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Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris

L'ÂME ET LA MOELLE: Les conditions psychiques et physiologiques de l'anthropologie dans


le Timée de Platon
Author(s): Jean-François PRADEAU
Source: Archives de Philosophie, Vol. 61, No. 3 (JUILLET-SEPTEMBRE 1998), pp. 489-518
Published by: Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris
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Archives de Philosophie 61, 1998, 489-518

L'ÂME ET LA MOELLE
Les conditions psychiques et physiologiques
de l'anthropologie dans le Timée de Platon

par Jean-François PRADEAU


Université de Bordeaux III

« Mais on rencontre encore ce trait étrange dans


l'argument qu'on vient de discuter et la grande
majorité de ceux qui roulent sur l'âme, c'est
qu'ils attachent l'âme au corps et l'y rapportent,
sans avoir, au préalable, déterminé en vertu de
quel motif, ni de quelle disposition du corps. »
Aristote, De Anima , 407b 13- 17 1

RÉSUMÉ : Les chapitres que le Timée de Platon consacre à la constitution


comme aux fonctions de l'âme, celle du monde et celle des vivants terrestres,
soutiennent deux hypothèses : l'âme conserve son unité en dépit de l'exercice
conjoint de ses trois différentes fonctions, et elle meut un corps qui doit en-
tretenir avec elle une certaine parenté . De telle sorte que la psychologie pla-
tonicienne ne propose aucunement qu'il existe des « parties » de l'âme, et
qu'elle fait de la moelle le principe constitutif du corps.

MOTS-CLES : Ame. Corps. Moelle. Physiologie et mouvement.

ABSTRACT : In Plato's Timaeus, the chapters that are dedicated to the compo-
sition and functions of the soul, both of the world and of living beings, sup-
port two hypotheses : 1) despite the exercise of its three distinct functions, the
soul conserves its unity, and 2) the soul animates a body, which in turn must
maintain with it a certain parentage or relationship. Platonic psychology in
no way proposes the existence of« parts » of the soul. Furthermore, it consi-
ders the constitutive principle of the body to be the marrow.

KEY WORDS : Soul. Body. Marrow. Physiology and Movement.

1. Traduit par R. Bodéíis, Gamier Flammarion, 1993.

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Le chapitre du Timée consacré à l'expli


humain présente deux difficultés princi
de l'âme humaine, dont la particularité
lange qui a permis la fabrication de l'âm
même temps une double « partie » mort
0')|iôç et l'é7Ci0D|iia). La seconde tient à
dont le détail comme les conséquence
plexes que l'âme des vivants mortels se
ces deux difficultés, nous montrerons co
fier l'ordre de l'humain (ce qui autorise
platonicienne), tout en maintenant l'affi
quelle l'homme est une partie du monde
en valeur de la moelle comme principe c
l'on renonce à l'opinion selon laquelle il
nicienne des « parties » de l'âme.

Le commentateur qui entreprend d'e


l'homme dans le Timée s'attache d'abord
l'âme humaine. Et cela soit parce qu'i
parce qu'il reconnaît la primauté logique
le corps2. Mais ce commencement ne
l'âme est plusieurs fois rappelée par Tim
les trois espèces de l'âme, puis leur lia
déjà expliqué comment le démiurge con
immortelle de l'âme humaine. Ainsi, au
adresse pour leur donner ses instruction
vants mortels : « Et, quant à la part d
même nom que les immortels, celle q
mande chez ceux d'entre eux qui touj
suivre la justice, celle-ci, l'ayant semé
vous la confier » (41c5-9)3. Ce que le dém
c'est l'âme immortelle (c'est-à-dire divin
monde dans son ensemble (34a-40d),
seule nuance introduite à ce point du di
mélange psychique : pur et parfaitement
fabriquer l'âme du monde, ses ingréd
qu'avant, mais de deuxième ou de tro

2. C'est le cas, qu'ils soient anciens, modernes ou


taires que j'ai pu consulter. Le dernier en date, Le
logique du Timée de Platon de L. Brisson, Klin
1995 2, dont le cours est pourtant thématique, ent
à l'homme (6, p. 413 sq.) par la constitution de l'â
3. Ici comme par la suite, dans la traduction de L

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l'animation des astres et des vivants mortels (41d7-


riau immortel, issu d'un mélange altéré, que les die
tard, quand ils disposeront l'âme « triple » dans le
72d). Timée évoque donc par deux fois l'âme hu
textes correspondent à la double nature de l'âme, à
immortelle (ce qui signifie aussi, dès ce premier te
maine est mentionnée [42al], que cette dernière ser
et que l'âme lui donnera accès aussi bien au sensi
qui sont les ingrédients du mélange dont elle est co
donc considérer que l'âme immortelle de l'homm
l'âme du monde (41d5). Mais, il faut pourtant distin
de Timée, la fonction et 1'« incarnation » de l'âme
de l'homme. En 34b sq., après avoir décrit la consti
monde, Timée demande que l'on ne se méprenne
réelle de l'âme ; contrairement à ce qu'a pu suggére
bien été constituée avant le corps, et « c'est premiè
et selon l'excellence (yevéaei Kai ápexfl) que le d
afin qu'elle commande et soit maîtresse du corps en
domination » (34c4-7). Avec plus ou moins de suc
trise psychique du corps que les dieux devront r
ajouteront les espèces mortelles de l'âme et fabriqu
main5. Or, et la différence est remarquable, si l'esp
l'âme humaine existe bien avant la fabrication du c
pèces mortelles de l'âme, on ne peut, justement du f
l'âme humaine, la tenir tout entière pour anté
contraire de l'âme du monde, l'âme de V homme n'
corps. La primauté dans l'ordre de l'excellence (àpex
maintenue, mais, dans le cours chronologique du réc
la naissance (yevéaei) n'existe plus.

4. Deuxième ou troisième, dans l'ordre de la pureté. La disti


sceptique (n. 1, p. 458 de sa traduction, Gallimard, 1950), et F.
c'est la supériorité de l'homme sur la femme, dans l'ordre des ré
laquelle il est fait allusion {Plato's Cosmology, Kegan, Londres
cette tripartition me paraît aller de soi et ne présenter aucun
compte de ce que Timée présente bien ici trois êtres animés, et l
fection décroissante du mélange dont est constituée leur âme : le
astres (mélange de second ordre), et les hommes (de troisième or
que décrit la suite de ce texte, quand le démiurge sème les âm
puis anime les hommes de cette âme immortelle (en laissant à
son labeur).
5. La description des troubles et distorsions de l'âme lors de
avec les corps est donnée dès 44a-b.

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La description de la constitution trip


une description de la constitution du co
sont d'emblée associées dans une expl
temps.
En premier lieu, les aides du démiurge disposent, afin de créer l'es-
pèce humaine, de l'âme immortelle. A cette âme immortelle, imitant le
démiurge, ils confèrent un corps de forme sphérique, la tête. Au cours
de cette première fabrication (44d sq.), le travail des aides est en tous
points semblable à celui du premier artisan : les deux révolutions de
l'âme (des cercles du même et de l'autre) sont enchaînées dans un corps
sphérique qu'elles animent. Si l'on néglige la perfection moindre des
deux créations, on peut tenir la tête et l'âme immortelle de l'homme
pour l'exacte réplique du corps et de l'âme du monde. C'est parce que
notre tête a presque la figure du monde qu'elle est presque ronde.
En second lieu, et la contrainte est cette fois inédite, les dieux don-
nent à cette tête un véhicule : le reste du corps (44e2). Ici, l'analogie est
rompue, non pas encore entre l'âme du monde et l'âme humaine, mais
entre leurs corps. Dans les deux cas, l'âme reste animée de deux mouve-
ments circulaires, et sa double fonction motrice et cognitive est conser-
vée. En revanche, là où le corps du monde, en-dehors duquel rien
n'existe6, est une réalité autarcique (34d2), la tête, mais nous devrions
dire les têtes , sont façonnées au sein d'un monde empli de corps7, de
corps différents d'elles (car les aides auraient pu à leur tour forger un
système de têtes placées comme les astres sur des orbites circulaires ;
mais ils avaient d'autres instructions : engendrer des vivants de moindre
perfection). L'ajout d'un corps entier à la tête correspond dans le Timé e
à une contrainte sensible, corporelle, inédite : l'extériorité. Quand rien
n'existe en dehors du monde8, tous les corps qu'il contient, c'est-à-dire
tous les êtres vivants, sont eux toujours en contact avec d'autres corps.
Cette contrainte, l'existence réciproque des parties du monde, a deux
conséquences. La première est corporelle : afin de préserver la tête de
rencontres trop violentes et lui permettre de se déplacer, les dieux doi-
vent lui adjoindre un corps autre que circulaire (sous l'aspect de sa
configuration et de ses mouvements). La seconde, indissociable de la
première, est psychique : si l'âme a bien pour fonction de mouvoir et de
connaître tout ce avec quoi elle entre en contact, qu'il s'agisse d'une

6. Car le démiurge a utilisé tous les éléments dont il disposait, en ne laissant hors du
monde aucune parcelle (33c7-8, voir aussi, sur le fait que rien n'existe de sensible à l'ex-
térieur du monde, 33b-34a).
7. Parfaitement plein, puisque Timée refuse l'existence du vide ; voyez notamment
58bl-2 et 79b 1.
8. Comme, pour la révolution du monde, « point n'était besoin de pieds, il [le dé-
miurge] l'a fait naître sans jambes ni pieds » (34a6-8).

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chose sensible ou d'une réalité intelligible (37a-c)9, el


conformée de façon à mouvoir et connaître des réali
sont extérieures au corps auquel elle est liée, et qui, d'
plus seulement animées de mouvements circulaires.
C'est pourquoi, en troisième lieu, une fois le corps d
hicule à la tête, les dieux doivent étendre à ce véhicu
plémentaire, une nouvelle forme de direction psychi
nouveaux vivants devra être façonnée de manière à r
culté relative à l'extériorité des corps, et elle devra a
corps humain, la tête et son véhicule. La deuxième
mesure où le corps est appelé à disparaître, explique
psychique en quoi consistent l'espèce irascible et l'esp
mortel.
On peut donc dissocier dans l'anthropogonie du Tim
tions nécessaires afin que l'espèce humaine existe c
instructions du démiurge. Nécessaires, au sens techn
sité, qui est la cause errante à l'œuvre dans les mo
taires, oblige la cause intelligente à façonner d'une ce
réalités psychiques et physiologiques afin de pouvoir l
textes qui traitent d'abord de l'espèce immortelle et d
corps (tête puis véhicule, 40d-47e), puis de la doub

9. Dans ce texte où Platon décrit la connaissance de l'âme selon qu


avec quelque chose dont l'être est divisible ou indivisible, on com
distinguons pour des raisons de clarté, une fonction cognitive et un
les deux aspects d'une même activité psychique. La pensée est, au
de mouvement. Le mouvement de l'âme, que nous avons de la dif
trement que par analogie avec le mouvement sensible des corps,
L'identité psychique de la connaissance et du mouvement est établie
signe l'âme comme une réalité automotrice, 245c sq., puis c'est
connaissance est explicitement définie comme mouvement, 248d
entreprend de réfuter la définition de l'âme que donne le Timée, c'
équivalence du mouvement et de l'âme, à l'idée même que la pens
vement, c'est-à-dire une grandeur susceptible de se décomposer en
Alistóte : « Comment donc, en effet, pourrait-elle [l'âme] penser, si
Est-ce dans son ensemble ou dans quelqu'une des parties qui la con
I, 3, 407al0-l 1 (ici comme par la suite, dans la traduction de R. Bod
culté que souligne la critique aristotélicienne est bien celle suscitée
mouvements, psychique et corporel. Qu'une réalité psychique pui
corporelle n'a effectivement pas de sens pour qui, comme Arist
« met le corps en mouvement, la bonne logique veut que les mou
prime soient ceux dont elle est elle-même agitée », id., 406a32-bl.
10. La réalité élémentaire est elle-même informée (mathématiquem
que les éléments reçoivent des figures et des mouvements distinc
vent pas abandonnés à l'état fluctuant et chaotique qui est le leur a
miurgique. Sur la nécessité et sur la persuasion qu'exerce sur ell
plus complet et le plus clair se trouve dans Le même et l'autre da
gique du Timée de Platon , de L. Brisson, chapitre 7, p. 469-513.

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(69c sq.) sont séparés par l'ensemble d


la nécessité. Le plan de l'ensemble rest
connaît que l'explication du rôle de
dès que l'on évoque l'animation des
ces derniers sont extérieurs les uns aux autres et nombreux, ils se
rencontrent les uns les autres, se heurtent, s'affectent et s'altèrent, c'est-
à-dire qu'ils éprouvent des sensations. Et c'est l'explication de la sensa-
tion qui, entamée en 45b, doit être interrompue, au risque sinon d'être
incompréhensible, par l'explication de la nécessité. Une fois celle-ci
achevée, Timée peut alors renouer avec le fil de sa description de l'âme
humaine11, et lui ajouter les attributs ou fonctions désormais néces-
saires. La fabrication de l'âme humaine est ainsi un parfait exemple de
l'étiologie platonicienne qui subordonne les causes accessoires (ici, né-
cessaires) à la cause finale 12 . Le raisonnement est le suivant : la fin de
l'âme est d'animer (mouvoir et connaître, c'est-à-dire gouverner) le
corps auquel elle est liée. Ce corps, du fait de la pluralité et de l'extério-
rité des corps à l'intérieur du monde, est un ensemble complexe, dont la
configuration et le mouvement ne sont pas circulaires. L'âme devrait
donc être modifiée de façon à permettre cette animation inédite : animer
un corps autre que sphérique. Mais, c'est là la particularité et toute la
difficulté de l'exposé de Timée, elle ne l'est aucunement. Plutôt que
d'intervenir sur la nature de l'âme immortelle, en modifiant sa fonction
motrice ou le mode de connaissance qui lui est propre, Platon choisit de
lui adjoindre un supplément mortel. Ce choix a trois conséquences.
La première est narrative : des aides divins succèdent au dieu unique,
qui abandonne son rôle démiurgique à la pluralité indéfinie de ses rejetons.
La seconde est cosmologique : le monde est désormais un tout animé,
dont toutes les parties sont également animées13. La présence de l'âme
est une présence continue et totale, puisque tout ce qui est corporel se
trouve lié, d'une manière ou d'une autre, à une âme (ou à l'une de ses
espèces, comme c'est le cas des plantes par exemple, 77b-c). Cette

1 1. Le récit de Timée est donc interrompu par le chapitre de la nécessité (47e-69a, qui
exige que l'on considère l'état dans lequel se trouvaient toutes choses avant l'intervention
du démiurge) ; ce chapitre permet à la fois d'achever la cosmogonie et d'expliquer la spé-
cificité, psychique et corporelle, des êtres vivants. En 69c, l'incarnation reprend ainsi, mot
à mot, là où elle avait été interrompue, en 47e.
12. Une étiologie qui, à la réserve d'une précision lexicale, ne connaît aucune modifi-
cation du Phédon (96e sq.) au Timée (28a, 57c-d, et surtout, pour la distinction des « deux
espèces de causes, la nécessaire et la divine », 68e-69a) : dans les deux cas, la nécessité
des causes accessoires est également posée, comme leur soumission à une cause intelli-
gente, finale.
13. Ce qui était déjà suggéré dans le Phèdre (dans le mythe duquel toutes les réalités
sont animées : « Tout ce qui est âme a charge de tout ce qui est inanimé ; or, l'âme circule
à travers la totalité du ciel », 246b), mais qui ne l'était en revanche pas du tout dans le
Phédon, qui n'envisage pas l'hypothèse d'une âme du monde.

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L ' AME ET LA MOELLE 495

conséquence cosmologique est à son tour psychiq


parvenir à cette animation totale, Platon se trouve
modifier en partie la nature de l'âme, au risque de
définition. En effet, le détour par la nécessité ne pe
voir l'âme comme seule cause motrice, mais condui
connaître l'existence d'autres formes et d'autres causes de mouvements.
Celles que Platon réunit sous le terme de nécessité, et dont il précise
bien qu'elles préexistent à l'action du démiurge, dont l'œuvre est juste-
ment de persuader la nécessité. Mais peut-on encore s'en remettre à la
définition de l'âme comme principe de mouvement (dp^fļ Kivf|aecoç,
245c 10 et 245d7) que donnait Socrate dans le Phèdre ? La chose paraît
d'autant plus improbable que, dans cette même définition, Socrate pré-
cisait que l'âme, parce que principe de mouvement, était principe et
source de mouvement « pour tout ce qui est mû » (245c 10-1 1), de sorte
qu'il n'était pas alors envisagé qu'une autre source de mouvement
puisse exister. On peut éluder la difficulté en tirant argument du genre
narratif de l'exposé de Timée, et en rappelant qu'il ne distingue chrono-
logiquement ou logiquement l'intervention des différentes causes ou des
différents personnages que pour les besoins de son explication vraisem-
blable. Ainsi, l'âme apparaît dans le récit vraisemblable après le corps,
alors même qu'elle est immortelle quand lui, de droit du moins14,
ne l'est pas ( Timée , 32c-33b). On pourrait encore rappeler que le
mouvement des éléments dans le monde s'explique par le mouvement
circulaire et total de compression de la sphère du monde, animée elle
explicitement par l'âme du monde ( Timée , 58a sq.). Mais ce serait né-
gliger tout le chapitre consacré à la nécessité, et en particulier le déve-
loppement dont fait l'objet le « territoire » (la %copa) 15. Quand Timée
évoque la troisième espèce de réalité, il la définit comme une réalité
amorphe, « infiniment diversifiée », « en équilibre sous aucun rapport »,
au sein de laquelle se mêlent dans la plus grande confusion deux types
de mouvements : ceux des éléments, issus de leurs propriétés , ou puis-
sances, qui ne sont ni semblables ni équilibrées (52e2-3) ; et celui de la
nourrice elle-même, qui transmet à son tour un mouvement aux élé-
ments (52e5). Il y a là une pluralité continue de mouvements, qui pré-
existe aussi bien à l'intervention du démiurge que, a fortiori, au gouver-
nement de l'âme. Et de surcroît, dans la mesure où ces mouvements
sont fonction des propriétés que possèdent les éléments avant leur infor-
mation mathématique, on ne peut ici faire valoir que la distinction de

14. Car, de fait, le bon démiurge maintient éternellement en vie le corps du monde ;
voyez 32b-c.
15. Sur la question, voyez mon étude lexicale, « Etre quelque part, occuper une place.
Tórcoç et xcopa dans le Timée », Les Etudes philosophiques, 3, 1995, p. 275-299.

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496 J. -F. PRADEAU

Timée est seulement chronologique. Il y a


psychique, des mouvements nécessaire
absent de la description de l'âme et du c
une série de difficultés quand l'exposé e
mains. La principale conséquence psychiq
accomplir sa fonction motrice en l'exerç
par d'autres mouvements que ceux dont e
La troisième et dernière conséquenc
mortel à l'âme humaine est plus expl
quoique déduite de la précédente. La c
l'origine de la triple spécification de l'âm
cette dernière. Là où la fonction motr
l'âme du monde sont une seule et même
mais tributaire de la configuration, des
corps, va devoir à son tour et d'une certa
ger ses fonctions (nutrition et désir, ar
délibération). Cela engendre immédiatem
rapport de ces fonctions différenciées (c
donner autorité sur les autres ?), mais c
une distinction, que ne connaissait pas l
qui affectent l'âme humaine, ou qu'e
connaît ce qui est divisible (le sensible
selon que c'est le cercle de l'autre ou
contact avec une chose. Mais c'est touj
deux cas est à la fois sujet de la connaiss
(37a-c). Cette identité est rompue quand
espèces ne sont pas ensemble sujet de
rationnelle immortelle joue ce rôle, m
qu'elles sont de surcroît confrontées à d
différents les uns des autres. À tel point
ligente est étranger à celui de l'espèce
mière ne trouve pas un adjuvant, mais s
d'être donnée, la double fonction de l'âm
d'une certaine manière la fin excellente q
maine. Et c'est en effet compte tenu de
chique que vont être définis les aspects
vie humaine.

16. Il n'y a sensation, explique Platon, qu'à partir du moment où les impressions sen-
sibles ont été transmises, par l'intermédiaire du mouvement des organes du corps, à l'es-
pèce intelligente de l'âme {Timée, 64a-c).

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L ' AME ET LA MOELLE 497

Avant d'évoquer le terme éthique de l'anthropolog


distinction des différents modes de vie et l'excellen
faut d'abord traiter l'une des difficultés précédent
ment sur la condition de la vie, de l'animation des
vivant, et particulièrement l'homme, puisse exister
que soient résolues les difficultés relatives au gouv
d'une réalité corporelle complexe et hétérogène.
En premier lieu, afin de définir l'homme et de d
ture, psychique et physiologique, Platon ne peut pas
tité de l'homme et de l'âme qu'il ne peut emprunte
de mots du « corps-tombeau » 18. Mais il peut toute
siologiquement. Les mythes eschatologiques du
comme du Phédon représentent l'âme enchaînée au
pliquant à Cébès les règles du jugement et de la réi
Socrate dit des âmes (d'hommes sans valeur) qui on
qu'« elles reviennent de nouveau s'enchaîner à un c
pouvait s'y attendre, elles s'enchaînent à des corps
ment est identique en tous points aux occupations
leur vie durant » {Phédon, 81e2-4). Ces liens et ces
Timée incarnés, situés dans une description anat
gique, où l'on retrouve le vocabulaire du lien (ëv
évôéco).
Une fois le corps fabriqué (il ne s'agit encore que de la tête), les aides
du démiurge y enchaînent immédiatement les révolutions de l'âme im-
mortelle ( Timée , 43a7). Suit alors la description des troubles qui s'em-

17. Pour la définition de la vie comme animation d'un corps, du vivant comme corps
auquel est lié ou enchaîné une âme, voir 34b, 41 d-e, et 87e6-7 (où le vivant est un com-
posé, un assemblage, cruva^Kpóxepoi, de corps et d'âme). On trouvait déjà dans le Phèdre
la même définition : « Ce qu'on appelle " vivant ", c'est cet ensemble (jéumpan ), une âme
et un corps fixé à elle » (246c5-6).
18. Ou du « corps-signe » ; voyez Cratyle, 400b-c ; Górgias, 493a-b. Les sources pos-
sibles, orphiques notamment, de la synonymie sont citées par M. Dixsaut dans son intro-
duction au Phédon, p. 185, n. 51 et 53. La prudence est toutefois de règle en la matière,
tant l'orphisme, du moins dans la version qu'en donnent les néo-platoniciens des Ve et
VIe siècles, semble en partie reconstruit et interprété à partir de Platon. Sur cette question,
voyez la postface de L. Brisson à Orphée. Poèmes magiques et cosmologiques, Belles
Lettres, 1993, p. 175-179.
19. Voir notamment, en sus du passage du Phédon cité à la suite, Phèdre, 246d-249d.
Dans les récits qui prennent l'âme pour objet, on trouve deux métaphores principales pour
désigner l'incarnation. Celle des semailles d'abord, dont on vient de voir qu'elles sont
l'œuvre du démiurge dans le Timée (et, dans le Phèdre, l'objet du décret d'Adrastée,
248c sq.), puis celle des liens solides, des chaînes du Timée et du Phédon, ou de l'attelage
du Phèdre (où l'on retrouve le vocabulaire de l'attache, 249c sq.). On peut donc distinguer
les semailles, qui qualifient le processus général de l'incarnation et qui sont, en amont,
l'œuvre du divin, de l'attache solide à un corps, qui qualifie plus précisément l'état de
l'âme quand elle se trouve dans un être vivant, c'est-à-dire attachée à un corps.

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parent de l'âme, elle qui « devient foll


fois qu'elle est enchaînée à un corps
l'âme au corps est bien l'œuvre des d
vu, enchaînent de nouveau l'ensemble
de la tête à un véhicule corporel (44d7
conjointe d'une nouvelle espèce d'âm
l'aide du seul vocabulaire de l'attache,
compte trois moments20, consiste en
telle est attachée à la tête, la tête est a
et l'espèce mortelle de l'âme est att
conservation du même vocabulaire, si e
pages 42-44, trouve une justification d
espèces de l'âme puis à la description
découvre en effet que les liens qui e
même nature : ils sont faits de cette su
moelle (ó iLrueAóç).
Ainsi tout au long de la première
Timée conserve le vocabulaire des réci
n'apporte nulle précision à la nature d
mais et simplement dotée de deux r
tendre le chapitre de la triple spécific
soient précisée ; c'est là la fonction de
sent remarquer que le détail anatomiq
butaire de la perspective dynamique q
fin de l'incarnation, de l'animation, es
exercer sa fonction propre, en gouver
circulaire. Et l'anatomie du Timée , do
élaborée en vue de cette fin dynamique

L'homme n'existe qu'à partir du mom


démiurge a confiée à ses aides est atta
gendre donc deux œuvres supplément
tête, et les deux espèces mortelles de l'
trois espèces de l'âme et les deux partie
à l'aide de Hens identiques. Qu'il s'agiss
tête, de l'espèce irascible dans la poitr
l'abdomen, les espèces de l'âme sont tou

20. D'abord la fabrication de la tête pour l'esp


d'un véhicule pour cette sphère animée ; et en
corps ainsi ajouté.
21. J'entends par « dynamique » ce qui conce
psychique), et, en même temps, la ou les prop
aspects ne sont pas distingués par Platon, j'y r
toujours fonction de sa nature, de l'homogénéité

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L ' AME ET LA MOELLE 499

Avec la description de Y établissement (kcxtoíkioiç)


espèces de l'âme, commence la description anatom
main. Impossible à conduire avant qu'aient été déf
ments et la cause nécessaire, elle le devient désorm
sente donc comme indissociables la disposition du cor
triple animation. La composition du corps et les p
giques principaux (irrigation sanguine, nutrition et res
liés), sont élaborés de façon à permettre aux espèces
plir leurs fonctions et de conserver entre elles un cert
port de pouvoir, puisqu'il s'agit d'assurer la dominati
mortelle-intelligente sur les deux autres22). La constit
donc déterminée en fonction de cette fin psychique ;
ce que suggèrent, dans le texte qui décrit la localisati
l'âme (69c-73a), les innombrables marques d'intention
cutions conjonctives qui rappellent qu'une cause final
brication du corps23. Il faut cependant prendre garde
n'est pas immédiatement constitué en vue de l'âme
enseignait suffisamment la distinction des trois fabr
évoquions plus haut (encore une fois : la tête, le vé
double espèce mortelle de l'âme) ; en nous montrant
plutôt les deux espèces mortelles de l'âme qui sont co
du corps-véhicule. Il n'y a là de paradoxe qu'en app
cipe de l'antériorité et de la primauté de l'âme n'est p
convient seulement de remarquer que les deux espèce
moyen (on pourrait presque dire les « causes accessoi
les dieux pour que l'âme puisse gouverner un corp
étendu par nécessité. C'est très précisément pour per
mortelle de soumettre le corps à ses deux révolution
deux espèces mortelles lui sont adjointes. Elles ne son

22. Je néglige l'une des raisons principales de la « tripartition »,


de l'existence de l'espèce irascible par l'obligation dans laquelle s
sonnable de contraindre une espèce désirante par nature rebelle à s
69e-70b). L'autre moyen par lequel l'espèce désirante peut entendr
tion cette fois de l'espèce irascible, est celui de la divination : là, à
la folie et de la structure du foie, l'espèce désirante peut être imm
née par la raison (71a-72d ; ce texte est commenté par L. Brisso
du dérèglement », in Divination et rationalité, Seuil, 1974, p. 22
quait Hegel dans ses Leçons sur l'histoire de la philosophie, la div
tement irrationnelle, « il y a là une raison, mais dans l'irrational
« le patron de l'enthousiasme pur et simple » (traduction P. Garniro
473) ; Hegel fait une autre remarque analogue dans les Leçons su
traduction J.-L. Vieillard-Baron, Aubier Montaigne, 1976, p. 123).
23. Voir l'utilisation systématique, quand sont établies et séparé
et désirante (69d-70c), des conjonctions, prépositions et locution
toùto ; « pour », rcpóç, eiç ; « parce que », Ôióxi.

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500 J.-F. PRADEAU

qu'une médiation nécessaire. Et c'est p


qu'elles ne se substituent pas à l'espèce
œuvre de connaissance), ni ne subsi
L'âme est un principe (áp%f|) de mouv
renoue avec l'exposé consacré à l'âm
comment les dieux ont adjoint une es
telle de l'âme. Mais le vocabulaire est
plus question d'une « espèce immortel
« principe immortel » de l'âme (ap%fļ
on comprendre que principe et espèce
immortelle reste l'espèce motrice et g
ce que montre Timée, dont l'exposé pr
ne l'était sa première évocation de l'in
compris que si l'on renonce au vocabu
parfaitement étranger à Platon.
En ce qui concerne la mention du «
modifie pas sa précédente définition
de l'âme. Sous le terme de principe, c
qui lui reviennent, et Timée insiste sim
pèce » immortelle conserve, à l'exclus
sa qualité d'origine (ap%tļ) du mo
« partie », des « trois parties » de l'âm
à la différence de la plupart des tr
s'avère impropre. L'examen de ce pa
une illustration, qui n'utilise jamais le
vés au corps. Platon ne distingue pas
genres ou espèces de l'âme25. Plus pré
espèces, cette double espèce ajoutée, e
téristique, et en les complétant toujou

24. « Un » principe, puisque le Timée expose


éléments et de la nourrice de l'univers). Sur l'â
loppement du Phèdre déjà cité, auquel on peut
l'âme le principe de tout vivant (35d2-3). En u
désir, l'appétit et Tīļv ap^Tļv) ne semble faire au
d'àp%T). On peut donc à la fois traduire par « pr
par « principe moteur » (A. Diès), dans la mes
Phèdre et le Timée, l'âme est ce qui meut et dir
ajouter une nuance que suggère explicitement
qu'elle reproduit la tripartition psychique : a
jiíav), le principe directeur et moteur occupe l
ne fait donc que retrouver, sous la désignation
tion cognitive et motrice (et c'est bien la partic
bien la gouverne que le commencement, entend
25. C'est la raison pour laquelle j'ai préféré év
humaine plutôt que sa « tripartition ». Dans le
yévoç ou d'eîôoç de l'âme ; voyez, entre autres

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L ' AME ET LA MOELLE 501

l'âme » (xfiç xj/dxtÏç)26- Ainsi, Timée décrit le pri


l'âme, puis un genre mortel de l'âme (xò xfiç vj/DX
69e4-5, 70e5), un « participant » au courage et à
victoire (tò jiexé%ov ovv xrjç '1n)%fiç àvôpeiaç Kai
öv, 70a2-3), et un « désirant » le boire et le manger
Kai rcoxóõv érciGu^iriTiKÒv ttîç 'ļn)%fļ<;, 70d7). Il n
de parties, mais d'espèces distinctes. La nuance est
vocabulaire des parties qu'adoptent spontanément le
entendre qu'il existerait dorénavant trois parties d'u
et soudain divisée. Or c'est manifestement ce que c
ton, qui maintient bien l'unicité du principe moteu
l'espèce immortelle, indivisible. Les traducteurs27,
l'aspect partitif que nous venons d'évoquer, expo
tique ď Aristote qui, dans le premier livre du De An
en cause la partition platonicienne de l'âme. L'erreu
tant selon le Stagirite à distinguer des parties, et à l
ment, là où il aurait dû maintenir l'unicité et l'ind
disposant de plusieurs facultés (I, 41 lbl sq.)28. Les
ciens visés sont celui du Timée (69c sq.) et celui du
blique (436a sq.) qui distingue également des espè
Mais dans la République , Socrate n'évoque qu'exce
tripartition de l'âme. La comparaison de la cité et d

26. Le génitif partitif dont la propriété est à la fois d'indiquer le


tout, mais aussi une localisation précise dans l'espace. De sorte
dans cette description de l'âme humaine, on peut l'appliquer à
substituer au datif locatif (J. Humbert, Syntaxe grecque , Klinck
27. Tous les traducteurs à ma connaissance, puisque l'on trouv
phrases que je viens de citer, à la fois « espèce » et « partie » da
de A. Rivaud, J. Moreau, E. Chambry et L. Brisson, et leurs équiv
F. M. Cornford et D. Lee (« form », « kind » et « part »), F. L
H. Müller (revu par K. Widra, « Teil »).
28. Aristote s'en prend alors à ceux qui « déclarent, de leur cô
lable (fiEpioTTļv) et qu'une partie pense, mais une autre désire
bien assurer la cohésion de l'âme, si la nature l'a rendue mo
411b3 réfute l'existence de « parties différentes » de l'âme, jxo
ce texte, R. Bodéiis accepte littéralement la critique ď Aristot
avait effectivement distingué « trois parties de l'âme » [en Rép
posé « de façon binaire, comme ici [dans la critique ď Aristote], u
pense) aux parties également irrationnelles » (notes 5, p. 131 et
De l'âme). Comme nous allons le voir, le texte de la République
du Timée n'expose pas une telle partition. D est assez manifes
« parties » de l'âme, et la traduction traditionnelle qui l'accompag
Son usage devient par la suite courant mais discuté. C'est un po
les psychologies néoplatoniciennes (voyez par exemple les difficu
tin dans la quatrième Ennèade afín de défendre l' indivisible-divi
de ce composé qu'est l'âme) ou stoïciennes (voyez les références
récente étude de J.-B. Gourinat, Les stoïciens et l'âme, PUF, 19

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502 J. -F. PRADEAU

trois classes de citoyens pour trois es


tingue trois éléments (436a9), bientôt d
genres en l'âme (eïôri év y ')%r', 439e2-3,
Si Socrate n'emploie guère le vocabulair
tion, c'est parce qu'il craint de porter a
prime ainsi au terme du dialogue sa rét
ce qui, comme la cité, ne devrait pas co
pas facile, dis-je, de concevoir que soi
l'assemblage de plusieurs éléments, sa
beau (comme il nous est à présent appar
(X, 611b5-730). C'est pourquoi l'âme n
que sous un certain aspect, et pour la con
regarder la chose quand elle est muti
corps et par d'autres maux, telle que nou
qu'elle est quand elle devient pure » (6
dernière réserve, avant le portrait de
mythe d'Er, c'est que l'âme ne peut être
l'aspect de son incarnation, c'est-à-dire
et principales fonctions, et du rapport
entre elles31. La distinction des trois es
semble- t-il parfaitement à la psycholo
tivement au moment où Timée expose l
carnation de l'âme humaine, qu'il se tro
guer des espèces différentes d'âme. L
conservé d'un dialogue à l'autre, et les t
une disposition relative identique (l'e
deux autres, irrationnelles, et se sert p
cible-courageuse pour contraindre la p
Mais il ne s'agit que du schéma d'ense
sur la manière dont sont désignées le
quand le génitif Tfjç xjfuxfjç complète
è7tiOD|HTyn,KÒv, par exemple). Cette co

29. Les trois espèces en l'âme (xpia [...] eiÔT1 e


xiKÒv, le Gufioeiôéç et rém0u|¿r|TiKÓv, sont nom
cité en IV, 440e7-441a4. Dans la République, co
avant tout un vocabulaire local ; les différentes
parties séparées (comme des organes), les lieux d
ainsi qu'il n'y a pas de séparation locale de l'âme,
de ses différentes facultés (op. cit., voyez notamm
30. Dans la traduction de P. Pachet, Gallimard,
31. Ce qui est en revanche très proche de l'argum
demande que l'on distingue l'unité de l'âme de l
quatre facultés : une intellective, une appétitive
une nutritive), semblables à celles que distingue
426b-427a et 430b-431a.

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L ' AME ET LA MOELLE 503

des passages cités de la République , qui emploient s


dative sans doute plus commune quand il s'agit de di
disons un élément, dans le tout auquel il appartient,
la République , les trois espèces sont ainsi et toujours
que, pour en revenir à la question de la traducti
moins convenable de traduire par « parties » les
ď âme du Timée qu'il n'est encore possible de le
blique lorsque Platon y distingue des espèces ou
(dans cette âme unique qu'est l'âme de l'homme)32.
génitif au datif est assez nette pour que l'on insiste
d'usage qui résulte manifestement d'un changem
n'a plus dans le Timée exactement la même natu
blique. Sans entrer dans le détail d'une question
de la définition de la nature de l'âme humaine dans
sumer l'enjeu de ce changement de la manière suivan
les trois espèces ne sont pas de même nature, et ne
tiori les trois parties d'une même âme, comme c'éta
la République où l'élément désirant, l'irascible et le
tiennent tous trois à la même âme humaine33. Q
être divisée, de droit et non de fait (dans l'exposé de
lement, comme il le souligne lui-même), selon les f
cités qui sont les siennes, n'est plus ce que cherc
dans le Timée. Là, il ne partage plus l'âme, il lui ajo
il ajoute deux espèces supplémentaires à une pre
trouve finalement les trois termes de la Républi
faire oublier le changement de nature (une espè

32. C'est la raison pour laquelle les traductions, si elles ne sont


rendent le génitif partitif de la République par la mention de « p
doute quand elles effacent la nuance entre la forme génitive e
|iépoç, et qu'elles ne permettent plus de saisir la différence qui e
République aux dialogues postérieurs (voyez la note suivante).
33. Et cela à la rigueur seulement, puisqu'il est toujours que
des trois espèces ou éléments de l'âme, à l'exception des deux p
leçons de la comparaison de l'âme individuelle et de la cité, en
respectives et semblables : IV, 441c-445a, puis IX, 577c-588a (
parfois employé). Le détail de la « tripartition » de l'âme dans
par J. Cooper dans « La théorie platonicienne de la motivation hu
phique de la France et de l'étranger, 4, 1991, p. 517-543, partic
534-543. L'étude prend pour objet l'aspect proprement « psych
tion, et distingue désirs et élans selon qu'ils se rapportent ou non
logiques, ou à certaines formes de représentations. J. Cooper,
l'idée que l'âme compte des parties, montre bien le rapport que c
entre elles, et surtout, que la tripartition elle-même est le résult
tions entre les différentes activités psychologiques (c'est-à-dir
d'être dans la nécessité de distinguer les comportements ps
autres, selon leurs causes et leurs objets).

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504 J. -F. PRADEAU

double espèce mortelle) ainsi obtenu. Ce


par la définition d'une réalité psychiq
l'âme du monde. Là encore brièvement,
l'âme du monde est fabriquée par le d
d'être, de même et d'autre, « tenant le m
ď indivisé et ce qu'il y a de divisible dans
c'est à partir de cet unique mélange (o
façon que le démiurge a « entièrement u
seront constituées toutes les espèces d'âm
initial permet à Platon de distinguer par
la perfection de la proportion qui est la
portions de mélange (¿lolpa, 35b2, b5, etc
nellement retranchées et composées (3
l'âme du monde, dont les portions son
l'aide d'une double médiété (36a3), de
d'ordre second car les ingrédients du mél
enfin des âmes des autres êtres vivants. D
ces espèces d'âme, le mélange est donc
moindre. C'est cette dégradation du mél
s'agit toujours d'espèces d'âmes, et, en
justement les distinguer et les spécifier.
proportion dont elles sont composées
C'est exactement ce que montre le tra
forgent des âmes dépourvues des proport
la fabrication de l'âme du monde (43d-e,
tordent et déséquilibrent proportions et
partir des mêmes ingrédients, on trouve
moins équilibrés, de moins en moins
fonction motrice et cognitive de l'âme.
semble atteint avec la double espèce mor
d'une fonction motrice et cognitive pro
la motricité et de la connaissance dont l'e
C'est pourquoi, et nous pouvons retrouv
immortelle est dite àp%f|.
L'âme humaine n'est donc pas partagé
Tintée. Pour surprenant que cela puisse
rer que l'homme compte plusieurs esp
l'espèce immortelle s'ajoute une espèc
qu'affirme la conclusion du dialogue qua
justement la nature de l'homme, elle dem
l'homme compte d'âme et de corps soi
ne néglige aucune des « trois espèces d'â
5). Comme nous l'avons indiqué, la dis

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L ' AME ET LA MOELLE 505

permet notamment à Platon de réserver à l'espèce


vité de la fonction motrice et cognitive34. Celle-ci e
titres : elle est le sujet unique de la connaissance (y
principe directeur, hégémonique35, et l'origine du
Kivfiaecoç) 36. Viennent ensuite les deux espèces m
les auxiliaires. Elles ne sont en aucun cas « principe
meuvent par elles-mêmes quoi que ce soit ; il n
« principe mortel » de l'âme37 qu'il n'existe de part
Si l'âme ne compte pas de parties, le corps est,
même la seule réalité entièrement divisible. C'est c
la composition du mélange de l'âme qui, afin que ce
justement connaître et mouvoir les choses sensibles
en partie « de l'être divisible (jiepiaxfiç) qui dev
(35a2-3, et 37a-c). Ainsi, la divisibilité est le propre
sible est dans les corps (zà GCOļiaTa jaepiaxoi), 35a6
diaire entre l' intelligible-indivisible et le sensible-d
en contact (è^áTCTrjxai, en 37a7) et mouvoir ce qui e
restant en même temps indivisible. Cette ambiguït
diaire que lui confère son mélange initial, permet

34. Il existe toutefois une difficulté, qui tient au statut particul


d'âme, seule présente dans ces êtres vivants que sont les plante
l'on renonce à l'existence de parties de l'âme, cette difficulté s'es
plus tenu de se demander comment seule la troisième partie de l
un vivant, à l'exclusion des deux autres. On doit simplement te
est animé de la seule espèce immortelle-raisonnable), et après l'ho
pèces), les végétaux ne participent eux qu'à la troisième espèc
'1fu%T1ç eiÔovç, 77b3-4). Ces distinctions sont possibles dès lors
différentes espèces peuvent exister indépendamment les une
n'exercent que l'une des fonctions psychiques (c'est ce que retie
II, 413b). En revanche, la destination finale des espèces d'âme
les plantes ont été créées pour protéger l'homme du vent et du f
pour laquelle elles sont seulement animées de l'espèce désirante q
vivre, les laisse toujours passives, incapables de mouvement et
dépourvues de l'espèce immortelle de l'âme. Ce texte a d'au
prouve amplement que l'animation motrice est tout entière le fa
mais aussi que les espèces mortelles, de nature différente, ont
celle-ci.
35. AeoTcÓTiv Kai àpÇovaav, 34c6 ; fļyeļiovo'jv, 41c7 ; et 89d7-8, où l'espèce ration-
nelle est qualifiée de pédagogue.
36. Ce sont là les caractéristiques que les Lois attribuent encore à l'âme, et notamment
au livre X, qui la définit de nouveau comme âp%ii Kivriaeox; (896b4). Avec une précision
importante, puisque l'âme vient d'être dite Kivnaecoç aula, ce qui confirme bien que
principe signifie toujours cause et origine (du mouvement). Pour la définition de l'âme
comme gouvernante, maîtresse, cf. 896e-897c. On ajoutera encore, conformément à la
leçon du Phèdre déjà citée que le fait pour l'âme d'être principe de mouvement signifie
aussi qu'elle est inengendrée, immortelle.
37. Contrairement à ce que laisse entendre A. Rivaud (qui traduit to Ovryuov par « le
principe mortel », 69e 1).

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506 J. -F. PRADEAU

contact avec le sensible sans être elle-


alors que Platon parvienne à rendre com
sans faire de l'âme un corps, une gra
(comme le lui reproche Aristote).
La difficulté devient redoutable qua
l'homme, Timée doit exposer la nature d
au corps. L'âme doit, afin d'accomplir
connaître et mouvoir le corps. Plus préc
cause errante, nécessaire, a été reconnu d
du corps du monde, l'âme doit maîtriser
mentaires, afin d'exercer sa fonction.
déjà été dit de l'âme immortelle issue
exige que l'âme ait la connaissance (et la
dont le corps est composé. Mais encore
du monde, qu'elle soit en « contact », via
deux cercles dont elle est composée, avec
double condition, elle ne saurait accompli
quis à l'âme du monde, la contiguïté et l
volutions et la forme sphérique du corp
humaine. On l'a vu, le corps humain n
sphère portée par un véhicule ; c'est pou
et suivre son cours (âp%o')aav Kaï iow
restaurer un contact qui ne lui est plus
doit être exprimée en termes cinétiques :
(ce qui, pour l'âme, est une seule et mêm
à ses mouvements l'objet avec lequel elle
on peut négliger la question de savoir co
chiques, autres que corporels, peuvent en
sensible et le mouvoir. On ne peut en re
bilité même de ce contact. Il faut, d'un
l'âme soit en contact avec tout le corps, f
gouverner. Comment permettre ce co
n'enveloppe plus la totalité du corps ? À
ner une solution anatomique et physiolo
il va concevoir pour le corps une réalité
ce sens qu'elle réunit en elle tous les élém
la moelle.

38. Le trouble de l'âme au tout début de son incarnation donne une illustration de
l'échec de cette maîtrise, quand l'âme ne « contrôle plus » les mouvements qui l'ébranlent
et la déforment, et se trouve plongée dans l'erreur et la folie (43a-44b).

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L ' AME ET LA MOELLE 507

Après avoir localisé chacune des trois espèces d


tame en 73b une description histologique (des élém
physiologique (du fonctionnement, de l'activité
corps humain39. Elle commence par la constitution
sus. « Concernant les os, les chairs et toutes les substances de cette
sorte, voici ce qu'il en fut. Leur principe (áp%r|) à toutes est dans la for-
mation de la moelle. En effet, les liens de la vie, par où l'âme se trouve
enchaînée au corps, c'est dans la moelle qu'ils viennent s'attacher pour
enraciner la race mortelle » (73b3-5). F. M. Cornford, puis L. Brisson
plus récemment, ont préféré traduire àp%r' par « point de départ »
(« starting-point »), afin de prémunir le lecteur contre l'idée que la
moelle puisse être le principe de tout le corps40. Tel nous semble pour-
tant être le cas. La réticence des commentateurs porte sur le terme de
« principe », jugé trop abstrait quand Platon désigne seulement la
moelle comme la substance d'où proviennent les autres tissus. En ce
sens restreint, àp%f| signifie l'origine, c'est-à-dire à la fois le point de
départ chronologique de la fabrication des tissus, et le matériau initial à
partir duquel ceux-ci sont constitués. Mais, nous y avons assez insisté, il
existe une autre àp%r' qui, dans ces mêmes pages du Timée , vient préci-
sément s'attacher au corps, c'est l'âme. De sorte que, pour comprendre
ce que cherche à produire Platon dans cette introduction histologique à
la description du corps humain, il faut, davantage encore que ne le fai-
sait A. E. Taylor dans son commentaire, exposer l'analogie explicite qui
est faite entre ces deux réalités mixtes (issues chacune d'un mélange) et
totales (elles contiennent la totalité de ce mélange) que sont l'âme et la
moelle.

39. Le plan de ce chapitre du Timée est le suivant : 73b-76e, histologie ; 77c-81e, phy-
siologie ; 81e-92c, nosologie. C. Joubaud, dans Le corps humain dans la philosophie pla-
tonicienne (Vrin, 1991), donne de ces textes une lecture suivie (il ne s'agit toutefois que
d'une mise en ordre des informations du Timée, à laquelle manque l'indispensable exa-
men des sources de Platon, comme celui de la spécificité de certains organes ou proces-
sus).
40. F. M. Cornford, Plato's Cosmology, n. 1, p. 293 : « àpxf| ne signifie pas que la
moelle est le matériau ( stuff) fondamental de la composition des autres tissus, comme
Taylor le soutient » (pour une remarque analogue dans la traduction de L. Brisson, cf. n.
639, p. 269). L'argument de Taylor est pourtant fondé. Quand il insiste sur le fait que « la
substance fondamentale dont tout le reste du corps dérive est la moelle épinière, avec la-
quelle l'âme est liée plus qu'à toute autre chose », il ne fait après tout que répéter le Timée
( A commentary on Plato's Timaeus, Oxford, Clarendon Press, 1928, p. 518). Taylor
montre ainsi que Platon affirme d'une part que la moelle épinière et l'encéphale (l'èyKé-
(JwxXoç) sont de même nature et continus l'un à l'autre, et d'autre part que le cerveau est le
centre de tout l'organisme. Puis, que l'on peut considérer ce dernier comme l'origine (àp-
Xf|) des nerfs et le centre depuis lequel la sensation et le mouvement volontaire sont acti-
vés (p. 519-521). Ces remarques accordent à la moelle un statut privilégié qui est d'autant
plus remarquable, comme je vais m'efforcer de le montrer, qu'elle est conçue de façon
analogue à la réalité qui vient s'y attacher, l'âme.

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508 J. -F. PRADEAU

L'âme est située dans le corps, ses espèc


ties de celui-ci, en étant toujours enchaî
du cerveau, qui reçoit l'espèce immortell
tèbres, à laquelle sont liées les deux es
formation de la moelle est d'abord l'o
dont toute l'âme y est attachée ; métapho
moelle est une « terre labourée » destinée à recevoir la semence divine
(73c7-8), et que l'âme y est liée « comme à partir d'ancres » (jetées sur
la moelle, 73d4-6). Elle est aussi celle de la description de la composi-
tion de la moelle : il s'agit d'une substance composée à partir des tri-
angles les plus exacts des quatre genres élémentaires (73b6-cl). Ces tri-
angles, qui tiennent « le premier rang pour la régularité et le poli », sont
ainsi mélangés par le dieu « selon des proportions définies », de façon
« à fabriquer une semence universelle (rcavarcepiLiíav nr|%avcò|j,evoç,
73c2) pour tout le genre mortel »41. La moelle est donc l'ap^iļ du corps
en ce sens qu'elle contient tous les éléments dont ce dernier va être
composé. Mieux encore, la moelle contient tout ce qui fait qu'un corps
est un corps, tout ce dont un corps peut être composé (les quatre élé-
ments). C'est pourquoi la description histologique qui suit montre la
composition de tous les tissus à partir de la moelle : autour d'elle sont
fabriqués les os, puis la chair, les tendons, la peau, les ongles et le sys-
tème pileux42. Elle est ainsi le mélange initial à partir duquel l'ensemble
du corps est fabriqué. Sachant que toutes les réalités sensibles, qui sont
des corps, sont composées d'un ou plusieurs des quatre éléments, on
peut en déduire que le corps humain, fabriqué à l'imitation du corps du
monde, réunit en lui tous les genres élémentaires du sensible. Et cela
soit partiellement (certains organes sont constitués avec quelques-uns
seulement des éléments), soit totalement (la moelle les mélange tous).

41. Le « premier rang » des triangles doit être distingué des triangles « configurés à
l'aide des formes et des nombres » décrits en 53b2 sq. Quatre des cinq polyèdres que
composent les triangles ont été attribués, par l'explication vraisemblable, aux quatre élé-
ments qui préexistaient à l'intervention du démiurge. Quand le dieu, en 73b-c, compose la
moelle, il utilise des triangles déjà soumis à la cause nécessaire ; des triangles qui ne sont
donc plus géométriquement parfaits (réguliers et polis), mais proportionnés, comme le
suggérait l'explication de la nature sensible des éléments, « dans la mesure où la nécessité
le permettait » (56c4-7).
42. 73e-76e ; la fabrication successive des tissus, chaque tissu venant protéger ou faci-
liter le mouvement de celui qui le précède, utilise les quatre éléments. C'est pourquoi les
tissus ont la moelle pour principe. L'objection faite par F. M. Cornford à A. É. Taylor re-
posait notamment sur le fait que la moelle ne pouvait être le principe du corps entier à par-
tir du moment où la chair n'était pas composée des quatre éléments (l'air en est absent).
L'argument ne porte guère. Comme le comprend Taylor, que la moelle soit un mélange
des quatre éléments, n'empêche pas qu'à ce mélange puisse être empruntés seulement cer-
tains ingrédients, ou qu'ils soient disposés ou arrangés (par coction ou augmentés d'un le-
vain par exemple) d'une façon spécifique.

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L ' AME ET LA MOELLE 509

Fabriquée ainsi à partir d'un mélange proportionné


être l'analogue corporel de l'âme. En effet, l'âme (d
pèce immortelle de l'âme humaine est issue) était dé
duit d'un mélange proportionné (37a sq.), avant d'êt
cette semence que le dieu sème dans les astres
n'achèvent son œuvre en animant les vivants (41
ment ce que l'on retrouve ici avec la moelle, qui est
mélange proportionné (de premier rang), mais auss
mune à tout le genre mortel. L'analogie que nous r
résultat de la comparaison de deux textes distincts
du monde au début du Timée , puis de l'âme humai
précisément inscrite dans cette définition de la
quand il est question de la « semence », dont on voi
gner soit la moelle, semence universelle pour tous
l'âme, semence divine (tò Gélov cmépina, c743). A
désormais possible de lier la semence psychique e
relle ; et chacune, avec le mélange qui lui est propre,
point de départ et mélange constitutif des réalités d
le sens d'une analogie que Timée formule en ces ter
la moelle, il implanta et enchaîna les espèces d'âme.
par ailleurs y avoir d'espèces d'âmes, en quantité et
autant de figures, en quantité et en qualité, qu'il d
même, dès la division initiale » (73c2-7). Il est as
sion de la moelle est fonction de la triple spécifica
que, afin de recevoir cette dernière, la moelle doit
visée (c'est le sens ici de la division kot' áp%áç)
juste la raison de cette analogie ? Elle se trouve dan
tés relatives à l'âme que nous avions énumérées plu
voir et de connaître le corps, l'âme doit être en con
que révèle la contiguïté de l'âme et du corps du mo
veloppant entièrement le second dans le cours de s
laires. La difficulté spécifique au corps humain, qu
entier circulaire, est résolue par le biais de la moel
la nature de l'âme en l'adaptant au corps humain
quelque sorte de résumer ou de rassembler le corps
mière (selon l'origine et selon la composition), afin

43. On retrouve une troisième espèce de semence en 91b2, il


mence séminale, du sperme. C'est-à-dire précisément de ce qui, a
possible, contient en soi tout le vivant.
44. Je trouve là finalement la meilleure confirmation de ce que
pèces » (c'est-à-dire des fonctions) quand seul ce qui est corpor
ôiipeïxo ; pour le vocabulaire des parties, voir notamment 63b
parties (xnv ^olpav èyKé<|>aXov, 73c9).

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510 J. -F. PRADEAU

et d'expliquer de la sorte qu'elle puisse d


fonction motrice et cognitive. Pour que
ver dans le corps un principe constitutif
mis aux mouvements circulaires de
moelle, et c'est pour cette raison qu'elle
culaire. Non seulement dans le cerveau (
7C£pi<ļ>epfļ Tcavxaxfi, 73c8), mais aussi
est « divisée en figures arrondies e
TcpoļiiļKiļ 45 ôiETipeiTO axn^axa, 73d3-
ici employé qualifie la moelle des vertèb
tôt, puisqu'elle est divisée en plusieurs f
disques qui composent un même prisme

encéphale sphérique vertèbres oblongues

À propos de ces deux configurations d


siste sur la dissemblance du crâne et de la colonne vertébrale « consti-
tuée de plusieurs parties séparées et capable de mouvements variés »^.
Si la différence ne doit pas être excessivement accusée entre ces deux

45. Dans le Ménon, quand Socrate énumère les différentes sortes de figures, il dis-
tingue le droit (eùOei) du rond (axpoyyuXxo), 75a5-6. En Timée, 54a2, 7tpofj.r)KT| désigne le
triangle (scalène) dont les parties ne sont pas entièrement homogènes.
46. Plato's Cosmology, n. 4, p. 295-296 (l'auteur souligne). L. Brisson, dans la cri-
tique qu'il fait de l'interprétation de F. M. Cornford (ce dernier poursuivait en assimilant
la pluralité vertébrale à la cause errante), est amené à dire qu'il n'existe pas « d'opposition
entre le crâne et la colonne vertébrale » (Le même et l'autre dans la structure ontologique
du Timée de Platon, n. 2, p. 421-422). Il existe pourtant bien une différence, de la sphère
cérébrale au cylindre vertébral, mais une différence qui ne doit pas conduire, comme le
fait F. M. Cornford, à opposer les deux parties de la moelle. Sur ce point, T. H. Martin
insiste avec raison sur le fait que la sphéricité est le point commun des deux parties de la
moelle, « ronde de toutes parts » pour le cerveau et « à la fois ronde et oblongue » pour la
moelle épinière (. Études sur Le Timée de Platon (1841), réimpression Vrin, 1981, note
CXLVII, p. 309-311).

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L ' AME ET LA MOELLE 51 1

parties composées à partir de la même substance, il f


reconnaître qu'elles se distinguent de deux points de
et cinétique, et que cette différence est, encore une f
née aux difficultés (cinétiques) de l'incarnation. D'un
métrique, l'élongation ou l'aplatissement de la sphère
gure ellipsoïde des vertèbres. Cette distorsion de la f
déjà été mentionnée dans le Timée, dans la descriptio
incarnation de l'âme. Là, comme nous l'avons rapp
circulaires de l'âme sont altérées et tordues, inversée
obliques (43c-44b). C'est ce qui nous amène à con
oblongue de la moelle vertébrale comme une partie a
configuration géométrique, de la moelle cérébrale
comme le soutenait F. M. Cornford, réside bien dans
non-circulaires qu'elle est capable d'accomplir. Qua
énumère de nouveau les différentes espèces vivantes
tive cette fois de la métempsycose, elle fait de cet all
l'effet même de la dégradation psychique et physiolo
qui, de l'homme mâle aux plus stupides des anim
consiste en une perte de la pureté élémentaire de leu
parition progressive de leurs membres, et en une alt
tions circulaires de leur âme47. Cette altération, et la
siologique qui l'accompagne, distinguent les espè
s'est allongé et a pris toutes sortes de formes, suivant
chacun d'eux, les révolutions avaient été comprimées
inaction » (91e8-92a2). L'allongement du crâne es
physiologique de l'altération des mouvements comme
psychiques ; c'est dire que l'allongement des vertèbre
d'avec la sphéricité cérébrale, consiste lui aussi en une
Ce double aspect cinétique et morphologique de
trouve dans la description des principaux process
(77c-81e : irrigation sanguine, nutrition, respirat
mettent en mouvement les tissus décrits dans la parti
en poursuivant toujours comme fin le même souci : in
nuité circulaire. L'histologie, depuis le principe de la
ongles et au système pileux, décrit un engendremen
ment continus des tissus. Chaque tissu provient, par c
de certains éléments, du tissu précédent qu'il envelop
Une fois la moelle constituée, elle est « enclose », a
gée, d'une « enceinte de pierre », l'os (74a). Ensuite
cet ensemble, le dieu a forgé les tendons et la chair, q

47. Il s'agit là des animaux ; les plantes, on l'a vu, ne sont pas d
pèce immortelle de l'âme.

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512 J. -F. PRADEAU

les parties du corps, et « enveloppent l


« autour de la chair », est formée une «
loppée en cercle » la peau (76a). Enfin, a
« couverture » des cheveux, les poils et
corps » (76b-e). Sans même tenir compt
sus, on s'aperçoit que chacun d'eux e
dans une progression continue qui proc
du corps. La constitution continue des
sembler étrange, le développement ce
nouveau le modèle de la sphère et de
commande la description des process
de la respiration ou de l'irrigation sangu
processus sont définis comme des mouv
tout le corps afin d'y faire circuler cer
poumon, indissociables, sont le point
cycles continus. Mais leur circularité n
de cette continuité cyclique49. Elle est p
mouvements d'irrigation et de respirat
et font « circuler dans tous les vivants
que ces dernières ne sont pas altérée
(80d6 sq.). Le corps possède ainsi des « p
(ļruaiv (...) 7iepió8cDv, 83a3), qui meuve
ment les parties du corps qui s'envelopp
sance des tissus est alors, à l'image de la
nération par enveloppement (Ttepiyiyvó
organes et des processus du corps huma
sphère, afin de l'apparenter au corp
montre la comparaison du premier au se
D'abord quand l'unité du corps huma
dire quand Timée distingue ce qui est p
« extérieur » et qu'il doit pour survivre
La distinction de l'intérieur et de l'extér
le problème de l'unité du corps. Celle-c
particulière des organes ou des processu
et le mélange des éléments (car ce sont
feu que l'on trouve à l'extérieur comme

48. Voir surtout 80d-81a.


49. Pour Platon, le mouvement circulaire tient sa perfection de sa continuité, ou en-
core, quand la sphère tourne sur elle-même, de son absence de déplacement (comme c'est
le cas de la sphère du monde).
50. La description des tissus décrit bien des enveloppements sphériques successifs ; un
tissu entoure ou enveloppe celui qui le précède (7C£piß0Axp, 74a5), le contient ou l'enferme
(crujjjiepiAaßcov, 74d6 et 74e4).

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L ' AME ET LA MOELLE 513

exemple, 76a-b)51. Les processus physiologiques son


vements circulaires internes au corps, et des mé
avec l'extérieur. C'est là la particularité des êtres viv
rence du corps du monde, ne sont pas seuls et auta
sairement liés à ce qui les environne. De sorte que l
définie par sa limite, son enveloppe52. Par le systè
qui en constituent l'extrémité (76e6), le corps est li
loppe percée (de pores pour libérer les humeurs
yeux, d'organes génitaux, etc.) qui le distingue des
sibles, des autres corps.
Ensuite et dans la même perspective, quand le cor
paré au corps du monde, en dépit de son insuffisan
de ses mouvements. Si le premier a une constitu
évidemment à l'imitation du second. Quand les aide
çonnent le corps humain, ils s'efforcent d'imiter l
artisan, et « d'imiter le mouvement de l'univers
qu'ils parviennent à faire pour la tête (une sphère)
voir être étendu au véhicule qu'ils lui adjoignent. A
rer, comme nous venons de le suggérer, que l'histo
ment successif et circulaire, et la physiologie des p
soient justement la manière d'apparenter la constit
main à celle du monde. C'est ce qu'affirme Timé
chapitre nosologique de son exposé, dans le texte su
b4) :

Le mécanisme de la réplétion et de la déplétion s'apparente à ce qu'est, dans


l'univers, le mouvement en vertu duquel tout ce qui est apparenté se porte vers
lui-même. En effet, ce qui nous décompose et ce qui nous divise sans cesse, en
expédiant chaque espèce vers ce qui lui est apparenté, ce sont précisément les
choses qui nous entourent du dehors ; mais, pour compenser, les particules du
sang finement morcelées à l'intérieur de nous et enveloppées circulairement
comme par un ciel en raison de la constitution (cDveaTdycoç) qui caractérise
chaque vivant, sont forcées d'imiter le mouvement de l'univers : comme cha-
cune des particules qui se trouvent divisées en nous se porte, bien entendu, vers
ce qui lui est apparenté, la place laissée vide est aussitôt de nouveau laissée
remplie.

51. Mais aussi 74c, qui décrit la sudation, ou 78e, la respiration. Le vieillisement est
défini selon le même rapport, quand les triangles élémentaires « du dehors » divisent les
triangles « intérieurs » au lieu d'être divisés normalement (81c-d).
52. Ici et en ce qui concerne le seul corps, il faut simplement remarquer que les proces-
sus d'échange périphériques déterminent davantage l'unité du corps que la spécificité des
processus accomplis par les organes. C'est l'enveloppe, la limite du corps, qui l'individua-
lise comme unité corporelle.

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514 J. -F. PRADEAU

On retrouve ici la distinction de l'inté


hors, qui caractérise le corps de tous le
même temps, c'est l'effet de l'envelopp
son existence individuelle cohérente.
montre d'abord que les éléments conten
que ceux qui composent l'ensemble du m
contraintes cinétiques (mouvement v
aussi que la constitution du corps hum
donnée au problème du mouvement. Imi
mouvement circulaire. Ce que sa configu
pas d'emblée (il n'est pas entièrement s
le biais de sa composition (c'est-à-dire p
ses tissus, par la disposition relative de
physiologiques qui les mettent en rappo
l'on comprend désormais que la cons
physiologie) soit modelée sur la sphè
comme cette dernière envelopper les tr
ßavojieva év amfļ xpíycova, 81c2-3).
Ce détour par la description du corps
ment avait pour fin d'exposer les condi
tions de l'âme. La constitution du corps
de l'univers permet de répondre en part
nous nous étions posées plus haut : com
vement circulaire et psychique, peut-ell
mouvements qui ne sont pas circulaires
ton est là encore d'une économie ass
vient de le voir, la variété des mouveme
via les tissus et les processus cycliques,
À tel point que le corps humain tout en
en dépit de sa configuration, peut être
cette condition que l'âme, enchaînant s
corps (sphérique) peut accomplir la fonc
la sienne. Mais il fallait pour que cela s
l'ensemble du corps (ce que permet le s
qu'elle soit attachée à des mouvement
processus cycliques). Néanmoins, le cha
corps n'explique pas comment un mouv
per, contraindre ou inciter un mouvem
parenté circulaire est établie53. Elle suff

53. L'hypothèse ne peut être développée ici, m


bours, le raisonnement précédent pourrait donn
sien une explication cohérente. Il faudrait alors
entre le psychique et le corporel est incapable d

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L ' AME ET LA MOELLE 515

humain au monde, à expliquer comment l'âme p


Kivrjascôç, et à justifier ainsi l'ensemble de l'expos
vait, « partant avec la naissance du monde, termin
l'homme » (27a6-7). Au terme du Timée , on tro
conformément au programme proposé par Críti
l'homme à l'univers. D'abord comme la partie conte
suite comme la partie conçue à partir du tout (l'âm
éléments en l'homme sont ceux, résiduels ou const
enfin comme la partie imitant le tout.
La nature humaine est ainsi décrite à l'imitation du
cours de l'exposé des maladies du corps et de l'âme
définie (81e-92c). Les maladies sont en effet l'oc
comment la nature de l'homme peut être altérée, e
gnent mieux encore que les descriptions histolo
giques sur la santé du corps et l'équilibre dynamiqu
« On supposera que l'être vivant s'il doit être bon
bien équilibré » (87c4-5). Cet équilibre, c'est avant t
elle-même avec le corps lui-même » (87d3), qui
« vivant en son entier » (kccÀ-ov ö^ov tò Çtòov, 87
pour la dernière fois, la cause de la santé et de l'éq
humaine est définie selon le mouvement : contre l
effectivement qu'un seul remède : ne mouvoir ni l
le corps sans l'âme, pour que, se défendant l'une à
deux parties préservent leur équilibre et restent en
Cette fois, la démonstration n'a plus à être produit
comme la disposition relative de l'âme et du corps h
comparées à ceux de l'univers, qu'il s'agit désorm
sq.). Imiter l'univers signifie pour l'homme mainte

confère à ces deux termes. Plutôt que de partir de la distinction


rait bien plus fécond, comme le fait après tout Platon dans le Phè
de partir de la seule question du mouvement (du monde ou du vi
trer que la distinction de l'âme et du corps est en partie l'effet d
ment qui exige notamment que l'on distingue les six espèces de m
discontinus de l'espèce circulaire continue. Ou encore, que l'on
mouvements, celui qui est cause de soi. Considérée sous cet as
être distinguée du corps (automotrice, elle est bien immortel
comme une espèce de mouvement à d'autres. Cette hypothè
corps comme des formes différentes de mouvement, s'accorde av
au sensible et à l'intelligible qui est celui de l'âme, et elle perm
pourquoi un être vivant (sensible, soumis à toutes les espèces d
condition d'une certaine maîtrise et d'une éducation favorable, co
mobiles et éternelles (intelligibles).
54. On rappellera que la beauté de la vie humaine a été conç
nière à être brève mais meilleure (plutôt que plus longue et pire)
enveloppé la tête de peu de chair et d'os, ce qui la rend à la foi
voir de nombreuses sensations (75a-b).

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516 J.-F. PRADEAU

tive du corps et de l'âme, équilibrer le


verner, c'est-à-dire accomplir sa fonct
tant ce que Timée avait appelé « l'harm
du monde (80b7). Très précisément, co
suppose que l'homme choisisse des ac
ni le corps, mais les exercent conjointe
cipe du mouvement puisse gouverner t
vement, sans les interdire. Le gouvern
l'âme porte l'homme à connaître l'objet
les formes intelligibles, et à pratiquer l
garde du corps l'amène à favoriser, p
celui « des véhicules qui permettent d'
ces deux activités, Timée en énumère b
toutes, par définition, à ce domaine des
efforçons de circonscrire, et que Timé
Critias puisse lui succéder dans l'ordre
oratoire. Si l'on s'en tient à l'exposé du
d'activités propres à l'homme, les pr
comme tout être vivant, est composé d
il a des dispositions et des désirs ; il ét
tiques, l'astronomie, la musique et la p
dans une cité, soumise à une certaine co
une éducation (87a-b) ; il peut devenir b
taure son corps ; il pratique la gymnas
et son alimentation à des régimes et, l
médications ; il utilise des bateaux et de
il se reproduit (88b-d). Voici résumé le
tias, cette nature humaine que le secon
lorsqu'il lui succédera dans le festin or
positions anthropologiques restent bien
modèle cosmique, puis une spécificité d
qui conjoint ici certaines facultés ou p
l'âme, mais aussi des éléments qui co
Ces puissances sont toutes en mouveme
s'accorder pour atteindre à l'équilibre d
catif que Timée consacre à l'homme est

55. La philosophie qui est « le bienfait le plus im


sera jamais accordé à la race mortelle, un bienfait
le soulignait Timée en faisant déjà remarquer q
les mouvements célestes, après avoir acquis le
conformité avec ce qui se passe dans la nature
dieu, mouvements qui n'errent absolument pas,
ments qui en nous ne cessent de vagabonder » (47

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L ' AME ET LA MOELLE 51 7

seulement mécanique, comme pouvaient l'être la dou


la sphère armillaire qui servaient à figurer la consti
monde et le cours des astres (36b sq.), ni immédia
tique56. La description du corps humain n'a recours
proportions et à la géométrie que de manière sec
avant tout sur les propriétés dynamiques des élémen
puissance de résistance, de dislocation, leur taille
mouvements. Que l'on puisse effectivement résou
corporel aux deux espèces de triangles élémentaires
et rectangles isocèles) ne suffit pas à expliquer la con
D'abord, parce que le corps est façonné en vue de l'âm
attachée ; ensuite, parce que le corps est une orga
constituée de tissus et animée de processus d'échang
décrite et dont on ne peut prendre soin qu'en la cons
complexité dynamique qu'il faut équilibrer et limite
n'est pas un polyèdre doté d'un certain nombre de f
C'est du moins ce qui appert du récit de Timée, qui
composé, un ensemble dont la particularité est d'exi
vivants et d'autres corps, et d'équilibrer en lui-mêm
tinctes, ce qui, dans les deux cas, le distingue du mo
question du mouvement, qui n'engendrait aucune
Timée décrivait la naissance du monde, du fait de la
potique » de l'âme et de la régularité mesurée et cont
ments, devient déterminante, et déterminante seule
traite de l'homme57. Elle est d'autant plus détermin
tion qu'en donne Timée est insuffisante. C'est en effe
plus remarquables de la fin de son récit vraisemb
conformément au programme initial, un complément
L'équilibre dynamique du vivant humain n'est
s'agisse du soin porté au corps, de la disposition rela
pèces d'âme ou de l'équilibre même du corps et de l'â
points appelle un certain nombre d'exercices ou d
favoriser un équilibre qui n'est pas naturellement do

56. Timée ne donne du corps ni proportion ni mesure (à la


l'unique précision d'ordre mathématique, implicite seulement,
ments constitutifs de tous les corps, dont il faut rappeler qu'ils n
exacts décrits en 53b-55d (voir supra , les remarques sur la moelle
mesure et de la « proportion » reste toutefois déterminante. L'équ
pèces constitutives du vivant humain est une forme de proportion
et les enjeux éthiques et politiques de cet équilibre dans Le mon
récit atlante de Platon, Timée (17-27) et Critias, Academia Verlag
p. 298-306.
57. Ou des autres vivants fabriqués par les aides du démiurge, mais ces derniers ne
sont évoqués par Timée que par rapport à l'homme.

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518 J. -F. PRADEAU

spontané ni sempiternel. L'importance d


de l'explication de la nature humaine,
hommes de pourvoir à cet équilibre en
dans le cadre pédagogique et politique d
perspective platonicienne, que l'explic
peut être achevée qu'au prix d'un déve
(comme l'indique Timée), et donc que
avec la nature de l'homme » conçu à l
suivre en traitant de l'éducation et de la
suite du programme offert par Critias :
nanti par lui des hommes auxquels son
toi d'un certain nombre d'entre eux que
fois que, conformément au récit et à
comparaître devant nous comme devant
de notre cité » (27a7-b3). En ce sens, et
façon le Górgias et la République , la ps
se poursuivre dans l'examen politique du
et des affaires humaines58.

58. C'est l'hypothèse de lecture globale que je soutiens dans Platon et la cité, PUF,
1997.

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