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La Réalité

augmentée
Une fuite immersive
dans l’hyperréalité

« La réalité objective n’est que le produit d’un


raisonnement destiné à formuler l’univer-
salisation hypothétique d’une multitude de
réalités subjectives. »

Philip K.Dick
La Fourmi électrique, 1969

Fiche d’accréditation du macro-projet


Noémie MOUCHET — DSAA — Design Graphique
Promo 2013-2015
La réalité augmentée
Une fuite immersive dans l’hyperréalité

Définition une forme éditée date cependant seulement de 2007. Perception et immersion Objectifs
Aujourd’hui, on trouve notamment des affiches invitant le
L’expression de «  réalité augmentée  » désigne une spectateur à se munir de son téléphone pour avoir accès La réalité augmentée est un nouveau lieu d’extension de Augmenter notre perception quotidienne du réel au tra-
pratique issue des principes de la réalité virtuelle. Elle à un deuxième niveau d’information superposé au réel. perception et hypothétiquement d’extension de nos sens. vers de la réalité virtuelle, jusqu’à tendre à l’hyperréalité.
consiste à superposer à la réalité des éléments virtuels, Car comme l’énonçait si bien Platon avec son allégorie de L’investigation de moyens graphiques plus abstraits est
et ce en temps réel. Ainsi, cette désignation permet litté- la caverne, notre perception de la réalité n’est que celle envisageable.
ralement « d’augmenter la réalité » grâce à des images, La place de la réalité augmentée dans la que nos sens nous renvoient, donc par définition, elle
des informations ou des incrustations de modèles réa- société est imparfaite et potentiellement inexacte. Nos sens ne
Intentions de travail
listes. Cette incrustation est possible par le biais de captent pas tout ce qui constitue notre environnement, par
procédés immersifs tels que des lunettes vidéos, des Le développement important ces dernières années des exemple les couleurs dont la longueur d’onde échappe à De ce fait, travailler sur le rapport entre la réalité aug-
casques d’immersions ou tout simplement une caméra technologies des réalités virtuelles et des mondes numé- notre regard (infrarouge et ultraviolet) ou les ultrasons. mentée et le graphisme suppose de travailler sur plu-
numérique. riques pose de nouveaux problèmes à la société, mais Et par les différents procédés immersifs, la réalité aug- sieurs points :
Selon le chercheur américain Ronal Azuma, la réalité également au monde de la communication. mentée peut amener nos sens à percevoir de nouveaux
augmentée doit respecter trois règles fondamentales  : Depuis le début des Magic Book, on peut constater une éléments amenés numériquement, donc hautement vir- > Les codes établis du virtuel, entre mimesis ou lissage
combiner le réel et le virtuel, la réaliser de manière explosion des domaines d’applications de la réalité aug- tuels. En cela, notre perception sensorielle du monde est de l’image. Le virtuel cherche-t-il à restituer le réel dans
interactive (donc en temps réel) et respecter l’homogé- mentée. On la retrouve dans les musées et le patrimoine altérée, mais également notre perception intellectuelle, une mimesis parfaite, où ne tend-il pas vers un certain
néité de la perspective existante. Ces trois notions ques- (comme à l’abbaye de Cluny), dans l’immobilier, dans notre manière d’appréhender et de considérer notre envi- lissage de l’image, une fausse perfection virtuelle ? Est-il
tionnent directement la notion de graphisme. l’édition, chez les publicitaires, dans le marketing … Le ronnement. possible d’intégrer de manière réaliste des éléments gra-
défi pour la réalité augmentée est donc aujourd’hui de phiques fictionnels ? Étude des besoins graphiques direct
trouver sa place, car comme l’énonce Robert Rice, pré- en s’immergeant dans des projets concrets avec des pro-
Historique sident de Neogence (société de réalité virtuelle) « un des Positionnement fessionnels partenaires.
La première technologie s’apparentant au principe ac- risques pour la réalité augmentée est de se voir apposer Les artistes ayant travaillé sur la réalité virtuelle et la > L’hyperréalité. Expérimenter l’hyperréalité en tant que
tuel de réalité augmentée a été créée en 1965 par Ivan le label de “nouveauté” (...) Je pense qu’il va s’écouler du réalité augmentée se sont surtout concentrés sur l’idée support de fiction mêlé à la réalité, notamment dans sa
Sutherland au MIT. La «  proto-RA  » permettait simple- temps avant d’avoir une application vraiment utile ou au de perturber la vision du spectateur sur le monde en le manière de représenter le «plus que réel». Une recherche
ment à l’utilisateur de visualiser un cube 3D seulement moins quelque chose de pratique, de concret ». transformant en quelque chose d’inconnu, de fictionnel, sur les possibilités graphiques de mise en tension entre
dessinée en arrêtes qui se superposait à sa vision et sui- Ces nouvelles possibilités touchent divers degrés de per- de non réel objectivement. Toutes ces démarches, bien le réel et l’hyperréalité en temps réel. Expérimenter le
vait ses mouvements en recalculant l’angle de vision de ception, qu’elle soit visuelle, tactile, auditive, voire même qu’intéressantes, créent complètement des univers ou design génératif en utilisant des faits réels objectifs pour
l’image en fonction de la position de l’utilisateur. olfactive. Ces applications sont multiples, du loisir (jeux renversent simplement des situations existantes comme créer des images du domaine de l’hyperréalité.
Cette idée restera inexploitée jusqu’à l’invention par la vidéo, lectures augmentées, simulateurs…) à l’indus- Kazuhiko Hachiya, qui, dans son oeuvre Inter Dis-Com-
NASA au milieu des années 80 de dispositifs de réalité trie (assemblages, études et test, simulations de situa- munication Machine interchange la vision des deux par- > L’immersion - trait d’union entre réel et virtuel.
augmentée, exploités largement dans le monde militaire, tions…), ou même des domaines encore relativement ticipants, les amenant littéralement à voir à travers les Questionner les outils d’immersion et les possibilités
notamment pour les pilotes. Puis la simulation 3D et les jeunes dans leur exploitation de ces technologies, telles yeux de l’autre. Leur but était donc la seule perturbation qu’ils offrent, notamment dans leur manière d’intégrer
mondes virtuels prirent un essor considérable dans les que le médical. Ce médium a déjà attiré l’attention des des sens sans pour autant orienter la perception vers un les éléments virtuels. Proposer des éléments d’intérac-
années 90, en faisant progresser au passage des sec- artistes contemporains, qui s’en sont emparés pour créer objectif particulier. Mais la réalité augmentée ne peut-elle tions directes entre le réel et les éléments virtuels à tra-
teurs industriels tels que le design ou la conception as- des versions perturbées de la réalité et réinterroger la pas aller plus loin ? vers une démarche de design globale et notamment des
sistée par ordinateur, l’aéronautique ou l’évaluation des vision de l’homme sur son environnement de différentes Aujourd’hui, le graphisme est souvent divisé en deux par- objets connectés.
processus industriels. manières. ties : print et multimédia. L’apport de la réalité augmen- > La perception. De nombreux éléments appartenant au
tée permet de créer des éléments se situant entre ces réel objectif restent inaccessibles au sens de l’homme, à
Graphisme et réalité augmentée L’hyperréalité deux supports, proposant donc les avantages de chacun sa perception, mais peuvent être perçus grâce à l’intermé-
d’entre eux, et ce dans l’ensemble des champs du design, diaire de machines. Questionner l’augmentation des sens,
Les projets de réalité augmentée sont en général plu- L’expression «  réalité augmentée  » donne littéralement pas seulement graphique. Ce mélange en lui-même crée notamment au travers de l’handicap sensoriel (aveugles
tôt à l’initiative de personnes issues du développement l’intention de ces pratiques : augmenter la réalité. C’est de nouvelles possibilités. ou malvoyants, sourds ...). Travailler sur l’augmentation
informatique ou d’ingénierie plutôt que de designer. On cette intention qui est particulièrement intéressante,
du réel par des éléments inaccessibles au sens humain,
voit donc une lacune certaine de qualité graphique dans car comme l’énonçait si bien Roland Barthes dans « La
la plupart des projets actuels de réalité augmentée, bien chambre claire » à propos de la photographie, la repré- Problématique que ce soit des informations objectives ou subjectives.

que certains graphistes commencent à s’intéresser sur sentation de la réalité reste bien souvent à l’état de copie Le questionnement principal sera bien sur celui de la > La réalité augmentée dans la chaine graphique.
ce médium. Le graphisme s’est tout de même emparé de édulcorée, affadie de la réalité. Ainsi, l’idée d’« augmen- mise en tension de la réalité à la réalité augmentée, mais Quelle place, quelle valeur ajoutée pour la réalité aug-
la réalité augmentée en tant que principe d’apport d’élé- ter » la réalité à travers sa représentation plutôt que de plus encore, le rapport de la réalité à l’hyperréalité. Dans mentée dans la chaine graphique? Augmenter une créa-
ments ou d’informations. La pratique des Magic Book, la laisser au simple état de copie fait écho au principe quelles conditions la superposition d’éléments virtuels tion graphique d’éléments animés et/ou interactif pas
apparue au cours des années 90, a été l’un des premiers d’hyperréalité de la philosophie post-moderne. L’hyper- au réel peut-elle créer une hyperréalité ? Dans quelle seulement en illustration de son contenu. Ainsi, on peut à
projets mêlant la réalité augmentée au graphisme. Ces réalité est, comme l’énonçait Jean Baudrillard « la simu- mesure la réalité augmentée contribue-t-elle à constituer présent livrer deux propos dans un livre : celui imprimé et
livres interactifs proposent des pages au contenu enrichi lation de quelque chose qui n’a jamais réellement existé » une nouvelle esthétique de l’hyperréalité ? celui qui, virtuel, se révéle par un outil de lecture numé-
par des éléments numériques qui peuvent être lus par représenté comme un élément authentique, « Le faux au- De quelle manière la réalité augmentée peut-elle mêler rique. Mettre en tension deux propos en un livre, jouer des
une application ou une simple webcam. Les Magic Book thentique » selon Umberto Eco. Ainsi, la réalité augmen- le support imprimé à la création numérique ? Quelle place différents niveaux de lectures (conte et son interprétation
apparaissent de 1995 à 1997 lorsque l’artiste japonais tée se situe exactement dans cette intention. Elle ajoute à pour le graphisme aujourd’hui dans les pratiques de réa- par Carl Gustav Jung, récit linéaire et jeu permettant un
Masaki Fujihata crée son installation interactive « Beyond la réalité des éléments qui n’existent pas objectivement, lité augmentée ? choix du lecteur ...)
Pages  ». La première publication d’un Magic Book sous mais seulement virtuellement au sens premier du terme,
dans l’hypothétique.
Partenariats envisagés
— Emmanuel Mahé, chercheur spécialisé dans les
usages émergents des technologies de l’information et
de la communication. Enseignant supérieur de Rennes
2, de Paris 8, de l’École Supérieure Européenne de
l’Image à Angoulême
— Maurice Benayoun, artiste français connu comme
pionnier dans l’utilisation du virtuel dans l’art (partena-
riat envisagé pour la question de l’hyperréalité).
— Adelin Schweitzer, artiste français travaillant sur la
réalité augmentée.
— INRIA  : Institut National de Recherche en Informa-
tique et en Automatique, organisation invitant des
étudiants à participer à leurs projets pour leur thèse
(partenariat envisagé sur leurs projets de thèse pour les
A-reality par Adelin Schweitzer
codes du virtuel).
— Artefacto, société de conception d’outils de commu-
nication virtuels, notamment en réalité augmentée.
— RA’pro, association de promotion et d’entraide au-
tour de la réalité augmentée (partenariat envisagé sur
leurs projets pour les codes du virtuel).
— Pôle image de Chalon sur Saône,
— FabLabs, notamment l’atelier Handilab de Lyon (par-
tenariat envisagé pour la question de la perception) ou
Ping à Nantes (partenariat envisagé pour la question des
objets connectés).
World Skin par Maurice BENAYON
Bibliographie
— BARTHES Roland, La Chambre claire, Note sur la pho-
tographie, Seuil, 1980.
— BENAYOUN Maurice, The dump : 207 hypothèses pour
un passage à l’acte, FYP éditions, 2011.
— BENJAMIN Walter, L’oeuvre d’art à l’époque de sa re-
productibilité technique, PUF, 2011.
— BERGSON Henri , Le possible et le réel, PUF, 2011.
— BERRY Vincent, L’expérience virtuelle  : Jouer, vivre,
apprendre dans un jeu vidéo, RU Rennes, collection Pai-
deia, 2012.
Biggâr par Sander Veenhof (sculpture mondiale)
— CAUQUELIN Anne, Le site et le paysage, PUF, 2002.
— CAUQUELIN Anne, Mots et Mythes du virtuel, Article
de la revue virtuelle Quaderni n°26 : les mythes techno-
logiques, 1995.
— COUCHOT Edmond, La technologie dans l’art, de la
photographie à la réalité virtuelle, éditions Jacqueline
Chambon, 2002.
— DEBORD Guy, La société du spectacle, éditions Galli-
mard, 1992.
— FOUCAULT Michel, Les hétérétopies et le corps uto-
pique, nouvelles éditions lignes, 2009.
— GELIN Rodolphe, Comment la réalité peut-elle être
Dr Jekyll und Mr Hyde par Martin Kovacovsky
virtuelle ?, éditions Le Pommier, 2006.
— JOLIVAT Bernard, La réalité virtuelle, PUF, collection
Que sais-je?, 1996.
— LABORIT Henri, Éloge de la fuite, éditions Gallimard,
février 1985.
— MILON Alain, La réalité virtuelle  : avec ou sans le
corps ?, éditions Autrement, 2005.
— Ouvrage collectif, Traité de la réalité virtuelle, Presses
de l’École des Mines, 2006.
— PLATON, La république, (livre VII), Flammarion, 2002.
— TRICLOT Matthieu, Philosophie des jeux vidéos, édi-
tions zones, 2011.
Inter Dis-Communication Machine par Kazuhiko
Hachiya,

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