. Monod. F. Alcan donne des gages à cet esprit
positiviste dès qu'il devient l'unique
O LA DIFFUSION DE L'HISTOIRE POSITIVISTE propriétaire du fonds. Au cours du second
semestre 1883, dès le départ de G. -G. Bail-
Jusqu'en 1914, les publications d' Alcan
lière, il cesse d'éditer la Revue politique et
dans le domaine historique sont en effet plus littéraire ainsi que la Revue scientifique. La
composites que ne le laisserait croire charge financière était sans doute lourde, le
l'apparent magistère de la Revue historique. Une besoin d'argent frais pressant. Ce choix n'est
analyse approfondie des catalogues montre cependant pas innocent. Très éclectiques, ces
qu'ils sont bien le reflet de la société publications censées rendre compte des cours
universitaire et politique qui se retrouve chez du Collège de France et de la Faculté ne
l'éditeur. G. Monod reste influencé, il faut répondent plus à leur but original. Elles
le reconnaître, par sa formation reçue dans sont surtout devenues l'antithèse de la
les années 1860 : il se distingue d'un C.-V. Nouvelle Sorbonne qui vient d'être consacrée
Langlois tout dévoué à l'érudition et à la dans sa gloire par des bâtiments récents.
monographie ; ses contributions majeures Depuis la mise en place de l'Ecole pratique
ont trait à la réforme de l'enseignement ou des hautes études en 1868, les séminaires
sont des textes de circonstance. copiés sur le système allemand sont
La Revue historique a beau, dans son préconisés, et les conférences et cours mondains
manifeste de 1876, proclamer sa volonté de rejetés. Priorité donc aux revues se réclamant
défendre une histoire objective fondée sur du nouvel esprit scientifique : la Revue
un examen critique des sources archivis- historique et la Revue philosophique. F. Alcan lance
tiques, en référence au modèle de la « science immédiatement après deux collections de
allemande » incarnée dans ['Historische publications de sources d'archives, le Recueil
Zeitschrift et par opposition à la très royaliste des instructions données aux ambassadeurs
Revue des questions historiques, il n'en reste pas de France des traités de Westphalie à la
moins vrai qu'elle n'a jamais été neutre. La Révolution, en 1884, et l'Inventaire analy-
rupture en 1883 avec G. Fagniez, premier
co-directeur, traduit le malaise d'un
2. Sa femme est de la religion réformée ; Charles Petit-
catholique ultérieurement favorable à l'Action Dutaillis qualifie la thèse de Bémont d'invention de protestant.
3. Revue historique, janvier-mars 1886, p. 13. Préface signée
de G. Monod et C. Bémont qui ajoutent : « Au nombre de
1. Madeleine Rebérioux, « Histoire, historiens et nos collaborateurs nous comprenons notre éditeur, qui a
dreyfusards », Revue historique, avril-juin 1976, p. 407-432, ainsi que toujours été plus préoccupé des services que doit rendre la
William R. Keylor, op. cit., p. 143 et 170. revue que des bénéfices qu'elle pouvait rapporter ».

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tique des archives du département des affaires Revue historique dont l'énergie est absorbée
étrangères, en 1885. Elles précèdent la par la publication d'articles et surtout de
naissance de la Société d'histoire diplomatique comptes rendus, et qui fait naître
en 1886, témoignage d'un regain d'intérêt relativement peu de publications en volumes, encore
lentement mûri à la suite du choc de la moins de grandes synthèses, contrairement
défaite de 1870. A. Geffroy, de l'Institut, à Lavisse dont c'est une des spécialités chez
comme G. Monod1 jouent un rôle Hachette et Colin ; de l'autre, l'omniprésence
important dans l'animation de la société et des de l'ancienne collection Bibliothèque
collections. Les Instructions paraissent à un d'histoire contemporaine, fort accueillante aux
rythme soutenu jusqu'en 1913 : 20 titres nouveaux courants historiographiques, mais
alors financés en grande partie par des qui garde sa tradition d'éclectisme en s'at-
subventions ; l'Inventaire progresse moins vite : tirant le concours d'historiens non
9 titres rédigés par 3 auteurs à la même spécialistes, journalistes et hommes politiques : à
date. Dans le domaine de l'édition de sources, Ledru-Rollin et Louis Blanc succèdent J.
F. Alcan est plus proche d'E. Leroux ou Reinach, E. Spüller, E. d'Eichtal et J.-L. de
d'H. Champion que d'A. Colin qui n'a Lanessan. Toutefois, cette tendance décline
aucune collection de ce type à ce moment. progressivement3 : les mémoires d'hommes
Hors collection, on relève plusieurs éditions politiques au sens strict ne représentent plus
de textes : ce sont pour la plupart des thèses que 5,5 % des titres disponibles à la fin de
publiées souvent sur le conseil de G. Monod la guerre de 1914-1918. La collection publie,
de manière non systématique et consacrées de 1886 à 1917, 177 titres, soit 61,7 % de
pour beaucoup à l'histoire diplomatique. Le la totalité de la production historique d'Al-
même patriotisme rejaillit dans les collections can, et 86 % des ouvrages d'histoire
de manuels scolaires qu'à l'instar d'E. Lavisse contemporaine. Toutes collections confondues, la
G. Monod anime à partir de son expérience Révolution française et le Premier Empire
d'enseignement dans le primaire à l'Ecole rassemblent 20,5 % des titres ; la première
alsacienne : Récits et biographies historiques moitié du 19e siècle au sens large, en incluant
(1882; 14e édition en 1928). C'est dans le Second Empire pour la France, 6,4 % ;
l'enseignement secondaire, plus négligé par l'histoire très immédiate se taille la part du
son ancien condisciple, qu'il remporte son lion avec 25,2 %, dont 3 % pour la
plus vif succès, aidé par C. Bémont et E. Troisième République, mais surtout 18,2 % pour
Driault avec le Cours complet d'histoire, l'Europe et le monde actuels, la guerre de
refondu en 1902 et prévoyant une section 1914 ne retenant que 4 % des titres en 1917.
pour les lycées de jeunes filles. E. Driault A part, deux secteurs qui ne se laissent pas
peut ainsi, grâce à cette collaboration réduire à une périodisation traditionnelle :
poussée, éditer chez Alcan à partir de 1913 la l'histoire coloniale regroupant 7,3 % des
Revue des études napoléoniennes. ouvrages, si révélatrice des ambitions de la
Mais si on laisse de côté les manuels écrits Troisième République ; enfin, un certain
par des universitaires, catégorie bien nombre d'œuvres qui entendent faire
particulière, on constate que coexistent deux types l'historique complet d'une question, embrassant
de productions distinctes 2 : d'une part, la
3. La même observation vaut pour Edouard Cornély,
1. Le premier volume sur l'Autriche paraît en 1884 sous éditeur spécialisé dans les publications historiques. D'abord
les auspices de G. Monod, qui a chargé dès 1880 au sein de beaucoup plus engagé que F. Alcan sur le front « républicain »
la Commission des archives diplomatiques du ministère des avec la revue d'A. Aulard, La dévolution française, et les
Affaires étrangères Albert Sorel de le préparer et rédiger (procès- Publications de la Société d'histoire de 1848, ce libraire défenseur
verbal du 30 juin 1880). Le deuxième volume sur la Suède d'une laïcité radicale, fait place à une histoire volontairement
paru en 1885 est d'A. Geffroy. Le tirage moyen des volumes dépassionnée en accueillant une nouvelle génération d'historiens,
de cette collection est de 400 exemplaires. dont le repésentant est chez lui P. Caron, à l'origine de la
2. Analyse des catalogues des années 1886, 1896, 1913 et Société d'histoire moderne et de la Revue d'histoire moderne et
1917. contemporaine.

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L'HISTOIRE AUX ÉDITIONS ALCAN

des origines au 19e siècle (11 % des titres). n'est pas si négligée qu'on pourrait le
On ajoutera quelques livres se réclamant supposer. Arrive ensuite le genre biographique,
explicitement de l'histoire des civilisations, qu'il s'agisse d'ouvrages grand public {Gam-
comme Les civilisations tunisiennes de Paul betta de J. Reinach ou encore Frédéric II
Lapie. ou Bismarck particulièrement étudiés) ou de
La Bibliothèque d'histoire contemporaine monographies universitaires (les
annexe la quasi-totalité des publications Conventionnels sont choyés : Thouret, Jean Bon-
d'histoire récente ; ailleurs, l'accent est mis Saint- André...). Le quatrième rang est
sur l'histoire moderne (15,3 %) tandis occupé par l'histoire des idées : on y aborde
qu'Antiquité et Moyen Age atteignent surtout les doctrines socialistes, le problème
péniblement 2,8 % et 4,5 %. La Bibliothèque éducatif et on essaie de comprendre la
de la Faculté des lettres de Paris, créée en fascination exercée par la science allemande.
1898, fournit 13 titres dont 8 volumes de Enfin, une place est consacrée à l'histoire
mélanges. Malgré l'apport conséquent du des religions, où sont traitées presque
médiéviste A. Luchaire et de ses élèves, la exclusivement les questions afférentes au
priorité revient aux 16c-18e siècles. Si l'on protestantisme, à la Révolution et à la séparation
met en regard le contenu des articles de la de l'Eglise et de l'Etat sous la Troisième
Revue historique, qui se donnait pourtant pour République. La comparaison avec les articles
objectif l'histoire européenne de 395 à 1815, de la Revue historique est instructive. Comme
on relève une évolution assez semblable. l'indique A. Corbin4 : « Jusqu'en 1925,
Antiquité et Moyen Age sont vite délaissés l'histoire biographique, l'étude de la politique
au profit de l'histoire moderne, avec un intérieure, de la diplomatie, des phénomènes
18e siècle privilégié, l'histoire du 19e siècle religieux et militaires forme la matière de la
suivant assez loin en seconde position, du quasi-totalité des articles ». La seule réserve
moins jusqu'en 1900 \ Quant aux comptes qu'on peut émettre concerne l'histoire
rendus, on l'a déjà signalé, l'immédiate militaire, peu présente dans les ouvrages édités
actualité politique a fortement prise sur eux. par Alcan.
Trois traits saillants ressortent donc de cette Cette ventilation reflète-t-elle bien la
analyse de la production historique : production courante des historiens
importance de la Révolution (A. Aulard et A. universitaires ? A étudier les catalogues d'A. Colin
Mathiez sont des auteurs prolifiques)2, qui, en exclusivité tourné vers le scolaire en
prépondérance de l'histoire diplomatique 1872, fait une incursion dans l'enseignement
européenne moderne et récente, enfin goût supérieur notable à partir de 1897 et
pour l'épopée coloniale. Production de livres confirmée en 1918, on dénombre 96 titres à cette
et articles de la revue coïncident de ce point date y compris les 9 tomes alors parus de
de vue. VHistoire générale de Lavisse. La répartition
A projeter un autre découpage sur chronologique présente des points communs
l'ensemble des titres parus entre 1886 et 1917, avec Alcan, comme l'importance de la
on remarque que si l'histoire diplomatique3, Révolution et la faible part de l'Antiquité et
devancée par l'histoire politique, tient le surtout du Moyen Age. Mais l'écart entre
haut du pavé, l'histoire économique et sociale période moderne (15 %) et période
contemporaine (23 %) est moins disproportionné
que chez Alcan. Par ailleurs, A. Colin offre
1. Alain Corbin, « Matériaux pour un centenaire le
contenu de la Revue historique et son évolution (1876-1975) », un peu plus d'ouvrages de synthèse couvrant
:

Cahiers de l'Institut de presse et d'opinion, 2, 1974, p. 176-177, ainsi la longue durée (17 %). Enfin, particularité
que Alice Gérard, art. cité, p. 353.
2. Même tendance chez Cornély, on l'a déjà signalé, mais notable, 7 % des titres se réclament ouver-
encore plus affichée.
3. Avec deux collections propres et deux auteurs diserts,
A. Debidour et E. Driault. 4. Alain Corbin, art. cité, p. 186-1

21
VALÉRIE TESNIERE

tement de l'histoire des civilisations, comme la pédagogie y connaissent un vif succès.


A. Rambaud et son Histoire de la civilisation Par ailleurs, peu de temps auparavant, Emile
française. On insistera sur le fait que, chez Durkheim, qui a fourni à l'EHES des
les deux éditeurs, les 1 6e- 18e siècles contributions remarquées, a fondé chez Alcan en
concernent le même pourcentage de titres 1897 Y Année sociologique. La reconnaissance
(15 %). La répartition thématique est de la sociologie par l'institution universitaire
légèrement différente : priorité à l'histoire sera plus longue : la première chaire en
politique (39 %) mais la diplomatie est moins Sorbonne date de 1932. Mais le soutien
explorée (7 %) alors que biographies (11 %) d'Alcan à la revue des durkheimiens qu'il
et histoire religieuse (18 %) sont à l'honneur. tient à publier, même s'il ne partage pas
L'histoire coloniale n'est pas, ou peu, toutes leurs vues, ne se dément pas malgré
abordée en tant que telle : A. Colin, qui est les conditions qui lui sont imposées par une
l'éditeur de Y Atlas général de Vidal de La équipe qui souhaite passer chez A. Colin
Blache et des Annales de géographie depuis mais demeurera finalement chez lui2. C'est
1891, préfère publier des ouvrages de à cette période que remonte le débat sur les
géographie coloniale, sans négliger les discours rapports entre histoire et sociologie et que
de Lyautey. Peu d'essais d'hommes s'élève une vigoureuse contestation du
politiques en général, contrairement à Alcan, primat de l'histoire ; c'est à ce moment qu'Henri
mais des mémoires d'historiens ou des Berr tente de jeter un pont en créant la
réflexions d'universitaires sur les questions Revue de synthèse historique, en 1901 3. Force
éducatives ne rentrant pas à proprement est de constater le cloisonnement beaucoup
parler dans le champ de notre étude. Plus plus marqué dans la production éditoriale
surprenante est la faible part de l'histoire d'Alcan entre ces deux disciplines qu'entre
économique et sociale chez cet éditeur en philosophie et psychologie, d'une part, et
1918 (9,5 %). Ne sont pas inclus bien sociologie de l'autre.
entendu le petit nombre de titres alors parus A cet égard, il est sensible que la Revue
dans la Bibliothèque du mouvement social philosophique, de T. Ribot, comme Y Année
contemporain et dans la Bibliothèque du sociologique , ont plus fonctionné comme des
musée social. viviers pour les collections d'Alcan que la
L'intérêt que le public porte à la fin du Revue historique. Histoire et sociologie
siècle dernier aux sciences que l'on campent sur leurs positions. Il existe
commence à appeler « sociales » trouve un toutefois un peu plus de passerelles entre
meilleur compte chez son concurrent Alcan, l'histoire et la science économique et politique
qui leur donnera une envergure inégalée. La qu'Alcan développe peu avant 1914 en
Bibliothèque générale des sciences sociales rachetant la librairie spécialisée Guillaumin.
qu'il fonde en 1898 avec Dick May, alias Rajeunir le célèbre Journal des économistes est
Jeanne Weil, publie 51 titres jusqu'en 1914, une ambition dans l'air du temps : en 1907,
chiffre très important. L'éditeur figure avec est créée la Commission pour l'histoire
son ami Alfred Croiset, alors membre du économique et en 1908 la Revue d'histoire
Conseil supérieur de l'Instruction publique, économique et sociale. Malgré tout, ces initiatives
dans le conseil d'administration de l'Ecole demeurent encore sous la férule des Facultés
des hautes études sociales, dont émane la de droit et sont mal acceptées dans les
collection1. Les séminaires de Léon Facultés de lettres.
Bourgeois sur la solidarité et de F. Buisson sur A la veille de la guerre, l'histoire uni-

and 1.theTerry
emergence
Clark,of Prophets
the social
and sciences,
patrons Cambridge,
; the French Harvard
university publiées
2. Lettres
dans d'E.
EmileDurkheim
Durkheim,
à F. Œuvres,
SimiandParis,
(février-mars
Minuit, 1902)
tome
:

University Press, 1973, ainsi que William R. Keylor, op. cit., 2, 1975, p. 441-451.
p. 167-169. 3. Chez l'éditeur Leopold Cerf.

22
L'HISTOIRE AUX ÉDITIONS ALCAN

versitaire semble avoir vécu un âge d'or depuis peu sont le précédent français, mais
entre 1880 et 1910. L'isolement que connaît dont le véritable modèle est à rechercher
la « science maîtresse » est net dans la parmi les presses d'université anglo-
production éditoriale et traduit les difficultés saxonnes, américaines en particulier2. En
qu'elle éprouve à se renouveler. Son 1925, un accord est passé entre les maisons
essoufflement sera patent dès 1918. Alcan, Rieder, Leroux et les PUF pour la
L'éclectisme apparent des collections historiques ne gestion d'une imprimerie. Les difficultés
doit pas faire illusion. Il est certes le fruit économiques engendrées par la crise des années
d'une tradition héritée de Baillière. Mais il 1930 resserrent les liens. L'arrivée de Paul
incombe alors essentiellement à F. Alcan et Angoulvent en 1934 aux PUF accentue la
G. Monod, bien plus qu'à C. Bémont, situé rationalisation de la gestion. Les services des
dans la lignée des tenants farouches de l'école retours d'Alcan et de Rieder sont regroupés
positiviste que sont C. Seignobos et C.-V. au même endroit tandis que le service des
Langlois. Face à l'effervescence qui ventes des PUF et le siège des Editions
accompagne l'émergence des sciences sociales, Rieder sont transférés 108, boulevard Saint-
l'histoire n'est pas terre d'accueil. G. Monod, Germain, chez Alcan. En 1937, les services
qui dirige la Revue historique jusqu'à sa mort commerciaux des quatre firmes sont
en 1912, se tait ; F. Alcan compose et se regroupés. En 1939, les PUF rachètent les
tourne vers ses autres collaborateurs. fonds de leurs trois partenaires : cette fusion
est symbolisée par le choix du quadrige
O 1918-1939 : LA REPRISE EN MAIN comme vignette.
DES UNIVERSITAIRES Au-delà de l'impact économique de la
crise, assurément fort pour des entreprises
Le malaise que connaît l'université,
dont le taux de rotation des ouvrages est
notamment la corporation historienne, amplifié
assez lent, les tirages moyens (entre 2 000 et
par la saignée de la guerre, devient public 5 000 exemplaires) et les investissements
au lendemain des hostilités. Deux symptômes
lourds dans des revues de faible rapport,
sont à retenir de notre point de vue : l'amorce
l'enjeu symbolique de cette mutation n'est
d'une restructuration de l'édition
pas à négliger. En effet, c'est bien une totale
universitaire et le strict contrôle de leur production
mainmise des universitaires sur leur propre
et donc des collections par les membres de
production que préconise M. Caullery, par
l'enseignement supérieur. Félix Alcan meurt
la suppression des intermédiaires tels que F.
en 1925. Son neveu René Lisbonne1 qui
Alcan, à la fois décideurs économiques et
collabore avec lui depuis 1901, aussitôt après
coordonnateurs des activités intellectuelles.
le baccalauréat, prend alors en main la
Gestionnaires comme directeurs littéraires
direction de l'entreprise et continue à publier
sont désormais des salariés et doivent rendre
les auteurs qui en ont assuré le renom,
des comptes aux assemblées générales des
comme Bergson. Cependant, à long terme, universitaires actionnaires3. La
c'est d'une maison d'édition créée en
transformation s'opère entre les deux guerres, et
1921 que viendra le renouvellement de la
peut être rapprochée de celle de
librairie Alcan. Les Presses universitaires de
l'organisation de la recherche scientifique.
France, fondées à l'initiative d'un groupe
La prise de conscience du retard de la
d'universitaires présidé par Maurice Caullery,
France en ce domaine remonte au tournant
de l'Académie des sciences, sont une société
coopérative dont les Belles-Lettres existant
2. Maurice Caullery, U évolution de notre enseignement supérieur
scientifique, Paris, Editions de la Revue du mois, 1907.
1. Né en 1881, fils d'Albin Lisbonne et de Berthe See, 3. Sur un plan juridique, l'entreprise d'Alcan, d'abord
belle-sœur d'Alcan, il meurt en déportation au camp du Struthof société en nom collectif, a été transformée en société anonyme.
en 1945. Mais l'unité réside dans le nom d'Alcan.

23
VALERIE TESNIERE

du siècle. Elle est accentuée après 1919 par démie de Strasbourg en 1926, la relève est
les effets de la crise et de la concurrence assurée par L. Eisenmann, professeur à la
étrangère. Qu'il s'agisse du souci de « Sorbonne, puis par S. Charléty, recteur de
taylorisation » manifesté depuis Genève par l'Université de Paris, et P. Renouvin,
Albert Thomas ou de la réflexion faite autour spécialiste des relations internationales.
de Jean Perrin dans les milieux scientifiques Mais on retiendra surtout le rôle
socialistes et communistes, le constat est le important joué par L. Halphen dans l'équipe de
même dans des milieux fort disparates. La direction depuis son passage au secrétariat
première ébauche d'intervention étatique en 1906-1909, et l'arrivée en 1932 de deux
entre 1901 et 1921 ne concerne en rien les jeunes proches collaborateurs, C.-A. Julien
sciences humaines, qui font comme par le et M. Crouzet. Louis Halphen paraît bien
passé appel soit au mécénat, soit aux fonds d'ailleurs être la cheville ouvrière de la
propres des universités. Seules les sciences production publiée par Alcan ainsi que le
exactes sont intéressées par la création de la gage d'une relative ouverture. Ce chartiste
Caisse des recherches scientifiques : médiéviste, qui enseigne à la Faculté des
remarquons au passage que c'est un biologiste, lettres de Bordeaux depuis 1910, a gravité,
M. Caullery, qui préside à la fondation des comme M. Bloch, dans les milieux de la
premières presses d'université françaises. Revue de synthèse historique, vers 1913. P.
Après la guerre, une 4e section de la Caisse Sagnac, sollicité comme lui par F. Alcan et
est prévue pour les publications « d'ordre R. Lisbonne en 1919 pour la direction de
juridique, littéraire, archéologique et leur nouvelle collection Peuples et
historique » afin de rétablir l'équilibre. Mais la civilisations1, représente plutôt la première équipe
crise économique, qui met fin par ailleurs de la Société d'histoire moderne créée en
au mécénat, empêche le financement des 1904 autour de P. Caron. L. Halphen ne
publications par la Caisse d'atteindre manifeste-t-il pas en 1923 « un certain esprit
l'ampleur désirée. Le trait à retenir est la volonté critique à l'égard du pointillisme historique
de professionnalisation de la recherche, dont et du refus des synthèses incluant les
l'aboutissement au plan des institutions sera phénomènes de civilisation » 2 ? N'invite-t-il pas
la création du CNRS. ses collègues, dans sa participation au bilan
Mainmise commerciale et administrative : du cinquantenaire en 1926, à prendre en
le pendant existe de façon identique dans la compte l'apport de la sociologie ? La course
direction intellectuelle des collections à la Sorbonne, où la raréfaction des postes
publiées chez les éditeurs, et notamment chez de médiévistes le conduit à rivaliser âprement
Alcan. Le cas de la production historique avec M. Bloch, le ramènera à une conception
est à cet égard très éclairant. L'école de l'histoire plus orthodoxe. Au début des
positiviste, incarnée par la Revue historique, subit années 1920, les travaux d'Henri Pirenne
en effet de plus en plus de critiques : celles constituent la même référence primordiale
des sociologues ou d'H. Berr sont relayées pour M. Bloch et L. Halphen. Mais tandis
par les attaques de M. Bloch et de L. Febvre, que le second obtient la collaboration de
qui lancent en 1929, chez Armand Colin, l'historien belge pour Peuples et civilisations,
leur revue-manifeste, les A.nnales. C. Pfister, le premier ne décroche pas son consentement
qui partage depuis 1913 avec C. Bémont la pour la direction des futures Annales.
direction de la revue publiée chez Alcan, a Autour de L. Halphen s'organisent donc,
écrit au moment du cinquantenaire en 1926 : alors que la Bibliothèque d'histoire contem-
« Nous n'avons point de programme
nouveau à formuler ». La réalité est plus nuancée. 1. AN : A B XIX 3525-3 (Contrat d'édition du 5 mars
C. Bémont meurt en 1939 mais après le 1919).
2. Olivier Dumoulin, Profession historien (1919-1939) : un
départ de Pfister comme recteur de métier en crise ?, Paris, 1983, p. 90-94 (thèse non publiée).

24
L'HISTOIRE AUX ÉDITIONS ALCAN

poraine s'étiole lentement, les nouvelles Celle-ci, fondée en 1911, se caractérise par
collections d'histoire de la maison Alcan. E. son instabilité : de la librairie E. Leroux,
La visse est mort en 1922 : de grandes qui édite aussi la revue des robespierristes,
synthèses peuvent être mises en chantier sur de elle passe en 1918 chez Millet, imprimeur
nouvelles bases. Nouvelles ? « L'heure a de Besançon, où enseigne l'auteur des
semblé venue de renoncer délibérément aux Origines des cultes révolutionnaires, pour échouer
vieux cadres géographiques ou en 1920 chez Alcan. Rien ne paraît entre
systématiques, à l'intérieur desquels la réalité 1926 et 1933, au moment où la série reprend
complexe ne peut être répartie sans être chez le libraire Mellottée après la mort de
déformée, et de tenter enfin d'embrasser Mathiez. Dernière entreprise proprement
l'histoire de tous les peuples d'un seul universitaire à remarquer chez Alcan : la
regard»1. Le projet de «Peuples et reprise en 1932 de la Revue d'histoire moderne
civilisations » est vaste : de 1926, date du coup que Rieder, qui privilégie désormais la
d'envoi du premier volume, Les Barbares de littérature au détriment du fonds historique
L. Halphen, à 1939, 16 titres sortent et hérité de Cornély, abandonne à son
7 connaissent un ou plusieurs retirages2. confrère 3.
Les collaborations rassemblent dans Cette production, qui dénote une reprise
l'ensemble une jeune génération d'historiens, à en main résolue de la part des historiens
part H. Pirenne, et beaucoup tournent encore professionnels, ne forme pas la totalité des
dans les facultés de province. Absolument ouvrages publiés entre 1918 et 1939. Au
tous sont des universitaires, à l'exception de total, 196 titres, soit une moyenne de 9 par
deux conservateurs de musée. Il est juste de an, comme dans la période précédente. La
considérer cette entreprise comme le fleuron Bibliothèque d'histoire contemporaine
de l'éditeur à cette période : R. Lisbonne, connaît un tassement (39,3 % contre 58 %
l'entendant bien ainsi, l'a toujours privilégiée auparavant). Ce déclin a-t-il comme
en conséquence. Plus classique est la contrepartie une remontée de l'histoire antique,
démarche de la Bibliothèque de la Revue médiévale ou moderne ? Si les deux
historique, inaugurée par un bilan Histoire premières périodes sont toujours aussi peu
et historiens en 1927. Les travaux des jeunes étudiées (3,6 %), les 16e-18e siècles sont en
historiens, collaborateurs de la revue, revanche en net retrait (8,2 %). La
méritent une tribune plus large. La désormais Révolution et l'Empire demeurent des époques
doyenne des revues patronne sa propre de prédilection (16,8 %), rattrapant presque
collection. Dix titres paraissent jusqu'en 1939 : le 19e siècle (20 %) où le francocentrisme
on y est frappé par l'abondance des est beaucoup plus frappant que pour
monographies. Plus que de la collection Evolution l'actualité de l'immédiat après-guerre (16,8 %)
de l'humanité lancée par H. Berr dans le accaparée par la diplomatie européenne et
sillage de sa revue, la Bibliothèque de la la SDN. Le premier conflit mondial tient
Revue historique s'inspire de la Bibliothèque une place somme toute raisonnable (6,1 %),
d'histoire révolutionnaire d'Albert Mathiez, compte tenu de l'inflation générale des
où sortent les travaux de ses jeunes disciples. ouvrages sur ce thème dans les années 1920 :
il est vrai que sont laissés volontairement
1. Prospectus de la collection.
2. Les archives conservées sont très lacunaires. Il est 3. La revue fondée en 1899 par P. Caron n'a pas été tout
raisonnable d'estimer, par extrapolation des chiffres connus de suite éditée par E. Cornély, auquel succédera F. Rieder.
pour l'immédiat avant-guerre, chaque tirage à 4 000/ Elle a d'abord paru chez A. Fontemoing et A. Picard, puis
5 000 exemplaires, ce qui est plus important que le tirage moyen jusqu'en 1906 à la Société nouvelle de librairie et d'édition,
d'un titre de la Bibliothèque d'histoire contemporaine excédant bien connue. Elle s'interrompt en 1914 pour reprendre en
rarement 3 000 exemplaires. Chez Colin, chaque tirage d'un 1926. On notera d'autre part que la Bibliothèque d'histoire
volume de l'Histoire générale de Lavisse est de 7 500 exemplaires moderne, tribune des jeunes collaborateurs de la revue, a été
environ. Ces chifrres indiquent bien qu'elle catégorie de clientèle fondée en même temps que la Bibliothèque de la Revue
est visée dans chaque cas. historique, mais que son existence a été encore plus éphémère.

25
VALÉRIE TESNIÈRE

de côté ici les albums de La France dévastée mand Colin, où le gendre de celui-ci,
parus en 1919-1920 et les publications de la M. Leclerc, accueille L. Febvre et M. Bloch
Commission des réparations. L'histoire en 19283, est intéressante. En effet, la
coloniale progresse un peu (8,6 %), en publication des Annales n'a eu aucune incidence
particulier grâce à la célébration du centenaire sur la production d'ouvrages historiques de
de la conquête de l'Algérie : la maison Alcan l'éditeur, qui quantitativement est en retrait
est en effet chargée officiellement des par rapport à l'avant-guerre et par rapport
publications commémoratives patronnées par à la géographie qui affirme avec éclat son
le gouvernement1. autonomie4. Hormis les Classiques de la
La répartition thématique démontre bien Révolution française, dirigés par A. Mathiez
que le renouvellement des collections puis par G. Lefèbvre et l'histoire de l'art
historiques est très relatif. Mise à part illustrée par E. Mâle, ce secteur demeure en
l'émergence de l'histoire des civilisations (11,8 %), sommeil à partir de la mort de Lavisse.
accentuée d'autre part par l'édition des Certes, la crise économique a pu jouer
communications du Centre international de un rôle dans ce repli. Soutenir une revue
synthèse, c'est encore l'histoire politique qui comme les Annales dont la diffusion ne
arrive en tête (32,2 %) suivie par la dépasse pas 350 exemplaires représente une
diplomatie (18,5 %). A égalité ensuite, les charge lourde. Sa rivale, la Revue historique
biographies (8,6 %) où Napoléon III est se maintient à un chiffre bien supérieur,
réhabilité comme Guizot et Henri III, et 1 500 exemplaires. La Caisse des recherches
l'histoire sociale. L'Histoire universelle du scientifiques limite ses financements aux
travail, dirigée par G. Renard, explique ce principales revues et à quelques publications. Si
chiffre car, en regard, l'Histoire économique la 4e section du CEHS utilise à grand-peine
seule a un score très faible (3,6 %). Elle se tous ses crédits en 1921, le montant est
développe maintenant dans des collections double de celui des possibilités d'aides en
autonomes, d'abord inspirées de celles du 1929 5. Le CNRS enfin, lors de sa création
fonds Guillaumin, reprises en main par des favorise exclusivement les sciences exactes.
sociologues comme F. Simiand, directeur de Même chez Alcan, directeurs de revues et
la Nouvelle bibliothèque économique, qui collections pourtant fétiches sont priés de
atteint le chiffre respectable de 14 titres. La se serrer la ceinture6. Mais sans conteste le
Bibliothèque générale des sciences sociales domaine le plus sacrifié est l'édition de
ne survit pas à la guerre. C. Bougie, qui recueils de sources : Alcan interrompt la
chapeaute la nouvelle série de X* Année publication de l'Inventaire analytique des
sociologique (1924-1925) avec M. Mauss, H. archives des affaires étrangères et passe la
Hubert, P. Fauconnet et F. Simiand, lance sa main pour les Recueils des instructions
propre collection des Réformateurs sociaux. données aux ambassadeurs. Air du temps : dans
L'histoire religieuse (4 %), dont le ton est un contexte récessif, la priorité va aux revues
moins polémique, rejoint aussi l'histoire des et aux grandes collections de synthèse.
idées dans le peloton de queue. Au Il est intéressant de voir comment avec
demeurant, cette ouverture au ralenti correspond Félix Alcan tombe le mythe de l'éditeur deus
aux thèmes choisis pour les diplômes ex machina popularisé par Bernard Grasset
académiques (DES, diplômes EPHE et thèses) en particulier, qui pousse cette définition à
où l'histoire politique demeure reine aux son point extrême en allant jusqu'à préfacer
dépens de l'histoire économique et sociale2.
La comparaison avec la production 3. AN : 318 Mi. (correspondance M. Bloch/L. Fèbvre,
juin/juillet 1928).
4. Catalogue général, A. Colin, 1935.
5. AN F17 17432.
1. Tirage : 600 exemplaires. 6. AN A B XIX 3525-3 (avenant au contrat de direction
: :

2. Olivier Dumoulin, thèse citée, p. 228-316. de P. Sagnac et L. Halphen, 6 avril 1938).

26
L'HISTOIRE AUX ÉDITIONS ALCAN

lui-même ses auteurs. Il n'est plus par ailleurs toire. On retrouve ici encore l'émiettement,
un libraire traditionnel absorbé par le strict signalé plus haut, en collections particulières.
commerce de ses marchandises. Ni l'université, ni la Revue historique, ni même
Universitaire, il travaille pour une science en marche. les Annales ne sauraient parler au nom du
La personnalité de l'éditeur se dilue dans le politique.
réseau de relations scientifiques dont il a Il n'est donc guère surprenant qu'à la
tissé les liens et qui fonctionne peu à peu mort d'Alcan la fusion en une société
automatiquement sans que lui-même se sente coopérative de professeurs soit devenue
dépassé. A cet égard, l'affaire Dreyfus a inéluctable à plus ou moins court terme. L'histoire,
vraiment cristallisé des orientations prise dans les contradictions d'un positivisme
politiques mais aussi intellectuelles fécondes. En qui s'essouffle, se renouvelle peu. Dans ce
même temps, le contre-coup en est un climat, les représentants de la discipline
durcissement des positions des universitaires, croient trouver sa défense et illustration en
sensible après la guerre. Le cloisonnement s'emparant des mécanismes de leur propre
entre engagement politique personnel et production éditoriale. Savoir et politique ne
production scientifique est alors plus marqué. cohabitent plus désormais dans la même
L. Febvre comme L. Lévy-Bruhl militent
maison. Celles de littérature générale, telle
ouvertement, mais le combat du citoyen ne la firme de G. Gallimard, n'ont pas encore
rejaillit pas sur les écrits de la discipline. L.
pris pied dans le domaine universitaire,
Halphen, P. Sagnac comme M. Bloch se comme cela sera patent après 1945 sur des
tiennent volontairement en retrait sur ce bases différentes.
plan. Si Louis Eisenmann a joué un rôle
diplomatique important après 1918 à la D
conférence de Gênes et auprès des pays
slaves, il l'a fait en invoquant la mission
classique de l'historien, homme de science
et potentiel conseiller cfun gouvernement :
situation en grande partie engendrée par la Valérie Tesnière travaille à la mise en place de la
bibliothèque de France. Elle prépare une thèse de
guerre. Le directeur de l'Institut E. Denis doctorat sur les relations entre universitaires et éditeurs
de Prague anime la revue Le Monde slave de 1890 à 1950 et a collaboré à /'Histoire de
chez Alcan, mais il en distingue l'édition française dirigée par Roger Chartier et
soigneusement l'activité de celle d'une revue Henri-Jean Martin, actuellement rééditée che% Fayard.

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VALÉRIE TESNIÈRE

Annexe 1 . Répartition chronologique de la production Annexe 2. Répartition chronologique de la production


historique parue che% F. Alcan entre 1886 et 1917 historique parue che^ F. Alcan entre 1918 et 1939

Antiquité Antiquité
Moyen Age Moyen Age
16e-18e siècles 16e-18e siècles
Révolution Révolution
Empire Empire
Histoire de France
19e siècle (1815-1870) Histoire de France
Europe 19e siècle 19e siècle (1815-1914)
(-> 1870) Europe 19e siècle
Monde 19e siècle (-> 1914)
(-> 1870) Monde 19e siècle
Histoire immédiate (-► 1914)
France (1870-1914) . . . Première guerre
Histoire immédiate mondiale
Europe (-> 1914) Histoire immédiate
Histoire immédiate France (1918-1939) . . .
Monde (->• 1914) Histoire immédiate
Première guerre Europe (1918-1939) . .
mondiale
Histoire des origines à Histoire immédiate
nos jours Monde (1918-1939) ...
Mémoires d'hommes Histoire des origines à
politiques nos jours
Histoire coloniale .... Histoire coloniale ....
Histoire des Histoire des
civilisations civilisations

Annexe 3. Champs de l'histoire couverts par la


production d' Alcan (1886-1939)

1886-1917 1918-1939

Histoire politique .... 31 % 32,5 %


Histoire diplomatique 23,3 % 18,3 %
Histoire économique 6,6 % 3,6 %
Histoire sociale 10,1 % 8,6 %
Histoire religieuse . . . 5,5 % 4 %
Histoire intellectuelle 6 % 4 %
Biographies 7,7 % 8,6 %
Histoire coloniale .... 7,3 % 8,6 %
Histoire des 2,5 % 11,8 %
tions

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