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Voir & Être vu

Réflexions sur le champ scopique


dans la littérature et la culture européennes

Études réunies et présentées par Peter SCHNYDER


et Frédérique TOUDOIRE-SURLAPIERRE

Éditions L’improviste
CE VOLUME A BÉNÉFICIÉ DU SOUTIEN
DU CENTRE DE RECHERCHES ILLE (INSTITUT DE RECHERCHE EN LANGUES ET
LITTÉRATURES EUROPÉENNES – EA 4363) DE L’UNIVERSITÉ DE HAUTE-
ALSACE,
DU CONSEIL SCIENTIFIQUE UHA, DU CONSEIL RÉGIONAL D’ALSACE
ET DU CONSEIL GÉNÉRAL DU HAUT-RHIN

© 2011 Éditions L’improviste


ISBN 978-2-913764-46-0
Fabrizio IMPELLIZZERI

Actéon ou le paradoxe du voyeur


Analyse intersémiotique du récit mythologique de Pierre Klossowski

[…] je suis déjà quelque chose d’autre, en ce sens que je me sens moi-
même devenir un objet pour le regard d’autrui. Mais dans cette position,
qui est réciproque, autrui aussi sait que je suis un objet qui sait être vu
[…] dans ce double regard qui fait que je vois que l’autre me voit, et que
tel tiers intervenant me voit vu. Il n’y a jamais une simple duplicité de
terme. Ce n’est pas seulement que je vois l’autre, je le vois me voir, ce
qui implique le troisième terme, à savoir qu’il sait que je le vois1.

Toute l’inspiration érotique de Pierre Klossowski passe par la vue, par


un champ de vision de l’image qui se partage entre la vision intérieure et la
vision extérieure des corps sur lesquels fixer et projeter le désir sexuel. Pour
Klossowski, la vision érotique se partage sans cesse entre le voir et l’être
vu ; en une puissante complicité physique et psychologique entre le voyeur
et l’exhibitionniste. Un langage du corps et de l’esprit qui communique la
perversion de voir, de pénétrer, de toucher par le regard le corps de l’autre,
et l’envie d’être dévêtu et touché par ce regard même. Dans l’œuvre de
Pierre Klossowski, le paradoxe de la présence / absence, du voir et être vu,
est spécialement représenté dans Le Bain de Diane daté de 1956. Cette
œuvre nous fournit les éléments pratiques et « figurés » des enjeux de l’acte
de contempler et de ceux du donner à voir. Le tableau (illustrations à la
mine de plomb et aux crayons de couleurs) et l’écriture, dans leur « mise en
image » des scènes érotiques, se proposent en tant que surfaces magiques
et miroitantes d’un véritable enjeu fantasmatique de l’auteur et du lecteur.
La « perversion » des deux sujets protagonistes du mythe se joue ainsi
entièrement sur l’exhibitionnisme de Diane et le voyeurisme d’Actéon,
mais comme tout paradoxe l’axiome se renversera dans ses contraires
comme témoigner du penchant « pervers » que ceux-ci incarnent. Diane se
transforme en voyeur, car elle devine le désir d’Actéon, et Actéon se
« métamorphose » en exhibitionniste, car vu, découvert et puni dans son
infraction.

1 Jacques Lacan, Les Écrits techniques de Freud (Séminaire I, 1953-1954), Paris, Seuil, 1975,
p. 245 et 240.

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