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REVUE

DES SCIENOES
ECCLÉSJASTIQUES
DIRIGÉE

PAR M. L'ABBÉ D. BOUIX

RECUEIL l\lENSUEL

Paraissant avec l'autorisation de Mgr PARISIS, évéque d' Arras.

Ubi Petrus, ibi Eccle:1ia. (S. Ambroi�.)

DEUXIEl\lE si;RJE. - TOl\lE UJe.

(XIIIe de la Collectiou.)

ARRAS, PARIS,
R0USSEAU-LER0Y, ÉDITEUR GAUME FRERES ET DUPREY,
(BUREAUX DE LA REVUE} LIBRAIRES •EDITEURS,
rue �t-l\laurico, 2G. rne CasseltCl, 4.
)866
LA CONDAMNATION DE GALILEE

LAPSUS DES ÉCIUVAINS QUI L'OPPOSENT A LA DOCTRINE


DE L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE.

Premier articlc.

Par qui a été condamné Galilée ? Par qui a été déclaré


faux et contraire a la foi 1e systéme du mouvement de la
terre autour du so1eil? Est-ce par un Pape parlant ex ca­
thedra? Est-ce seulemement par les Car4inaux du Saint­
Office, et sans qu'aucun Pape ait jamais confirmé leur
décret? Le but de cet écrit est de prouver, pieces en main,
que la trop célebre .. condamnation n'a jamais été revétue
des formalités nécessaires pour la transformer en acte pon­
tifical. Voici la these dans toute sa précision: Jamais l'au­
torilé papale n·a rati¡ié les décrets ele l'Index et del'Inquisition
qui /rapperent Galilée et le systeme de Copernic; done, l'erreur
de ces décrets ne saurait etre attribuée a aucun Pape parlant
ex cathedra, et ne peut par conséquent compromettre en rien la
doctrine de l'infaillibilité des Pontifes Romains. Le tribunal
du Saint-Office étant faillible, quoi d'étonnant qu'il se soit
trompé une fois? Ce qui doit étonner, c'est que nonobstant
l'usage constant de faire approuver et confinner par le Pape
les décrets dogmatiques du Saint-Office, la sentence contre
Galilée et contre le systérnedumouvement terrestre, ait man­
qué de cette accession décisive de l'autorité pontificale, En
sorte qu' en bonne logique le fait de Galilée ne devrait pas
figurer comme objection a l'infaillibilité du Souverain-Pon­
tife, mais bien comrne confirmation a la suite des preuves.
REVUE DES SCIENCES ECCLES., 2e SÉRIE, T, III.-FÉVRIER 1866. 8
1 Ü() LA CO�D.-\:\li\ATICJ'\ OE GALILÉE.

Pour ce qui est des torts reprochés avec tant d'animosité


aux juges du célebre mathé111aticien, le lecteur verra que
le-; principaux sont <le pures calonmies, et que plusieurs d"s
autres, selon les regles de l'équité, trouvent excuse dans les
circonstances de l' époque.
En de pareilles controverses, 1'essentiel est la production
des pieces. Quelques-unes ne sont pas faciles a trouver.
on e11 chercherait vainement le texte dans la plupart des
écrits publiés depuis deux siecles.

§ l. - DOCU.\IENTS.

DOCUl\U:NT l. -L'an 1615, Galilée fut dénuncé au Saint­


Oftke, pour avoir soutenu comme 1:rai le systeme du mom.:ement
terrestre, dans son enseignement el par divers écrits. - Ce fait
résulte du texte de la sentence prononcée contre lui en
1633. 11 y est <lit: re Curn tu, Galilee, ... denunciatus fueris
anno 1615 in hoc Sancto Officio, quod teneres tanquam ve­
ram, falsam doctrinam a multis traditam, soleen videlicet
esse in centro mundi et imrnobilem, et terram moveri motu
etiam diurno; item quorl haberes quosdam discipulos quos
docebas eamdew doctrinam; item quod etc. » Nous don­
nons plus ]oin le texte entiet ele la sentence.
DocmrnNT 11. - Le 25 février lü1 G, les tMologiens du
Saint-O¡¡ice, ayant requ ordre du pape Paul V et des Cardi­
naux ele qualifier la vroposition qui a/firme l'immobilité dn soleil
et celle qui af!inM le mouvement de la terre, qualifierent la
premiere: absurda et falsa in philosophia, et formaliter hre­
retica; et la seconde: [lbsurda et falsa i11 philosophia, et theo­
logice considera.ta ad minas erronea. - La date du 25 fé­
vrier :1616 est donnée par Marini (Galileo e tinquisi::.ione,
page 92), qui indique a l' appui la page 35 des piéces ori­
ginales du proces.
Quant au foit de !a qualification p,u les théologieus du St-
LA. CONDA�INATION DE GALTL�:E. 1.07
Ofüce, il est relaté en ces ter.mes dans la sentence pro­
noncée contre Galilée en 1633 : « De mandato Domini
Nostri et Enimentissimorum Dominorum Cardinalium hu­
jus supremre ac universalis Inquisitionis, a qualificaloribus
theologis gualificatro fuerunt dure propositiones de stabili­
tate solis et de motu terrre, ut infra : Solem esse in cen_
tro mundi et immobilem motu locali, est propositio absurda et
falsa in philosophia; et formaliter hmretica, quia est expresse
contraria sacrm Scripturce.- Terrmn non esse centrum munrli,
nec immobilem, sed moveri rnotu eti'am diurno, est 'item propo­
sitio absurda et falsa in philosophia, et thevlogice considerata
a.d minus erronea in fide. »
_Il importe ici de ne pas confondre le jugement des tltéolo­
giens qualificateurs avec celui du Pape ou de la congrégation
du Saint-Office. Ce sont les théologiens qui qualifient ainsi
les deux propositions : ce n'est pas le Saint-Office, ce n'est
pas le Pape, et surtout le Pape parlant e:i cathedra. Bientót
nous verrons la congi'égation de l'Index condamner au�si les
deux propositions, mais sans donner a aucune la qualifica­
tion <l' hérétique. Et quant a une condamnation papale ex
cathedra, nous verrons qu'il n'y en eut jamais.
DoCUi\lENT III. •- Le 26 {évrier 16 l 6, par ordre du Pape
Paul V, et par l' inte,:médiaire du cardinal Bellarmin et du
commissaire <lu Saint-O/fice, injoncUon fut faite a Galilée
d'abandonnerl'opinion du mouvement terrestre, et de n'en plus
traiter cl'aucune maniere. Galilée se soumit et promit d'ob.éir.
- Ce fait est consigné dans les pieces originales du procés
page 36 ; ainsi que l' atteste l\farini ( Galileo e l'inquisizione,
p. 93), qui transcrit seulement ces mots : Ut opinionem, quod
sol sit centrum mundiet immobilis, et terra moveatur, omnino
relinq_uat, nec eam de ccetero quovis modo teneat, doceat, aut
de{endat verbo aut scriptis ... Galileus acquievit et parere pro­
misit.
Le meme fait est consigné en ces termes dans la sentenr.e
l08 L\ CONDA�l�ATIO� DE G.UlLÉE,

prononcée contre Galilée le 22 juin 1633 : Se<l cw,2 placeret


interini tu.m nobis tecum benigne procedere, decretum fuit in
sacra Congregatione habita cormn Domino nostro die 25 februa­
rii anni 1616, ut cardinalis Bellrmninus tibi injungeret, ut
omnino receder es a prCPdicta. falsa doctrina; et recusanti tibi,
a commissario Sancti Otficii prCEciperetur, ut desereres dictam
doctrinarn, neve illam posses alios docere nec defendere, nec de
illa tractare: clli prCEcepto si non acquiesceres, conjicere in car­
cere m. Et ad executionem ejusdem decreti, die sequenti in pala­
tio coram supradicto Eminentissimo Ca1'dinali Bellarmino, post­
quam ab eodem Domino Cardinali benigne admonitus fueras,
tibia Domino Commissario Sancti Otficii eo tempore fungente
prCEceptmn fuit. prmsentibus notario et testibus, 1ut omnino de­
sisteres a dicta falsa opinione , et ut in poste rum non liceret tibi
eam defendere aut docere quovis modo, n eque voce, neque scri­
ptis; cmnque promisisses obedicntiam, dimissus fuisti.
Galilée promit d'obéir : on verra qu'il ne tint point sa
promesse.
DocUMENT lV. - Décret de la Congrégation de l'Index, du
5 mars 1616, déclarant faux et contraire a la sainte Écriture
le systeme du mouvement de la terre et de l'immobilité du
soleil. - Cette piece est une des p1us importantes. Un extrait
en a été pub1ié par le savant jésuite Riccioli, auteur con­
ternporain de Galilée, dans son Almagestum novum (tome n,
page lJ96, édition de Bologne 165:1). 11 déclare que le texte
original se trouve au feuillet 90 du registre (regesti folio
90). Voici le passage qu'il a transcrit, et qui renferme tout
ce qui intéresse la question :
ce Et quia etiam ad notitiam prrefatre congregationis per­
venit, falsam illam doctrinam Pythagoricam, divinCE Scf'i­
pturCE omnino adversante1,1, de mobilitate terrre et immobili­
tate solis, quam Nicolaus Copernicus (de flevolutionibus
orbiwn cmlestium), et Didacus Astanuca (in Job) etiam
docent, jam din1lgari et a multis recipi, sicut yidere est ex
LA COXD.-UINATION DE GALILÉE. 109
epistola quadam impressa ejusdem patris carmelitre, cuí
titulus: Lettera del R. P. maestro Paolo Antonio Foscarini car­
melitano, in Napoli per La�::;aro Scorriggio l 6 l 5; in qua
dictus pater ostendere conatur, prrefatam doctrinarn de im­
mobilitate solis in centro rnundi et mobilitate teme conso­
nam esse veritati et non adversari sacrre Scripturre : ideo ne
ulterius hujusmodi opinio in perniciem catholicre veritatis
serpat, censuit, dictas Nicolaum Copernicum de Revolutioni­
bus orbium, et Didacum Astanuca in Job, suspenden dos esse
donec corrigantur : Librum vero patris Pauli Antonii Fosca­
rini carmelitre omnino prohibendum atque damnandum;
aliosque omnes libros pariter iclem docentes proldbendos, prout
prresenti decreto omnes respective probibet, damnat atque
suspendit. In quorum fidem prresens decretum manu et si­
gillo illustrissimi et reverenclissimi Domini Cardinalissanctre
Cecilire episcopi Albanensis signatum et.munitum fuit die
5 martii (1) 1616. Romre. ex typograpbia Camerre Aposto­
licre, anno 1616. -"p. Episcopus Albanensis Cardinalis S.
Ceci1ire.-Franciscus Magdalenus Capiferreus, ordinis Prre­
dicatorum, secretarius. »
« Locus t sigilli. Regesti folio 90. ,,
Ce document constate plusieurs faits qu'il importe de
remarr1uer: 1 ° la Congrégation de l'lnuex, en 1616, a réel­
lement déclaré fausse et tout-a-fait contraire ü la sainte Écri­
ture l'assertion du mouvement db la terre et de la stabilité
du soleil. Aujourd'hui, d'aprés les données de la science
moderne , la meme assertion est généralement admise
comme une vérité démontrée, et la Congrégation del' lndex,
par un acte récent dont nous parlons plus loin, a permis de
la soutenir comme telle. Si le mouvement de fa terre autour
du solcil est la vérité, ainsi qu'il est permis de l'admettre
et de le soutenir avec les savants modernes, i1 s'ensuit que
(1) 1tarini donne la date du 5 mai (Galil'!o e l'inr¡ui�izíone, puge 97,
Rome 18�0).
J 10 LA í'ONOA::\lNATION DE GALILÉE.

la Congrégation de l'forlex a erré i::ur ce point en 1616. -


2° Les Cardinaux de l'Index, dans leur décret de -1616 n'ont
pas qualifié el' hérétique le systeme en question ; ils se sont
conte.ntés de le déclarer fau.'C et contraire a ln sainte Écri­
ture. - 3 ° Le décret de 1616 proscrit et condamne d'une
maniere absolue l'omTage du carme Foscarini, et généra­
lement tous les écrits ou le mouvement terrestre serait pré­
senté, non comme simple hypothese, mais comme fait cer­
tain. Quant al' ouvrage ele Copernic et a celui d' Astanuca,
i]s ne sont proscrits que donec corrigantur. La pensée des
Cardinaux, comme le prouve le document VI, était cl'auto­
riser la lecture de ces deux écrits, lorsqu'on y aurait corrigé
les passages qui présentent le systeme cornme un íait dé-­
montré, et qu'on y aurait substitué les formules de simple
hypothese. - /J º En fin, ce que nous signalons surtout a l'at­
tention du lecteur, c'est que rien dans le décret de 1616
ne mentionne ni n'atteste l'approbation et la confirmation
du Souverain-Pontife. On n'y lit point la formule finale, si
fréquente dans ces sortes d'actes, et /acta per me infrascri­
ptum relatione adSanctissinwm, Sanctissinws confirmavit et pu­
blicuri mandavit. D'autre part, il n'a jamais paru aucun Bref
relatant le décret et le confir mant; forme plus solennelle
dont le Saint-Siége a coutume ele se servir pour corroborer
les clécrets dogmatiques du Saint-Office. En sorte que le
décret de 16 l 6 n'a jamais eu que la simple autorité de la
Congrégation de l'Index; autorité faillible, comme il sera
dit plus loin, quoiqu'elle soit obligatoire dans ses prescrip­
tions disciplinaires.
DocmrnNT V. - Attestation du Cardinal Bellarmin, du 26
mai 1618, dé;larant que Grzliléen'avait fait aucune abjuration
et n'avait subi aucune peine pour ses opinions. - « Noi Ro­
berto Cardinale Bellarmino havendo inteso che il sig. Gali­
leo Galilei sia calunniato, o imputato di hwere abjurato
in mauo nostra, et aneo di e:-;sere stato per ció penitentiato
L.-\ (\ONIJA�INATION DE GALILÉE. Hl
di penitentie salutari : et essendo ricercati della ve­
rita, Jiciamo, che il suddetto sig. Galileo non ha abjura.to
in mano nostra, ne di altri qui in Roma, ne meno in altro
iuogo che noi sappiamo, alcuna sua opinione o dottrina, ne
manco ha ricevuto penitentie salutari, ne d'altra sorte: ma
solo gli e stata denuntiata la dichiaratione fritta da nostro
Signore, et publicata dalla sacra Congregazione dell'Indice,
nella qua.le si contiene, che la dottrina attribut.a al Coper­
nko, che la terra si muova intorno al sale, et che il sale stia
nel centro del mondo senza muoversi da Oriente ad Occi­
dente, sia contraria alle sacre Scritture, et pero non si possa
difenclere, ne tenere. E in fede di cio habiamo scritta et sot
toscritta la presente di nostra propria mano: questo' dí 26
maggio 1616.- 11 medesimo di sopra, Roberto Cardinale
Bellarmino.» (Ce dornment se trouvea la page 83 du proces;
Marini l'a publié dans son livre Galileo el'{nquisizione, p.101).
Pom l'intelligenfe de cette piece il faut se rappeler que
]e 26 février 1616, d'apres les ordres du pape Paul V,
Galilée avait du comparaitre devant le cardinal Bellarmin,
et que le commissaire du Saint-Office, en présence d'nn
notaire et <le quelques témoins, lui avait intimé la défense
d'enseigner de quelgue maniere que ce füt (quovis modo)
le systeme clu mouvement terrestre. Galilée avait prornjs
d'obéir. Ce fait donna lieu au faux bruit que Galilée avait
du faire abjuration et subir des peines. C'est pour détruire
ces fausses allégations, que Je célebre mathématicien
demanda et obtint l'attestation que nous venons de trans­
crire. - On y remarquera les mots {atta cla Nostro Signo1·e,
qui attribuent au Pape le décret de l'lnclex du 5 mars 161.6.
Il est vrai que le Pape avait voulu que la Congrégation de
l'Index publiat ce décret. Mais il est vrai aussi qu'il n'in­
tervint par aucun acte officiel et public, par aucune mtifi­
cation .ou con/irmation du <lécret qui puisse etre attribuéc
au Souverai11-Po11tife parlant ex cathedra.
112 LA CONDAi\IN:\TION DE GALILÉE.

DoCUl\lENT VI. - Notification de la Congrégation de l'Index,


de l'an 1620, permettant les ouvrages de Copernic, avec cer­
taines corrections. - Nous empruntons encore cette piece
au jésuite Riccioli. Elle se trouve dans son Almagestum novum
(tome u, page lt96. Bologne, 1653) : ,, Monitum sacrre
Congregationis ad Nicolai Copernici lectorem, ejusque
emendatio, permissio et correctio. - Quamquam scripta
Nicolai Copernici nobílis astrologi de muncli revolutionibus
prorsus prohibenda esse Patres sacrre Congregationis Indicis
censuerunt, ea ratione, quia principia de situ et motu ter­
reni globi sacrre Scripturre ejusque verre et catholicre inter­
pretationi repugnantia ( quod in homine christiano minime
toleran<lum) non per hypothesim tractare, sed ut verissima
adstruere non dubitat : nihilominus quia in iis multa sunt
reipublicre utilissima, unanirni consensu in eam iverunt sen­
teutiam, ut Copernici opera ad hanc usque diem impressa
permit.tenda essent, prout permiserunt, iis tarnen correctis,
juxta subjectam emenclationem, locis) in quibus non ex
hypothesi, sed asserendo, de situ et motu terrre tlisputat.
Qui vero deinceps imprimendi erunt, non nisi prredictis locis
ut sequitur emenclatis, et hujusmodi correctione prrefixa
Copernici prrefationi, permittentur: - Locorum, qure in
Copernici libris visa sunt correctione digna, emendatio: -
In Prrefatione� circa finem, ibi : si fortasse, dele omnia usque
ad verbum hi nostri labores ; et sic accommoda : cceterum hi
nostri labores; - in ca pite 6, libri 1, pagina 6, ibi: si tamen
attentius, corrige : si tameu attentius rem consideremus,
nihil refert an terram in medio mundi, an extra medium
existere, quoad solvendas crelestium motuum apparentias,
existimernus. Omnis enim etc; -- in capite 8, ejusdem libri,
totum hoc caput posset expungi, quia ex professo tractat de
veritate motus terrre, dum solvit veterum rationes probantes
ejus quietem. Cum tamen problematice videatur loqui, ut
studiosis satisfiat, seriesque et ordo libri integer maneat,
LA CONDAMNATION DE GALILÉE. i13
emendetur ut infra : primo, pagina 6, dele versiculum cur
ergo usque ad verbum provehimur, locusque ita corrigatur :
cur ergo non posswn mobilitatem illi formre sure concedere,
magisque quod totus labatur mundus, cujus finis ignoratur
scirique nequit, et qure apparent in crelo perinde se habere, ac si
diceret Virgilianus .Eneas : - Secundo, pagina 7, versiculus
addo corrigatur in hunc modum : adJ,o etiani dílficilius non
esse contento et loca to, quod est terra, motu ,n adscribere, quam
continenti. - Tertio, eadem pagina, in fine capitis, versiculus
vides delendus est usque ad finem capitis ; - in c�pite 9,
pagina 7, principium hujus capitis usque ad versiculmn ·
quod enim) ita corrige: curn igitur terram moveri assumpserim,
videndwn nunc arbitrar an etiam illi piures possint convenire
motus. Quod enim etc; in capite 10, pagina 9, ve.rsiculum
proinde corrige sic : proinde non pudet nos aswmere. Et paulo
infra, ibi : lwc potius in mobilitate terrtE verificari, corrige :
hoc consequenter ht mobilitate terree verificari. Pagina 10, in
fine capitis, dele verba postrema: tanta nimirwn est divina
hmc Dei optimi maximi fabrica ;- in capite 11, titulus capi­
tis accommode tur hoc modo : de hypothesi triplicis motus ter­
rm ejusque demonstratione: - In libro lJ, capite 10, pagina
122, in titulo capitis, dele verba lwrum trium siderum, quia
terra non est sidus, ut facit eam Copernicus . - Frater
Franciscus Magdalenus Capiferreus, ordinis Prredicatorum,
sacrre Congregationis secretarius. - Romre ex typographia
reverendre Camerre Apostolicre, 1620 >).
Ce nouveau décret., publié sous le titre de Monitum, nous
renseigne sur les points suivants: 1° En 1620 la Congréga­
tion de l'Index regardait encare le systeme du mouvement
terrestre comme contraire au vrai sens de la sainte Écriture,
et par conséquent comme erroné. 2º Néanmoins, dans l'.in­
téret de la science, elle permettait l'ouvrage ou Copernic
enseigne ce systeme, apres qu'on aur�it corrigé l' assertion
du mouvement terrestre comme fait démontré, et qu' on
.Ult LA CO�D:Ull't,\TIO� DE G.ALlLÜ.

l'aurait restreínte aux limites de la simple hypothese.


:3 ° Encare ici l'autorité <le la Congrégation de l'lndex figure
seule. Celle du Souverain-Pontife n'intervient pas. La piéce
n' exprime aucune approbation, aucune confirmation du Pape.
DocuMENT VII. - DécrEt de la Congrégation de l'Jndex du
16 juin 1633, condamnant le DIALOGUE de Galilée, et enjoi­
gnant a tauteur de ne vtus rarler, ni écrire, soit pour, soit
contre le systeme du 1nouvement terrestre. - Ce décret, <lit
Marini (Galileo e l'inquisi::,ione, p. 54) est rapporté a la page
á5 l des pieces originales du proces. 11 ajoute, cp1'il portait
prohibition du livre de Galilée intitulé Dialo:11w; mais il n'en
transcrit que ce fragment : e< lnjuncto ei (Galileo) ne de
cretero scripto vel verbo tractet amplius quovis modo de
mobilitate terrm nec de stabilitate solis, et e contra, sub
pcena relapsus. »
Les mots et e contra sont a remarquer. 11 ne lui était pas
plus permis de soutenir le systeme de Ptolérnée que celui
de Copernic. Le 26 février 1616, il avait prornis de ne plus
soutenir en aucune maniere, c'est-a-<lire, ni cornrne certain,
ni rnéme romme simple hypothese, le systéme du mourn­
ment terrestre, ainsi que le Sainl-Office le lui enjoignait par
un ordre formel. La publication de ses Dialogues était une
infraction notoire a cet oi-clre et a cette prornesse. :Xon-seu­
lement il y exposait l'hypothese du mouvement terrestre,
mais il y laissait entrevoir que, selon sa pensée, ce systeme
était le vrai. La Congrégation de l'Index prit le partí de lui
imposer un silence absolu, en lui interdisant meme de
soutenir le systeme de Ptolémée; <le peur sans <loute que,
sous prétexte d'établir cette opiuion, il n'eut encare l'art d'in­
siuuer habilement aux lecteurs qu'il tenait pour l'opposée.
DocuMENT VIII. - Vzttre du cardinal de Saint-Onuphre a
t'inquisiteiir ele Venise, du 2 juillet l633, ann01u;ant la con,..
danmation et la rétractation de Galilée. - ce Admodum
HeYerende Pater, quamvis a co11gregatione ludie.is suspen-
LA CO:.'iUAMNAT10N DE GALILÉL

sus sit tractatus Nicolai Copernici de revolutionibus orbium


crelestium, eo quod in illo sustineatur terralll moveri, non
vero solem, sed hunc stare in centro mundi, qure opinio
contraria est sacrre Scripturre, etab hac sacra Congregatione
Sancti Officii, mullis abhinc annis prohibitum fuerit Galilreo
Galilrei Florentino, ten ere, clefendere ac docere quovis modo,
voce aut scriptis, dictam opinionem ; nihi]ominus itlem
Galil 3; us ausus est cornponere librum inscriptum Galilmus
( ialilmi Linceus ; et non manifestans dictam prohibitionem,
extorsit licentiam illmn typis exponendi, sicut de facto
exposuit ; et supponens a principio, medio et fine illius,
velle se tractare hypothetice de prredicta opinione Copernici,
tamen, quamvis non posset de illa 1.lllo rnoclo traetare, tracta..
vit de illa tali modo, ut se reddiderit vehementer suspetum
adhresionis ad talem opinionem. Quamobrem inquisitus
et in carcerern Sancti Officii inclusus, per sententiam horum
En1inentissimoru..m Dominorum meurnrn damnatm; est ad
abjurandam dictam opinionem et manendum in carcere
formali ad arbitriurn Eminentire illorum, et ad peragendas
alias prenitentias salutares; veluti Reverentia vestra videbit
in infra scripto exernplari sententire et abjurationis; quod
ipsi mittitur ut illud notificet suis vicariis, et ejus notitia
perveniat ad eos et ad omnes professores philosophire ac
mathematicre; quo scientes qua ratione actum sit cum dicto
Galilreo, gravitatemerroris ab ipso commissi comprehendant,
ut illum devitent, necnon prenas quas incidendo in illum
passuri essent. Pro fine, Dominus Deus Reverentiam vestram
conservet. Romre, 2 julii 1633. - Tanquam frater, cardi­
nalis sancti Onufrii (1). »
Ce document détermine et précise dans ses principales
circonstances le fait historiquede lacondamnation de Galilée,

:.-. (l) Nous avo ns pour garant de l'authenticité de cette piece le Jésuite
contemporain Riecioli, qui l'a publiée dans son AlmagrJsfom n1J1;um
(tome 2, page 497. Bologne 1653).
H.6 LA CO.NDA.l\INATION DE GALILÉE.

fait si étrangement obscurci et défiguré dans des milliers


de livres : 1 º Déja depuis plusieurs années (1) la congré­
gation du Saint-Office avait fait défense a Galilée cl'enseigner
et de défendre soit oralement , soit par écrit, le systeme du
mouvement terrestre. 2 ° Elle luí avait interdit cet enseigne­
ment sous quelque forme que ce fu t, quovis modo. En sorte
qu'il ne pouvait pas meme le présen ter comme simple hypo­
these, sans enfreindre la prohibition. Le Saint-Office avait
permis l'ouvrage de Copernic, ramené a la simplehypothese,
au mayen de corrections; mais il n'avait pas voulu que cet
enseignement, merue ainsi modifié, füt propagé par Galilée.
3 ° Néanmoins, Galilée compasa son livre sur le systeme de
Copernic, ayant soin toutefois de ne le présenter, du moins
en apparence, que comme une hypothese. 11 sollicita et ob­
tint de l'inquisiteur de Florence la permission de le publier,
mais, sans l'avertir du veto du Saint-Office, qui luí avait
interdit l'enseignement du systeme quovis modo. De plus ,
tout en paraissant se renfermer dans l'hypothese, il laissait
clairement entrevoir sa complete adhésion. 11 avait done
enfreint l'ordre re�u ; et de plus, selon la conviction des
cardinaux du Saint-Office, qui regardaient I'opinion du
mouvement terrestre comme oppo:,ée au vrai sens de l'Écri­
ture, il s' était rendu suspect d'hétérodoxie. á º 11 fut con­
damné par le Saint-Office, dont la sentence luí imposa, pre­
mierement l'abjuration de son systeme du mouvement
terrestre ; secondement, la détention tout le temps que les
carclinaux le jugeraient opportun, et la récitation �es sept
psaumes de la pénitence une fois par semaine pendant trois
ans, avec la clause que les juges pourraient commuer et
diminuer ces peines ou meme I'en affranchir completement.
Galilée pronon�a et signa I'abj uration demandée. Sa prison
fut commuée en unesorte de villégiaturefort agréable, apres
(�) C'est-a-dire d11pt1is l'année 1616, comme le constate.ra le document
�uivant.
LA CONDAMNATION DE GALtLf:E. H7
laquelle il fut ren<lu a la liberté. Ces faits, avec plusieurs
autres circonstances sont constatés par le document suivant.
5° Une derniere remarque sur celui-ci, c'est qu'il ne men­
tionne aucune intervention de l'autorité Papale. II n'est
point dit que _le Souverain-Pontife ait approuvé ni confirmé
la sentence du Saint-Officeª C' est la Congrégation seule
qui prononce; son autorité seule intervien t.
DocmmNT IX. - Sentence prononcée contre Galilée le 22
juin 1633. - Abjuration signée par lui le mémejour. - Cette
piece, plus généralement connue, se trouve dans plusieurs
ouvrages; entr'autres dans les lJUlanges scientifiques et litté­
raires du savant l\L Biot (tome 3, page [¡5, Paris 1858), et
dans l' Almagestum novum de Riccioli (tome 2, page 497,
édition de Bologne 1653). En voici le texte :
,, Nos Gaspar, tituli S. Crucis Hierosolymre, Borgia;
Frater Felix Centinus, tituli S. Anastasire, dictus de
Asculo;
Guidus, ti-tuli S. Marire Populi, Bentivolus;
Frater Desiderius Scaglia, tituli S. Caroli, dictus de
Cremona;
Frater Antonius Barberinus, dictus sancti Onufrii;
Laudivivus Zacchia, tituli S. Petri in Vinculis, dictus
sancti Sixti;
Berlingerius, tituli sancti Augustini, Gypsius;
Frabricius, S. Laurentii in Pane et Perna, Verospius
dictus presbyter ;
Franciscus, sancti Laurentii in Damaso, Barberinus;
Martius, S. ]Uarire Novre Ginettus, diaconi; per mise­
ricordiam Dei sanctre Romanre ecclesire cardinales,
in universa republica christiana contra hrereticam
pravitatem inquisitores generales a Sancta Sede
Apostolica specialiter deputati ;
<e Cum tu, Galilree, fili quondam Vincentii Ga1ilrei Flo-
·•
rentini, retatis ture annorum 70, denunciatus fueris anno
1615 in hoc Sancto Officio, quod teneres tanquam veram
CO:.\DA.\L'iATlO' DE (-}ALILf:L

falsam doctrinam a multis traditarn, soJem videlicet esse in


centro mundi et immobilem, et terram moveri motu etiam
diurno ; ítem quod haberes quosdam discipulos, quos do­
cebas eamdem doctrinam; ítem quod circa eamdem servares
correspondentiam cum quibusdam Germanire mathematicís;
item quoct in lucem cledisses quasdam epístolas inscriptas
de rnaculis solaribus, in quibus explicabas eamdem doctri­
nam tanquam veram ; et quod objectionibus, qure identidem
fiebant contra te, sumptis ex Sacra Scriptura, respondebas
glossando dictam Scripturam juxta tuum sensum ; cumque
deinceps coram exhibitum fuerit exemplar scriptionis in
forma epistolre, qure perhibebatur a te scripta ad quemdam
discipulum olim tuurn,et in ea sectatus Copernici hypotheses
contineas nonnullas propositiones contra verum sensum et
auctoritatem sacrre Scri pturre;
« Volens proinde hoc sacrum tribunal prospicere incon­
venientibus ac damnis 1ure hinc proveniebant et increbre­
scebant in perniciem sanctrefülei; de mandato Domini Nostri,
et •eminentissimorum dominormn cardinalium hujus su­
premre ac universalis Inquisitionis, a qualificatoribus theo­
logis qualificatre fuerunt dure propositiones de stabilitate
solis et <le motu terrre, ut infra :
« Solem esse in centro mundi, et imrnobilern motu locali,
est propositio absurda et falsa in philosophia ; et fonnaliter
Jueretica } quia est e.r:presse contraria sacrm Scripturm.
« Termm non esse centrmn munlli, nec immobilem, serl mo­
z:eri motu etiam diurno, :est item propositio absurda, falsa in
philosophia, et theologice considera ta ad minus erronea, in fide.
« Sed cum placeret interim tum nobis tecum benigne
proce<lere, decretum fuit in sacra Congregatione, habita
coram Domino nostro, die 25 februarii anni 16-16, ut cardi­
nalis Bellarminus tibi injungeret, ut omnino recederes a
prredicta falsa doctrina; .et recusanti tibi, a commissario
sancti Officii prreciperetur, ut clesereres dictam doctrinam,
u CONDA;\rnATIO:\' m: GALILÉf.

neve illarn posses aiios docere nec defeu<lere, nec de illa


tractare ; cui precepto si non acquíesceres, conjicere in car­
cerem. Et ad executionem ejusdem decreti, die sequenti in
palatio coram supradicto Eminentissirno Cardinali Bellar­
mino, postquam ab eodem domino Cardinali benigne ad­
monitus fueras, tibi a domino Commissario san{'tt Officii
eo tempore fungeme prreceptum fuit, pr�::iClittbus notario
et testibus, ut omnino desisteres a cticta falsa opinione, et
ut in posterum non liceret tibi eam deféndere uut docere
quovis modo, neque voce, neque scriptis ; cumque promi­
sisses obedientiam, dimissus fuisti.
,, Et ut prorsus tolleretur tam perniciosa doctrina, neque
ulterius serperet in grave <letrimenturn catholicre veritatis,
emanavit decretum a sacra Congregatione Inclicis, quo fue­
runt prohibiti libri qui tractant de hujusmodi doctrina; et
ea declarata fuit falsa, et omnino contraria sacrre ac divinre
Scripturre.
,, Cumque postremo cornparuisset hic liber Florentire
editus anno proximo prreterito, cujus inscriptio ostendebat
te illius authorem esse, siquidem titulus erat, Dialogo di Ga­
lileo Galifoi delle due massime sisteme del mundo, Tolemaico
e Copern,·cano, cum simul cognovisset sacra Congregatio ex
impressione prreclicti libri convalescere in dies magis ma­
gisque falsam opinionem de motu terrre et stabilitate soiis,
fuit prredictus liber diligenter consideratus., et in ipso depre­
hensa est aperte transgressio prredicti prrecepti, quod tibi in­
timatum fuerat; et quo<l tu in eodem libro defendísses prre­
dictam opinionem jam darrrnatam, et coram te pro tali
declaratam, siquidem in dicto libro variis cir�umvolutio..
nibus satagis ut perauadeas, eam a te relinqui tanquam
indecisam et expresse -probabilern ; qui pariter est gravis­
simus error, cum nullo modo probabilis esse possit ·opinio,
qure jam deolarata ac definita fuerit contraria Scriptur;e
divinre.
120 LA CO�DA:\lNATIO� DE GALlLÉE.

ce Quapropter de nostro mandato evocatus es ad hoc San­


ctum Officium, in quo examinatus cum juramento agnovisti
dictum librum tamquam a te conscriptum et typis com­
missum. ltem confe.ssus es decem aut duodecim circiter
abhinc annis postquam tibi factum fuerat prreceptum ut
supra, creptum a te scribi dictum librum. Item quod petiisti
licentiam ilium evulgandi, non significans tamen illis qui
tibi talem facultatem dederunt, tibi prreceptum fuisse ne
teneres, defenderes, doceresve quovis modo talem doctri­
nam.
<e Confessus es pariter scripturam prredicti libri pluribus
in locis ita compositam esse, ut lector existimare possit argu­
menta, ducta pro parte falsa, esse ita enunciata, ut potius
prre illorum efficacia possent adstringere intellectum, quam
facile solvi; excusans te, quod incurreris in errorem adeo
(ut clixisti) alienum a tua intentione, eo quod scripseris in
formam dialogi, et propter naturalem complacentiam quam
quilibet habet de propriis subtilitatibus, et in ostendendo
se magis argutum quam sunt communiter homines in inve­
niendo, etiam ad favorem propositionum falsarum, inge­
niosos et apparentis probabilitatis discursus.
<< Et cum adsignatus tibi fuisset terminus conveniens ad
tui defensionem faciendam, protulisti testificationem ex
authographo Eminentissimi Domini Cardinalis Bellarmini,
a te, ut dicebas, procuratarn, ut te defenderes a calumniis
iminicorum tuorum, qui tlictitabant, te abjurasse et punitum
fuisse a Sancto Officio; in qua testificatione dicitur te non
abjurasse, neque punitum fuisse, sed tantummodo denun­
tiatam tibi fuisse declarationem factam a domino nostro et
promulgatam a sacra Congregatione Indicis, in qua contine­
tur doctrinam de motu terrre et stabilitate solis contrariam
esse sacris Scripturis, ideoque defendí non posse nec teneri.
Quare cum ibi mentio non fiat duarum particularum prre­
cepti, videlicet docere et quovis modo, credendum est in de-
LA CONDAi\lNATlON DE GALlLÉE, 12t
cursu quatuordecim aut sexdecim annorum eas tibi e me­
moria excidisse, et ob hanc ipsam rausarn te tacuisse prre­
ceptum, quando petiisti facultatem librum typis mandandi,
et hoc a te dici non ad excus:1ndum errorem, sed ut adscri­
beretur vanre ambitioni potius quam malitire. Sed bree ipsa
testificatio producta ad tui defensionem, tuam causam
magis aggravavit, siquidem in ea dicitur prredictam opi­
nionem esse contrariam sacrre Scripturre, et tamen ausus es
de illa tractare, eam defendere et persuadere tanquam pro­
babilem. Neque tibi suffragatur facultas a te artificiose et
callide extorta, cum non manifestaveris prreceptum tibi
impositum.
« Cum vero nobis videretur non esse a te integram veri­
tatem pronunciatam circa tuam intentionem , judicavimus
necesse esse venire ad rigorosum examen tui ; in quo (absque
prrejudicio aliquo eorum qure tu confessus es, et qure contra
te deducta sunt supra circa dictam tuain intentionem) re­
spondisti catholicei Quapropter visis et mature consideratis
meritis istius ture causre, una cum supradictis tuis confes­
sionibus et excusationibus, et quibusvis aliis rebus de jure
videndis et considerandis, devenimus .contra te ad infra
scriptam definitivam sententiam :
u Invocato igitur sanctissimo nomine Domini nostri Jesu
Cbristi, et ipsius gloriosissimre .Matris semper Virginis Marire,
per hanc nostram definitivam sententiam, quam seden<lo
pro tribunali , de consilio et judicio reverendorum magi­
strorum sacrre tbeologire et juris utriusque doctorum, no­
strorum consultorum, proferimus in bis scriptis circa causam
et causas coram nobis controversas, inter magnificum Caro-
1 um Sincerum, utriusque juris doctorem, Sancti hujus Officii
fiscalem procuratorem ex una parte, et te Galilreum Gali­
lrei reum bic de prresenti processionali scriptura inquisitum,
examinatum et confessum ut supra ex altera, dicimus, pro­
nuntiamus, judicamus et declaramus, te Galilreum supra-
REn.:E Dr:s Scrn�c�s ECCLÉs., -ze SÉRIE. T. m.-Ffi:VRIER 186G. 9
J:22 L.\ COND.\"\l�ATlU� DE GALlLÉE.

dicturn, ob ea qure deducta sunt in processu scripturre et


qure tu confe�sus es ut supra, te ipsum reclJi<lisse huic Sancto
Officio vehemeuter suspectum de hreresi; hoc est, quod cre­
dideris et teuueris doctri11am falsam et contrariam sacris ac
divinis Scripturis, solem vi<lelicet esse centrum orbis terrre
et eum non moveri ab oriente in occidentem, et terram mo­
veri nec esse centrum mundi, et posse teneri at defendí
tanquam probabile111 opinionem aliquam postquam <leclarata
ac definita fuerit contraria sacrre Scripturre; et cons�equenter
te incurrisse omnes censuras et pomas a sacris canonibus et
aliis constitutionibus generalibus et particularibus contra
hujusmodi delinquentes statutis et promulgatis. A quibus
placet nobis ut absolvaris, dummodo prius corde sincero et
fide non fleta coram uobis abjures, maledicas, et detesteris
supradictos errores et hrereses, et quemcumque alium erro­
rem et hreresim contrariam Catholicre et A postolicre Romanre
Ecclesire, ea formula, qure tibi a uobis exhibebitur.
« Ne autem tuus iste gravis et perniciosus error ac trans­
gressio remaneat omnino impunitus, et tu in posterum
cautior evadas, et sis in exemplum aliis ut abstineant se ab
hujusmodi delictis, decemimus ut per publicum edicturn
prohibf,atur líber Dialogorum Galilrei Galilrei ; te autem
damnamus ad forwalem carcerem hujus Sancti Officii ad
tempus arbitrio nostro limitandum; et titulo pcenitentire
salutaris prrecipimus, ut tribus annis futuris recites semel
in hebdomacla septem psalmos pcenitentiales : reservantes
nobis potestatem moderandi, mutandi aut tollendi ornnino
vel ex parte supradictas pcenas et pcenitentias.
Et ita dicimus, pronunciamus, ac per sententiam decla­
raurns, statuimus, damnamus et reservamus, hoc et omni
alío meliori modo et formula qua de jure possumus ac
debemus. Ita pronunciamus, 110s Cardinales infra scripti :
-- F. Cardinalis de Asculo; - F. Cardinalis Bentivolus ;
-- F. Ca!'clinalis ele Cre¡¡iou�: r. Atdonius Carcli11ali� S.
L:\ CO�DA:\l�.\TlU:'\ HE GAI.ILÉE . ·121
.Ouufrii; - B. Cardinalis Gypsius; - F. Cardi11alis Ve­
rospius; - M. Cardinalis Ginettus. »

ABJURATION DE GALILÉE,

« Ego Galiireus Galilrei, filius quondam Vincentii GaliJrei,


Florentinus, retatis mere annoruru 70, constitutus persoua­
lit�r in ju<licio) et genuflexus coram vobis eminentissimis et
reverendissimis Dominis Cardinalibus universre Christia­
me reipublicre contra hrereticam pravitatem generalibus
inquisitoribus, habens ante oculos meos sacrosancta Evan­
gelia, qure tango propriis ma!libus, juro me semper credi­
disse et nunc cl'edere, et Deo adjuvante in posterum credi­
turum omne id q uud tenet, prreclicat et docet sancta catholica
et apostolica RomanaEcclesia.Sedquia ab hoc Sancto Ofücio,
eo quod postq.uam mihi cum prrecepto fuerat ab eodem
juridice injunctum, ut ownino desererem falsam opinionem
.qure tene.t solero fSSe ceutrum mundi et immobilem, etter-
.,:am non esse centrum et movel'i; nec possem tenere, <le-
fendere aut docere quovis modo prredictamfalsam doctri11am;
et postquam mihi notificatum fuerat prredictam doctrinam
_repugnantem esse sacrre Scripturre; scrípsi et typis mandavi
librum, in quo eamdem doctrinau1 jam damuatam tracto,
et aclduco ratioues cum magna efficacia in favorem ipsius,
non afferendo ullam solutionem ; idcirco judicatus tmrn
_vehei;nenter suspectus de hreresi, vi<lelicet quod tenuerim et
credidel'im, solem esse centrum mundi et immobilem, et
terram non esse centrum ac moveri.
Idcirco voleus ego eximere a mentibus Eminentiarum
vestru.rum et cujuscumque chl'istiani catbolici vehementem
hanc �uspicionem adversum me jure conceptam, carde sin­
cero etfide nonficta abjuro, maledico, et <letestor supradictos
errores et hrer�ses, et generaliter quemcurnque alium erro­
rern et sectam contrnriam supradictre sanctre Ecdesire ; et
12ft L.\ CU::'íD.\)lNATIO:\ DE GALILÉE,

juro me i11 posternm nunquam amplius dicturmn aut asser­


turum voce a.ut scripto quiclquam, propter quod possit
haberi de me similis suspicio ; sed si cognovero aliquem
hrereticurn aut suspectum <le hreresi, denuntiaturum illum
huic Sancto Otlicio aut inquisitori et ordinario loci, in quo
fnero . Juro insuper ac promitto , me impleturum et obser­
vaturum integre omnes pcenitentias, qure mihi impositre
sunt, aut imponentur ab hoc Sancto Officio. Quod si contin­
gat me aliquibus ex dictis meis promissionihus, protestatio­
nibus et juramentis (quod Deus avertat) contraire, subjicio
me omnibus pcenis ac suppliciis, qme a sacris canonibus et
aliis constitutionibus generalibus et particularibu.:; contra
h ujusmodi delinquentes statuta et promulgata fuerunt: sic
me Deus adjuvet et sancta ipsi us Evangelia, qure tango pro­
priis manibus.
ce Ego Galilreus supradictus abjuravi, juravi, promisi et
me obliga....-i ut supra, et in horum fidem mea propria manu
subscrip;,i prresenti chirographo mere abjurationts, et reci­
tavi L1e verbo ad verbum, Rornre in conventu :Minervre, hac
die 22 junii anni 1633.
e< Ego Galilreus Galilrei abjura vi ut supra manu propria. »
C8tte piéce est cl'autant plus importante, qu'elle ren­
ferrne l'histoire llétaillée du proces jusqu'a la sentence. Le
lecteur aura remarqué le passage qui attribue au Pape le
clécret ele l' Inclex de l 016, ou le systeme du rnouvement
terrestre est déclaré contraire a la sainte Écriture : « Denun�
ciatam tibi fuisse declarationem íactam a Domino nostro et
promulgatam a sacra Congregatione lndicis. »
Le Pape avait voulu ce décret, comrne il voulut aussi
le procés et la sentence contre Galilée. C'est le Pape qui
faisait agir; en ce sens le décret de l'lndex de 1616 peut
lui étre attribué. i\lais il n'intervint aucune décision du Pape
parlant ex cathPdro. II n'y eut ancun bref coufir mant la
décision des cardinaux. Ni le clécret de HH6, 11i celui de
LA CONDAM.:\ATIO\ DE GALILÉE. 125
1.620, ni la sentence contre Galilée n' ont re<;u la confir ma­
tion officielle et publique du Souverain-Pontife. La <lécla­
ration qui traite d'erreur le systeme du mouvement ter­
restre, n'a paru qu'avec la seule antorité de la Congrégation.
En un mot le Pape n'a donné les mains a cette déclaration
qu'en tant que docleur privé; jamais il ne l'a sanctionnée
comme Pape, c'est-a-dire, en notifiant oíllciellement qu'il la
corroborait de son autorité pontificnle. Or le Pape, en tant
que théologien particulier, n'est pas infaillible ( 1), et la
Congrégation du Saint-Office ne l' est pas non plus, comme
nous le dirons plus loin.
DocUMENT X. - Lettres écrites par Descartes, six mois
apres la condamnation de Galilée. Il y fait remarquer que la
condamnation du systeme de Copernic prononcée par la Con_r¡ré­
gation des Cardinaux, n' a pas encare été autorisée par le Pape;
d'oü il conclut qu'elle n'est pas un article.de foi. -·-Ala date
du 10 janvier 163{1, Descartes écrivait au Pére Mersenne :
« Vous savez sans doute que Galilée a été pris depuis peu
par les inquisiteurs de la foi, et que son opinion touchant
les n10uvements de la terrea été condamnée comme héré­
tique. Or je vous dirai que toutes les choses que j' cxpli­
quais en mon traité, entre le'squelles était aussi cette opi­
nion du mouvement de la terre, dépendaient tellement les
unes des autres, que c'était assez de savoir q11'il y en ait
une qui soit fausse pour connaitre que toutes les raisons
dont je me servais n'ont point de force. Et quoique je
pensasse qu'elles fussent appuyées sur des démonstrations
trés-certaines et tres-évidentes, je ne voudrais toutefois
pour rien au monde les soutenir contre l'autorité de l'Jt­
glise.... Ne voyant point encore que cette censw·e ait été

{f) En accordant que le Pape puisse errer comme théo!ogieu JJarl.i­


culier, nous ne disons pas qu'il pui:;se devenir hérétique, rnémc tanquam
persona ¡n·iuata. C'est la une r¡uestion toute différcnte que nous ne
lraitoo6 pas ici.
120 LA CO:XDA�INATlO:\' DE GALILÉE.

autorisée par le Pape ni ;l([r le Concite, mais seulement pá1'


une congrégation particuliere des Cardinaux inquisiteurs, je
ne perds pas tout-a-fait espérance qu'il n'en arrive ainsi
que des antipodes, qui avaient été quasi en merne sorte
condamnés autrefois. ,, (Lettre 76 du tome II dans l'édition
de Prmthéun littéraire, OEuvres philosophiques de Descartes,
page 5lt5).
Dans une autre lettre <le Descartes (page 5á6, édition
du Panthéon littéraire, París 1838), on trouve ce passage �
e< Vous n'aurez que meilleure opinion <le moi de voir que
j' ai voulu entierement supprimer le traité que j'en avais
fait, et perdre presque tout mon travail de quatre ans, pour
rendre une entiere obéissance a 1'.Église, en ce qu'elle a
défendu ]'opinion du mouvement de la terre. Et toutefois,
pour ce que je n'ai poínt encare vu que ni le Pape, ni le Concile
aient ratifié cette défense, faite seulement par la Congrégatio'li,
des Cardinaux établis pour la censure des livres, je serais
bien aise de savoir ce qu' on en tient rnaintenant en Fratiée,
et si leur autorité a été suffisante pour en faire un article
de foi. ,,
Nous appelons l'attention dn lecteur sur ce fait impoi'­
tant : Le décret de la Congrégation des Cardinaux, con­
damnant l'opinion du rnouvement terrestre, n'avait pas été
autorisé, ratif¡é par le Pape; et Descartes, six mois apres
la condarrmation de Galilée, signalait l'absence de la rati­
ficc1.tiun papale, comme ótant au décret la valeur d'un ar­
ticle de foi. Devant une décision dogmatiquedu Saint-Office,
corroborée par la confirmalt'on pontificale, Descartes n'hé­
�itait point a se sournettre. C'était pour lui 1' article de foi;
et il ét.-:.it pret a supprimer son ouvrage. l\Iais le décret ne
paraissant qu'avec la seule a utorité de la Congrégation des
Cardinaux, et manquant de la ratification du Pape, il lui
semblait qu'on n'était pas obligé <le aoire faux le systeme
du nwuvemenl terrestre; il espérait meme que la liberté de
LA CONDAM.:\ATIO\ DE GALILÉE. ·f2i
le soutenir serait rnndue, et que le décret du Saint-Office
ne serait pas maintenu. Comme nous le verrons plus Ioin,
Descartes sur ce point était dans le vrai.
DocUJ\IENT XI. - Témoiynaye du P. Olivieri, général des
Dorninicains et commissaire du Saint-O/fice en t 825, ntfestant
qu'on avait amis de (aire approuver par le Pape le décre-t de
1616. - Le Pere Olivieri compasa sur la condámnation de
Gali1ée une dissertation restée manuserite, mais dont le
savant M. Bonnetty a pub1ié le fragment suivant dans F flni­
versité catholique (numéro dé novembre 1855, page lt5lt) :
<< En 1835, sur la liste réimprimée á Rome des ouDrages
<lé{endus, on ne vit plus ceux qui avaient été mis touchant
J' opinion de Copernic sur le mouvement de la terre, et qui
sont au nombre de cinq, savoir : Copernic, Astanuca et
Foscarini par décret du 5 mars 1616; mais Copernic et
Asta.nuca seulement, donec torrigantur_. tes corrections ele
Copernic avaient �été publiées avec un autre cléeret uu 15
mai 1620, et réduisaient a une simple hypothese le mou­
vernent de la terre; mais il ne s'était plus fait aucune édi­
tion avec de telles corrections.
« Apres ce décret (celui de 16 L6) et un autre uu 10 mars
1619, avait été également mis sur la liste KéplElr pour son
Epitome astronomice Copernicanre. Finalement, Jans la sen­
tence prononcée contre Galilée le 2� jnin 1633, l'ordre fot
donné d'y inscrire également le fameux dfalor¡ue de ce
meme Galilée. Ces cinq livres furent cependant rayés de la
liste en 1835 ....
« Le décret par lequel avaient été défendus ou suspendas
donec corrigantur, Copernic , Astanuca et Fo�carini ('l)
comprenait également tous les autres livfes enseignant la
meme doctrine : Omnes alios libros pariter ülem docentes.
Mais on avait omis de {aire ().]Jprouver le décret (2) par le Pape,
(\) 11 s'Hgit du décret de 16lti.
(2) Toujours le décrd de 1616.
118 LA CON DAfü\'AT!O� DE GALILÉE.

quand on renonvela l'index sous Benoit XIV, en 1758. Aussi


la difficulté était si peu résolue, que quelques-uns croyaient
qu'on devait ajouter l' hypothese a l'enseignement de la mo­
bilité de la terre. l\lais la Sacrée Congrégation du Saint­
Office, dans son assemblée du 16 aout 1820 , permit de se
servir de l' affirmation; et la chose examinée de nouveau fut
jugée dans l'assernblée du 17 septembre 1822; et il parut
un décret, approuvé par le pape Pie Vil, par lequel les
éminentissirnes inquisiteurs généraux, se conformant ex­
pressément au <lécret ?e la Sacrée Congrégation de l' Index
de 1757, et au leur de 1820, déclarérent permises a Rome
l'impression et la publi_cation d' ouvrages traitant de la mo­
bilité de la terre et de l'immobilité <lu soleil, se]on l' opi­
nion commune des astronomes modernes: Operum tractan­
tium de rnobilitate teme et imrnobilitate solis juxta com­
munem modernorum astronomorum opinionem. »
Deux faits sont a remarquer dans ce témoignage d'O]i­
vieri : 1 ° on avait omis de /aire approzwer par le Pape le
rlécret de 1616, cest-a-dire, le décret de l'lndex qui avait
déclaré faux et tout-a-fait contraire a la sainte Ecriture le
sysfeme du mouvement terrestre. Et lorsqu'on renouvela
sous Benoit XIV, en 1758, la liste des livres prohibés, ce
décret <le 16J 6 était encore dépourvu de toute confirmation
pontificale. 2 º Sous Benoit XIV, en 17 57, la Congrégation
de l' Inclex fit un nouveau décret, dont nous ignorons le
texte (1). Mais Olivieri nous apprend que le Saint-Office
déclara expressément se conformer a ce décret de l'Index de
1757, lorsqu'il permit, en 1822, et avec l'approbation du
pape Pie VII, de soutenir comme certain le systerne du mou­
vement terrestre. Ainsi, avant 1757, le décret de 1616 n'avait
jamais eu de ratification pontificale ; et, en 1757, la Con­
grégation de l'Index elle-meme commen�ait a I'abandonner.
En <l'autres termes, le sysléme du mouvement terrestre a
( 1; J'\ous n 'avorn; pas encore pu uons procurer eette piece.
LA CONDAMNATION DE GALlLÉE. i29
été il est vrai, condarnn� par une congrégation de Cardi­
naux; mais jamais aucun Pape n'a confirmé cette célebre
condamnation par un acte officiel et public.
DocuMENT XII. - Extraits de la théologie de Caramuel,
auteur eontemporain de Galilée. On y voit que les décrets de la
Congrégation des Cardinau::c eontre le systeme du mouvement
terrestre, ne furent pas revetus de l'autori!é du Pape parlant ex
cathedra, et que pour eette raison on n'était pas obligé de les
tenir pour in(aillibles.
Qnam sint certre et indubitatre declarationes Cardina­
lium... Ego authoritatem practicam a speculativa distinguo:
et licet condendi artículos fidei, hoc est sentiendi et cre­
deudi potestatem soli Pontifici ex cathedra loquenti conce­
dam, condendi praetieos articulas, loquendi,docendi, concio­
nandi, dictandi et operandi authoritatem concedo dominis
eminentissimis quos ad Ecclesire regim.en practicum ad­
sumpsit sanctissimu� Dominus noster. Aio eorumdem autho­
ritatem esse duplicem, interdictoriam et condemnatoriam.
Quando liber vel sententia interdieitur, non asseritur esse
improbabilis, sed neque esse probabilis; sed, jussa manere
in gradu probabilitatis in quo antea, oh bonum publicum
vel privatum nec dictari nec defendí prrecipitur... Quando
aliqua scntentia ab eminentissimis dominis eondemnatzir,
practiee condemnatur. Propo�itio sic condemnata non per­
transit in hreresim, sed perdit omnem extrinsecam authori­
tatem et redditur improbabilis practiee. Quid si condemne­
tur tanquam hreretiea? Tune vi hujus eondemnationis non fiel
hreretiea, qure antea non esset hreretica; sed qure antea erat
h�retica condemnatione declarabitur esse hreretica; idque
tanta certitudine, ut eamdem non esse hrereticam maneat
improbabi1e. In hoc et similibus casibus habent inquisitores
authoritatem interdicendi, prrecipiendi, adjurandi ; et sub­
diti tenentur in conscientia obedire, sincere jurare. Ergo in
ejusmodi casibus subsunt tribunali actus externi per se, et
LA CONDAMIXATION llE G.-\LILÉE.

interni per :.-i.Ccidens (Tlieolo_r¡ia (undamentalis, libro 1, fm1-


damento 5, numero 258 et seq., torno 1, pagina 10á, edit.
Lugduni 1676).
ne motu terrre ab eminentissimis <lominís condemnato ...
tlubia subsequentía propano : o1im fuit probabilis iUa astro-
110morum opinio, qure terram movet, aut tantum diurno
motu, quod placuit Origano; aut etiam diurno et annuo,
quod placuit Aristarcho olirn, ante annos paucos Copernico,
et hod:e fere omnibus hrereticis, qui tribunal Cardinaliurn
non curant. Bree opinio damnata est hodie a Cardinalibus.
Et inquirís, an ideo sit improbabilis redel ita? An qui putaret
se habere firmissima momenta pro Copernico, posset illam
in foro exteriore defendere? An in interno aut privato sal­
tem? An qui illam pertinaciter tueri vellet, accusandns esset
de inobedientia tantum, an etiam de irnprobabilitate? (lbi.
dem, n. 262, pagina i05.)
Si ageretur tantummodo ele motu qui falso adscribebatm
terrre , non puto fuissent solliciti domini eminentissimi.
Qurestio erat physica, et per duo srecu]a tolerata aut pet­
.rnissa, quandiu intra philosophire cancellos mansit. At hoe
;evo inceperunt sotores supra crepidam sapere, astronomi
supra arithmeticam et geometriam, �t velle torquel'e ad
sensa sua authoritates sacrre paginre. qure potins terrarn fir­
mant quam volvnnt. Et quia sacra non debent illota manu
tractari, disp1icuerunt astronomi. qui temerario ausu falcem
audacem in messem. alien�m immiserant. Sacrre paginre
expositio probabilis ad sacrre theologire professores, et infal­
libilis ad Surnmum Pontificem spectat •.. Defenditur hodie a
calvinistis motus terrre magno nisu, et cur? Ut ccelo et sí­
deribus quietem accenseant? Mimine. Nihil enim est illis
et cre1o commnne. Cur igitur? Nota bene : ut suggestum
erigant, in quo suas machinas et bellica tormenta ponant,
christianre religionis articulos oppugnatura. Considera se­
qnentem discursum : noctrinam Copernici de motu telluris
LA CONDAMNATION OE GAI.ILEE,

diurno et annuo ltdinittit Eccle.,;ia Romana : ergo admittit in


sacra Scriptura sensuni metaphoricum, apparentem et opinati­
wm: pr1tet consequentia, quia testimonia qum contra; terrm mo­
lum adducimtur, nisi ad metaphoras et abwus senlentiarum
tralumtur, qllietem evincunt. Err¡o et poterim.us no.,; oosrlem
sensus admittere, cum sacram paginam interpretamur. Ergo e,t
polerirnus, dum proferi>nus baptismi verba, infan.tes ablue;te
per famulos; no.<; enim moraliter facimus, qum fieri pe,r mirti-­
,'itros jubemus. Ergo poterimus uti agua artl{iciali in bapfümo:
etsi enim non sit aqu((, vera, e:;t aqurt appa1'ens. Ergo po­
terimus ad metapltoram trahere testimonia qum a¡1ud catholico.,;i
confirmationis :wcramentwn evincunt. Peccat(f, ergo teguntur,
non rlelentur : gratia imputatiir, non cr.mfertur ; et loca Mcrr.e
pogirue, qum contra adduci solent, significant quantum opparet.
Consecrationis ergo verba sunt admiftenda metaplwrice,et tran-­
.mbstantiatio neganda. Ordo igiiur et matrimonfum, politici et
apparentes statU.'i suvt, non v.eri : et quidquül de extrema un­
ctione rlicitur, prmler Romanotmn opinionem nihil habet. Ecce
hrereticos ectheseon mirabiles textores, quam caute humana
divinis immisceut, confundunt theologicis physica, pro sua
hreresi undique argumenta corradunt.
Quid ad hrec deberemus respondere catholici? Nihil óe- .
currit facilius, nihil melius quám primum antecedens nega­
re. Debemus igitur agere gratias erninentissimorum domi-
11orum Cardinalium consessui, quod nos ab hoc argumentó
tam facili negotio expedierit, Copernici doctrinam condern­
nando.
Hinc patet quid respondendum sit inquirentibus : An qui
t-ellurem circumducunt, diceruli sint inobedientes, an etiam hre­
retici vel temerarii ?
Respondeó, ha.ne ptopositionem, terra móD_etur, bifariam
posse considerari; nimitum, ut hrereseos damnatam ab Emi­
netdi.,simis Cardinalibus, prrescindendo a Pontifice : et ut
llwnn((,tam a S1ww10 l'ontifice, seu Ecclesia Romana. Si tan-
LA CONDA\INATION DE GALILÉE.

turnmodo es5et condemnata ab eminentissimis dominis, qui


illam defenderent, esset inobediens et temerarius practice,
quia tueretur doctrinam improbabilem et interdictam : addo
eumdem, si contumax esset, posse practice puniri ut hrere­
ticum ; tum quia est suspectus de fide qui Ecclesire obedire
non vult; tum quia Cardinales, penes quos est practicum
Ecclesire regimen in his materiis , Aristarchi doctrinam
hrereticam et sacrre doctrinffi contrariam declararunt. Cre­
terum eadem propositio ut a Summo Pontífice condemnata
(non enim indiget concilii generalis solemnitate ut fide te­
nendas assertiones definiat) esse hrereticam etiam specula­
tive pronuñtio. Quamobrem Cardinales per suam declaratio­
nem non fecerunt quod motus terrre esset hrereticus, sed
fecerunt quocl ille, qui alias et aliunde erat hrereticus, et a
multis putabatur probabilis aut etiam verus esse hrereti­
cus et sacrre Scripturre oppositus ab omnibus agnosceretur
(loco citato, n. 26'1 et seq., pagina 105 et seq.).
At expediret, inquies, in controversia philosophica inge­
niis libertatem concedere, et campos <loctrinre et eruditio­
nis non claudere. Sic loqueris, et multi tecum. Nam, ut rem
fatear, in hacce materia hreretici contra eminentissimos do­
minos Cardinales insaniunt, et multi astronomi catholici regre
tacent; et omnium aut /ere vox est: si contrariwn de fide
non est, hoc verum est. Et semper conqueruntur rem pure
astronomicam a non astronomis (non enim Cardinalium
theologi profitentur hanc artem) in judicium vocatam (ibí­
dem, n. 269, pagina 106).
Terram quiescereaffirmo, et opinationem contrariam esse
hrereticam et a sacra Scriptura condernnatam assero (ibídem,
n. 272, pag. 107).
Et quid si prodierit perinde aliqua dernonstratio astro­
nomica, qure solem non moveri convincat? Quid, si per do­
ctrinam parallaxeon terram moveri evidenter et ciare convin­
catur? - Respondeo citra miraculum non posse dari de-
U COiÜ>Al\lNATIO� DE <i-ALll,Ét.:, 133
monstrationem physicam qure terram quiescere aut moveri
persuadeat. ..
Quid, si bree ipsa demonstratio, quam impossibilem esse
dicirnus, olim daretur? - Responderet hic aliquis, in tali
casu adsentiendum esse demonstrationi (est enim su pponen­
dum esse legitimam et certam) ; at in illo casu r1,'ri non posse
Ecclesiam Romanam erravisse : non enim hanc propositionem
specula tive snmptam genera le concilium, aut Pontifex ex cathe­
dra proposuit itniversm Ecclesice ut articulwn fidei, ita ut ve1let
ipsummet internum dissensuru esse hreresim ; sed Cardina­
Uzwi eminentissimwn tribunal, cujus authoritas ínter horrii­
nes summa est, definivit non dari rationem humanitus, prop­
ter quam non dicatur motus terrre sacrre Scripturre contra­
diccre; adeoque practice debere haberi tanquam hrereticum,
qui Pontifici pe1: cardinales suos cum pertinacia contradicat.
Quod si, per impossibile, eras haberetur aliqua nova de­
monstratio, tune inciperet dari humanitus ratio propter
quam possent pernü-ttere eminentissimi domini, ut in expo­
sitione capitis X Josue, ad sensum aliquem apparentem
aut metaphoricum recurreretur. Sic forte aliquis responde­
ret, et forte se involveret novis difficultatibus. Ego autem
summa cum facilitate me expedio. Assero igitur esse impos­
sibile, quod olim moveri terram demonstrative suadeatur.
-Quid si suaderetur demonstrative? - Respondeo : uno
impossibili admisso, non esse absurdum si impossibilia et
absurda sequantur (ibídem, n. 28, pagina 110).
Comme les théologiens du Saint-Office, Caramuel tenait
pour hérétique l'opinion du mouvement terrestre, et il féli­
citait la Congrégation des cardinaux de l'avoir condamnée.
Néanmoins, il distinguesoigneusemententrela condamnation
prononcée seulement par les cardinaux, et celle que confir­
merait le Pape parlant ex cathedra. 11 suppose comme fait
notoire, que la condamnation du systeme de Copernic n'a
pas eu cet appui de l' autorité Pontificale. Car s' objectant le
136 LA CO:\lDA'.\li\.-\TlO.\ OE 1;ALlLÉE.

cas ou l'on trouverait un jour la démonstratiou rigoureuse


du mouvement terrestre, et ou l' on voudrait en condure la
faillibilité -0u Souverain-Pontife dans les définitions dogma­
tiques, il indique cette réponse .: On ne pourrait pas dire
que l'Église Romaine ait erré, uttendu que l"opinion el.u mouve­
menl ter restre n'auruit pas été condamnée par un concite cecu­
ménique, ni par le f>ltpe parlant ex cathedra, mais seulement
par le tribunal des éminentissimes ca!'dinau;i_:. 11 est vrai qu'il
trouve plus simple et plus expéditif de nier qu'on puisse
jamais dérnontrer le rnouvement terrestre. Mais il n' éleve
at1cun <loute sur ce fait, que la condamnation du systeme
Copernic n'a pas été corroborée par l' autorité du Pape parlant
ex cathedra; qu'elle a seulement pour appui l' autorité de la
Congrégation des cardinaux, et que cette autorité toute seule
n'est pas suffisante pour faire des artides de foi. Or avouer
-qu'une autorité ne peut pas faire des articles de foi, c'est­
a-dire, obliger a croire intérieurement ce qu'elle définit,
c'est avouer qu'elle est faillible.
DoCUl\lENT xm. - Lettre dn jésuite Fabri, inserée dans
les Acles de tacadémie royale d' Angleterre l'an 1665. - Elle
est citée par le théologien Amort, qui apres avoir prouvé a
sa fa�on l'immobilité de la terre, s'exprime ainsi :
« Et hinc Urbanus VIII prohibuit sub excommunicatione
systema Copernicanum tanquam temerarium et sacr;:e Scrip­
turre quoad sensum proprium contrarium, donec a Coper­
nicanis afferatur aliqua <lemonstratio qure cogat in re tanti
womenti recedere a sellsu proprio Scripturre, judicio totius
orbis consecrato. Ita enim explicat mentem bullre Pontificire
pater Fabri Societatis Jesu, Romre ad sanctum Petrum pce­
nitentiarius, dum cuidam Coperuicano in h�c verba rescri­
bit:
<e Ex vestris coryphceis non semel qumsitum est, '1.tlrum habe-
,!ent aliquam pro terrm motu demonstrationem. Nunquam au.,si
sunt id assere·re. JYil igüur obstat, quin loca illa in senrn litte-
LA CO:\DAMNATIO\ DE liALlí.ÉI•:.

rali Ecclesict intelligat, et intelligentla esse declaret, <pwnditt


nulla demonstratione contrarium evincelur; qum si {orle ali­
quando a i:obis cxcogitetur (quod vix crediderim) in _hoq casu
nullo modo dubitabit Ecclesia declarare, loca illa in sen.su figu­
rato el improprio intelligenrln esse, ut illud poetm : Terraque
urbesque receclunt.
« Rescriptum istud insertum est anno .1.Gv.i actis Societatis
Regire Anglicaure, mense junio » (Philosophia Pollingana,
auctore R. D. Eusebio Amort, canonico regulari Lateranensi,
ad sanctum Salvatorern in Polling. Sacrre theologire profes­
sore, tomo 3, pagina 7, edit. Venetiis 173ft).
Nous mettons parmi les documents ce passage d' Amort,
parce qu'on aurait pu nous l'objecter. ll y est parlé d'une
bu.lle d'Urbain VIII, par laquelle ce Pape aurait condarnné
le systeme de Copernic. C'est une erreur . Si une pareille
bulle avait été publiée , elle aurait été citée des milliers de
fois. On n'eu trouve pas trace. Le systeme du mouvement
terrestre fut condaurné par simple décret de l'Index en 1616_,
décret qui fut ensuite invoqué dans le rnonitum de la Con­
grégation de l'Iudex de 1620, et dans ]a sentence du Saint­
Office contre Galilée. Mais aucun de ces actes ne fut
officiellement et publiquement confirmé par Urbain VIiI.
Jusqu'a preuve du contraire, nous pensons qu'Amort n'avait
que des <lonnées vagues sm· l'historique de la question.
Quant a la lettre du P. Fabri, elle constate la persuasion
ou l'on était vers 1660, que la prohibition du systeme <le
Copernic n'était que disciplinaire, et non absolue, en ce sens
qu'on füt obligé de croire intérieurement ce systeme faux;
il suppose en effet que l'Église permettra sans difficulté de
l' enseigner et de le défendre , des qu' on aura trouvé une
démonstration proprement dite en sa faveur.
Docm\1ENT XIV. - Etztretien de 1'1. Biot avec le Pere Oli­
vieri, il Rome en 1825, au sujet de la condamnation de Galilée.
j 3� LA CONDA�lNATION UE GAJ.ILf:P.,

-1\1. BiotJui-méme a rapporté cet entretien dans le Journal


des savants (mars 1.858, pagt 1.39) :
ce Nous avons Ju ici, me dit-il; votre article Galilée de la
Biographie universelle. Vous y blamez lejugement porté contre
luí par le tribunal du Saint-Office. Mais, en fait, Je tribunal
n'a condnmné que ses erreurs; car il en avait commis de
trés-réelles... - 11 se peut, réponclis-je, que Galilée ait
commis des erreurs, meme en physique . Tout homme est
faillible. l\Iais... Au reste, en déplorant ce proces, et mettant
a nu les motifs intéressés qui lui ont servi de prétexte, vous
avez pu voir que je n'en ai pas exagéré les circonstances. Je
crois avoir montré avec évidence que le.r.; rigueurs physiques,
indiquées dans Je texte de la sentence, n'ont pu etre que
des énoncés de forme, sans réalité d' application. Tout con­
court a Je prouver. Galilée eut d'abord pour prison le loge­
ment d'un officier supérieur du tribunal, avec la permissíon
de se promener dans le palais. On luí laissa son domestique
de confiance. Plus tard on Je transféra dans le palais de l'ar­
cheveque de Sienne, dont les superbes jardins lui servaient
de promenade. 11 put chaque jour écrire Jibrement a ses
amis ; et il leur écrivit en effet des Jettres fort plaisantes sur
le compte de ceux qui l' interrogeaient. Ce n' est pas ainsi
que peut badiner un vieillarcl de soixante-et-dix ans qui
viendrait d' etre mis a la torture. Les souffrances morales
que lui causa ce procés, et les entraves qui en résulterent
pour sa liberté pendant les derniéres années de sa vie, lui
furent assez pénibles, sans qu'on eut besoin de les aggraver.
-Non assurément, reprit mon interlocuteur. En tout, votre
article est écrit avec droiture et sincérité. i\Iais croyez bien
que Galilée eut grand tort de se mettre mal personne1lement
avec le Pape, qui lui avait montré autrefois beaucoup d'es­
time. 11 l'avait joué dans ses Dialogues, sous le personnage
de Simplicius; et, en faisant allusion a la fantaisie qu'on lui
LA CON DAMNATION DE GALILÉE. 13í
attribuait de composer des vers, il ne se genait pas pour
dire et pour écrire que le Pape aimait a rimer il sonetto amo­
roso. Soyez convaincu que ces torts personnels ont puissam-
ment contribué a sa perte... - Trouvant done mon inter-
locuteur si bien instruit... , je lui de1nanclai si, pour
satisfaire une curiosité bien naturelle, il pourrait m' étre
permis de voir les piéces originales de ce procés. A cela il
me répondit: Nous ne les avons plus. Elles avaient été trans­
portées a Paris, avec tout I' e nsemble des archives Pontifi­
cales. Le roi Louis XVIll a voulu en avoir comrnunication.
Elles luifurent apportées aux Tuileries. Mais, quand il quitta
· précipitamment París, au 2lJ. mars, on ne songea plus a les
restituer aux archives royales; et dans la bagarre elles ont
disparu. Si nous les possédions, il n'y aurait aucune diffi­
culté a vous les communiquer. »
DoCUMENT XV. - Renseignements pub,.liés par ill. Biot
rnr les pieces originales d1t proces de Galilée. - « Les
piéces originales de ce procés n'étaient plus a Rome.
Ti'ansportées a Paris en 1798 ( 1), avec le trésor conquis
des archives romaines, elles ne s'y étaient plus retrou­
vées quand on le restitua en 18i!J ; et, depuis lors, la
Cour pontificale n'avait pas cessé de les réclamer. Quand
Rossi vinta Rome en 18Li5, chargé par le gouvernement
de Louis-Philippe d'une mission diplomatique, on les lui
redemanda encare. 11 promit ses bons offices pour faire re­
chercher ce précieux documeut au dépót des affaires étran­
geres de France, et pour en obtenir la re mise si l'on par­
venait a le clécouvrir, sous la promesse expresse qu'il serait
livré a la publicité, comme cela avait été le projet du gou-

(1) « Les archives pontificales o'ont pas été lraosporlées a Paris en


1798, mais daos les aooées 1812 et 1813, apres un triage q�e Dannou était
alié faire a Rome, daos l':mnée 181 l. CetLe date m·a été fournie par
M. Delaborde, acluellement directeur <lu dépót des archives francaise,., 11
Hiot, Journa/ des Savants, oclobre 1858, pa�e 619.
tlEVUE DES SCIENCES ECCLES., �e SÉRIE, T. 111.-FÉVRIER 1866. 10
138 L.\ CO'íOAMXATIOi\ OE GAl,JLÉE.

vernement irnpérial, qui, dans cette intention, avait com­


mencé a le faire traduire. Cette assurance lui fut aisément
donnée. Car la pnblication textuelle du procés s'accordait
avec les intérets bien entendus de l'autorité pontificale,
étant le plus sur, sinon l'unique mayen, de détruire le
soup�on de tortures corporelles. que l' on aurait fait subir a
Galilée, cornme pouvaient le faire croire certaines expres­
sions ele forme contenues dans la sentence portée contre
lui et p!·omulguée. par Je Saint-Oflice. Ce point accordé,
Rossi rapporta en effet le texte du procés a Rome l'année
suivante, et le remit au pape Pie IX, qui, dans les mal­
henreux événements de 18li8, confia la garde de ce précieur
document a .\Jgr Marino l\larini, préfet <les archives se­
cretes d11 Saint-Siége. Celui-ci, lorsque I'orage fut passé,
le remit aux mains du Pape; et, le 8 juillet 1850, Sa Sain­
�eté en fit don a la bibliothéque du Vatican. 11 a été� depuis
restitué aux archives secretes.
La promesse faite a Rossi a été remplie, fort incomplete­
rnent a la vérité, par i\lgr i\Iarini cette année-la meme,
dans une clissertation imprimée ayant pour titre : Galileo e
l'inquisi::,ione, adressée a l'académie d'archéologie de Rorne.
Un ami m'a procuré cet ouvrage: c'est un plaidoyer en
faveur du tribunal de l'Inquisition, plutot qu'un 1ivre d'his­
toire. On n' y trouve point le texte entier du proces, mais
seulement un petit nombre de piéces extraites del' ensemble,
qui, toutefois, ont par elles-memes une grande valeur. Elles
sont loin de suffire pour éclairer complétement la questiou
si importa-nte des torture!:'.. olais on peut suppléer a ce qui
leur manque par un document authentique, ou l'on voit
rapportées, presque jour par jour, la situation, les craintes,
les espérances, en un mot l' état physique et moral de Ga­
Jilée pendant tonte la <lurée de son proces. Cela consiste
en une série ele lettres officie1les écrites par l'ambassa<leur
de Tosca.ne á sa Clllll'. (Iliot, .Jounwl des Savants, juillet
18;-,8, page :mí.)
tA CO:XL>UINATION D.E GAI.ILÉ.E. 139
DocUMENT XVI. - Extrait de Jean Hevelius, auteur con­
Je1nporain. - « Jam quod hypothesim Pythagoricam attinet,
huíc fere omnes Pythagorrei, imprimis Philolaus Crotoniata,
Aristarchus Samius, Plato in Senectute, et alii permulti fue­
runt addicti, teste Plutarcho, libro 3, capite 13 in Placitis
pltilosophorrmi, et Archimede, in suo Arenario, pagina há9.
Postmodum vero per aliquot srecula hrec hypothesis in alto
jacuit silentio, donec ante centum et triginta circiter annos,
.Copernicus, civis nos ter, vir nunquam satis laudatus, sin­
gulari Dei providentia genitus prodiit, qui antiquarn illam
et fere oblivioni traditam hypothesim, denuo ex cineribus
ressuscitavit... Quam opinionem fere omnes e"imii mathe­
matici hoc nostro sreculo amplectuntur. » (Joannis Hevelii
Selenographiw pagina 163, Cedani 16á7.)
Les mots {ere omne.o;, de la derniere phrase citée, ne sont
pasa prendre a la lettre. ll parait néanmoins qu'au temps
de Galilée le systéme de Copernic avait de nombreux parti­
sans. Nous avons vtt (document XII) Caramuel, quoique
fort opposé, -en faire l'aveu. Mais il y avait aussi une pléiade
de savants, véritablement dignes de ce nom, qui se garaient
d'un ,enthousiasme inconsidéré pour le systeme ressuscité
du mouvement terrestre. Les explications de Copernic et
de Galilée étaient loin d'atteindre a la valeur d'une dé·
monstration. La science moderne l'a reconnu. Parmi les
preuves données par Galilée, il y en avait de puériles et
d' absurdes, et les autres ne prouvaient pas rigoureusement.
Au point de vue <le la science, que devaient conclure les
hommes sages et compétents de cette époque, sinon que ni
le systéme de Ptolémée, ni celui de Copernic n'étaient dé­
montrés, et que ni l'un ni l' autre ne dépassaient la valeur
d'une hypothése? Or, e'est précisément ce qu'ils firent en
tres-grand nombre.
Docu.mNT XVII. - Extrait de füccioli. - L' ouvrage de
ce Jésuite, intitulé: Almayestum, novum, justement loué par
140 LA CONllAMNATl01' DE GALJltE.

Laplace et autres savants modernes, est un des meilleurs


exposés de la science astronomique, rnathématique et pby­
sique de l'époque. 11 mérite surtout d'etre consulté si l'on
veut se rendre compte des données acquises alors sur le
systeme du mouvement terrestre. 11 emploie 210 pages
in-folio a la discuter, passant en revue les argurnents pour
et contre. Voici le résumé des raisons qui lui font condure
la fausseté de ce systeme :
« Asserendum omnino est terram in centro mundi naturaliter
immobilem consistere et solem circa eam moveri motu tum diurno
twn annuo. - Probatur, tum quia oppositum est rnanifeste
repugnans sacrre Scripturre · ad litteram (ut necesse est,
quandiu nullum est absurclum) intellectre, ut ostendimus a
capite 36 ad 39 inclusive; tum quia oppositum damnatum
fuit tanquam hrereticum (aut, quoad teme motum, ad minus
erroueurn in fide) a sacra Congregatione Cardinalium depu·­
tatorum a Paulo V et Urbano VIII Summis Pontificibus, ut
constat ex prrecedenti capite SO ; tum denique quia oppo­
situm est contra evidentiam physicam et demonstrationes
aliquas physico mathematicas, juxta dicta non semel, prre­
stertim capite 35. (Almagestum, tomo 2, pagina 500.)
D. Boo1x.
CONDAMNATION DE GALILÉE

LAPSUS DES ÉCRIVAINS QUI L'OPPOSENT A LA DOCTRINE


DE L'INFAlLLIBlLITÉ DU PAPE.

Deuxi�me arlicle.

§ 11.

Les décrels <logmatíques du Saínt-Office ne sont ínfaíllíbles qu'autanL que le


Pape les ratífie en parlant ex cathedra (1).

Les décrets dogma-tiques émanés de la congrégation du


Saint-Office ou de celle de l'Index sont de trois sortes :
1 ° ceux que le Pape publie en son nom, par bref, encyclique
ou autre forme d' écrit pontifical; soit en rélatant le décret
émané de la congrégation des Cardinaux, et en déclarant
que lui-meme décréte et définit de la meme maniere; soit
en mentionnant seulement les Cardinaux comme ayant été
ses conseillers ; 2 ° ceux qui se publient au nom de la congréga­
tfan, mais avec la clause que le Pape, en ayant pris connais­
sance, a confirmé et donnrJ l'ordre de publier; 3 ° enfin, ceux
que la congrégation des Cardinaux publie en son nom, sans
attester que le Pape les ait confirmés et qu'il en ait ordonné
la publication.
Dans le paragraphe suivant nous établirons ces trois
théses: 1 º les décrets de la premiére classe doivent etre

(1.) On peut voir cette question plus développée dans rnon traité de
Curia Romana (part. tert., sect. tert., cap. 7).
RF.VUE nF.S SClENCF.S ECCLÉS,, �e SÉRIE. T. III.-1\IARS }866. 15
2·18 LA CONDAllNATIOl\: DE GALTLÉE,

attribués au Pape parlant ex catltedra, et sont par conséquent


infaillibles; 2 º f p-q.r c�ux 1e l� �econde c13:sse,1 il y a con­
troverse ; quelques docteurs catholiques pensent que le Pape
agit alors seulement comrne :présiclent de la congrégation,
et non comrne docteur universel; 3° les clécrets dogmatiques
ele la troisieme espece ne doivent pas etre attribués au Pape
parlant ex cathedra, et ne représentent que le jugement
faillible des cardinaux, quoiqu'ils soient obligatoires dans
Jeurs npplications purement disciplinaires.
Ici, nous voulons seulement étabfü ce príncipe général :
les définitíons ou décrets dogmatiques d'une congrégation
quelconque ne sont infaillibles, qu'autant que le Pape se
les appropríe en les sanctionnant ex catltedra. Nos preuves
sont:
l. Vaccord des docteurs catholiques. - ce Declarationes
omnium harmn congregationum, dit Lacroix, non sunt ín­
fallibiles, nisi fiant ele specia]i mandato Papre, et nomine
ipsius toti.Ecclesire, post rem cum eo collatam. Tune enim
non tam sunt declarationes vel decreta harum congrega­
tionum, quam Papre ipsius, quas per tales congregationes
facít� De cretero tali congregationi, ut contradistinctre a
Papa, nulla infallibilitas est appromissa, quamvís magna
tribuí debeat auctoritas. Ita Carde nas... et Terillus ... >>
(:Lacroi.x, de Conscientia, n. 214, tomo 1.) 11 serait superflu
cfo multiplier ]es citations. On-retrouverait partout le rneme
enseignernent, e'est-a-dire l'infaillibilité attribuée exclusive­
rnent au. Bape parlant excathedra, et au concile recuméníque.
Done, si les définitions clogmatíques du Saínt-Office ou de
toute autre congrégation de Cardinaux, ne sont pasen merne
temps celles du Saint-Siége, si le Pape ne les confirme luí­
meme ex catheclra, elles,n'ont que la valeur d'un jugement
faillible, malgré leur grande �utorité.
II. D'apres l'Écriture et la Tradition, la prérogative de l'in­
faillibilité est personnelle au Pape, d'oü il .�uit qu'il ne peut
LA CONDAMNATION DE GALILÉE. 219

point la déléguer, et que ledécret dogmatique d'une congrégation,


s'il n�est confirmé par le Pape, reste failUble.-- De ce texte :
ce Pasee oves, pasee agnos », on conclut rigoureusement
l'infaillibilité de Pierre et de ses successeurs en matiere de
foi. L'office de paitre., c'est-a-dire, avant tout, d'enseigner
la vraie foi, implique pour les fideles l'obligation de croire
a cet enseignement ; et il répugne que Dieu impose l'obli­
gation de croire l'erreur. Done, en imposant l'obligation
de croire, Jésus-Christ a par la-meme garantí l'infaillibilité
de I'enseignement. Mais le texte suppose l'enseignement per­
sonnel du Souverain-Pontife, pasee. Le meme raisonnement
s'applique au texte: Rogavi pro te ut non deficiat fides tua. Le
mot tua indique une prérogative personnelle. Pour que la
définition dogmatique soit infaillible, il faut, que ce soit la
foi du Pontife romain, son jugement', sa définition. Les
textes: Et super hanc petram ... Con/frma fratres tuos, menent
a la meme conclusion. Les monuments traditionnels qui
prouvent avec tant .. de splendeur l'inf�illibilité du Souve­
rain-Pontife dans l'enseignement de la foi, expriment ou
supposent pareillement que la prérogative est personnelle,
que la définition n'est infaillible qu'autant qu'elle est celle
du Pape lui-meme, l'acte, le prononcé, le jugement de son
propre esprit. On peut voir dans divers auteurs la collection
1

de ces monuments, qui remplit des volumes.
Il suit de la que le Pape peut bien déléguer a une con­
grégation de Cardinaux le pouvoir <le surveiller la doctrine,
et meme de faire des décrets dogmatiques pour signaler les
erreurs et les condamner. De fait, la congrégation du Saint­
Office a rec;u ce mandat et cette délégation. Mais le Souve­
rain-Pontife n'a pas pu et ne pourra jamais lui déléguer la
prérogative de l'infaillibilité, puisqu'elle a été attachée a
l'acte, au jugement, au prononcé de son propre esprit. L'au­
torité sur laquelle reposent les décrets dogmatiques du
Sa.int-Office est done tres-grave, tres-imposante; mais elle
220 LA CON DA)INAl lON DE GALJLÉE,

reste clans les ]imites d'une autorité purement doctoralc, et


n'a point la garantie surnaturelle de l'infaillibilité. Pour
rendre infaillible la décision dogmatique de la congrégation,
ii faut de toute nécessité que le Souverain-Pontife, par un
acte propre de son intelligence, ]a juge et la déclare vraie
en sa qualité de pasteur de l'Église. Allons au-devant des
difficultés qui peuvent se présenter a l'esprit.
1 º Le Pape en chargeant le Saint-Office de censurer les
propositions erronées, fait siens d'avance, et une fois pour
toutes, les décrets dogmatiques de cette congrégation: done,
ils cloivent etre tenus pour infaillibles. - Non il ne les fait
pas siens, dans le vrai sens du mot. Pour que le Pape fasse
sien un jugement des cardinaux, il faut qu'il juge lui-meme
ce qu'ils ont jugé; qu'il affirme ce qu'ils ont affirmé. Juger
sans savoir ce qu'on juge, c'est ne pasjuger. Par le mandat
général donné au Saint-Office, le Pape veut que les. déci•
sions dogmatiques de ce tribunal soient respectées comme
une grande autorité doctorale, et qu'on s'y soumette quant
aux conséquences clisciplinaires, par exemple, en cessant
d'enc;eigner, jusqu'a nouvel ordre, la proposition déclarée
hétérodoxe par les Cardinaux. J\Iais, par ce mandat général,
Je Pape ne peut pas faire que la définition du Saint-Office
ait la meme valeur que la sienne, qu' elle soit infaillible, et
qu'il y ait obligation d'y croire, tant qu'il ne l'aura pas con­
firmée lui-meme par sa propre définition.
2 ° II est inou1 que la congrégation du Saint-Office ait
erré dans ses décrets clogmatiques; on doit done supposer
qu'elle participe a la prérogative de l'infail1ibilité. - A
cette objection je. réponds: Quan<l meme il n'aurait jamais
échappé aucune fausse décision a ce tribuna], il ne s'en
�uivrait nullement qu'il soit infaillible. La science et la pru­
�ence de tels juges en ce qui concerne la foi, expliqueraient
suffisamment que, pendant des siecles, ils se soient préservés
de toute erreur dogmatique. En outre, il est certain que cette
LA CONOAl\INATION DE GALILÉE. 211.
congrégation a déclaré fausse et tout a fnit contraire au 1Jrai
sens de l'Écriture l'opinion du mouvement de la terre, opi­
nion qu'il est permis aujourd'hui de tenir pour vraie.
Conséquemment, il est permis d'affirmer qu'elle a erré en
cette circonstance. Quoique ce soit peut-etre sa �eule erreur,
elle suffirait pour renverser l'hypothese de son infaillibilité,
hypothese rejetée d'ailleurs par l'enseignement commun
<les docteurs catholiques, ainsi que nous l'avons vu précé­
demment.
On ne saurait done contester légitimement le principe
général affirmé dans ce paragraphe, savoir : la faillibilité
des décrets dogmatiques du Saint-Office, tant. que le Pape
ne les a pas confirmés ex catheclm.

§ lll.

Pour qu'un décret dogmatique du Saint-Office devicnne. celui du Pape parlant


ex cathedra, il faut qu'il soit publié au nom du Pape, ou pour ie moinsavcc
une clause attestant que-le Pape l'a confirmé et en a ordonné la publicatior..
Sans cette clause, le décret, publié seulement au nom_des cardinau"t, n'a pas
la garantie de l'infaillibilité.

Les décrets dogmatiques du Saint-Office que le Pape n'a


pas confirmés ex cathedra, ne sont pas infaillibles; c'est le
principe général. Apres l'avoir é.tabli dans le paragraphe
précédent, il reste a passer en revue les diverses catégories
des décrets dogmatiques émanés de cette congrégation, et
a déterminer ceux que corrobore la confirmation pontificale
ex cathedra, source de l'infaillibilité, et ceux qui en sont
dépourvus.
l. Les décrets du Saint-Office publiés au nom du Pape,
par bref, encyclique ou autre forme d'écrit pontifical, ont
certainement la confirmation papale ex cathedra, et par con­
séquent la prérogative de l'infaillibilité. -En effet, puisque
ces pieces sont publiées ,au nom du Pape, e'est le Pape lui­
meme qui parle, non comme docteur privé, mais comme
2·22 LA CONDAi\INATlON DE GALILÉE.

pasteur supreme enseignant la vraie foi. En fait, dans ces


brefs, le Souverain-Pontife relate le décret dogmatique du
Saint-Office; puis, il déclare expressément qu'il condarrme,
lui aussi, la proposition con<lamnée par les Cardinaux et
avec les memes notes. 11 est évident qu'alors la définition
du Saint-Office est devenue celle du Pape, puisqu'il l'atteste
lui-meme en parlant comme Souvcrain-Pontife.
11. Que penser du décret dogmatique du Saint-Office,
publié au nom des Carclinaux, mais avec la clause, que le
Pape en a pris connaissance, l'a confirmé et en a ordonné
la publication? Quelques docteurs catholiques soutiennent
que le Pape alors ne parle pas ex cathedra, mais seulement
comme président de la congrégation. Leur sentiment est
facile a réfuter. Le Pape définit réellement lui-meme, quand
il confirme la définition du Saint-Office. D'autre part, on ne
saurait supposer que le Pape, en ordonnant de publier un
décret dogmatique confirmé par lui, veuille agir comme
théologien particulier, comme simple président d'une con­
grégation de Cardinaux, c'est-a-dire pour clonner au décret
la valeur doctorale d'un vote de plus. L'ordre du Pape de
publier un décret dogmatique confirmé par lui, est de sa
nature un ordre papal. Il s'agit d'un décret proscrivant une
erreur. L'ordre de le publier ne saurait etre, de la part du
Pape, qu'un acte pontifical. Ce n'est pas cornme théologien
particulier que le Pape a le clroit d'ordonner la publication
de définitions dogmatiques confirmées par luí, c'est seule­
ment comme Souverain - Pontife. Done, lorsqu'il donne
un pareil orclre, c'est cornme Pape. Néanmoins, l'opinion
contraire soutenue par des théologiens catholiques n'a pas
été condamnée; il y a done encare liberté de controverse
sur cette grave question : le Pape parle-t-il, ex cathedra,
dans les décrets dogmatiques publiés au nom lllt Saint-O/fice,
lorsqu'il les confirme et en ordonne la publication? En
d'autres termes, ces décrets sont-ils infaillibles?
LA COND.UlNATlON DE GALILÉE. 223
III. Les décrets dogmatiques publiés au nom des Cardi­
naux, sans la clause Sa17:ctissimus confirmavit et publicari
mandavit, ne sauraient etre attribués au Souverain-Ponti(e
parlant ex catliedra; d'ou il suit qu'ils n'ont point la pré­
rogative de l'infaillibité. Pour leur conférer cette préroga­
tive, il faudrait, comme il a été dit au paragraphe précédent,
que le Pape les fit siens, par un acte, non de doc�eur privé,
mais de Souverain-PonÜfe. Or, cet ad'é pontifical fait ici
totalement défaut. A.ucune clause dans ces décrets né con·­
state que lé Pape Íes ait cbnfirinés 'et éh áit drcló11úé la pu­
blicaiion; t'est l'hypbthé'se. Et nous ·suppósons pareillerüeht
qu'il n'a été pubÜé a'ucrtn bref, ni aucun au'tre ebrit 'íjoritiú­
cal ou lé Pape déclare les approuver et les ratifier. En un
h10t, il n'est interveiih en taveur 'de ces tlécrets aücuHe con'­
firrhation pontificale, officielletn'ent publiée 'par le Pape bu pa1'
son ordre. Des lors, ces décrets ne peu.Vent pas etí•e atti-ibués
au Souveraiti-Pontife patlatit éi caiMdrd. L'eriseignéh1erltdi.I
Pape e.t cathéd,:á n'est ét ne peut ffüe tel, qu'aulaiit que cet
ehseignenient est officiellement notifie par lui ou par sob
ordrfü Dépourvtl d� notification officielle, il Ii' est enc·oi·e q úe
l'enseignernent du doctéiír pí•lve, et n'a point la gai•adlle
de l'eilseignement pontifical. 11 púm-rfü doiic art-ivet qli'uh
déctet dogmatique eut été réellehlerit ál)proúvé et ratifié
par le Pape, et ineme que les c�u:diiiaux eussedt reyti brdh�
de le publier, sans toutefois qti'tih put 1'aitribuer átl Sou­
verain-Pontife parlant ex cathedm. Ce s�1•aii précisément le
cas ou la confirmation du décret par le Pape avéc l'drdre
1

de le publier; i-esterait sans nótification officiélÍe. Ainsi


tout décret dogmatique du Saiht-Office, publié setilement
aii nom des Cardfnaux, et dépourvu de toute elnüsé atte�tant
que le Pape l' a corifirmé et en a ordonné la publication,
repose sur une autorité simplement doctorale, faillible., et
non sur celle du Pa1ie définissant ex calhedra, qM 'ne- peut
errer.
22/J LA CO�DAl\lNATION DE GALILÉE.

§ IV.

La condamnation de Galilée et du systeme de Copernic n'a été prononcée qu'au


nom des Cardinaux. - Jamais elle n'a été officiellement ratifiée par aucun
Pape.

Jl s'agit ici d'une ratification pron,)ncée par le Pape, non


comme simple docteur privé, mais comme Souverain-Pon­
tife. Cette ratification a certainement lieu lorsque le Pape
publie des lettres apostoliques ou il relate le décret dogma­
tique émané de la Congrégation des Cardinaux, et déclare
expressément qu'il l'approuve et le confirme. Elle a lieu
aussi, selon nous, par la simple clause insérée dans le dé­
cret des Cardinaux, attestant que le Pape l' a confirmé et en
a ordonné la publication. Néanmoins, quelques théologiens
catholiques, ainsi qu'il a été <lit plus haut, pensent que,
dans ce dernier cas, le Pape intervient seulement comme
président de la Congrégation du Saint-Office, et qu'il ne
prononce pas e.-c cathedra, e'est-a-dire comme Chef de l'É­
glise; en sorte que ce point de doctrine est encare al'état
de controverse dans les écoles catholiques. A la rigueur, on
pourrait done contester le fait de la ratification du Pape ex
cathedra, lors meme que la clause en question aurait été
insérée dans le décret des Cardinaux. Mais notre preuve
est plus radicale. Nous nions et le fait de lettres apostoliques,
et meme le fait de la simple clause. Jamais, disons-nous,
la conclamnation de Galilée et du systéme de Copernic ne fut
confil'mée par lettres apostoliques, jarnais elle ne fut rnunie
de la clause en question. Voici nos preuves :
PRE:\HERE PREUVE. - L'absence d� tnut écrit pontifical con­
firrnant la célebre condamnation. - L'absence de la clause
confirmative dans le texte authentique ele cette condamnation.
- Si Urbain VIII ou quelqu'autre Pape avait publié une
bulle, un bref, ou autres lettres apostoliques, portant rati-
LA .CONDAl\1NATION DE GALlLÉE. 225
fication de la sentence d,es Cardinaux contre Galilée et
contre le systeme du mouvement terrestre, cette piece;
loin de rester inconnue, aurait été citée des milliers de fois.
Elle se trouverait produite au premier rang dans les nom­
breux écrits qui discutent ou mentionnent la fameuse sen-•
tence du tribunal de l'Inquisition. Surtout les écrivains q 1i
fout ele cette sentence un chef d'accusation contre le SaiI t­
Siége et le theme de leurs déclamations foribondes, auraient
am�cté de transcrire les termes d'une bulle a leurs yeux si
compromettante pour la papauté. Or d'une pareille piece,
qui devrait se rencontrer partout, on ne trouve nulle part
aucune trace, aucune mention.
Meme impossibilité de montrer dans les décrets des Car­
dinaux contre Galilée et contre le systeme du mouvement
terrestre la clause attestant que le Pape a confirmé et donné
ordre de publier. 1. º Elle ne se trouve pas dans le décret de
l'Index du 5 mars 1616, relaté ci-dessus (§ 1, document h),
et par lequel la do.ctrine du mouvement terrestre est con­
danmée comme fausse et tout a fait contraire a la sainte Écri­
ture. Si elle eut été insérée, elle se trouverait apres les
mots prohibet, damnat atque suspendit. La on lirait la. for­
mule : Et, /acta relatione arl Sanctiss-imum, Sanctissimus con­
firmavit et publicari mandavit; ou bien la formule : Et prm­
sens clecretum de speciali mandato Sanctissimi Sacra Congre­
gatio publicavit. Tout cela est omis ; et apres les mots: Dam­
nat atque suspendit., viennent immédiaiement ceux-ci : In
quorum fidern prmsens decretum manu et sigillo lllustrissimi et
Reverendissimi Domini Cardinalis sanctm Ccecilim episcopi
Albanensis signatum et munitwn fuit die 5 martii 1616. Pas
un mot qui indique l'intervention de l' autorité pontificale.
- 2° La clause de la confirmation papale ne se trouve pas
non plus dans Je décret ele l' lndex de 1620, dont nous
avons donné le texte (§ 1, document 6). - Enfin, on la
chercherait vainement dans la sentence contre Galilée, du
226 LA CONDAMNATlON DE GALlLÉE.

22 juin 1633. (Voir le texte au § 1, document 9.) La piece


tout entiere est au nom des Cardinaux du Saint-Office;
eux seu]s y prononcent. Nu1le part on n'y lit 1a clause que
le jugement de la Congrégation ait été confirmé pc.'.r le Pape,
et que le Pape ait ordonnné de le publier. Un seul passage
pourrait offrir quelqu'apparence de difficu1té; celui ou il
est dit : « Denuntiatam tibi fuisse declarationem factam a
Domino Nostro et promu]gatam a Sacra Congregatione ln­
dicis, in qua continetur doctrinam de motu teme et stabi­
litate solis contrariam esse sacris Scripturis, ideoque de­
fendi non posse nec teneri. >> 11 s'agit la de la déclaration
contenue dans le décret de l'Index: du 5 mars 1616, et
cette meme déclaration est attribuée au Pape, facta,n a
Domino Nostro. Que le Pape, avant le décret de l'Index du
5 mars 16 l 6, ait regardé, lui aussi, l'opinion du mouve­
ment terrestre comrne contraire a la sainte Écriture ; qu'il
ait déclaré que tel était son jugement, qu'il ait donné ordre
a la Congrégation de l' Index de publier un décret dans ce
sens ; cnfin, que ce jugement du Pape ait été connu des
Cardinaux et de Galilée lui-meme, nous ne le contestons
pas. Mais, qu'on le remarque bien, cette déclaration du
Pape, avant d'etre pitbliée et promulguée, était encare la dé­
claration du Pape parlant comme docteur privé. En outre,
pour qu'elle devint la déclaration du Pape ex cathedra, il
fallait, ou que le Pape h publiat en son nom, ou, si elle
était faite au nom des Cardinaux, qu'il y eut au moins l'at­
testation de la confirmation par le Pape et de l' ordre donné
par lui de la publier. La Congrégation de l'lndex promul­
gua, il est vrai, un décret déclarant le systeme du mouve­
ment terrestre contraire a l'Écriture ; mais elle fit le décret
en son nom, et n'y déclara pas que le Pape le confirmait
et en ordonnait la ·publication. La déclaration des Cardi­
naux fut, il est vrai, la meme que celle du Pape; mais les
Cardinaux ne publier�nt pas que ce {ut celle clu Pape, C'é-
LA CONDAl\lNATiON DE GALlLÉE. 227
tait le point capital. 11 fut ornis. En réalité, la déclaration
du Pape ne fut jamais publiée avec la. clause que c'était
ce/le du Pape. Par la meme, elle ne devint jamais déélara­
tion du Pape parlant ex catheclra, c'est-a-dire comme Chef
de l'Église. Le Pape ne peut définir un point de dogme en
cette qualité, qu'en s'adressant publiquement a l'Église. 11
faut qu'il publie lui-meme ou qu'il fasse publier par ses or­
ganes officiels que c'est liei qui juge et définit ainsi. Ce qui
résulte des mots objectés, c'est une preuve frappante du
soin avec lequel la divine Providence empéche toute erreur
des Papes définissant ex catheclra. Humainement parlant,
vu l'état des esprits, une définition erronée ex cathedra
était inévitable. La Congrégation du Saint-Office qualifiait
d'hétérodoxe l' opinion du mouvement terrestre. Le Pape
s'était prononcé dans le meme sens. 11 voulait que cette
opinion füt condamnée cornme une erreur contraire au vrai
sens des saintes Écritures. Selon la marche ordinaire, on
devait voir paraitre un :décret de condamnation par le Saint­
Office, et ce décret devait etre accompagné d'un bref de
confirmation par le Pape; ou, pour le moins., il devait porter
la clause attestant que le Pape l'avait confirmé et en avait
ordonné la publication. Or ce cours naturel des choses fut
providentiellement arreté en chemin. Le décret de con­
damnation fut prononcé· par les Cardinaux; mais on omit
de le faire confirmer par le Pape, ou, ce qui revient au
meme, d'y insérer l'attestation publique de cette confirma­
tion. En sorte que la condamnation du systeme Copernic
a été, en fait, Ja sentence d' une autorité faillible, et n'est
jamais devenue celle d'un Pape parlant ex cathed1'a,
Résumons la premiere preuve : Si la célebre condanma­
tion eut été ratifiée pa1· bulle ou bref de quelque Pape, le
docurnent serait connu et mille fois cité ; or on n' en trouve
pas de trace. Si elle eut été ratifiée par une· clau·se insérée
dans le décret des Cardinaux et attestant la ratification,
228 LA CONDAMNATION DE GALlLÉE.

cette cJause se trouverait dans le texte de la piece; or elle


ne s'y tr<mve pas. Done la ratification officielle par un Pape
n'a jamais eu lieu.
SECONDE PREUVE. - Témoignag('s positifs. - 1 º Six mois
apres la condaumation de Ga1ilée, Descartes écrivait ces
ligues : Ne voyant point encore que cette censure eút été auto­
risée par le Pape.... Je n'ai point encare vu que ni le Pape ni
le Concite. aient ratifié cette défense. (Voir ci-dessus § I,
document 1 O.) Descartes connaissait le décret des Cardi­
naux contre le systeme du mouvement terrestre. En l'exa-
_ minant, il s'était surtout préoccupé de ce point capital, si
le Pape avait ratifié. Il remarquait que la censure n'avait
pas encore été autorisée par le Pape, mais seulement par une
. congrégation particuliere de Cardinaux. (Voir a l'endroit
cité.) Ces paroles prouvent que le décret des CardinauxJ
tel qu'il avait été publié, ne contenait pas la tlause de la
confirmation par le Pape. Elles prouvent aussi qu'il n'a­
vait été publié aucun bref, aucune bulle confirmant ce dé­
cret.
2 ° Caramuel, autre auteur contemporain de GaliJée:
apres avoir justifié de son mieux le décret des Cardinaux,
s'objecte le cas ou l'on trouverait un jour une démonstra­
tion rigoureuse du mouvement de la terre ; et il donne
deux réponses : la sienne, consis·tant a nier qu'on puisse
jamais trouver cette démonstration ; et celle de quelques
autres, ainsi con�ue : Dans ce cas on ne pourrait pas dire
que l' Église Romaine ait erré, car ce n·est point un Concite gé­
néral ni le Pape parlant ex cathedra qui a défini et proposé it,
l' Église universelle ce point de doctrine ( que le soleil tourne et
non la terre) ... ; miiis seulement le tribunal des Éminentis­
simes Cardinaux. (Voir le texte ci-dessus, § I, document
12.) Ces mots prouvent r¡u'au temps ou Caramuel les écri­
vait, il n'avait été publié aucun bref confirmatif du décret
des Cardinaux. Ils prouven t en outre que ce décret ne con-
LA CONDAl\11\'ATION DE GALILtE. 229
tenait pas la clause de ]a confir mation par le Pape. En un
mot, ils prouvent que 1' autotit/ du Pape ex cathedra n'était
point intervenue, mais seulement celle des Cardinaux.
3° Dans un écrit du P. Olivieri, général des Domini­
cains et commissaire du Saint-Office en 1825, on trouve,
au sujet du décret des Cardinaux contre Je r:;-y�teme du
mouvement terrestre, cette affirmation remarquab]e : On >
avait om�s de (aire approuver le décret par le Pape. (Voir S 1,
document 11.) D'apres ce meme écrit, la confirmation pa­
pale n' est jamais survenue. Le décret en était encore dé- .
pourvu le 16 aout 1820, jour ou la Congrégation du Saint­
Office permit de soutenir comme vrai et certain le mouve-·
ment de la terre, conformément a ]a persuasion des sa�ants
modernes.
On peut objecter ici un passage d'Amort. 11 dit : Urba­
nus VIII prohibuit sub excommunicatione systema Copernica-­
num tanquam temerarium et sacrm Scripturm contrarium. 11
su ppose méme qu'Urbain VIII statua ainsi par une bulle.
(Voir § I, document 13.) Nous avons déja répondu a cette
<lifficulté. Amort, qui écrivait a une époque déja éloignée
de l'événement, n'a eu, comme bien d'autres, que des don­
nées vagues sur le fait historique de la condamnation de
Galilée et du systeme de Copernic. Ce n'est point par une
bulle d'Urbain VIII que ce systeme avait été proscrit, mais
par simple décret de l'lndex du 5 m�rs 1616. Amort a fait
confusion : il a pu etre induit en erreur par le passage dis- .
cuté plus haut de la sentence contre Galilée : Declarationem
a Domino Nostro factam, et a Sacra Congregatione Indicis
pronrnlgatam. Nous avons vu que cette déclaration n'avait
pas été un acte pontifical, un acle du Pape ex cathedra,
avant le décret de l' Index. Elle le serait devenu, si le dé­
cret avait été muni de la clause attestant la confirmation
par le Pape ; mais cette clause ne fut pas insérée.
230 COXDA-'IXATION DE GA.LILÉE,

s v.
Le fait de la coodamna1ion de Galilée et du systeme de Copernic ne saurait
etre allégué contre l'infaillibilité des Sou\'eraíns-Pontifes.

Nous n'avons ici qu'a. résumer le débat et a tirer la con­


clusion : 1 ° La sentence contre Galilée n'a pas été prononcée
par le Pape, mais par les Cardinaux du Saint-Office. Pareil­
lement le décret qui a condamné l'opinion du mouvement
terrestre comme faux et contraire a la sainte Écriture n'a pas
été fait et publié par le Pape, mais par les Carclinaux de
l' bulex. Le texte des deux pieces ne permet aucun doute a
cet égard; dans l'une et l'autre c'est une Congrégation de
Carclínaux qui parle en son nom. - 2 ° Les <lécrets dogma­
tiques des Cardinauxnesont infaillibles qu'autantque le Pape
les approuve et les confirme en parlant ex cathedra, c'est-a­
dire, en sa qualité de supreme Pasteur de l'Église. Ce point
de doctrine a été prouvé au S 11; il est admis par les défenseurs
ele l'infaillibilité papale; ils affirment cette prérogative, non
pour les jugements que le Pape peutémettre comme tl1éologien
particulier, mais pour ceux qu'il intime comme regle de foi,
en publiant ou faisant publier ofllciellement, et qu'il définit
ainsi en vertu <le son autorité pontificale. - 3 ° Pour qu'un
décret dogmatique des Cardinaux devienne celui clu Pape
parlant ex cathedra, il faut, ou que le Pape déclare lui-meme,
par une piece publiée en son nom, qu'il approuye et confirme
ce décret, ou pour le moins, que le décret publié au nom des
Cardinaux contienne une clause attestant que le Pape I'a
confirmé et en a ordonné la publication. Nous l' avons prouyé
au § lll. - h º En fait, la condamnatíon de Galilée et de
l' opinion clu mouvement terrestre, prononcée seulement au
nom des Cardinaux, n'a jamais été officiellement confirmée,
ni par bref ou autre écrit pontifical, ni par clause attestant
la ratification papale. Le lecteur en a rn la preuve au § IV.
U CONDAMNATION DE GALILÉE, 231
-5 ° Done l'erreur. du décret des Cardinaux contre le systeme·
du mouvement terrestre n'a jamais été l'erreur d'un Pape
parlant ex cathedra. La conclusion est de toute rigueur. -
6° Done eufin. alléguer cet\e erreur contre l'infaillibilité des·
Papes parlant ex cathedra, c'est tout simplement un¡ lapsus,
une éclipse de logique et de bon sens.
Au contraire, dans le fait 9e c�tte erreur, se produisant si:
pres du Pape, envahissant meme la p,ersonne• du Pape, et
s'arretant juste a.u: seuil e.le, son enseignement de Pape sans
pouvoir le franchir, qui n�admirera la fidélité du divin Fon­
dateui;- de I:Église a maintenir toujours intacte la prérogative;
d-' inerrance de, son Vicaire en terre? II ne fallait plus qu'une
forrnalité, une clause : elle mangua. On omit, dit Olivieri,
de faire1 approzwer, le. d(Jcret. par l8 Pape r

§ VI.
En quoi la, Congrégati_on tie, l'lnquisilion eut réellement tort dans ]'affaire de
Galilée.• - En quQi elle. est excusable. - En quoi elle a ét� indig�ement
calomniée.

l. Que GaliÚe ait été soumis a, une horrible prison, qu'il ait
suM la torture, qu'on lui ait crevé les yeux, en un mot qu'il ait
elé supplicié physiquement tn maniere que/conque, e'est une pure
calomnie. - La fausseté de ces odieuses assertions, qu'une
ignoble mauvaise foi ne cesse de reproduire, a été démontrée
jusqu'a l'évidence par les écrivains les moins suspects. Nous
renvoyonsen particulier le lecteur a la dissertation de M. Biot:
La Yérité sur le proces de Galilée. Elle se trouve dans ses jJJé­
langes scimtifiques et lUtéraires (tome m, page 1 et s., édition
de Paris, 1858). 1 º En ce qui concerne le supplice de la
torture, voici la conclusion de cet écrivain, de lbyauté re­
connue, et qui a laissé· un nom justement célebre daos les
�ciences ph ,r �iquesetmathérnatiques: ,,Nous avons démontré
par des preuves certaines, qu'il u'a pas été matériellement
232 LA CONDAMNATION DE GALlLÉE.

torturé» (page lt2). Ailleurs M. Biot s'exprime ainsi : « Je


crois avoir montré avec évidence que les rigueurs physiques,
indiquées dans le texte de la sentence, n'ont pu etre que des
énoncés de forme, sans réalité d'application..•.. II put chaque
jour écrire librement a ses amis; et il leur écrivit en effet des
lettres fort plaisantes sur le compte ele ceux qui l'interro­
geaient. Ce n' est pas ainsi que peut badiner un vieillard de
soixante-et-dix ans qui vieudrait d' etre mis a la torture »
(Journal des Savants, rnars 1858, page 139). Au numéro de
juillet du meme journal (page 397), il parle ainsi des pieces
citées dans l' ouvrage de Marini : " Elles sont loin de suffire
pour éclairer completement la question si importante des
tortures. l\fais on peut suppléer a ce qui leur manque par
un document autltentique, ou l'on voit rapportés, presque jour
par jour, la situation, les craintes, les espérances, en un mot
l' état physique et moral de Galilée pendant toute la durée
de son proces. Cela consiste en une série de lettres officielles,
écrites par l'ambassadeur de Toscane a sa cour. » En effet,
quiconque a lu ces lettres de l' ambassadeur Toscan Nicolini,
a rnoins d'etre déterminé a mentir quand meme, reconnaitra
comme fait incontestable., que Galilée n' a jamais subi la
torture (1). II est vrai qu'il en fut menacé. A la page á53
des pieces originales du proces on lit : Et ei dicto quocl dicat
veritatem, alias devenietur acl torturam (cité par Marini, Ga­
lileo e l'inquisizione, page 59). l\lais on ne doit pas oublier
que cette formule faisait partie de la procédure prescrite par
la législatipn du temps, et en pleine viguenr dans tous les
tribunaux de l' Europe. Quancl les juges avaient acquis une
demi-preuve du crime (par exernple, par la déposition d'un
témoin non suspect, accompagnée de forts indices a l'appui),
ils devaient enjoindre au prévenu de dire la vérité, en le
mena�ant de la torture s'il s'y refusait; et la loi les autorisait

�J) Marini en donne plusieurs autres pn,uves (Galileo e l'inquisizione,


p. 57), qu'il serait superflu de reproduirc.
LA CONDAMNATION DE GALILÉE, 217
A passer de la menace a la réalité: lorsque les réponses ne
.leur paraissaient pas sinceres. Qu'on regrette pour cette
époque une légi�lation, dont on recon11ait unanimement au­
jourd'hui les graves inconvénients, nous nous associons a ces
regrets. i\Iais il n� serait pas équitable d'en blamer le tri­
bunal de l'Inquisition, comme si elle lui avait été exclusi­
vement propre. Cette procédure en matiére criminelle fut
générale en Europe pendant des siecles, et l'011 ne supposait
pas qu' 011 püt bien rendre la justice autrement. La différence
entre les tribunaux lai:ques et celui de l'Inquisition, e'est
que ce dernier était beaucoup mieux garantí contre les excés
et les injustices en ce qui concerne l' emploi de la torture,
comme le prouve Marini ( Galileo e l'inquisizione, p. 63). Dans
le procés de Galilée, il est facile de voir que la menace men­
tionnée ne fut employée· que pour la forme, et que, dans
aucun cas, les Cardinaux n'en seraient venus a l'exécution
pour un vieillard de 70 ans. Galilée savait bien qu_e, la
menace n'était pas sérieuse, puisr1ue, sous le coup de la me­
na�ante formule, il écri vait des lettres si plaisantes e� si gaies.
La maniere dont on adoucit sa détention pendaut le proces
prouve également que, da11s aucune éventualité, le tribunal
n'aurait employé la torture. - 2° Voici, en effet, ce q{!e fut
pour Galilée l'horrible prison, I' atfreux cachot de l' lnqu�­
sition. On luí assigna dans le palais du. Saint-Office les ap­
partements d'un des plus hauts employés. 11 luí fut permis
d'avoir avec lui son domestique, de se promener dans les
jardins, d'écrire librement a ses amis, de recevoir leurs
lettres. Les met.s de sa table luí étaient apportés du palais
de l'ambassadeur de Toscane. l\lais comme, apres avoir
comparu pour la seconde fois devant le tribunal l'avan� der­
nier jour d'avril 1633, il éprouva quelques indispositions,
le commissaire du Saint-Office, par égard a s?n grand age
4;t pour qu'il püt mieux se soigner, lui permit d'aller rester
au palais del'ambassadeur de Toscane, son protecteur; et
REVUE DES SCIENCES ECCLES., jo SÉRJE, T. m.-1\IARS 1866. 16
�IS L\ C:ONDA:\IN \TíON DE f.AULt.E.

pendant le reste c.lu proeés, ce paláis fut censé, sa prison.


Par la sentence dt1 2� juin 1633., il fut condamné a la réci­
tation des psaumes de la Pénitence et a quelque, temps· de
prison. i\Iais cette prison fut encore un palais, celui de l'ar..
cheveque de Sienne, dont les superbes jardins- lui servaient
de promenade. Voila les affreux cachots qu'eut a subir Ga­
lilée. « Qu'il ait d'ailleurs (<lit le P. Perrone dans son ou­
vrage : Le Protestantisme et la Regle de foi, tome u, page
áOi, traduction del'abbé Peltier, Paris, 1851!) ététraitéavec
tous les égards dus a sa personne et a son a.ge, e'est ce
qu'attestent ouvertement ses lettres publiées par Venture...
Voir aussi Tiraboschi(Storia della litteraturaitaliana, Venise,
1796, tóme YIII, page 161 et s.). Tous les efforts de Libri,
pour proüver le contraire (dans le Journal' des Savants,
septembre et octobre 18lt0 et avril 1841, et dans la Revue
des Deux-Alondes, juin 18á1), ont été en pure perte. Voir la.
savante dissertation de Phillips. dans le Joitrnal de Alunich,
sur ce meme sujet. Voir aussi De]ambre, auteur assurément
non suspect aux incrédules (dans son Histoire de-.z'aslt'onomie
moderne, Paris, 1821, tome 1, page 652, 661 et 666) ».
Ma1gré tant de preuves, la calomnie a été si luxueusement
répandue, qu''on doit s'attendre a la voir longtemps encore
se reprod'uire sous la plome de maints écrivains motlernes,
dont le cerveau a pris des travestissements pour de l'histoire-,
ou qui se passent· volontiers la fantaisie de mentir, pourvu
que ce soit au détriment du parti clérical. Quant aux artiste�
ils lacheront difficilement la scene émouvante dn cé1éhre
·mathématicien en présence du redoutable tribunal, ayant
d'un coté Jes instruments de la torture, de l'autre en per­
spective un buchér fumant, montré du doigt par un Cardinal,
avec le fameux mot du martyr de la science (qui ne le. pro•
non�a point) :.E pure gyra .,·et cepéndant elle tourne. J'ai vu un
tableau de ce genre aux Tuileries dalls l'appartement occupé
par le cardinal Patrizi, lorsqu'il vinta Pari8 pom· le bapteme
U Ct)NDAMNATION l>E 1;AL1LÉE,

du prince lmpériaJ. Ce qui ne me suggéi;a nulleA1ent, qu' O.Q


ve.uille bien le croire, l'idée d'appeler les flaµiµies &ur c;es
toiles. recherchées : j.e peuse, au con traire, qt�' on doit co.qr
server les chefs-d'reuvre de l'art, lors 1µeme qu'ils �Il�, ep
histoir:e, des· cbefs-;-,cl' �uvre de sottise.
11. La Congrégation du .Saint.-O/ficq n'a ,P<l.� 4� tort d� S(!
préoec'Uper dU> systeme du, nlóuveinent terrestre., de l'fl:pUi-¡µ,iri,�r
el ele le. j11gm· mt point .de vii� de l(¿, fot i - On a reprQché aux
Cardinaux de l'In,quisition des' etre melés d'une ques,tion de
phy$ique et d'nstronomie, qui ne rentrait pas da.q�le cercle
de leurs attributions. Ce reproGhe n'est pas fondé. La qI?,�s.tioq
était en·meme temps et inséparablement théologique. U s'a­
gissait de savoir s'il fallait entendre dans l.e sens propre �lJ
dans le sens figuré les textes de la saint� ltGrit1.1re qu¡ attri­
buent au soleil. le mouvement autollr de la terre� On était �
l'époque ou le protestautisme abu��it dµ seps figQr$ dans
l'interprétation des Livres saint$, ponr �.�per pr�s,q1:1.<r �Qui,
les articles de la .foi catholiqu� (Voir § I, <;l.ocmnen,t Xll). E9
outre le systerne de Coper.nic pouvait 01,1vrir la porte a des
raisonnements plU& ou moin� spécieux cont_re le ,dogme de
l'Incarnation. La terre n'étant pas le cen,tre, mais une des
planetes tournant autour du �oleil, on pouvaii arri.ver a
l'hypot.hese de la pluralité des mondes, et en inférer une
sorte d'inconvenance que la seconde personne divin� ¡:¡e fu.t
incarnée .pour sauver le.s habitants d'un mon�e, q'1i serait
minime entria tant d'. autres. La question était done en meme
temps théologique et rentrait ainsi d�U.$ les attributions du
Saint... Ofiic'e. Le tort de ce tribunal ne fut p�s qe,�•�n pr�oc,­
cuper, de l!examiner, de la juger, mais de la mal �ai�ir et
d' en donner une. fausse solution. Tribunal {aillible, il erra;,
voila tóut. Son tort ne fut-pas non plus d'avoir jqgé �ans fo
concours et les lmnieres des hommes de li\' sciepqe. Les
bommes les plus compétents en astronomie a cette-.époque
étaient partagés desentiment. Le plus grand nombre. pensa�t-.
�20 LA CONOA)lNATlO� DE GALlLf:E.

que le systeme du mouvement terrestre n'était pas suffisam­


ment prouvé. Ces savants connaissaient tres-bien les argu­
me.nts de Copernic et de Galilée. L'ouvrage de Riccioli
(Almagestum novzun), ou ils sont analyséset réfutés, le montre
assez. De fait, ces raisonnements étaient défectueux, quel­
ques-uns meme ridicules ; la science moderne l'a reconnu.
Et comme, d'autre part, d'apres une regle certaine de la
théologie, on ne doit abandonner le sens propre de l'Écriture
et y substituer le figuré, que quand ce dernier est étab1i sur
des preuves proprement <lites, grand nombre de savants
concluaient qu'il fallait interdire l'enseignement du mouve­
ment terrestre comme fait certain, et ne l'autoriser que
comme simple hypothese. Plusieurs, allant plus loin, affir­
maient que cette opinion était certainement une erreur. La
Congrégation de l'Index suivit le sentimeot de ces derniers,
puisqu'elle déclara, le 5 mars 1616, que l'opinion du mou­
vement terrestre était fausse et tout ii fait contraire a la sainte
Écriture. Ce fut un faux pas; mais il est certain que la Con­
grégation n'avait pas agi a la légere; elle avait fait agiter
le pour et le contre par des hommes tres-savants et tres­
versés dans la science astronomique. On peut en voir la
preuve dans l'ouvrage de Marini (Galileo e l'inquisizione).
111. Le systeme du mouvement terrestre est beaucoup plus
ancien que celui de Ptolémée. L'enseignement en avait touJours
été permis jusqu'a l'affaire de Galilée. Le tort de la Congrég·a­
tion fut ele ne pas continuer cette tolérance. - Ce que nous
nommons aujourd'hui le systeme de Copernic, s'appelait
précedemment le systeme de Pythagore, parce qu'il avait été
enseigné par ce philosophe et s.uivi par toute son école. On
cornpte parmi ses plus célebres défeuseurs Philolaus de
Crotone, Aristarque de Samos, et Platon (de Senectute)·. Pour
constater sa haute antiquité, il suffit de transcrire le pas­
sage suivant de Séneque : « Illo quoque pertinebit hoc ex­
cussisse, ut sciamus, utrum mundus terra stante circumeat,
LA CONDAJ\1.NATION DE GA LJLÉE, 221.
an mundo stante terra ve.rtatur. Fuerunt enim qui dicerent
nos esse quos rerum natura nesciente::; ferat, nec creli motu
fieri ortus et occasus ; ipsos oriri et occidere. Digna res est
contemplatione, ut sciamus in quo rernm statu simus: pi­
gerrimam sortiti, an velocisismam sedem: circa nos Deus
omnia, an nos agat. i> (Sénéque, Naturalium qumstionum li­
bro 7, numero seu capite 2). Juste Lipse commente ainsi
ce passage de Sénéque : ce Ait (Seneca) fuisse qui dicerent.
Qui illi? Plures reperio, sed primus Philolaus Pythagoricus
dixít: Terram moveri in orbem (Laertius in Philolao). Addi t
tamen : Alii tamen Hicetm Syracusano id tribuunt. Et de Hi­
ceta etiarn Cícero (acad. II) : Hicetas syracusius., iit ait Theo­
phrastus, cmlum, solem, lunam, stellas, supera denique omnia
stare censet; neque prmter terram rem ullam i'n. mu.ndo moveri.
Atque hoc etiam Platonem> in .Timmo, dicere quidam arbitrantur,
s,ed paulo obscuritts. At de Philo]ao qnod Laertius, universe
Plutarchus Pythagoricis adscribit (in Nutria), eosque terram
non putare irnmobilem, sed esse in gyrun� circa ignem sus­
pensam. Additque de Platone, eademjam senem sensisse. »
(Justus Lipsius, Physio!ogia stoicorum, libro 2, dissert, 19.)
On voit que le systéme du mouvement terrestre est bien
antérieur a l'ere chrétienne, et par conséquent beaucoup
plus ancien que celui de l'astronome d'AlE;xandrie, Ptolémée,
qui vivait au secon.d siécle. Ce dernier, qui suppose la terre
immobile, avait généralement prévalu au quatorzieme siécle.
Vers l' an 1h35, Nicolas de Cuse publia un livre intitulé
de Docta Ignorantia, ou il soutient la stabilité du soleil et la
rotation de la terre (cap. 21. et 22) ; ce qui ne lui fit encou­
rir aucune disgrace de la pa�t du Saint-Siége et de la Cour
romaine, puisqu'au contraire il fut élevé a la dignité cardi­
nalice. En 15li0, Copernic fit paraitre son ouvrage de Or­
bi_um �celestium revolittionibus, en faveur du systéme qui de­
vait plus tard etre appelé de son nom; ce qui ne l'empecha
pas d' occuper une chaire au coll6ge de la Sapience de
222 LA CONDA.\INATIOi\" DE GAL1LÉE.

Rome, et d'etre pourvu d'uu canonicat en Allemagne. On


pouvait done enseigber et soutenir librement l'opinion du
rüO'uvement terrestre. Ni les Souverains ...Pontiifes, ni le tri­
bunal de l'Inquisition n'en avaient jatnais interdit l'-einsei-­
gneil\e1H, avant le décret de I'lndex du 5 mars 1616, qui
la déclara fausse et contraire .{¿ 'Ía, siiinte Ecriture. Cette ·dé­
élarati'on des Cattlinaux fut ún tort•, puisqu'elle est une
el'reur. lls l'auraient évité en continüant de laisser libre
l'ense-ignemént des deux systemes.
IV. L'opin'fon du mouvement terrestre a-t-elle été <·ondam, ...
rú}e comrne hérétique zmr la Congrégatio'n des Cardinaax? w.--
1 º 11 est certain qn'elle a été oondatnnée ·<'..omme {attsse et
contrafre a la sainte Écritute; lB texte •du décret de l"index
(5 mars1.616) et dela sentence coútreGalHée (22juin 163-3)
en est une preuve incontestable. 2 º Quabt a la note d'hé­
résie, dn a contesté que la Congrégatibn 'en ait fait usage.
II 'est vrai que la sentence <lu 22 jüin 163'3 mentionne la
qualifkatión ·de formellement hérétique; mais en l'atttibuant
expressément aux >theológlens·qu(lli/ú:'ateurs, et non a fa Con­
grégation elle-merue. Voici le texte: t< De mandato Domini
ifostri et Eminentissimbrüm Dominorum Cardinafü1tn hu­
jfrs supremre ·ac universalis lnquisitionis, a qualificatoribus
tlteologis qualificatre fuerunt dure propositiones de stabili­
tate so1is et de motu terrre, ut sequitur : Solem esse in cen­
tro 'mundi 'et •immobilem motu locali, est propositio absurda
et falsa in philosophia, et formalite1· hreretica, quia est expr'ésse
contraria Scripturre sactm. ,, On le voilt, la qualification for­
maliter htcfetica est le fait des théologiens du Saint-Office ·;
mais les Cardinaux ne disent pas qu'ils aient ·adopté leur
sentiment; nulle part dans la seiltence ils n'infligent eux­
memes la note d'hérésie. Toutefois, sans le dire expressé­
ment, certains passages de ·la sentence semblent supposer
que la Congrégation ·elle-meme app·rouvait la note des qua­
lificateurs et tenait pour hérétique 1' opinion du <roouvemelit:
LA co;.xu_\.\lNA'I IUN JlE GALJLÉE.

terrestre. « Declaramus (disent les Cardinaux), te Galilreum


teipsum reddidisse huic sancto Offic_io vehementei· suspe­
ctum de hreresi; hoc est, quod credideris et tenueris doctri­
nam falsam et contrariam sacris ac divinis Scriptnris,
solem vjdelicet esse centrum orbis terrre et eum non mo­
veri ab oriente in occidentem_, et terram moveri nec esse
centrum mundi, et posse teneri ac defendi tanquam proba­
bilem opinionem aliquam postquam tleclarata ac definita
fuerit contraria sacrre Scripturre. » Et plus loin on lui ac­
corde l'absolutiondes censures avec cette condition: c,Dum.­
modo prius corde sincero et fide non fleta coram nobis ab­
jures, maledicas.et detesteris supradictos errores et Juereses.»
L' hérésie dont Galilée -s' était rendu susp�ct, qu' était-ce,
dans l'esprit -des Cardinaux, · si non la ero y anee a la rotation
de Ja ter,re? 11s tenaient done ce syst�m� pour hé.rétique.
Les passages ia.Hégués pretent, il faut en conveñir, a cette
interprétation, et l'on .ne doit pas s'étonner que des auteuts
contemporains aient cru et affirmé que -1' opinion du mouve­
ment terrestre 1::i.vait été cohdamnée comme hérétique par
le tribunal de l'Inquisition. Mais, en lisant .avec ,attention,
-on 1�emarquera que �e soup�on d'hérésie contre Galilée
porte sur un tout compasé dé ,deux parties: -1 º Avoir ,cru
-au mouvement de la terre; 2 ° Avoir cru qu'on peut soute­
ilir une opinion apres une définition qui la déclare contraire
-a la sainte Écriture. Dans le seconcl fait, il y a réelleme11t
-hérésie, en supposant .la définition émanée de l'autorité in-
lfaillible. 1Les cardinaux auront employé le terme <l'hérésie
en vue du :second ·écart seulement. "S'ils l' avaient cruappli­
•oable a la simple assertion du mouvement terrestre, ils
,�uraient accolé la note ·Jlrereticam a celle ,de falsam dans Ja
phrase : t, Quod credideris et tenueris doctrinam falsam et
-ctontrariam sacris Scripturis, solem �idelicet.,. " 11 n'e?t
-done pas suffisamment prouvé� -ce sembl'1, qü'-011 doive
•itlettre á. la dmrge de la congrégation tl11>Saint-Otfice ·la
22ú LA CONDAl\lNATlON DE GALILÉE.

qualification d'hérésie, infligée au systéme du mouvement


terrestre. Qu'importe, au reste ! qu'elle ait erré par une
note de plus ou de moins? Ce qui intéresse fa controverse
c'est de savoir si elle a erré, et si son erreur est imputable
au Souverain-Pontife parlant ex cathedra. Le fait de I'er­
reur résulte de la seule qualification de falsa et sacrce Scri­
pturce contraria. Mais elle ne prouve rien contre la pré.roga­
tive d'inerrance du Pontife romain.
V. /l est inexact que la Congrégation des Cardinaux ait vro­
scrit le systeme du mouvement terrestre, non comme faux en lui­
méme, mais parce qu'on le prétendait démontré, tandis qu'il ne
l'était pas encore.-Le décret du 5 mars 1.616 est formel. Une
doctrine y est expressément déclarée fausse et contraire a la
sainte Écriture, et cette doctrine c'est précisément le sy­
steme lui-meme : doctrina de mobilitate terrm et imrnobilitate
solis. II est vrai que par son décret de 1620 (voir le texte
au § 1), la Congrégation de I' index autorisa le livre d� Co­
pernic avec des corrections qui le ramenaient a une simple
hypothese; ce qui indique dans les Cardinaux, nous en con­
venons, la pensée de permettre l'ex posé du systéme dans
les memes limites. Mais les Cardinaux ne révoquérent pas
pour cela leur décret de !616. lls permirent le systeme
comme hypotltese, c'est vrai, mais comme hypothese certai­
nement fausse, et dont il n'était nullement permis de révo­
quer la fausseté en doute. Pour se convaincre que les Car­
dinaux l'avaient ainsi entendu, il n'y a qu'a lire attentive­
ment le texte de la sentence prononcée le 22 jnin 1633
contre Galilée. On lui dit qu'on procede cuntre lui parce que
dans son livre il paraissait admettre comme vraie I' opinion
du mouvement terrestre, opinion fausse et contraire a la
sainte Écriture. Les Cardinaux ne toléraient nullernent le
systéme comme vrai, ni meme comme douteux. Ils permet­
taient de I'exposer, mais comme certainement faux et pro­
scrit par le décret de 1616. Galilée le comprenait si bien,
LA CONDAMNATWN DE GALILÉE. 225
que, pendant le proces, il déclara tenir et avoir toujours
tenu pour fausse l'opinion du mouvement terrestre. La cor­
respondance avec ses amis prouve qu'il pensait le contraire.
Mais il n'aurait pas répondu de la sorte si les Cardinaux
n'avaient pas condamné le systeme comme certainement
faux en lui-meme et contraire aux saintes Écritures.
VI. Il est fnexact que la congrégation des Cardinaux ait
condamné Galilée, non a cause du systeme lui-méme, mais parce
qu'il prétendait le prouver par l' Ecriture sainte. - Le texte
de la sentence prouve le contrairc. Le tribunal lui déclare
qu'il s'était rendu suspect d'hérésie. Et comment? En pa­
raissant adovter et embrasser la doctrine du mouvement ter­
restre, doctrine fausse et contraire a l'Écriturt sainte. Que Ga­
lilée, a qui on objectait des textes de l'Écriture, ait bien des
fois répondu en les expliquant dans le sens du systeme Co­
pernic, on le con�oit. Qu'il ait excédé dans ces sortes d'in­
terprétations, nous ne le conteston!;; pas. Mais le but du
proces a été de constater s'il admettait oui ou non comme
vraie la rotation de la terre. Tous les débats ont porté sur
ce point. Le texte de la sentence qui les résurne en est une
preuve incontestable.
VII. La Congrégation des Cardinaux s' est trompé e en décla­
rant fausse et opposée a l'Écriturc sainte l'oplnion du mouve­
ment terrestre, et en procédnnt contre Galilée a cause de cette
opinion. Mais son er1'eur ne prouve point que l'institution du
Sriint-Office soit mauvaise. Elle ne prouve rien contre l'infail­
libilité du, Pape. ....:.... 1º D'apres les données de la science mo­
derne, la rotation de la terre est aujourd'hui généralement
admise comme un fait certain. Nous n'ignorons pas que
quelques-uns contestent encore aux preuves qu' on en donne
la valeur d'une démonstration proprement dite. Mais, écar­
tant. sans la juger cette opinion peu suivie, nous aimons
mieux ici abonder dans le sens de la persuasion générale.
Puisque le Saint-Office a permis, ]e 16 aout 1820, d'affirmer
226 U CO:'\DA.MXATIOX l>E GAULÉE.

comme certain le mouvement terrestre, et qu'on y est auto­


risé en outre par un décret du 17 septembre 1822 approuvé
par Pie VII (voir § I, document XI), il est par la meme
permis de reconnaitre une erreur dans le décret de l' lndex
du .5 mars 1616, ou ce meme systeme du mouvement de la
terre est déclaré faux et contraire a la sainte Ecr.iture. Done,
a tous ceux qui tiennent aujourd'hui le systeme pour bien
et dument démontré, nous répondons : Soit. 11 s'ensuit
que Ja Congrégation de l' lndex s'est trompée en le décla­
rant .faux en 1616, et que le Saint-Office eut tort de procé­
der contre Galilée, a cause de cette opinion.
2 ° l\lais il ne s'ensuit nullement que Je tribunal du Saint­
O.ffice soit une mauvaise institution. Les magistrats chargés
de rendre la justice ne sont pas infaillibles., ils se sont trom­
pés quelquefois. En conclut-on qu'il faille supprimer .toutes
les cours de Justice? Le tr.ibunal du .Saint-Ofilce a été établi
par le Saint-Siége, pour veiller a la pureté du <logme ca­
tholique, pour procéder contre les erreurs .et les hérésies,
pour ,examiner les opinions suspectes et prononcer si elles
sont conformes ou contraires a l' orthodoxie. Le Pape ne
pourrait suffire seul a ce travail, il lui faut ,un concours, et
ce •concours a toujours existé. Avant le Saint-Office, il y avait
l'équivalent sous une autre forme et .u n autre nom. Toujours
il a fallu, toujours il faudra au Pape des hommes chargés par
lui de veiller au maintien de la saine doctrine et de signaler
le poison de l' erreur. Etabli pour ce but, le tribunal de l' In­
quisition est done excellent de sa nature. 11 est vrai qu'il est
sujeta erreur. Les Papes ne peuvent lui communiquer leur
infaillibilité, puisque cette prérogative leur est personnelle•
.Mais, quoique faillible, le Saint-Office a une immense auto-
1·ité doctrinale. Des qu'il a qualifié une doctrine d'hétéro­
,doxe, les fideles sont en garde. De plus, en-ce ·qui regarde
Jes rprescriptions disciplinaires, il a l'autorité déléguée du
Souveráin Pontife; en sorte que s'il condamne une proposi-
LA CON DAll�AT101' DE GALlLÉE. 227
tion,on doit s'abstenir de l'enseigner. S'il proscrit un livre,
il n'est plus permis de lelire. Qui ne voit l'utilité d'une pa­
reille <ligue contre les invasions de l'erreur et de l'hérésie?
De ce que le tribunal du Saint-Office est faillible, il suit
seulement qu'on n'est pas obligé de ,croire intérieurement a
ses décrets dogmatiques, tant ique le Pape ne les a ,pas con­
firmés et transforrnés en articles de foi. Mais l'impuissance
de oe tribunal de faire par tsa !Seule Mtorité des articles de
foi, n'empechepointles safotaires effets de ses décisions doo­
trinales et de ses prescriptions disciplinaires. Ceux qui in­
vectivent contre le Saint-Offi.ceet qui let:raitent d'fostitution
abusive, parce qu'il peut se trornper ou qu'il .-s'est ,réelle­
ment trompé ane fois dans la 1COndamnation d'un livre ou
d'une proposition, sont évidemment �ictimes de Ja ,passion
ou du préjugé. Leur objection dans sa forme la plus spé­
cieuse est oelle-ci : u Qu'-un .tribunal sujet .a erreur,, puisse
empecher la circ.ulation d'un livre ou d'.une 1 doctrine, .e'est
un abus; car il peut arriver que la ,pvohibition atteigne la
vérité. Or telle est1)récisément la condition des décrets :du
Saint-Office et·de l' lndex, .puisqu'ils ne sont pas infaillibles. »
Je réponds, iqu'il y .a la un faux supposé. On .s'ii.magineque
les décrets de ces Congrégations sont ordinairement publiés
sa:ns avoir été confirmés par le Souverain-Pontife : il n' en
estríen. Chacun de ces décrets .est soumis.au Pape, qui le
juge, le oonfirme et donne ordre de Je publier.. Des lors, ils
sont,en meme temps les décr.ets du Souverain-Pontife; ,et
I'objection porte a faux. Qu'ou lise l'un de ces <lécrets de
I'Index qui se publient si fréquemment, et 1' on y trouvera
la clause de la confirmation pontificale. Le cas d'un décret
dogmatique du Saint-Office sans un bref ou saos.une dause
attestant la confirmation par le Pape, est exceptionneJ. Je
n'en connais qu'ub; la condamnation de Galilée. etidu sy­
stéH1e-de Copernic. Le cas tl'un décret du 1Saint-Office ou ·de
l'lndex condamnant a tort ,un livr,e ou .une doctrine, sera
228 LA CONDAi\lNATION DE GALILÉE.

done rare, puisqu'il ne peu� se vérifier que pour les décrets


non confirmés par le Pape, qui forment une si minime
exception. En outre, pour la catégorie si restreinte des dé­
crets, non mun:s de l'autorité pontificale, l'éventualité
d'uue erreur est encore considérablement diminuée par la
science et la sagesse de ces Congrégations, et par la ma­
turité avee laquelle elles procedent a ces sortes de décrets.
3 ° Quant a l'infaillihilité du Pape, elle ne saurait etre
atteinte par la condamnatiou de Galilée et du systeme de
la rotation terrestre, puisque cette condamnation ne devint
pas un acte du Souverain Pontife parlant ex cathedra, ainsi
que nous l'avons prouvé.
VIII. Le triúunal du, Saint-Offece eut tort d'exiger de Galilée
qu'il abjurat l'opinion du mouvement terrestre. - Le décret
de l'Index du 5 mars 1616 avait condamné cette opinion
comme fausse et contraire a la sainte Écriture; mais l'autorité
du Souverain-Pontife, parlant ex cathedra, n'était pas sur­
venue. Par conséquent, ni Galilée, ni qui que ce soit n'était
obligé de croire vraie la décision de 1616. Le tribunal du
Saint-Office n'avait done pas le droit d'exiger cet acte de foi.
II n'eut point dépassé sa compétence, s'il eut seulement
défendu de soutenir soit en paroles soit par écrit le systeme
du mouvement terrestre. Le précepte étant purement disci­
plinaire et ne portant que sur l' acte extérieur de l' enseigne­
ment du systeme, on aurait du s'y somnettre, comme on est
tenu d' observer un statut disciplinaire de l'éveque, lorsmeme
que ce statut interdit une pratique bonne de sa nature et
meme meilleure que la pratique prescrite a sa place. .Mais ·
le tribunal du Saint-Ofi1ce alla plus loin. 11 exigea que
Galilée abjurat et détestat du fond du creur I' opinion du
mouvement terrestre, comme l'indiquent ces paroles de la
seutence : Dummodo prius corde sincero et fide non ficta coram
nobis abjures et detesteris supradictos errores et hrereses. 11 le
contraignit <le souscrirt cette formule, qui est un acte de foi
LA co:mA?ll:'IATIO� DE GALILÉE. 220
sur la fausseté de la rotation terrestre : Judicatus sum vehe­
menter suspectus de hreresi, videlicet quod tenuerim et crediderim
solem esse centrum mundi et immobilem, et terram non esse cen-:- '
1

trum ac mo1!eri, Jclcirco.. , corde sincero et fide non fictaabjuro,,.


supradictos errores et hrereses. En exigeant ainsi I'adhésion de
l'esprit et du creur a un point qui n'était pas:un article de
foi, le tribunal du Saint-Office dépassa son ¡-:ou;uir. Lors
rneme que les Cardinaux ne. se seraient pas trompés en dé�
clarant fausse l'opinion du mouvement terrestre, le tort du
Saint-Office subsisterait. Car il n'a pas le droit d'exiger un
acte de foi, meme sur une doctrine vraie, lorsque cette doctrine
n'a pas encore été définie par l' autorité inf�illible de l'Église.
Or la doctrine de l'immobilité de la terre n'ava�t alors pou�
appui que la déclaration faillible de la Congrégation de
1'Index. Il y eut done, en fait, exces et injustice� non sans
doute par méchanceté, mais par erreur. ...,
Quant aux formes de procédure, parmi lesquelles on ren-;
contre la menace de la torture, il serait injuste d'en faire uri
tort spécial au tribunal du Saint-Office. Comme nous l' avo ns
<lit précédemment, la faute en est a la législation du temps,.
qui imposait ce genre de procédure a tous les tribunaux de
l'Europe. L'Église. s'y �onfor�1ait dans les siens.
IX. Conclusion. - En somme, parmi tant de décrets dog­
matiques émanés de la Congrégation du Saint-Office et de
celle de l'Index, il en est un qu'on peut taxer d'erreur,
savoir le décret du 5 mars 1616, déclarant {ausse et contraire
a la sainte Écriture l'opinion du mouvement terrestre. On
peut en outre reprocher aux Cardinaux du Saint-Office
d'avoir excé<lé en contraignant Galilée d'abjurer un systeme,
reconnu vrai par la science moderne. Voila le grief. Que
prouve-t-il relativement a ces Congrégations? Qu'elles ne
sont pas infaillibles en définissant le dogme, ce qui n'a jamais
été contesté, ce que les plus zélés défünseurs des doctrines
romaines ont toujonrs admis comme un enseignement élé-
2�0 LA f.ONO.HINATfO..; DE GAí.ILÉE.

mentaire et certain. Que prouve-t-il contre l'infaillibilité


des Souverains-Pontifes? Rien, absoltiment rien, puisque
aucun acte pontifical ex cathedra, n'a jamais approuvé et
confirmé le déeret de 1616, ni la sentence de 1633. Prouve-t-il
en faveur de l'infaillibilité papale? Oui, puisqu'il constate
le soin admirable de la Providence a maintenir toujours
exempt d'erreur l' enseignement ex cathedra des successeurs
de saint Pierre. Qu'on ait omis de faire confirmer par le Pape
le décret de 161.6 portant condamnation du systeme du
mouvement terrestre, c'est plus qu'insolite, plus qu'étrange:
humainement parlant, vu les circonstances, cette omission
ne devait pas avoir lieu. Mais le décret était erroné, et
Jésus-Christ avait <lit a Pierre : Ego rogavi pro te ut non de­
ficiat fides tua. II convient que le plus haut tribunal dogma­
tique apres le Pape et le Concile général, le tribunal du
Saint-Office, soit habituellement préservé d'erreur; et il est
permis de croire que l' reil du Christ veille aussi sur lui.
Mais la divine Sagesse aura permis qu'il errat une fois, pour
qu'on se souvtnt qu•il n'était pas la source garantie des eaux
de la vie éternelle. Cette source est dans le Vicaire de
Jésus-Christ. Le décret erroné ne pouvait y étre imbibé;
on omit de le faire approuver par le Pape.

D. Bou1x.

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