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APPROCHES PSYCHIATRIQUES,
ASSOCIATIVES ET CLINIQUES DU HIKIKOMORI

5 novembre 2015 par heissler2012


APPROCHES PSYCHIATRIQUES, ASSOCIATIVES ET CLINIQUES DU HIKIKOMORI

Depuis la fin des années 1990 jusqu’à aujourd’hui, l’augmentation croissante du nombre de personnes
en retrait social a contribué à positionner le hikikomori comme une préoccupation importante des
autorités ministérielles nippones (Kôseirôdôshô 2001). Dans un premier temps, une synthèse d’articles
publiés par les psychiatres dans des revues internationales nous perme ra de me re en valeur leur
consensus mais aussi leurs difficultés à traiter des patients qu’ils rencontrent peu. Nous nous
interrogerons donc dans un second temps sur la manière dont s’organise le soin sans les psychiatres,
à travers notre enquête dans l’association « N.K. ». En effet, ce sont surtout les associations à but
nonlucratif qui s’occupent, au quotidien, de sortir les hikikomori de leur isolement et de les réinsérer
dans la vie sociale. En conclusion, nous indiquons les perspectives ouvertes par notre étude du point
de vue de la psychologie clinique.

LE CONSENSUS DES PSYCHIATRES SUR LE HIKIKOMORI

Le nombre de personnes en situation de retrait social (hikikomori) se situe au Japon entre 260000 et
700000 personnes, définies comme ne sortant pas de chez elles pour au moins six mois, n’ayant
aucune activité sociale (école, études, travail) et aucune relation amicale (Kôseirôdôshô, 2010). Nos
premières questions sont les suivantes : le hikikomori est-il une pathologie psychiatrique ? Les
hikikomori ont-ils une pathologie psychiatrique ? Trois propositions sont repérables. Les hikikomori
ont tous une pathologie psychiatrique déjà répertoriée dans le DSM IV-TR ou la CIM-102. Une partie
de la population hikikomori a une pathologie psychiatrique et l’autre partie n’a pas de pathologie
psychiatrique. Il s’agit de la distinction entre hikikomori secondaire et primaire (Suwa et al. 2003) Une
partie de la population hikikomori est porteuse d’une pathologie psychiatrique déjà répertoriée dans
le Dsm IV-TR ou la Cim-10 et l’autre partie souffre d’une nouvelle pathologie : on pourrait l’inclure
dans le glossaire des « syndromes liés à la culture » aux côtés du taijin kyôfushô3. Ce e dernière
proposition ayant reçu un large écho dans un certain nombre de revues internationales, nous allons
brièvement en examiner les arguments principaux afin de dégager ce qui nous semble être un
consensus au sein des psychiatres. Dans un article récent, des chercheurs américains veulent fournir «
la preuve du hikikomori comme nouveau trouble psychiatrique » et affirment que les hikikomori sont
« souvent mais pas toujours » classifiables dans le Dsm IV-TR,

Au terme de ce bref survol des données psychiatriques, un consensus se dégage : à l’étranger, les
personnes hikikomori sont toujours porteuses d’une pathologie psychiatrique ; au Japon, ces cas
existent mais il y a aussi des individus qui souffrent d’un syndrome lié à la culture. Ceci étant dit, il
est nécessaire de rappeler que la psychiatrie japonaise s’est progressivement unifiée pour devenir une
bio-psychiatrie avec conscience sociale, et sans psychothérapie5. Aussi, l’idée que ce sont les
psychiatres qui rencontrent les hikikomori (Tateno et al. 2012) ne correspond pas, au Japon, à la
réalité. Concrètement, ils ne voient qu’une partie des hikikomori, et ce sont les cas qui sont les plus
susceptibles de donner lieu à un diagnostic psychiatrique. Un grand nombre de personnes en
situation de retrait social sont soutenues par des associations à but non-lucratif fonctionnant sans
psychiatres. Nous allons ici présenter l’une d’entre elles.

NOTRE ENQUÊTE DANS L’ASSOCIATION « N.K. »

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N.K.6 est une association à but non lucratif crée en l’an 2000 dans une ville du Kansai, et qui a
progressivement mis en place un système de soutien des familles et de prise en charge des
hikikomori-nîto. Une des premières actions envers le jeune en retrait est d’effectuer une visite à
domicile (katei hômon). Ensuite, lorsqu’il sort de son isolement, le hikikomori devient nîto, et peut
être hébergé au sein d’un des lieux dont dispose l’association :

• Une maison partagée par quatre ex-hikikomori8 et un ex-hikikomori devenu membre de l’équipe

• Deux appartements occupés par trois ex-hikikomori pour l’un, et par deux ex-hikikomori pour
l’autre.

• A ces trois « colocations » s’ajoutent deux appartements individuels séparés.

En tout, l’association héberge donc onze personnes (qui ont vécu une expérience de retrait social
antérieure) pour une équipe de sept à huit salariés dont le travail se répartit en plusieurs activités :
visites à domicile, groupe pour les parents (teireikai), entretiens individuels et avec les parents,
accompagnement du quotidien des jeunes et coopération avec une équipe externe qui s’occupe de
leur réinsertion. Un café géré par l’association emploie des anciens hikikomori et accueille chaque
mois « l’université du café commun » (cafe comonzu daigaku). Cela ressemble au « café philo »
français, lieu où l’on débat de questions de société avec des invités. Décrivons maintenant plus en
détail comment ce e association a élaboré l’aide destinée, non pas aux anciens hikikomori, mais aux
hikikomori eux-mêmes pendant leur période d’isolement. Tout commence avec la décision des
parents de prendre contact avec N.K., en général suite à une annonce dans les journaux ou via leur
site internet. Ils sont alors conviés à une réunion d’information avec d’autres parents et peuvent
participer à un groupe de parole régulier. Dans le cadre d’un entretien, les parents peuvent prendre
un forfait de plusieurs séances qui stipule qu’un membre de l’association va effectuer des visites à
domicile selon une méthodologie précise. D’abord, il est nécessaire de convenir d’un contrat oral avec
la famille, sans l’enfant, car le mot d’ordre de ce e association est d’« ouvrir la famille » (kazoku wo
hiraku). Puis, un membre de l’équipe envoie des le res au hikikomori en se présentant (tegami
jikoshôkaisuru) : c’est généralement une carte postale (hagaki), sans enveloppe, pour que la personne
hikikomori voie directement les caractères écrits, ce qui le dissuaderait de la jeter (ce e procédure
précise a été pensée dans ce sens par l’équipe). Ensuite, une le re contenue dans une enveloppe
l’informe d’un appel téléphonique à venir. Lorsque l’appel est passé, le parent le transmet à l’enfant
qui, dans 90% des cas, le reje e. A nouveau, une carte postale est envoyée et l’informe, ce e fois-ci,
d’une visite. Le jour J, quasiment tous refusent d’ouvrir la porte. Ceux qui répondent signifient leur
opposition. Quelques uns qui ent le domicile avant l’heure du rendez-vous. Dans un cas, une jeune
fille était absente car elle avait commencé à travailler. En général, le visiteur parle derrière la porte et
glisse une carte. A partir de ce moment là, entre 30 % et 40 % commencent à changer, entre 20 % et
30% deviennent violents, et le reste demeure silencieux. Ceux qui commencent à changer se coupent
les cheveux, sortent faire des courses, rangent leur chambre, se lavent (alors qu’ils ne le faisaient plus,
d’où des problèmes dentaires fréquents). Dans certains cas, ils ouvrent la porte eux-mêmes, ou
a endent dans le salon à l’heure du rendez-vous. Dans d’autres cas, ils frappent derrière la porte. Plus
rarement, ils ouvrent la porte et poussent le visiteur mais lorsqu’il y a de la violence, elle est surtout
dirigée contre les parents. L’arrivée de l’étranger provoque dans deux tiers des cas un déséquilibre de
la vie familiale : soit des changements positifs adviennent, soit de la violence intrafamiliale se
manifeste. Quelquefois, le rôle du visiteur s’oriente vers un accompagnement dans un hôpital
psychiatrique, et lorsque la violence est terrible, il incite les parents à appeler la police dont
l’intervention a systématiquement pour effet de stopper les actions violentes envers eux. Selon
Monsieur T., 10 % ont un diagnostic de schizophrénie et 30 a 40 % des cas ont consulté un psychiatre.
Il est très important de le mentionner, car cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle ce serait les
psychiatres qui verraient les hikikomori (Tateno et al. 2012). Fort de son expérience de douze années à
s’occuper de ces jeunes, Monsieur T. affirme que 60 à 70 % n’ont jamais rencontré de psychiatre. Ceci
est corroboré par les travaux de l’équipe de recherche en psychiatrie de l’Université de Nagoya qui

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soutient également le point de vue selon lequel ils ne rencontreraient que certains d’entre eux.

PERSPECTIVES DE RECHERCHES EN PSYCHOLOGIE CLINIQUE Une partie des recherches en


psychologie clinique vise l’amélioration des techniques d’entretien. Dans ce e perspective, nous
avons souhaité connaître les questions posées durant les entretiens avec les parents. Pour Monsieur
T., la conversation se limite à « comment ils se sont mariés, comment ils ont trouvé un travail » et à
leur situation sociale actuelle. Pour obtenir davantage d’informations, nous avons témoigné de
certains enseignements de la pratique clinique française : nous avons évoqué la présence, dans
certains cas, de traumatismes transgénérationnels liés à la Seconde Guerre mondiale ou à la guerre
d’Algérie (Halfon et al., 2000 ; Guyotat 2005). Ces points peuvent émerger dans les consultations des
Français, et nous demandons si c’est le cas dans leurs entretiens. Pour nos interlocuteurs, Messieurs T.
et Ueyama, ceux qui s’entretiennent avec les parents ne les questionnent pas sur leur propre enfance
(contrairement aux cliniciens français). En revanche, Monsieur T. évoque le fait que les parents
a ribuent souvent une valeur traumatique à ce qu’ils ont vécu pendant la période de haute croissance
économique (kôdo keizai seichô), entre 1955 et 1973. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Les
travailleurs sociaux sont-ils formés à traiter ces questions ? Une approche en psychologie clinique
pourrait-elle perme re d’augmenter l’efficacité de ces associations tout en perme ant d’éclairer d’un
nouveau jour la complexité du phénomène hikikomori ? Ce seront quelques-unes des questions
auxquelles nous tenterons de répondre dans la suite de nos recherches qui se donnent pour objectif
de comprendre les mécanismes familiaux contribuant à une situation de retrait social d’un enfant,
tout en me ant en valeur la position subjective de celui-ci, au cas par cas.

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