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“ Actes ”

ACTES du séminaire de fondation


Vol. 1 du 2 mai 2017
Disclaimer :

Le contenu de ces Actes du séminaire de fondation du 2 mai de l'Atelier Prospectif " La vie robomobile "
n'exprime ni la position officielle, ni un quelconque avis sur le véhicule autonome ou la robomobilité,
de la part du Ministère de la Transition écologique et solidaire ou du Ministère des Transports.

Toutes les idées exprimées dans ce document visent avant tout à alimenter une réflexion collective sur
les futurs de la robomobilité. Ainsi, les propos n'engagent ni les participants du séminaire de fondation,
ni les contributeurs à la rédaction de ces actes.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Table des matières

• Table des matières 3

• Avant-propos 4

• Introduction 6

• Immersion prospective dans la vie robomobile 16

• La vie robomobile et la ville du futur 19

• Tranches de vie robomobile 26

• Organisation et gouvernance de
mobilité dans un territoire robomobile 35

• Détournements et usages originaux


de la vie robomobile 43

• Les réfractaires à la vie robomobile 51

• La logistique de la vie robomobile 60

• Inégalités et fractures robomobiles 66

• Synthèse des impacts de la vie robomobile 70

• Conclusion 78

• Annexes 80

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Avant-propos

Une vague d’innovations radicales autour de la mobilité sans conducteur s’est levée
et se propage depuis près de cinq ans déjà à l’échelle de la planète. Elle véhicule de
nombreuses promesses d’avantages pour la mobilité fret et voyageurs, diversement
crédibles : sécurité routière, désaturation, libération des temps de trajet, bond de
productivité dans le transport routier de marchandises, émergence de chaînes logistiques
totalement intégrées, efficience environnementale, accessibilité des seniors, desserte des
territoires peu denses.

Une bataille mondiale pour la conquête et la domination de ces nouveaux marchés se


déroule maintenant sous nos yeux, avec chaque semaine des annonces industrielles.
L’ ébullition médiatique s’est d’ailleurs emparée de la presse grand public et des réseaux
sociaux, trop heureux de faire du buzz sur un thème vendeur, car il parle à tous : des
voitures sans chauffeur, des voitures volantes ! De quoi alimenter les discussions autour
de la machine à café, le dimanche en famille ou avec les professionnels inquiets, comme
les chauffeurs de taxis et de VTC… Mais si l’on allait au-delà des propos de comptoir, des
annonces marketing gratuites ou des éléments de langages formatés ?

Les enjeux technologiques et économiques sont immenses, non seulement par le poids
du secteur automobile, en France comme dans le monde, mais aussi et surtout par celui
des nouveaux écosystèmes, naissants et encore mouvants, du véhicule autonome, où
d’autres acteurs très lourds sont directement à la manœuvre, dans le très vaste champ
du numérique. Pour certains d’entre eux, non les moindres, le secteur des mobilités
n’est qu’un champ d’expansion de plus pour un continuum de services enveloppants ;
et le véhicule à moteur juste une possible interface universelle de plus avec l’individu-
consommateur, après le téléphone, la montre ou les lunettes (intelligents, bien sûr).
L’homme augmentable façonné par ses augmentateurs (et ici, la maîtrise de la mobilité
au regard de ses impacts sur l’environnement et sur le climat ne sont pas forcément en
tête d’agenda ; c’est l’économie de la donnée qui conduit le jeu).

Or, si les enjeux scientifiques, technologiques, industriels et économiques sont majeurs,


ils ne forment qu’une part, certes stratégique, mais une part seulement, des données du
problème. En effet, cette vague d’innovations radicales peut transformer en profondeur,
non seulement les modèles de transport et de mobilités, mais aussi les territoires, dans
leur fonctionnement, leur échelle, leur organisation et leur développement ; et avoir une
influence sur la société à travers les modes de vie, les comportements, le lien social ; et

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bousculer les modes de gouvernance, le rôle des pouvoirs publics.

Cette liste est loin d’être exhaustive ; il est difficile de voir quels seraient les pans de la
vie en société qui ne seraient pas impactés fortement par le développement voire la
domination d’un nouveau mode de vie, que nous appellerons désormais la robomobilité.

Nos pouvoirs publics oeuvrent aux côtés des acteurs économiques français pour saisir
les opportunités générées par les mutations productives de pans entiers de l’économie
française. Le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES) et son associé le
Ministère des Transports (MT) reprennent au bond l’initiative, préparée dès 2016, d’une
démarche prospective donnant une place prépondérante aux thématiques sociétales et
territoriales, questionnant les politiques publiques pour accompagner la révolution socio-
technique de la robomobilité. Il s’agit en effet, d’une révolution (une séquence accumula-
tive de disruptions) ; mais une révolution potentielle, car à ce jour, aucune certitude ni
sur l’horizon (10 ans, 20 ans, 30 ans, 40 ans ?), ni sur la portée effective de cette vague
d’innovations, n’est assurée. Pour autant, c’est bien une révolution à la fois très annoncée
et largement admise ; très à l’avance en réalité, un cas relativement rare dans l’histoire
récente du progrès technique, gouvernée par l’opportunisme et la sérendipidité.

Cette initiative des pouvoirs publics se traduit par le lancement d’un " Atelier prospectif :
La vie robomobile ". Cet Atelier Prospectif a dans son ADN trois traits constitutifs : vision
large, approche systémique, angle prospectif. Son intitulé marque une volonté de travailler
la question du changement des modes de vie à l’ère de la robomobilité, tout comme de
l’influence des modes de vie sur les usages et formes de la robomobilité.

Ce document constitue la première partie des " Actes " du séminaire de fondation de
l’Atelier Prospectif " La vie robomobile ", qui s’est tenu le 2 mai 2017, avec la participation
de plus de 80 experts venant d’horizons différents et présentant une grande diversité des
sensibilités personnelles et de cultures professionnelles. Ils forment le premier tome d’une
collection " La vie robomobile ", qui s’enrichira au fil des travaux de l’Atelier Prospectif et
des initiatives auxquelles il pourra s’associer et que nous souhaitons nombreuses.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Introduction

Le séminaire de fondation de l’Atelier prospectif " La vie robomobile " a réuni plus
de 80 experts le 2 mai 2017. Ce document restitue les travaux des groupes du matin
qui ont travaillé sur les sept sujets suivants :

• la vie robomobile et la ville du futur ;

• les tranches de vie robomobile ;

• l’organisation et la gouvernance de la mobilité dans un territoire robomobile ;

• les détournements et les usages originaux de la vie robomobile ;

• les réfractaires à la vie robomobile ;

• la logistique de la vie robomobile ;

• les inégalités et les fractures robomobiles.

L’après-midi, une table ronde s’est tenue autour du questionnement " La vie
robomobile : un changement inéluctable ? Quels défis pour l’action publique ? ".
Ce premier volet des Actes ne relate pas directement les échanges de la table ronde,
qu’un autre format (multimédia) valorisera en complément.

Structuration des actes

L’hypothèse de départ des réflexions était de se placer dans un futur où la vie


robomobile serait devenue, non seulement une réalité, mais surtout le modèle
dominant, voire le modèle unique de mobilité des personnes et des marchandises
dans la société et les territoires. Comme postulat de travail, cette généralisation de
la robomobilité n’a pas été frontalement questionnée, telle aura été la règle du jeu

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que tous les participants ont respectée.

Dès lors, la formalisation des travaux des groupes thématiques met l’accent sur le
" comment " de la vie robomobile, son visage, ses usages, son expérience projetée,
imaginée et rêvée, et moins sur le " pourquoi " (facteurs de réussite, conditions
techniques, etc) ou sur le " quand ". L’objet des groupes n’était pas d’étudier la faisabilité
ou la plausibilité d’une généralisation de la robomobilité. L’objectif était d’essayer de
décrire des bribes d’un futur où la robomobilité est dominante, pour ensuite les
interpréter au regard d’enjeux sociétaux, de gouvernance, de développement territorial,
etc.

Ces actes du séminaire de lancement de l’Atelier prospectif " la vie robomobile "
sont ainsi organisés en plusieurs volets :

• Une vision globale des principales idées et thématiques de la journée ;

• 7 chapitres thématiques, correspondant chacun à la valorisation des travaux de


chacun des groupes du matin ;

• Puis une liste de synthèse des impacts de la vie robomobile.

Le choix éditorial a été de respecter le découpage par thème des groupes du matin.
Il est évident que de nombreux sujets se recoupent et il est possible que le lec-
teur tombe sur quelques redondances au fil du document. La matière produite par
le séminaire de lancement sera également valorisée sous d’autres formats, avec
une volonté de prolonger certaines pistes de réflexion dans les travaux à venir de
l’Atelier prospectif.

Ces actes forment une première contribution pour structurer la réflexion prospective,
poser quelques bases et identifier des sujets à creuser. Des travaux à venir vont
pouvoir enrichir ces contenus, les questionner, les prolonger ou s’en détourner.
C’est le début d’un processus, qui se veut productif, pérenne, utile aux pouvoirs
publics et au débat public.

Ce séminaire de lancement de l’Atelier Prospectif met en relief plusieurs grands


enjeux, défis, questionnements, problématiques, qui se posent par rapport à la
VIE ROBOMOBILE. Les quelques lignes qui suivent repartent de la synthèse
effectuée à chaud par Mme Nathalie Cecutti, membre du Comité de pilotage de la
démarche prospective, cheffe de la Mission prospective (Commissariat Général au
Développement Durable du Ministère). Cette synthèse de la journée du 2 mai 2017
fournit ainsi une bonne entrée en matière à la valorisation des travaux des groupes.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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La VIE ROBOMOBILE : éléments de réflexion prospective

Le passage à la vie robomobile peut transformer en profondeur la vie


en société

La vie robomobile annoncerait une ère du " multidimensionnel ", avec le


développement des mobilités en 3D (transport aérien) – la référence aux véhicules
volants revêt depuis toujours un caractère emblématique du changement – et
l’extension des espaces-temps des personnes – par exemple un robot effectue une
tâche domestique alors que son " propriétaire " est sur son lieu de travail ; une
livraison est effectuée en l’absence de son destinataire.

Cette vie robomobile modifierait la réalité vécue et perçue par les individus, Elle
recèle un pouvoir transformateur et rénovateur des mythes : l’automobile, icône
du XXe siècle, ferait place à la robomobile, nouvelle icône pour une nouvelle ère.
Elle ravive, elle modernise la promesse d’affirmation des libertés individuelles et
collectives, de l’émancipation par
rapport à la pesanteur de l’espace-
temps. L’évolution des sciences et
techniques est consubstantielle de la
notion de progrès : les changements
annoncés par la robomobilité sont-
ils de nature à modifier les grands
équilibres de nos sociétés ?

Toutefois, cette vie robomobile laisse


paradoxalement planer le doute sur la
signification authentique du progrès.
En effet, les services robomobiles
nécessitent tout un écosystème
numérique pour la conduite autonome
et la régulation des flux. Or, cet écosystème numérique ne fonctionne que
sur la collecte et le traitement d’une quantité sans cesse croissante de données
individuelles, de données sur les déplacements et transports dans un premier
temps, puis très rapidement sur toutes les sphères de la vie quotidienne des
individus, pour ensuite s’immiscer dans des sphères plus intimes de la personne
(valeurs, préférences, affinités). Si la robomobilité semble augmenter la liberté
de déplacement des individus, elle les place aussi sous surveillance à tra-

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vers la collecte, le traitement et le traçage individuel de la vie quotidienne. Décrire
la vie robomobile revient ainsi à dépeindre une société transparente, au sens où, le
" système " analyse en temps réel les comportements individuels ; le système " sait
tout " sur " nous ". Que fera-t-il de cette connaissance ?

Voit-on poindre la peur d’une société ultra-rationnalisée et hyper-robotisée ? Cette


crainte est-elle fondée ? En tout cas, le rôle croissant des machines nourrit des
dystopies radicales, avec une humanité, infantilisée et réduite à un rôle d’observateur
et colocataire d’une planète, où les machines ont pris le pouvoir. Cette transformation
en profondeur des modes de vie et de l’organisation de la société, signerait-elle une
rupture dans l’Histoire de nos civilisations ? Au contraire, cette vie robomobile
serait-elle le vecteur d’une réhumanisation de la société, émancipée des pénibles
sujétions de la mobilité traditionnelle, plus libre de réaliser authentiquement son
désir de sociabilité, de répondre à l’appel au vivre-ensemble ?

Cette métamorphose robomobile renvoie à une profonde évolution


possible de nos modèles urbains

La robomobilité charrie sur son passage


plusieurs changements susceptible de rebattre
les cartes de la fabrique des territoires. Elle
“ la robomobilité remet en cause, elle incite au dépassement
bat en brèche des formes urbaines sédimentées à travers
les siècles. Il convient donc d’être prudent,
cette vision mais la requalification et la reconversion
d’une grande partie des voiries urbaines et
d'une évolution périurbaines nous interpellent : qu’allons-
incrémentale de nous (re)faire de ces espaces ? Les visions
d’une ville, saturée, asphyxiée, bloquée,
la ville “ laissent place à de nouveaux espoirs pour le
(ré)aménagement des villes. Pour autant, le
champ des possibles reste grand ouvert. Rien
ne laisse présager si ce foncier aujourd’hui dédié aux transports sera repris pour
redonner plus de place à la Nature, ou pour être valorisé économiquement, avec
des formes anciennes ou nouvelles de promotion immobilière… ?

Ainsi, la réflexion autour de la vie robomobile met-elle l'accent sur le devenir des
espaces publics et sur leurs enjeux. Enjeux de requalification et de valorisation du
foncier aujourd’hui dévolu aux transports. Enjeux de réorganisation du foncier à
l’échelle d’un territoire, pour travailler sur les formes urbaines. Enjeux de sociabilité
et de vivre-ensemble dans ces nouveaux territoires où l’on pratique la robomobilité.

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Enjeux environnementaux, à la fois sur les externalités du transport, sur le cadre de
vie, et sur l’énergie et le climat.

On s’était habitué (résigné) à une évolution lente des villes, en raison des temporalités
longues des politiques d’aménagement et d’urbanisme, qui se déclinent sur
plusieurs décennies a minima. Avec la robomobilité, l’ampleur et la vitesse des
changements potentiels bat en brèche cette vision d’une évolution incrémentale,
au gré des projets ; la vie robomobile est en effet porteuse d’un changement
radical, voire brutal. Dès lors, si la transition n’est ni pensée ni accompagnée, les
trente prochaines années pourraient voir le meilleur ou le pire des métamorphoses
urbaines.

Car le big-bang des mobilités offre des opportunités pour les investisseurs et les
acteurs économiques vers de nouveaux marchés et des relais de croissance. La
course mondiale au véhicule autonome est effrénée, elle entraîne dans son sillage
un véritable engouement des territoires qui y voient une vitrine de leur marketing
territorial (se placer à l’avant-garde de la modernité pour attirer les ressources et se
développer). Cette vivacité des intérêts marchands appelle également la vigilance
des pouvoirs publics, locaux et centraux, pour limiter les risques d’un emballement
incontrôlé et pour réunir les conditions d’une concurrence juste et loyale au service
du bien commun.

En parallèle à ces évolutions de la ville et l’émergence de nouveaux marchés et


filières économiques, la vie robomobile interroge le sens de l'évolution : pour qui
et pourquoi ? Quel rôle des usagers ? Cette vie robomobile va-t-elle s’imposer à
tous, brutalement, silencieusement, dans le consensus, de manière démocratique
(délibération et débat public assumé) ?

La robomobilité va faire naître de nouveaux usages et pratiques de mobilités, qu’il


est difficile d’anticiper de manière précise et exhaustive. Ces nouveaux usages
seront l’expression de besoins actuels et nouveaux de mobilité, d’attentes actuelles
et nouvelles, de préférences individuelles ou collectives connues ou insoupçonnées,
ou déjà en germe mais peu identifiées. Ce mouvement de va-et-vient entre la
technologie, ses applications, ses usages, les modes de vie et la société, doit nourrir
la réflexion prospective.

La description prospective de la vie robomobile profile d’ores et déjà


des tendances

La compréhension que nous avons aujourd’hui de la robomobilité est celle d’un


mouvement d’envergure, qui va restructurer la géographie, la nature et les modes
de déplacements. Cette vague d’innovations se placerait dans la lignée historique
des grandes innovations dans le domaine des transports, comme la roue, les
hippomobiles, la machine à vapeur, les premières automobiles, le TGV, les navettes

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spatiales, le métro, les conteneurs, la valise à roulettes… De nombreuses incertitudes
entourent le véhicule autonome, mais les acteurs de la mobilité, se préparent à une
véritable révolution sociotechnique dans les décennies à venir. C’est clairement
aujourd’hui, un scénario de référence, même si l’histoire reste encore largement à
écrire.

Dès lors, cette robomobilité nous oblige à regarder et penser différemment la


mobilité individuelle et la mobilité des territoires, en essayant de dépasser les
logiques de complémentarités des différents modes (alors qu’ils sont intensément
concurrents à leurs marges). La robomobilité fait prévaloir le service, l’usage,
par rapport à la propriété, la jouissance exclusive. Quelles seront demain les
chaînes de robomobilité ? On présume qu’il ne s’agira pas seulement d’un simple
remplacement de l’automobile par un véhicule robomobile. On fait l’hypothèse
que les comportements de mobilité évolueront, à partir du moment où une offre
compétitive rend possible un transport à la demande. On fait le pari que les flux
de déplacements seront mieux optimisés, car la robomobilité suppose une gestion
intelligente des réseaux, des flux et des flottes de véhicules. Néanmoins, il est
très difficile, voire trompeur, de vouloir isoler les effets de la robomobilité sur la
société, les territoires et la mobilité, à partir du moment où c’est bien une triple
transformation des transports, qui est à l’œuvre : autonomie, décarbonation (par
l’électrification notamment) et partage/mutualisation.

Plus encore, cette révolution des transports fera-t-elle naître de nouvelles normes
sociales, de nouveaux modes de vie ? La vie robomobile introduit-elle à nouveau
le nomadisme comme attitude sociale ou comme mode de gestion de l’économie ?
Dans le domaine de la logistique, on pourrait voir l’émergence d’entrepôts mobiles.
L’aménagement des véhicules comme des lieux à vivre mobile - maison mobile,
bureau mobile, atelier mobile, etc. - donne à voir une vie robomobile rythmée par
un développement des activités en mobilité.

Ces bouleversements dans le domaine de la mobilité auront des impacts écono-


miques majeurs, à commencer par une restructuration du marché de la mobilité. La
vie robomobile suscite l'émergence de nouveaux acteurs économiques, extérieurs
aux industries automobiles. Dans cette bataille mondiale, nombreux sont ceux
qui s’inquiètent d’une possible hégémonie de quelques acteurs sur ces nouveaux
marchés, avec des enjeux d’indépendance nationale, et bien sûr des enjeux sur
l’emploi et le développement économique.

La vie robomobile résoudrait des problèmes...


La robomobilité est porteuse de nombreuses promesses en termes de services
accessibles à tous. Le droit à la mobilité pour tous se concrétiserait, avec un
élargissement aux enfants, aux personnes âgées, au-delà des problématiques
d’exclusion sociale ou de handicap.

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La robomobilité constituerait un levier efficace de la ville intelligente, où les flux
seraient optimisés. La saturation des réseaux serait résorbée ; les niveaux de service
des transports routiers seraient nettement améliorés. De nombreux problèmes
individuels de mobilité se verraient apporter des réponses : pass mobilité pour un
accès unifié à l’offre de transport et abordable par tous, transport à la demande,
libération du temps aujourd’hui dévolu à la conduite, transport porte à porte,
stationnement intelligent, etc. Les problèmes collectifs de gestion des déplacements
à l’échelle d’un territoire seraient également traités : nouveaux modes de régulation
dynamique des flux, interopérabilité des modes, mutualisation des flottes, etc.

Dans le secteur de la logistique urbaine, le maillon du dernier km et de la livraison


seraient pris en charge par des drones, des robots ; ces nouveaux moyens logistiques
élargiraient la palette des services proposés aux distributeurs et consommateurs.

Certaines visions de robomobilité


peuvent apparaître idylliques,
alimentées par l’enthousiasme
et la fascination des pionniers.
C’était comme si, dans la vie
robomobile la quasi-totalité des pro-
blèmes de déplacements étaient réglés.
Une nouvelle utopie ? Il sera intéressant
d’aller au bout de cette logique, pour
en voir les effets sur la société et les
territoires. Il serait également tout aussi
pertinent d’adopter une approche plus
mesurée des progrès envisagés par la
robomobilité.

... ce qui n’empêche pas la vie robomobile d’en créer d’autres


Comme toute transition systémique majeure, la trajectoire vers la robomobilité,
comme modèle dominant de déplacement, pose les questions du financement de son
développement, de l’adaptation des infrastructures de transports, du déploiement
de nouveaux écosystèmes, de l’évolution de la fiscalité, etc. Le problème est que
la brutalité éventuelle du passage du modèle actuel au nouveau modèle menace
la viabilité financière des instruments de financement des infrastructures existantes.
La durée d’amortissement des grandes infrastructures de transports - autoroutes,
lignes ferroviaires, grands ports, métro, gares - dépasse largement les 20 ans, pour
tendre souvent à plus de 50 ans. Comment financer ces grandes infrastructures
dans un contexte d’incertitude sur les usages de transports, projetés vers de tels
horizons, secoués par de telles transitions ? Comment assurer la maintenance des
réseaux existants, le temps de faire monter en puissance la robomobilité, si l’on fait
l’hypothèse que ce stock d’infrastructures devra être reconfiguré et requalifié ? Dans

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quelle proportion, à quel rythme ? Avec quels
financements ?
“ la vie robomobile Le foisonnement possible des formes de
robomobilité terrestre, aérienne, maritime,
questionne les fluviale, pose la question sécuritaire au cœur
du débat (analogie avec le système aérien
valeurs humanistes : souvent mentionné, plus sûr et à la régulation
quelle place des plus stricte). Aussi, les enjeux de gestion des
risques liée aux dysfonctionnements possibles
machines dans la des systèmes robomobiles, imposeront
la redondance des systèmes, qu’elle soit
société ? “ artificielle (machine) ou humaine. Combien
va coûter cette redondance des systèmes ?

Enfin cette robomobilité impacte frontalement les métiers du transport : chauffeurs,


contrôleurs, l’entretien des véhicules, les opérateurs du stationnement, etc. Comment
accompagner les personnes (formation, reconversion), les entreprises (innovation),
les filières (mutations économiques) et les territoires (impacts sur l’emploi) ?

La vie robomobile questionne notre présent (espace, valeurs).


La vie robomobile n’est pas qu’une affaire d’imaginaire et de projection dans le
futur. Adopter un regard prospectif, c’est aussi revisiter des enjeux et défis actuels
de la société, des territoires et de la mobilité.

La vie robomobile ferait apparaître de nouvelles opportunités favorables (mobilité


des enfants, mobilité sécurisée en état alcoolique, par exemple), mais aussi de
nouvelles tentations de déviances et d’incivilités (provoquer, gêner ou bloquer le
système...) voire d’atteintes à la sûreté.

La transition vers une vie robomobile est l'occasion non seulement de redynamiser
des territoires délaissés (ruraux, périurbains), mais aussi de réorganiser les centra-
lités urbaines (agriculture urbaine notamment).

Enfin, la vie robomobile interroge les valeurs humanistes : quelle place des machines
dans la société ? quelles incidences sur le lien social ? Ce questionnement, très
actuel, n’est d’ailleurs pas propre à la robomobilité, on le retrouve notamment dans
le domaine des biotechnologies (manipulations génétiques), dans le domaine des
neurosciences (détection précoce), ou encore dans le questionnement contemporain
sur la nature humaine (transhumanisme, écologie humaine).

Toutes les grandes avancées de la science ont questionné notre vision du monde,
le rapport au monde. Le séminaire de fondation n’a pas cherché à répondre à cette
question fondamentale. Ce document vise à porter à la connaissance du lecteur, des

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réflexions, des concepts, des pistes de travail, des tentatives de problématisation,
des essais de projection, des esquisses du futur, de manière à alimenter sa propre
réflexion sur le futur. Que chaque lecteur soit également invité à partager ses
impressions en retour, pour nourrir ce processus d’intelligence collective. Que
chacun des plus de 80 participants au séminaire de lancement, soit ici remercié
pour leur implication et leur contribution.

L'enjeu n'est pas seulement de décrire avec acuité le futur "qui vient". L'enjeu réside
surtout dans notre capacité collective à renouveler les visions à long terme de la
robomobilité et de ses interactions avec la société, les territoires et les mobilités.
Par conséquent, le choix est fait d'ouvrir très largement le champ des réflexions et
travaux dans ces premiers actes de l'Atelier Prospectif "La vie robomobile".

Le comité de pilotage de l’Atelier Prospectif " La vie robomobile "

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Immersion prospective
dans la vie robomobile

Cette partie des actes valorise les travaux des sept groupes, qui se sont tenus le matin du séminaire de
fondation ; pour rappel, ces sept groupes étaient :

• la vie robomobile et la ville du futur ;

• les tranches de vie robomobile ;

• l’organisation et la gouvernance de la mobilité dans un territoire robomobile ;

• les détournements et les usages originaux de la vie robomobile ;

• les réfractaires à la vie robomobile ;

• la logistique de la vie robomobile ;

• les inégalités et les fractures robomobiles.

Pour faciliter la lisibilité, chaque groupe fait l'objet d'un chapitre dédié et indépendant. Chacun de ces
chapitres est structuré en 4 grandes parties :
• Un préambule remet en perspective le travail du groupe et donne à voir les grandes hypothèses
sous-jacentes qui ont nourri la réflexion collective ;
• Une seconde partie, plus descriptive, restitue les signes, images, concepts et promesses de
la vie robomobile mis en évidence par le groupe. Cette partie propose une immersion dans ce futur
de la vie robomobile. Le style rédactionnel est libre ; aucun jugement de valeur, technique, moral ou
politique n’est porté. C’est une description fictive d’une vie robomobile imaginée ;
• Une troisième partie se fonde sur l’analyse et l’interprétation du futur de la vie robomobile.
Elle se concentre sur les pistes de réflexions et de questionnements susceptibles de nourrir les travaux
prospectifs à venir ;
• Avec ce qu’on appelle " les pépites prospectives ", au sens des idées et concepts qui pourraient
modifier radicalement une réalité future et/ou la manière de penser un sujet, de poser un enjeu,
d’aborder une problématique, une quatrième partie – non exhaustive – isole certaines idées originales
pour les garder en mémoire et éviter leur disparition dans les synthèses.

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Chaque chapitre est indépendant des autres. Il n'y pas d'ordre préfédéfini pour lire les contributions
de chaque groupe. Le lecteur est invité à commencer par l'entrée thématique, la plus éloignée de son
expertise. Pour les plus pressés, vous pouvez bien sûr vous rendre directement à la page de l'entrée
thématique qui vous interesse le plus (voir figure ci-dessous).

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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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La vie robomobile et la ville du futur

Cette contribution prospective s’appuie temps la discussion des participants,


sur les travaux du groupe " Visages mais c’est la possibilité offerte, en tout
d’un territoire robomobile ", qui se sont cas, la conviction que la robomobilité se
tenus lors de séminaire de lancement, caractérise avant tout par l’utilisation " à
le 2 mai 2017, de l’atelier prospectif plein régime " de la ressource " véhicule ".
" La vie robomobile ". Ce document La ville robomobile, c’est une ville où les
prolonge certaines pistes de réflexion. véhicules passent plus de temps à rou-
Les éléments présentés ci-après ne sont ler qu’à être stationnés (contrairement à
pas exhaustifs des échanges entre les la situation actuelle où une voiture est
participants. 93% du temps stationnée).

1. Préambule
A ce jour, la vie robomobile éveille
un imaginaire centré sur les véhicules
autonomes. C’est d’ailleurs par ce
point d’entrée que les participants ont
commencé à s’immerger dans une ville
du futur, qu’ils croient plus fluide, plus
organisée et optimisée. Ainsi, derrière
le véhicule autonome, c’est la promesse
d’une ville enfin libérée, désaturée, voire
renaturée, qui se fait jour. La robomobi- Un axiome prospectif peut être formulé :
lité débloque la ville, fait disparaître la robomobilité optimise radicalement
les bouchons et libère des espaces. En l’usage des véhicules et les circulations
cela, elle ouvre un nouveau continent urbaines. A ce stade de la réflexion, nous
aux mobilités urbaines alternatives ne chercherons pas justifier cet axiome,
et complémentaires à la voiture mais en le formulant, notre intention
(individuelle ou partagée). est de souligner son importance dans la
construction des visions individuelles
Le visage urbain de cette vie robomobile et collectives qui en découlent pour la
renvoie donc, en premier lieu, à une ville ville du futur. En effet, si la robomobilité
intelligente. En effet, ce n’est ne se traduit pas par une croissance si-
pas tant la modification de gnificative des rendements des véhicules
l’expérience de mobilité urbains, en tant que ressources d’un
La vie écosystème urbain des mobilités, c’est
pour les individus
robomobile l’ensemble du raisonnement prospectif
qui n’auraient plus à
ouvre un nouveau conduire, qui a nourri qui va être développé plus loin qui s’en
continent aux dans un premier trouve amoindri.
pratiques de
mobilité

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
19
Ce raisonnement a une logique simple description, par les participants, de ces
et puissante : si la robomobilité est " quais robomobile " s’est progressivement
beaucoup plus efficiente que élaborée.
l’automobilité dans sa forme peu
collaborative, cette robomobilité
se déploiera dans un système
d’infrastructures beaucoup plus
économe en foncier. Pour la ville, c’est
cette requalification potentielle du
foncier dédié aux routes qui constitue
un vecteur de transformation profonde
de ses rues, de ses espaces publics, de
ses formes urbaines, de ses urbanités.

Dès lors, cette vie robomobile produit


deux effets sur la ville :

1.la vie robomobile fluidifie les


circulations urbaines ;
2.la vie robomobile rend à la ville une
grande partie des surfaces dédiées à
l’automobile.

C’est l’analyse de ces deux effets sur la


ville, qui a guidé la réflexion prospective
du groupe, à travers le cas d’application Dans cette mobilité fluide et optimisée,
d’un boulevard urbain à Lyon. la largeur des voies de circulation est
fortement réduite par rapport à l’existant ;
2. Signes, images, il n'existe plus de voie dédiée aux
bus ou aux taxis. L'intégralité des
concepts et promesses places de stationnement en surface
de la vie robomobile est enlevée : on ne se gare plus sur les
quais du Rhône... Les emprises libérées
L’objet de l’exercice de ce groupe était sont en partie réinvesties pour des
de questionner l’aménagement d’une aménagements favorables aux modes
rue, en l’occurrence, une portion des actifs : pistes cyclables en site propre,
quais du Rhône à Lyon. élargissement des trottoirs, garages à
vélos et trottinettes (ou autre moyen de
Voirie urbaine à requalifier déplacement actif). En effet, si
la robomobilité a remplacé
Les images ci-après montrent l’envergure l'automobilité en ville, la
des changements potentiels en matière robomobilité se révèle Le piéton
d’aménagement. C’est en cherchant moins hégémonique reprend le pouvoir
à donner une vocation à ces espaces que ne l’est la voiture et aménage la rue
libérés, à combler " le vide " que la dans la ville actuelle.
On assiste à une pour ses usages

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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réhabilitation et émergence d'une Cet exercice montre à quel point la tra-
grande variété de modes non motorisés, duction urbaine d'une vie robomobile
qui reprennent peu à peu le contrôle est porteuse de changements profonds,
de l’espace. D'une certaine manière, qui touchent autant à l'aménagement,
les rues de demain seraient davantage qu'aux usages de la rue et l'organisation
occupées par les piétons que par les des flux de surface et dans les airs.
véhicules. C'est pourquoi, l'emblème

?
du passage piéton est conservé, comme 3. Questionnements
un des repères clé d'un nouveau code
de la rue à inventer. prospectifs
Les questionnements prospectifs abordés
Superposition et imbrication
relèvent de plusieurs types, en écho à
la diversité du groupe et aux différents
points de vue que les participants
peuvent avoir sur le fonctionnement
urbain.

Un premier type concerne la dimension


technique des changements relatifs à
la robomobilité ; à quelle vitesse cet-
te transition va-t-elle s’opérer, en une
décennie, en une double-décennie, en
une période plus longue ? Ceci interroge
à la fois la maturité technologique des
nouveaux systèmes de transports et la
Une rue où une myriade de
capacité opérationnelle et financière
déplacements cohabitent, croisant à la
des collectivités territoriales à remodeler
fois des déplacements humains et des
leurs rues, leurs villes et leurs territoires.
trajectoires de véhicules inhabités. Si,
La durée d’amortissement des grands
en plus, on ajoute une dimension 3D
projets urbains dépasse souvent les 30
avec des véhicules volants, on obtient
à 40 ans, soit une durée possiblement
une rue radicalement différente des
supérieure à la rotation du parc
quais du Rhône existants. Dans le cas
automobile et supérieure à celle de
présent, se pose également la question
l’introduction massive des systèmes de
de l'utilisation du fleuve pour les
transports autonomes.
déplacements, voire de l'intégration des
espaces fluviaux comme des supports
Ainsi, avant même de s’avancer
de services et fonctions urbaines. Enfin,
sur ce qu’il faudrait faire en termes
la transformation des mobilités qui
d’aménagement, l’enjeu, déjà actuel, de
traversent et animent ces quais génère
l’articulation des politiques d’urbanisme
une ambiance urbaine nouvelle, avec
d’aménagement et de déplacements,
des sonorités différentes (électrification
régies par des temporalités différentes,
du parc des véhicules), des odeurs
se pose déjà intensément. Une question
différentes, des rythmes différents.
que pourraient se poser les concepteurs
et aménageurs urbains : sachant que la

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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robomobilité peut transformer fortement de ces véhicules, à quelle vitesse,
l’aménagement urbain, est-il urgent de avec combien de passagers, les lieux
faire ou de ne pas faire, pour ne pas d’arrêt, les lieux de stationnement,
risquer de dépenser l’argent public pour le mode d’accès pour les individus,
des équipements obsolètes dès leur mise l’ambiance urbaine qui s’en dégagerait.
en service ? Ce questionnement aborde donc l’enjeu
de la régulation des flux, aux différentes
Toujours dans ce premier type de ques- échelles macro (le territoire), meso
tionnement, la réflexion porte aussi sur (centre urbain) et micro (la rue). Il s'agit
le déploiement urbain des écosystèmes de mettre en place la supervision des
rendant possible les mobilités flux, qui ferait cohabiter des véhicules
automatisées. Est-ce que l’intelligence individuels et collectifs, des piétons, des
sera principalement embarquée dans cyclistes, des drones de livraison, sur les
le véhicule, le rendant non seulement voies de surface et en 3D.
autonome mais aussi indépendant
des infrastructures urbaines ? Ou cette Les modes de régulation des flux ouvrent
intelligence sera-t-elle partagée entre un champ des possibles très large en
les véhicules et l’infrastructure, avec les matière d’accès à la ville, d’incitations
équipements de la smart city (capteurs, à certains usages, de gestion des temps,
réseaux de communication, etc.) ? etc. La vision sous-jacente, celle d’une
Auquel cas, en matière d’aménagement, robomobilité levier d’une ville fluide et
c’est bien tout un écosystème à implanter organisée, pousse alors à envisager les
et un nouveau business model du modalités pratiques de cette régulation
gestionnaire d’infrastructures à déployer, des flux. Toutefois, les changements
et pas uniquement des voies à organiser. imaginés dans la manière de se déplacer
et le foisonnement de mobilités
Dans ce questionnement prospectif, protéiformes en un seul et même espace
on adopte plutôt le point de vue de qu’est la rue, brouille la prédictibilité
l’urbaniste et de l’aménageur, qui cherche relative de l’image que nous pouvons
à spécifier au mieux les caractéristiques avoir du fonctionnement urbain d’une
techniques de ces systèmes de transports rue lambda d’une ville d’aujourd’hui et
intelligents autonomes, pour les de ses évolutions.
intégrer à l’aménagement de la voirie
principalement. On ne cherche pas A ces questions, le groupe n’a pas apporté
réellement à comprendre le contenu de pistes de réponse, car là n’était pas
technologique des véhicules autonomes, le but. L’intérêt prospectif réside dans
ni même comment ces véhicules la nature de cette transformation, qui
vont circuler en ville, mais plutôt les serait tout sauf spontanée. On passerait
équipements urbains nécessaires à la d’un espace urbain - la rue - très
robomobilité. Ce questionnement relève codifié, avec des règles de circulation,
du registre de la planification et de la des normes sociales sur les habitudes
programmation urbaines. et comportements, à un espace urbain
profondément renouvelé et tout aussi
Un deuxième type de questionnement codifié, à la différence que cette
porte sur l’organisation des mobilités ; codification s’adressera à la fois à des
il s’intéresse à la manière de circuler humains et des machines, et non à des

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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humains exclusivement comme c’est le modèle de ville à vivre, un support pour
cas aujourd’hui ! Cette transition vers la les modes de vie. Certains pourraient
robomobilité reste largement à écrire : être tentés d’aborder la transition vers
ce nouveau code de la rue résultera- une vie robomobile comme un enjeu de
t-il d’une adaptation progressive et gestion, à accompagner, faisant passer
incrémentale du code de la route actuel, le système d’un état (actuel) à un autre
ou allons-nous vers une refondation des (futur), mais la réflexion du groupe tend
usages de la rue tout aussi profonde au contraire à affirmer qu’il s’agit là
et radicale que les changements liés à d’un défi sociétal, tant l’histoire reste
l’introduction des automobiles à la fin largement à écrire et la vie robomobile
du XIXe et début du XXe siècles ? à inventer.

Un troisième type de questionnement Une nouvelle marge de manœuvre con-


porte sur les nouvelles marges de cerne le temps libéré pour les individus,
liberté générées par le passage à la par le fait de ne plus avoir à conduire.
robomobilité. Si le groupe a convergé sur Que vont faire les passagers lors de leurs
le fait que l’efficacité de la robomobilité, trajets ? La robomobilité se traduira-t-
permettait des gains considérables de elle également par des gains de temps
foncier sur la voirie, la requalification de sur les déplacements ? Si oui, ces
ces m2 gagnés reste très ouverte. Allons- temps gagnés seront-ils réinvestis dans
nous profiter de cette reconquête des les loisirs, le travail, la consommation,
routes pour améliorer la qualité urbaine ? etc. ? Ce qui est stimulant dans ce type
Le débat reste loin d’être tranché, tant de questionnement, c’est l’ouverture
les participants du groupe ont tenu à de nouveaux " terrains de jeu ", où les
rappeler les pressions économiques très règles du jeu restent encore largement
puissantes qui régissent l’aménagement à définir.
de nos villes. En effet, tout ce foncier
libéré pourrait être réinvesti en espaces Enfin, un quatrième type de questionne-
pour la qualité de vie, une ville ment prospectif porte sur les formes
verte et bioclimatique ; tout comme urbaines. L’échelle d’analyse n’est pas
ils pourraient être valorisés par les la rue ou le quartier, mais la ville et le
promoteurs immobiliers. territoire. On s’attache alors à explorer
les interactions entre robomobilité et
La concurrence pour le foncier urbain organisation de l’espace, des services
est tellement intense que le champ des et activités. La robomobilité favorisera-
possibles pour son utilisation demeure t-elle la concentration des activités
vaste. En réalité, ce questionnement ou au contraire, sera un vecteur
pointe le caractère non déterminé de de diffusion spatiale de ces mêmes
l’exploitation des potentialités ouvertes activités. Des villes comme Paris,
par la robomobilité. En même temps, ce Londres ou New York se sont affirmées
questionnement souligne le besoin de comme des centralités hégémoniques
choix politiques, dans la mesure où les de leur territoire, grâce notamment à un
modalités d’utilisation de ce foncier libéré système de transport qui " flèchent " les
renvoient non pas à un ajustement ou flux dans une logique centre-périphérie.
une optimisation technique au sein d’un Le manque de compétitivité des trajets
cadre partagé, mais où elles dessinent un de banlieue à banlieue, comparé

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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aux trajets centre-banlieue, crée de trouver les espaces de " stockage " des
facto une distorsion de concurrence voitures, que l’on pourra faire venir à
dans une société urbaine déjà très distance jusqu’à nous ? Et quel impact sur
contrainte dans la gestion des temps les périphéries, déjà maltraitées, de la ville ?
individuels et collectifs. La robomobilité
De la même façon, le groupe s’est
peut-elle rendre compétitives des interrogé sur les effets ville / campagne,
liaisons de périphérie à périphérie ? au regard d’une question de rythme de
La robomobilité est-elle un levier pourmise en place de la robomobilité : si la
" desserrer " la ville ? La robomobilité
voiture autonome fonctionne d’abord en
sera-t-elle accessible à tous les territoires,
ville, comment va t’on jusqu’aux petites
avec un niveau équivalent pour tous ? communes et territoires ruraux ? Si la
robomobilité permet de vivre loin de
Aussi, cette transformation robomobile son lieu de travail sans que ce soit un
des villes fait émerger des risques de désagrément, va t’on vers encore plus
ségrégation des espaces : où vont se d’étalement urbain ?

4. Pépites prospectives (des changements


potentiellement radicaux pour le système)

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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Tranches de vie robomobile

Cette contribution prospective s’appuie aériens urbains et inter-urbains,


sur les travaux du groupe " Tranches pour les passagers comme pour les
de vie robomobile ", qui se sont tenus marchandises. La multiplication des
lors de séminaire de lancement, le modes de déplacement s’accompagne
2 mai 2017, de l’atelier prospectif d’un développement de la mobilité
" La vie robomobile ". Ce document individuelle. Pour autant, si la mobilité
prolonge certaines pistes de réflexion. prend une place croissante dans la vie
Les éléments présentés ci-après ne sont quotidienne, elle reste avant tout et plus
pas exhaustifs des échanges entre les que tout un moyen pour les personnes
participants. d’interagir socialement avec les autres.

1. Préambule L’autre parti pris du groupe est de considé-


rer que cette vague d’automatisation, de
Le groupe est parti d’un postulat robotisation et d’autonomisation, grâce
conscient ou implicite d’une vie notamment au progrès de l’intelligence
robomobile, qui serait un progrès par artificielle, irrigue l’ensemble de
rapport à la vie d’aujourd’hui. C’est donc la société. La mobilité n’est qu’un
une vision plutôt positive et optimiste qui domaine parmi d’autres de la société
est dépeinte par les participants et qui et des territoires transformés par cette
a servi de toile de fond à la description robotisation. Les machines autonomes
des tranches de vie des trois persona sont entrées de manière courante dans
(qui sont présentés plus loin). notre vie quotidienne.

Dans cette vie robomobile, Enfin, cette vie robomobile est


les problèmes de mobilité des individus également celle d’une démocratisation
sont résolus ; les freins à la mobilité de la mobilité, qui deviendrait même un
actuellement identifiés sont levés. La vecteur de cohésion sociale, à partir du
vie robomobile s’apparente donc à une moment où la mobilité devient surtout
vie emplie de mobilité, où la vitalité un service et que ce service est accessible
des mobilités individuelles est le fruit financièrement à tous. La robomobilité
d’un dynamisme territorial et d’un remplirait la promesse d’une
développement des interactions sociales " mobilité courante ", d’un droit à la
entre les individus. Le déplacement n’estmobilité pour tous. Cette démocratisation
plus une contrainte, même si on ne peut du transport passerait par
pas parler d’une mobilité choisie, par une émancipation par
opposition à une mobilité subie. rapport à l’automobile,
plus précisément, la robomobilité,
Aussi, cette vie robomobile produit des par l’abandon de la une facette d'une
mobilités très diversifiées, avec notam- propriété ou jouissance "robolution" massive
ment l’introduction des transports exclusive d’un de la société

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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véhicule. La généralisation des modèles Dans cette vie robomobile, les agendas
d’économie de la fonctionnalité sont coordonnés par un assistant
appliqués à la mobilité modifierait alors personnel numérique. Plus besoin de
la structure des coûts de la mobilité, trouver quelqu’un qui emmènera Eva au
avec des gains de pouvoirs d’achat pour sport, alors qu’un autre devra conduire
les usagers-consommateurs, dans les Tom chez un copain, c’est l’assistant
récits prospectifs du groupe.

2. Signes, images,
concepts et promesses
de la vie robomobile
Le groupe a esquissé des tranches de
vie de trois persona. Le principe a été
d’imaginer, à quoi peut ressembler
la vie robomobile, en décrivant
plusieurs situations, journées, de la vie
quotidienne. personnel qui se charge d’organiser
ces déplacements et de commander
Persona 1 : Une famille mariée avec 2 un transport adéquat. Pour que cette
enfants, habitant en périphérie de Caen, coordination soit fluide, chaque membre
avec un revenu de 3000 euros par mois de la famille dispose d’un smartphone
• Hélène : employée de commerce connecté en permanence, qu’il doit
• Antoine : infirmier non seulement tenir à jour mais aussi
• Eva, 14 ans et Tom, 8 ans autoriser à collecter des données en
continu. Hélène et Antoine ont refusé
Liberté, autonomie, contrôle l’option d’un implant numérique, qui
monitorerait tous leurs faits et gestes et
Le récit se tient un mercredi, qui alimenterait un système d’algorithmes
en 2040, reste le jour des activités prédictifs de leurs comportements futurs.
périscolaires des enfants et adolescents. Pour leur famille, l’objet smartphone
L’agglomération caennaise, dynamique reste donc le connecteur principal au
et attractive, propose une palette très monde numérique qui les entoure.
riche d’activités de loisirs. Le découplage
habitat-emplois-activités-services Couverture territoriale fine
reste la " norme ". Le quotidien de
cette famille, surtout le mercredi, se L’assistant personnel inscrit Eva et Tom
place donc un contexte de dispersion dans deux navettes distinctes (ils se ren-
des lieux et de désynchronisation des dent sur des lieux différents). Ce sont
activités. leurs parents qui les déposent au point de
Tous les parents connaissent le casse-tête collecte, à 300 mètres de leur domicile.
de l’organisation familiale, conciliant le Les jours où ni Hélène ni Antoine ne sont
travail des parents, l’école, les loisirs, présents, c’est Eva qui accompagne son
le périscolaire, les anniversaires, etc. petit frère jusqu’à l’arrêt des navettes.

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Dans les pôles et centres périurbains, des individus. Une multitude de formats
l’agglomération caennaise a organisé un de véhicules, de services associés à la
maillage fin du système de transport : mobilité, font que chaque solution de
chaque habitant doit pouvoir trouver un mobilité est ajustée au déplacement de
point de passage des navettes autonomes l’individu, à ses usages.
à moins de 500 mètres de son domicile.
De même, tous les équipements publics Ainsi, par exemple, pour les déplacements
et les lieux accueillant du public sont de Tom et Eva, qu’ils font donc sans
desservis par ce système de navettes leurs parents ou accompagnateur
autonomes. adulte, la navette autonome mutualisée
par le club sportif (mais organisée par
Cette navette autonome est un service la collectivité) dispose de fonctionna-
mutualisé organisé par la collectivité. lités avancées, comme la reconnaissance
Dans ce cas, cette navette récupère tous biométrique des passagers, ou la
les camarades d’Eva ou de Tom, qui se géolocalisation de la navette en temps
rendent à leurs cours de sport. Ainsi, réel. Ce service est paramétré de manière
dans cette vie robomobile, le transport à répondre aux exigences de sécurité
est organisé selon un principe de attendues par les parents.
transport à la demande (pas de logique
de lignes régulières), tout en pouvant Dès lors, dans cette vie robomobile,
être mutualisé entre plusieurs usagers le quotidien des enfants est changé ;
qui partagent la même destination, ou ils accèdent à une relative autonomie
une portion commune d’un itinéraire. de déplacement, toujours sous la
supervision de leurs parents, mais par
Ces navettes autonomes sont un système système technique interposé.
de transport parmi d’autres. On cite-
ra notamment les mobilités 3D, pour Nouveaux rythmes de vie
les passagers et les marchandises. Le
point commun de tous ces systèmes de Ce jour de mercredi, le quotidien des
transport, est qu’ils s’insèrent dans une parents est également profondément
organisation très régulée, ordonnée et bouleversé. Plus besoin de poser une
contrôlée. La ville robomobile est une journée pour conduire les enfants aux
ville prévisible et prédictible, où tous les
activités, ou de finir plus tôt le soir en
mouvements sont connus et intégrés dans semaine et de surcroît que de temps
le système de régulation. Par conséquent, " gagné " par l’économie de ces trajets !
tous les temps de trajets sont déterminés, Pour cette famille, ce temps gagné se
fiables ; les embouteillages font figure traduit par une amélioration qualitative
d’anomalie dans la vie robomobile. des temps passés, par chaque membre
de la famille, et en collectif.
Hyper-personnalisation En effet, alors que les
enfants vaquent à leurs
L’autre caractéristique de cette organisa- occupations, les parents la robomobilité
tion robomobile des déplacements est désormais libérés s'accompagne d'une
celle d’une grande souplesse et adap- de ces obligations, prédictibilité de la
tabilité de chaque solution aux besoins réinvestissent ce temps
vie quoditienne

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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" gagné ", soit dans des tâches déjà
intégrées à leur programme d’activité, soit
dans de nouvelles activités individuelles,
pour lesquelles ils n’avaient pas le
temps auparavant (à l’ère de la vie non
robomobile où les enfants devaient être
accompagnés).

On fait alors l’hypothèse d’un quotidien


moins stressant, car moins contraint et
subi, davantage organisé et choisi par
chaque membre de la famille. D’une le budget global de tous les ménages,
certaine manière, la vie robomobile a fortiori des classes moyennes. Cette
rend possible la reprise en main du réduction serait rendue possible par une
quotidien des familles par elles-mêmes, modification profonde de la structure de
plus que l’insertion dans des rythmes ces dépenses : abandon de la propriété
collectifs qui s’imposeraient à tous, sans (ou location à temps plein) des deux
distinction individuelle ni discernement. voitures (configuration type d’une famille
en zone périurbaine) et forfaitisation des
Plus encore, cette libération de la mobilité dépenses par l’abonnement à un " pass
incite, ou en tout cas, ne freine plus, mobilité ", qui donne accès à l’offre de
les individus à interagir socialement. services de la collectivité.
Ainsi, sur la question de la place des
machines dans la vie robomobile, le Persona 2 : Mindy, 20 ans, étudiante
groupe positionne (dans cette tranche de indienne en cursus universitaire à
vie) les machines comme des solutions Grenoble, 500 euros de revenus
technologiques inclusives, jouant une mensuels
fonction d’aide à l’émancipation par
rapport à des contraintes sociales, Le modèle de société qui sert de toile de
financières et techniques. Le lien social fond à cette tranche de vie robomobile
se trouve plutôt renforcé dans cette comprend des fondements relativement
vie robomobile, dans la mesure où, le proches du modèle européen actuel.
transport n’est plus un facteur de blocage Il s’agit donc principalement de
des échanges. l’introduction de nouvelles formes auto-
nomes de mobilité et leurs conséquen-
Refonte du budget transports ces sur l’organisation du quotidien de
Mindy, notre étudiante indienne.
Enfin, cette famille " ordinaire " vit avec
3000 euros de revenus moyens mensuels : Mutations du travail
aurait-elle les moyens financiers pour
accéder à l’ensemble de palette des Mindy, comme beaucoup d’étudiants,
services de cette vie robomobile ? doit travailler pour subvenir à ses besoins
L’hypothèse explorée dans cette tranche de base (logement, alimentation). Même
de vie est celle d’une réduction de la si elle a du mal à boucler ses fins de
part des dépenses de transports dans mois, Mindy obéit aux injonctions de la
société de consommation, dans la limite

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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de ses moyens financiers. " gagner sa vie " et de gagner " autant que
possible ", a le " choix " entre travailler
Le premier changement pour Mindy davantage dans les jobs qu’elle a déjà,
touche à la nature des jobs étudiants ou de prendre un job supplémentaire. Ce
qu’elle fait. Ces jobs étudiants deman- job de plus, elle peut le prendre, car son
dent un personnel beaucoup plus emploi du temps, libéré des contraintes
qualifié, pour des tâches à plus forte de transport (et des durées associées),
valeur ajoutée, que certains jobs étudiants comprend des heures non occupées.
courants de manutention, livraison,
gardiennage, etc. On fait ici l’hypothèse Numérisation des usages
d’une robotisation et automatisation
de grande envergure de l’économie et En ce qui concerne le volet " études "
du travail. Des millions d’emplois ont de sa vie d’étudiante, le groupe a
été détruits par la diffusion des process fait l’hypothèse d’une transformation
opérés et pilotés par les machines. De profonde des approches pédagogiques
nombreux métiers ont disparu ou ont et de l’organisation des activités acadé-
été transformés en profondeur. Ainsi, miques, par une généralisation des usa-
les jobs étudiants changent à la fois de ges du télé-enseignement (MOOC, ho-
nature, davantage sur des tâches requé- logrammes, etc.). Le risque d’inégalités
rant (encore) une composante humaine croissantes entre les étudiants, a
(services à la personne notamment), ou, été pointé, dans ce modèle de télé-
comme c’est déjà le cas aujourd’hui, pour enseignement, comparé à l’enseignement
pallier la variabilité du volume de travail " accompagné ", avec un système de vi-
(intérim, contrats courts) ou la pénibilité tesses, principalement pour des raisons
de certaines conditions de travail (travail de coût (dans la réflexion du groupe).
le dimanche, la nuit, charges lourdes, Dans ce modèle, le rôle social du
travail saisonnier). Dès lors, ce premier campus universitaire prend encore plus
changement ne concerne pas la sphère de valeur.
du transport et de la mobilité.
Le groupe s’est posé la question de la
Course contre la montre démocratisation éventuelle de l’accès
à la culture et aux loisirs. Les difficultés
En revanche, cette vie robomobile rend de transports, pouvant représenter des
possible une flexibilisation du marché freins à l’accès aux services et activités,
du travail, avec l’apport d’une catégorie une vie robomobile favorisant les
de travailleurs qualifiés et peu regardant déplacements, renforcerait d’autant
sur les conditions de travail que sont les échanges en général, et les échan-
les étudiants. Elle rend possible cette ges dans la sphère culturelle a fortiori.
flexibilisation, car l’hypothèse impli- Comme emblème de la vie étudiante, la
cite est que la vie robomobile facilite robomobilité apporte des réponses à la
les déplacements, à tel point que les problématique des mobilités de " fin de
gains de temps envisagés permettent aux soirée ".
individus de réinvestir ce temps gagné en
heures travaillées (dans le cas présent du
persona). Ainsi, Mindy, qui a besoin de

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Persona 3 : Enzo, 2 ans, vit seul avec son les mobilités futures et les évolutions
père à la campagne, famille modeste. sociétales.

Mobilité sous surveillance Ainsi, un premier invariant dans les trois


tranches de vie est celui d’une relative
Ce petit garçon ne sait pas encore parler, stabilité de l’organisation sociale de
ni lire, ni écrire, mais il sait déjà inter- notre société. Les actifs travaillent, les
agir avec les robots. Sa journée démarre enfants vont à la crèche, ont des acti-
de manière assez conforme à la vie de vités périscolaires de loisirs, passent
nombreux enfants d’aujourd’hui, avec du temps en famille ou entre amis ;
son père, qui le prépare pour aller à la les individus ont toujours un visage de
crèche. consommateur et de travailleur. C’était
comme si la robomobilité levait les freins
La grande différence se situe sur la à la mobilité, avec pas ou peu d’impact
forme de mobilité qu’il va adopter pour sur l’organisation sociale, ni même
se rendre à la crèche. En effet, son père sur les normes sociales (les parents
l’installe dans une navette autonome, laissent leurs enfants aller seuls à leurs
qui passe devant chez lui, avec à bord activités, mais ils gardent le contrôle de
du véhicule, un robot humanoïde. Cet- leur trajet et le suivent en permanence
te navette est une navette collective de avec le système de géolocalisation). La
" crèche " logiquement, le temps de vie robomobile ne se résumerait-elle
crèche démarre dès l’embarquement à pas à la vie d’aujourd’hui, mais une vie
bord du véhicule. Le robot humanoïde d’aujourd’hui avec les problèmes de
utilise le temps du trajet pour interagir transport en moins ? On ne parle ici des
avec les enfants, en envoyant des stimuli. impacts sur la géographie, sur les modes
de vie, sur les mutations économiques,
A bord, les enfants ne sont pas attachés, qu’on développera plus loin, mais des
l’habitacle intérieur est parfaitement formes d’organisation sociale de la
conçu et adapté en termes de sécurité société. Ce questionnement prospectif
physique pour ces enfants. peut se formuler comme suit : est-ce
que la vie robomobile est avant tout et

?
principalement une vie plus optimisée
3. Questionnements au niveau individuel et familial, et par
prospectifs propagation, au niveau social et citoyen,
sans pour autant remettre en cause les
Ces trois tranches de vie ne sont pas caractéristiques de notre modèle
comparables entre elles, dans la mesure de société (hyperconsommation,
où elles racontent le quotidien de flexibilisation du marché du travail,
trois persona très différents. hyper-connectivité, inégalités culturelles
Toutefois, une lecture et sociales, individualisme, etc.).
transversale fait Cette formulation est volontairement
Ce petit garçon ne apparaître plusieurs orientée, car on pourrait objecter que les
sait pas encore parler, q u e s t i o n n e m e n t s changements décrits (imaginés) dans ces
ni lire, ni écrire, mais il prospectifs, qui tranches de vie sont autant de ruptures
sait déjà interagir avec portent sur l’influence par rapport aux modes de vie actuels et
les robots de la robomobilité sur notre organisation sociale.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
31
Si on poursuit ce raisonnement d’une elle un des domaines où cette révolution
vie robomobile vierge de tout pro- socio-technique est la plus visible,
blème de transport, on peut s’interroger où toutes les sphères de la société,
sur les raisons qui ont rendu possible à commencer par l’économie et le
cette évolution. En quoi la vie travail, sont également touchées ? Ce
robomobile s’accompagne-t-elle d’une troisième questionnement pose un défi à
mobilité accessible à tous ? Si on met la réflexion prospective. Autant, les deux
de côté les considérations techniques et premiers questionnements développés
financières (investissements et charges ci-avant interrogent les conséquences
de fonctionnement), quels seraient les de la robomobilité sur la société et
modèles économiques de cette mobilité explorent les conditions à inventer et
à volonté (forfait, à la demande et sur réunir pour un déploiement juste et
mesure) ? Qui va payer et sur quelles bases efficace de cette robomobilité, autant
cette tarification des services de mobi- ce troisième questionnement prospectif
lité peut-elle s’opérer ? Sans s’aventurer nous invite à explorer les autres dyna-
sur ce terrain à ce stade, les tranches de miques à l’oeuvre, en dehors de la
vie mettent en scène une robomobilité, robomobilité, qui pourraient façonner
composante d’un bouquet de solutions, la société et les territoires à l’avenir. Sur
porté par la collectivité, donc de services le plan méthodologique, on ne cherche
robomobiles, entrant dans le champ des pas à mieux comprendre et penser la
services publics. Ainsi, dans les tranches vie robomobile, mais à mieux cerner
de vie, les services de transports dans quel monde cette vie robomobile
robomobile sont commandés par des pourrait se déployer.
producteurs d’activités sociales (le club
sportif pour Tom et Eva, la crèche pour
Enzo). La " responsabilité " du transport
devient partagée, entre les individus
qui se déplacent, et les opérateurs des
activités pour lesquelles ces individus se
déplacent.

Un troisième questionnement prospectif


concerne l’ampleur de cette révolution
technique robotique. La mobilité est-

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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4. Pépites prospectives (des changements
potentiellement radicaux pour le système)

• les gains de temps libérés par la modification des usages de mobilité (ne plus
avoir à accompagner les enfants par exemple) et les gains de temps générés par
une meilleure performance des transports. On a pu observer dans le passé que les
gains de temps (théoriques) obtenus par une augmentation de la vitesse pouvaient
être réinvestis dans le transport lui-même, avec une augmentation des distances
parcourues, mais au final, un temps journalier nominal de transport plutôt stable
(Zahavi). Ces gains de temps seront-ils vraiment réinvestis dans des activités so-
ciales (multiplication du nombre d’activités, augmentation de la durée nominale
de chaque activité) ou donneront-ils accès à des activités, qui étaient autrefois trop
lointaines (en temps de transport), sans que ces nouvelles activités ne consomment
un capital horaire plus important dans la vie des individus ?
• la banalisation des activités en mobilité, sous différentes formes, activités au
cours d’un déplacement (cas d’usage typique d’un déplacement en TGV/avion),
ou d’activités mobiles (services itinérants notamment). Ces activités en mobilité
existent déjà aujourd’hui, mais cela reste cantonné à certains publics et certains
déplacements. Et si, demain, ces activités en mobilité devenaient la norme ? Sera-
t-il encore possible de dormir au cours d’un trajet ? Le temps de travail sera-t-il dé-
compté dès le début du déplacement ? Quels nouveaux rythmes individuels, dans
une vie robomobile, où finalement les temps morts ont peu à peu disparu, ou ne
sont plus tolérés par des normes sociales implicites (c’est mal vu) ou des normes
sociales explicites (réglementation du travail).
• l’imaginaire d’une société où les robots peuvent assurer des fonctions sociales
(exemple du robot humanoïde en interaction avec les enfants de la crèche). Dans
l’hypothèse d’un développement technologique rendant possible cette vision, com-
ment poser ces choix au plan politique ? La robomobilité porte en elle la vision
d’une mobilité autonome, au sens où elle est bien plus qu’une mobilité augmentée.
Faut-il voir la robomobilité comme le prolongement des capacités de l’homme ?
Cela signifierait qu’elle soit en capacité d’atteindre, voire de dépasser les perfor-
mances humaines ? Dans l’imaginaire, on peut circonscrire cette puissance tech-
nique aux tâches à faible valeur ajoutée " humaine ", mais si ce verrou saute, qu’est-
ce qui motive de garder un modèle d’activité reposant sur l’humain, alors qu’un
modèle reposant sur les machines s’avère économiquement plus performant ?
• Enfin, à quel point l’hyperconnectivité va-t-elle s’intégrer dans nos vies quoti-
diennes ? S’agira-t-il d’une histoire de capteurs, de terminaux de communication
et d’infrastructures numériques ? Ou irons-nous jusqu’à une société de " l’homme
augmenté " ? Dans leur tranche de vie, le groupe a refusé l’option de l’implant
numérique pour les membres de la famille, y voyant un risque dénaturant leur
condition humaine authentique et leur liberté. Cette vie robomobile n’aurait pas la
même saveur avec des humains qui utilisent des objets, qu’avec des " humains " qui
ont accepté de modifier leurs corps pour s’intégrer techniquement et substantielle-
ment dans les univers numériques. Le Cyborg accompagnera-t-il l’avènement de
la vie robomobile ?

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Organisation et gouvernance de mobilité
dans un territoire robomobile

Cette contribution prospective s’appuie aucun jugement de valeur n’est d’ailleurs


sur les travaux du groupe " Gouvernance porté sur cette évolution.
des mobilités robomobiles ", qui se sont
tenus lors de séminaire de lancement, Ce développement de la mobilité
le 2 mai 2017, de l’atelier prospectif dynamisera l’offre des solutions de
" La vie robomobile ". Ce document mobilité, et donc la diversité des usages,
prolonge certaines pistes de réflexion. des pratiques et des formes de mobilité,
Les éléments présentés ci-après ne sont en ville et au-delà. Ainsi, la robomobilité
pas exhaustifs des échanges entre les dépasse largement le cadre du véhicule
participants. autonome et les usages projetés de celui-
ci comme mode de transport individuel
1. Préambule ou collectif, à la demande ou prédéfini
selon les dessertes.
Réfléchir à la gouvernance des mobilités
robomobiles revient d’une certaine ma- La vie robomobile s’accompagnera
nière à penser la vie dans les territoires de nombreuses nouvelles solutions de
où celles-ci se déploient. Le groupe déplacements, en partie autour de l’objet
a pris symboliquement appui sur des " véhicule autonome " lui-même, mais
agglomérations comparables à Rennes, aussi avec un élargissement du champ
Strasbourg ou Toulouse. Si ces trois des services possibles – qui est encore
territoires sont très différents entre eux, très largement à concevoir. Le point
ils ont inspiré aux participants des essentiel est celui de la diversification de
repères leur permettant de décliner l’offre : la vie robomobile ne se résumera
concepts et réflexions. absolument pas au seul véhicule
autonome (quels que soient ses formats).
En toile de fond, il y a un postulat, une Autrement dit, la vie robomobile ne sera
conviction ou a minima une hypothèse pas la projection de la vie actuelle à la
de référence : la robomobilité devrait seule différence qu’on remplacerait les
se traduire par l’accroissement de la automobiles par des robomobiles. Il est
mobilité, de la mobilité dans toutes important de bien saisir cette position
ses dimensions. Le groupe ne s’est pas (de travail) du groupe : le passage à la
attardé sur les raisons structurelles ou vie robomobile ne consiste pas en un
les motivations individuelles remplacement d’un modèle automobile
qui expliqueraient ce par un modèle robomobile, au sens où
développement de la la robomobilité écraserait (par son poids,
mobilité individuelle. sa puissance et ses contraintes) toutes les
la robomobilité : autres formes de mobilité et toute volonté
Cette hypothèse tient
un élement majeur davantage du " constat d’aménager la ville autrement, mais par
de diversification par anticipation " ; le développement diversifié de l’offre
de l'offre de mobilité, dont le mouvement a été

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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engagé depuis les années 1990 et a déjà directement. Si la vie robomobile porte
commencé à s’accélérer depuis 10 ans, en elle une promesse de plus grande
en particulier dans les agglomérations liberté des individus, c’est-à-dire de
urbaines. mobilité sans la nécessité de l’action ou la
responsabilité de conduire, a contrario la
L’état d’esprit constructif qui a animé les ville deviendrait plus que jamais pilotée,
travaux du groupe a clairement essayé surveillée, instrumentée et actionnée.
de voir en quoi la robomobilité pouvait Paradoxalement, l’autonomie à l’échelle
constituer un levier pour organiser un des mobilités individuelles induirait-elle
système de déplacements plus vertueux, une omniprésence (et une prétendue
intermodal, organisé, maillé, optimisé et omniscience) de la régulation collective,
offrant un niveau de service aussi élevé indispensable pour rendre le système
que possible des réseaux de transports. fonctionnel ? La nécessité de gestion
opérationnelle des flux en arriverait-elle
Ainsi (nous ne ferons que l’évoquer dans à tamponner les libertés individuelles ?
cette partie, avant de le développer de
manière plus approfondie plus loin) Plus que l’organisation du système de
l’ensemble de la palette actuelle des déplacements, en termes d’articulation
solutions est conservée : modes actifs, entre les réseaux et les offres, le groupe
TCSP, transports collectifs dédiés, s’est concentré sur les enjeux et moda-
infrastructures de transports, etc. De lités de la régulation des mobilités, en
l’existant, rien n’est jeté, ce qui ne veut plaçant les données individuelles et les
pas dire que rien ne changerait ! Les nouveaux modèles potentiels au coeur
solutions existantes auront à faire leur de sa réflexion.
examen de conscience sur les fonctions,
qu’elles remplissent et qui devront être 2. Signes, images,
revues pour plus de complémentarité
par exemple, sans nier les concurrences concepts et promesses
frontales à l’intersection des modes. de la vie robomobile
Du nouveau, il y en aurait, en tout cas,
le groupe a intégré l’introduction des L’exercice du groupe s’est déroulé en
mobilités 3D. deux grandes étapes. La première étape
a consisté à converger vers un bouquet-
Enfin, ce développement de la mobilité - type de solutions du système robomobile
demande et offre - façade visible et tan- de déplacements. La deuxième étape
gible de la vie robomobile, se situe dans s’est tournée sur l’organisation et la
l’histoire d’une marche vers une ville gouvernance du système.
optimisée, régulée, désaturée et pilotée.
C’est comme si, avec la généralisation Connecter les solutions
de la connectivité à tous les usages
et pratiques de la vie robomobile, La planche ci-contre
on voyait la ville comme un système donne,
le super
ligne par
paramétrable, modulable, réglable : ligne, les bouquets de assistant personnel
la ville prévisible ; la ville actionnable, solutions conçus par numérique :
au sens où, l’on pourrait agir sur elle, sur chaque participant un sesame
ses habitants, ses objets, en temps réel et incontournable

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Le groupe a ensuite convergé vers un est celui d’un territoire intensément
bouquet de solutions composé de : mobile, au sens où les habitants adoptent
un mode de vie commandé par de
• un super assistant personnel " mobili- nombreux déplacements ; les activités
té ", logistiques sont également génératrices
• un pôle d’échanges multimodaux d’un de nombreux flux de transports. C’est
nouveau genre, l’image d’une ville traversée de toute
• un nouveau système de stationnement part par les mouvements de ses habi-
intelligent, tants et de ses marchandises qu’il faut
• une palette large de modes actifs avoir en tête.
(marche, vélo, trottinette, roller, roue
gyroscopique, etc.),
• des tiers-lieux d’activité (travail, loisirs,
éducation, santé, etc.),
• des services et activités à distance
(télétravail, e-learning, e-commerce,
e-santé, etc.),
• de nouveaux véhicules robomobiles
terrestres et aériens, passagers et fret,
• des transports collectifs massifiés gui-
dés (tram, tram-train, métro, …),
• le maintien du rôle des poids lourds
routiers dans les chaînes logistiques, Régulation intelligente des flux
avec de nouvelles régulations,
• de nouveaux systèmes de régulation Dans la ligne de l’intégration numérique
des flux et des mobilités. des activités sociales, la pierre angulaire
du bouquet est clairement le " super
assistant personnel mobilité " que tous
les participants ont retenu. Cet assistant
personnel numérique, qui prend souvent
aujourd’hui la forme d’un smartphone
(sans préjuger de sa forme demain) est
le véritable cerveau du système des
mobilités.

Tout d’abord, un cerveau individuel, qui


compose en temps réel et de manière
dynamique l’itinéraire optimal selon le
besoin de mobilité de chacun, et qui est
remis en perspective avec l’ensemble de
la chaîne de mobilité et le programme
d’activité. Pour la personne, cela
signifie que la tâche de planification du
transport s’est déplacée vers les aspects
Le point de départ de cette description stratégiques du déplacement. Et d’un
point de vue pratique, ce qui compte,

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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c’est de maîtriser la compétence pour une fonction de collecte de données
l’usage de l’assistant personnel mobilité individuelles, indispensable à la gestion
(il y aura de " l’illettrisme digital " !). Cet des flux. La conséquence : à tout
assistant personnel, connecté en temps moment, le système global de régulation
réel au système global de régulation des des flux " connaît " chacun des éléments
mobilités, est capable de proposer le de votre programme d’activité, que vous
meilleur parcours de déplacement en te- avez accepté (ou que vous avez bien
nant compte des préférences de chacun. été obligé d’accepter) de porter à sa
Deux personnes, disons l’une à mobilité connaissance.
réduite, l’autre avec de jeunes enfants,
partant d’un même lieu et se rendant Ce super assistant personnel compose
à une même destination, se verraient et combine (de manière optimale, selon
proposer éventuellement deux trajets les objectifs qui lui ont été assignés),
différents pour satisfaire au mieux à leurs pour l’individu et le territoire, le
contraintes et préférences individuelles. " meilleur " parcours. Cet assistant a " à sa
disposition ", un ensemble de solutions
Ce super assistant personnel mobilité de transports, complémentaires et
serait bien plus qu’une interface de concurrentes entre elles. L’offre de
communication. Doté d’une intelligence mobilité est abondante dans ce territoire
artificielle sophistiquée, il dispose d’une robomobile, mais cette abondance ne
autonomie d’action, voire de (micro) signifie pas une consommation à tout
décision. Ainsi, par exemple, au-delà va de mobilité, ou un emballement
d’une fonction d’information sur le des flux non maîtrisé, dans le temps
temps de parcours, les itinéraires, le et dans l’espace. Ce qu’il faut retenir,
taux de remplissage, ou autre indicateur c’est la puissance de ce super assistant
du niveau de service, il serait capable personnel, véritable cerveau et centrale
de commander de manière autonome opérationnelle de mobilité.
un service de mobilité, capable de
payer ce service, capable de signaler Des noeuds de transports
une anomalie durant le trajet, capable d'une nouvelle génération
d’avertir d’autres personnes (par
exemple, du retard, ou d’un changement Par contraste avec cette première brique
de lieu de livraison), capable de réserver qui s’utilise individuellement, la seconde
le prochain moyen de transport dans la brique du bouquet de solutions est
chaîne de déplacement... Cette liste est collective, partagée, et elle présente une
non exhaustive. emprise spatiale réelle et délimitée : ce
sont les pôles d’échanges multimodaux
Plus encore, cet assistant personnel (PEM).
joue le rôle d’un terminal connecté en Dans ce système territorial robomobile,
permanence au système de régulation on aurait donc deux " plaques tournantes " :
des mobilités. Cette connectivité le super assistant qui organise les
continue et en temps réel est le moyen mobilités d’une part, les PEM d’autre
d’un partage des données individuelles part, qui structurent spatialement
avec la régulation globale, alimentant les flux, comme des plateformes de
la puissance collective du système. r e g r o u p e m e n t - é c l a t e m e n t / t ra n s i t
Dès lors, cet assistant personnel assure

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(analogie plateforme logistique) ou des Le PEM nouvelle génération est d'une
noeuds multimodaux. certaine manière immatériel, même
s'il est situé spatialement en un lieu
Or ces PEM peuvent prendre des traits très bien identifié et physique. Ce PEM
fort différents. Et c’est là que la réflexion virtuel organise les correspondances
prospective du groupe prend encore entre services robomobiles, permettant
davantage d’élan. On aurait bien sûr le à chaque individu de composer une
PEM " format classique ", infrastructures chaîne de déplacements optimisée et de
multimodales, articulant en un même manière dynamique. Contrairement aux
lieu les solutions hiérarchisées : PEM classiques, ces PEM robomobiles
des dessertes massifiées aux dessertes sont par principe mobiles, au sens où
fines, publiques et privées. Le groupe a ils ne sont pas fixes, permanents, et
réaffirmé la pertinence de ces transports peuvent se localiser à plusieurs endroits
collectifs massifiés, à la fois en termes en fonction des besoins. Leur génération
de niveau de service pour les usagers dynamique permet de tenir compte de la
et l’utilisation des réseaux urbains et réalité des flux observés en temps réel sur
périurbains. Combien de véhicules les réseaux urbains. Si une zone risque
autonomes pour remplacer le RER A la saturation, la gestion dynamique des
en Ile-de-France, les deux lignes de PEM robomobiles les crée en dehors.
métro à Rennes, les lignes de tramway à
Strasbourg et de métro à Toulouse ? Dans Fonctionnement autonome
les villes robomobiles, les dessertes des réseaux de transport
massifiées resteront pertinentes, tant
que la géographie économique se
caractérisera par la concentration et
l'accumulation métropolitaine dans
quelques centralités.

Le groupe a fait l'hypothèse que l'usage


robomobile privatif sera mineur en
comparaison des usages partagés ou
mutualisés. Dans ce cas les nouveaux
systèmes de transports autonomes ne
seront pas systématiquement bâtis sur un
modèle de déplacement porte à porte. C'est ici qu'interviennent les autres
Ils impliqueront des correspondances briques du bouquet de solutions. La
dans les chaînes robomobiles (a navette autonome " fait savoir " au
contrario, si la très grande majorité des système de régulation qu’elle passera
flux robomobiles concerne à tel endroit, à telle heure, avec tels
des transports point à passagers, qui se dirigent vers telles
point, la pertinence des destinations. Le système de régulation
PEM devient nulle). intègre toutes ces données et ajuste les
La mutualisation : Dès lors des PEM itinéraires des véhicules vers ses lieux
un usage dominant d'un nouveau genre de correspondance, qu’il définit de
de la robomobilité sont susceptibles manière dynamique, en fonction de la
d’apparaître.

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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géographie et des flux. Les objectifs de Dès lors, la gouvernance du système de
la régulation doivent cependant être déplacements et de mobilité englobe
explicités et construits de manière à des aspects beaucoup plus larges que
être acceptés. Car ces objectifs peuvent l’ingénierie de gestion des réseaux des
être antagonistes : sécurité, fluidité, transports. Cette gouvernance intègre
continuité d’activité, CO2…). des nouveaux rythmes urbains, des
nouvelles temporalités de la vie sociale
Le système de stationnement gère quant et de l’économie locale.
à lui l’allocation des places de stationne-
ment. Alors que le véhicule robomobile Enfin, la brique des " nouveaux systèmes
fera émerger de nouveaux usages, de régulation des flux et des mobilités "
requérant moins de stationnement intègre les leviers d’action sur la
statique pour les véhicules, la promesse demande, comme les horaires
est que le stationnement ne soit un d’ouverture des tiers-lieux, des services
problème ni pour les usagers, ni pour les publics, les péages, les régulations
autorités chargées de la voirie. techniques réglementaires, la tarification
dynamique et différenciée, la gestion
Renaissance des modes actifs des accès, la gestion du stationnement,
la gestion des vitesses, etc.
Dans une régulation robomobile réputé

?
hyper-optimisée, le risque est réel de 3. Questionnements
mettre de côté les modes actifs. Est-il
cependant raisonnable de laisser croire
prospectifs
à une ville où les personnes n’auraient
L’organisation du système robomobile
plus à marcher, ou si peu ? Des nuées
présente au moins trois originalités,
de véhicules viendraient les chercher
qui nourrissent elles-mêmes trois
aux PEM physiques ou virtuels, de
questionnements prospectifs.
sorte, qu’à la sortie, on n’ait plus que
quelques mètres à parcourir pour arriver
La première originalité, radicale, est
à destination ? Pour plusieurs raisons,
de vivre dans un système où chaque
alliant la performance du système au
déplacement (y compris à pied ?) doit
niveau global, l’ambiance urbaine, la
être connu de l’autorité de régulation,
santé des individus, le groupe a choisi
monitoré par des agents de régulation
de placer la " brique " des modes actifs
(robots), enregistré dans une base
comme un socle à partir duquel et autour
de données, traité et utilisé pour une
duquel il était désirable que l’ensemble
gestion opérationnelle collective des
de l’offre de mobilité se construise et
déplacements. Le paradigme de cette
s’organise.
vie robomobile est que les mobilités sont
optimisées aux échelles individuelles
Plus largement, dans la vie robomobile,
et territoriales. D’où le double
les tiers-lieux d’activité et les services
questionnement sur les enjeux éthiques
à distance devraient s’imposer dans
et juridiques de respect de la vie privée
le quotidien des habitants, dans les
et de la capacité technique d’un système
habitudes de consommation, dans la vie
à effectivement parvenir à optimiser une
des entreprises et l’organisation du travail.
" société totalement transparente en

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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temps réel ". Le meilleur des mondes ? l’individu et le système. Quels équilibres
trouver entre optimisation individuelle
La deuxième originalité est que l’autorité et régulation collective ? Avec un
de régulation dispose d’une capacité système capable de calculer un tarif
d’action unique en son genre, dans la pour traverser une zone en fonction de
mesure où elle est centralisée. Comment différents paramètres de saturation des
dès lors organiser une concurrence réseaux, de taux d’utilisation du service,
juste et loyale entre les opérateurs de des caractéristiques socioculturelles de
transports, si la régulation supervise de l’individu, du motif du déplacement,
manière opérationnelle toutes les offres, etc., et une régulation en permanence
qu’elles soient publiques ou privées ? des flux, dans une logique de coûts
complets, intégrant les externalités
Enfin, la troisième originalité tient négatives, quelle place reste-t-il à la
dans le degré élevé d’interaction entre " liberté d’aller et venir " ?

4. Pépites prospectives (des changements


potentiellement radicaux pour le système)

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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Détournements et usages originaux
de la vie robomobile

Cette contribution prospective s’appuie peut être assimilé à un objet icône


sur les travaux du groupe " Dévian- emblématique de la vie robomobile. Les
ces de la vie robomobile ", qui se sont détournements sont mis en scène dans
tenus lors de séminaire de lancement, plusieurs sphères de la vie quotidienne :
le 2 mai 2017, de l’atelier prospectif travail, logement, expression artistique,
" La vie robomobile ". Ce document commerce, tourisme, publicité, sécurité
prolonge certaines pistes de réflexion. numérique, loisirs. Pour la plupart, ces
Les éléments présentés ci-après ne sont usages fictifs sont le fait d’individus
pas exhaustifs seuls, qui font un usage " libre " d’un
service, auquel ils ont accès.
1. Préambule
A leur première lecture, ces propositions
L’exercice du groupe visait à imaginer prospectives ne dépeignent pas une
des déviances que la vie robomobile vie robomobile si différente de la vie
pouvait engendrer, rendre possible ou d’aujourd’hui. Plus précisément, ces
inspirer. Le groupe a choisi de focaliser usages ne pointent pas des besoins
ses travaux sur ce qu’on pourrait latents non exprimés ou non connus,
plutôt désigner comme des usages non ni des pratiques inattendues de la part
identifiés ou non canoniques, plus des individus. Elles illustrent plutôt la
que des déviances au sens premier du possibilité pour les individus de répondre
terme, qui revêt une dimension sociale, à des besoins déjà identifiés, pour
voire morale pour certains. Il s’agit ici lesquels les systèmes existants (dont le
de considérer des usages inattendus et système de déplacements) n’apportent
originaux ou des détournements d’objets pas de réponse qui les satisfasse, laissant
et de services de la vie robomobile. naître des frustrations et faisant prospérer
Ainsi, les usages imaginés se concentrent et s’installer des situations d’exclusion
principalement sur des détournements sociale, ou des situations à risques, tant
de l’objet " véhicule autonome ", qui pour la personne, que pour la société.

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2. Images, signes, du logement, l’accessibilité aux services
pour le ménage. Dans les territoires de la
concepts et promesses vie robomobile, on verrait des individus
de la vie robomobile prêts à consacrer un budget-temps bien
au-delà des 66 minutes de transport
quotidien moyen tous motifs confondus
Un habitat robomobile
(année 2008, source INSEE Première
n°1252), et pour le temps de trajet moyen
Le premier cas de détournement décrit
domicile-travail de 34 minutes en Ile-de
par le groupe concerne l’articulation
-France et 19 minutes en province. Dans
entre habitat, travail et mobilité. Le
cette fiction, ce budget-temps pourrait
véhicule autonome est utilisé comme
dépasser 2h, 3h, 4h.
un lieu de vie et d’habitation transitoire,
temporaire ou permanent. Les avantages
escomptés d’un service de mobilité
" robomobile " seraient de gagner
plus de souplesse dans les choix de
localisation de l’habitat. Trois profils
d’utilisateurs et d’usages sont esquissés :

. personne utilisant son véhicule comme


moyen de déplacement fournissant dans
le même temps un " habitat de transition "
pour finir sa nuit et se préparer avant
d’arriver sur son lieu de travail ; cela L’autre hypothèse implicite du groupe est
autorise le choix d’une résidence plus que la vitesse moyenne des transports de
éloignée par rapport au lieu de travail ; la vie robomobile augmente également.
Par conséquent, les distances parcourues
. travailleur détaché devant se rendre quotidiennement devraient exploser
et travailler sur un chantier ou un lieu pour ce profil d’utilisateur.
d’intervention pendant plusieurs jours,
ce qui lui permet à la fois de se déplacer Autre conséquence, non géographique,
et de vivre sur place durant le temps en le temps passé à bord du véhicule
déplacement ; autonome changeant de nature, c’est
une nouvelle plage de temps " utile "
. personne sans logement qui utilise ou en tout cas " libre " qui s’ouvre. C’est
et équipe son véhicule pour y loger un changement des modes de vie assez
définitivement, par exemple du fait du profond. Ce cas illustre un changement
coût du logement " en dur " trop élevé. radical dans les arbitrages
résidentiels, car il étend
Ce premier cas de détournement modifie les limites physiques
la géographie des territoires, structurée ou symboliques de
Tout devient
en partie par le couple habitat-emploi l’éloignement entre
découlant des compromis établis entre lieux d’habitat et de mobile dans
le temps de trajet, le coût et la superficie travail. la vie robomobile

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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Le cas d’usage pour les travailleurs ou un logement avec lequel on peut
détachés revient à imaginer une version se déplacer ? On dépasse la notion
aug-mentée de la caravane ou du mobile- de multifonctionnalité, on est dans
home, à la différence (notable) que ce l’hybridation car les deux fonctions
véhicule robomobile est autonome et se complètent, peuvent être utilisées
qu’il n’a pas besoin d’un autre simultanément et aboutissent un objet
véhicule pour se mouvoir. L’ironie nouveau.
de ce changement est de penser une
vie robomobile où les travailleurs Univers multidimensionnel
détachés emmèneraient avec eux leur
logement temporaire sur leur lieu de Le deuxième cas de détournement
travail, alors que les chauffeurs routiers, touche à la sphère du commerce et de
seraient quant à eux exfiltrés de leurs la logistique. Un commerçant crée un
poids lourds devenus autonomes. A nouveau marché de livraison utilisant
l’extrême, ce dernier cas pourrait aussi des VA (Véhicules Autonomes) volants.
présager du lieux de travail tels des Un particulier peu disponible peut alors
ateliers ou des usines mobiles faisant se faire livrer directement sur son balcon
coïncider le temps de la production après avoir fait repérer ledit balcon
et celui de l’approvisionnement ou comme lieu de livraison.
l’acheminement.
Cet usage mobilise un imaginaire
Le troisième profil met en exergue la crise différent du premier cas. Dans celui-ci,
du logement : aménager son véhicule le véhicule est certes autonome, mais
robomobile pour en faire sa maison il est toujours occupé par un individu
mobile. En poussant la logique plus et l’usage du véhicule est synchronisé
loin, cela peut amener à imaginer des avec la présence dans le véhicule. Dans
bidonvilles robomobiles, qui prendraient le deuxième cas, la vie robomobile se
la formes d’aires de stationnement des déploie dans un monde " parallèle "
maisons robomobiles. Selon la fondation au sens où cette synchronisation entre
Abbé Pierre, on compte plus d’un million l’usage pour un individu et la présence
de personnes sans domicile fixe ou sans de l’individu n’existe plus dans les faits.
domicile personnel en France (2017), Ainsi, pendant que les individus " vivent
et ce nombre grimpe à plus de quatre leur vie ", les aspects logistiques de
millions si on élargit aux personnes cette vie sont pris en charge par des
en situation de " mal-logement ". robots qui assurent l’intendance de
Est-ce à dire que la vie robomobile peut manière indépendante. En prolongeant
apporter des réponses à une partie de cette logique, la vie robomobile devient
ces quatre millions de personnes, en une vie où l’homme délègue des pans
leur proposant un lieu hybride véhicule- entiers de la vie quotidienne et du travail
logement ? L’habitat mobile pauvre et/ou à des machines.
temporaire deviendra-t-il une forme de
peuplement de nos villes et territoires ?
L’autre aspect de cette " déviance ", qui
apparaît davantage comme un nouveau
Ceci interroge la fonction principale service, " en rupture " avec l’existant,
de l’objet ? Est-ce d’abord un moyen est la dimension 3D des livraisons par
de déplacement où l’on peut dormir,

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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drone. C’est une véritable rupture par avec plusieurs VAs. Cet artiste, qui n’a
rapport à la situation existante de la pas réussi à se faire connaître par les
mobilité urbaine, où la 3D est encore moyens et supports classiques, décide
réservée aux oiseaux ! La vie robomobile alors d’exprimer son art dans la rue : le
serait une ville, où les individus seraientvéhicule autonome lui permet de faire la
habitués à être survolés par des drones promotion de ses oeuvres. Le véhicule
et autres véhicules volants, de manière peut aussi devenir une œuvre, puisqu’on
courante et banale. peut le modifier plus facilement qu’un
véhicule traditionnel : par exemple,
Alcool et robomobilité on peut recouvrir le pare-brise par une
œuvre d’art sculptée ou peinte sans
Le troisième cas de détournement ou gêner la vue du conducteur puisque
d’usage inattendu est intitulé " Mobilité celui-ci n’existe plus (mécanisme de
alcoolisée ". Un amateur de boissons résilience à prévoir en cas de défaillance
alcoolisées, après le travail, boit en du robot conducteur et problème du
faisant le tour des " happy hours " en mal des transports à régler lié la largeur
rentrant chez lui, car la conduite n’est du champ de vision pour les passagers).
plus un frein à la consommation d’alcool.
Le véhicule partagé qui vient le chercher On pourrait aussi avoir une " Poké-car ".
est cependant équipé en conséquence : Une chaîne télé veut faire de l’audience
sac pour vomir, système de nettoyage et crée un jeu-concours : " envoyer un
après avoir vomi. Cette description véhicule autonome et le faire photo-
est assez explicite pour ne pas avoir graphier dans des sites particuliers de
à développer davantage. Ce qui est la ville ". En option un master mind,
intéressant, c’est que la vie robomobile en 2D ou 3D (pour obtenir des points
ne serait pas antinomique, voire pourrait supplémentaires). C’est l’usage du
favoriser des excès dans le mode de VA comme outil d’animation et de
vie des individus. La robomobilité valorisation culturelle : une ville et un
réduira peut-être certains problèmes de acteur du tourisme s’associent pour créer
sécurité comme la conduite alcoolisée, une événement où il s’agit de réaliser un
mais n’agit pas réellement sur les parcours dans la ville et de prendre des
comportements qui sont à la source de photos/ vidéo au moyen du VA avec des
ces problèmes. contraintes particulières (analogie avec
le rallye). On peut aussi envisager des VA
Un Art robomobile ? offrant différents services de visite com-
mentée et d’animation personnalisable
Les deux cas suivants portent sur selon la demande et les intérêts du tou-
l’expression artistique, la communication, riste/visiteur.
l’animation et le marketing territorial.
On aurait par exemple le VA comme Dans ces deux cas, le véhicule autonome
objet mobilisé pour un usage artistique. porte une dimension symbolique
Un artiste pourrait utiliser le VA comme forte, en phase avec une nouvelle ère,
objet permettant de faire connaître ses qui dépasse les " seuls " changements
oeuvres visuelles ou sonores, voire touchant la mobilité. Pour les artistes,
l’organisation d’un ballet / flash mob le véhicule autonome devient autant un
vecteur pour exprimer un point de vue

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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artistique, que l’objet même de l’art. " concepts " nouveaux, ils touchent
La vie robomobile sera-t-elle racontée néanmoins à plusieurs fondamentaux des
par un courant artistique ? Une avant- modes de vie actuels et de l’organisation
garde ? des territoires.

Nouveaux risques cybernétiques Ainsi, en faisant basculer le véhicule


autonome dans le domaine de l’habitat,
Enfin, le dernier cas de détournement est le paradigme d’un habitat, valeur refuge,
le " Robo-zèle ". Un programmeur licencié repère stable dans un monde et une vie
d’un géant du web fait du chantage pour sans cesse en mouvement, la vie
obtenir une cyber-rançon. Son chantage robomobile casse d’une certaine manière
consiste à programmer l’application la vision d’une société sédentaire.
stricte du code de la route pour tous les Plusieurs questionnements prospectifs
véhicules avec démonstration de zèle repartent de ce changement de pratiques.
et avec la déprogrammation de feux. Il Ces comportements concernent-ils une
propose de lever l’opération et de détruire part marginale de la population, un
le logiciel lorsqu’il obtient la rançon. segment minoritaire mais reconnu, une
majorité des habitants dans un territoire ?
Si les transports d’aujourd’hui sont A l’échelle des continents, des pays et
loin d’être fiables à 100%, le grand des régions, la géographie urbaine a
public est peu sensibilisé aux risques été structurée depuis des siècles par
du cyber-piratage. La vie robomobile le développement économique. Les
donne le sentiment d’une vie où tout exemples les plus spectaculaires sont
est organisé, régulé, optimisé, par des bien sûr les villes minières ou pétrolières,
systèmes intelligents, supervisés ou non un peu partout dans le monde. Avant
par l’homme, qui s’occuperaient de elles, les villes portuaires répondaient
faire fonctionner le système en mode aux mêmes dynamiques : créer des
" masqué ". Ces anticipations fortes logements pour y loger des travailleurs,
vis-à-vis de l’automatisation négligent dont la mine, le chantier, le puits de
cependant les limites qui l’accompagnent pétrole, avaient besoin. Rien de nouveau
en terme de la résilience. Cet usage pointe sous le soleil, pourrions-nous dire, à la
le risque d’une hypercentralisation des différence notable que ce mouvement,
commandes du système robomobile. La plutôt réservé à certaines activités très
grève du zèle dans la vie robomobile liées à un lieu, concernerait l’ensemble
viendrait d’un cyberpiratage ; un miroir des secteurs de notre économie. On
des opérations escargots observées ici n’imagine mal les travailleurs chinois sur
ou là lors de mouvement de protestation les chantiers d’infrastructures marocains
sociale ? ou algériens faire l’aller-retour entre

?
Alger et Chengdu, mais pourquoi pas
des travailleurs détachés, vivant dans
3. Questionnements des robomobiles le temps d’un chantier ?
prospectifs D’ailleurs, une robomobile ayant (a
priori) une immatriculation, sera-t-
Si les détournements abordés par le il recevable de donner l’identifiant
groupe ne mettent pas en lumière des de sa robomobile comme justificatif
de domicile ? En sachant que cette

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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robomobile sera mobile et changera Historiquement, le développement
donc régulièrement, si ce n’est en de l’offre de mobilité a contribué à
permanence, de lieu d’implantation. élargir l’étendue des territoires vécus et
l’influence des centres urbains sur leurs
Un autre questionnement prospectif arrière-pays ruraux. Les cas de déviance
porte sur les interactions entre ces usa- décrits par le groupe s’inscrivent dans
ges robomobiles, qui permettent de cette logique, en essayant de contourner
concilier l’éloignement des différents le verrou de la crise du logement par
lieux de vie (travail, habitat, loisirs, l’élargissement du marché de l’habitat :
services, etc.) et les formes urbaines à aller plus loin pour se loger, mettre
l’échelle du grand territoire. En enlevant de nouveaux biens sur le marché
la " règle " d’un temps de transport (véhicules robomobiles). Le cas de la
inférieur à 1 h entre l’habitat et l’emploi, " cyber-rançon " questionne la
la géographie des villes et territoires peut vulnérabilité de ce système robomobile.
se trouver profondément modifiée. Par Quel degré d’ouverture du système
exemple, pour une ville comme Toulouse ou de redondance pour permettre une
ou Lyon, à 2h de route, on se retrouve gestion partagée, tout en veillant à ces
en Auvergne ou dans les Pyrénées. Pour enjeux de cyber-sécurité ?
Paris, en 1h30, on peut vivre à la mer.
A l’inverse, on peut travailler dans une
usine située dans les Ardennes et vivre à
Strasbourg ou Paris, travailler à Limoges,
mais vivre à Bordeaux.
Le développement des mobilités 3D
interroge de même cette nouvelle
géographie des territoires. Si le transport
aérien devient accessible à tous et
courant (sans être non plus quotidien ou
le mode dominant), la France deviendra-
t-elle un territoire de liens, un territoire
où les potentialités d’échanges sont
démultipliées ?

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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4. Pépites prospectives (des changements
potentiellement radicaux pour le système)

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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Les réfractaires de la vie robomobile

Cette contribution prospective s’appuie automatisables. Les personnes risquent


sur les travaux du groupe " Les réfractaires alors de voir diminuer leurs interactions
à la vie robomobile ", qui se sont tenus sociales de la vie quotidienne. Entrer en
lors de séminaire de lancement, le contact avec des " inconnus " devient
2 mai 2017, de l’atelier prospectif moins fréquent. La sphère sociale de
" La vie robomobile ". Ce document ceux que l’on connaît déjà, avec qui
prolonge certaines pistes de réflexion. l’on est déjà en relation, peine à se
Les éléments présentés ci-après ne sont renouveler. Paradoxalement, on vit dans
pas exhaustifs des échanges entre les une société où les déplacements sont
participants. incomparablement facilités, mais on
rencontre de moins en moins les autres.
1. Préambule
Enfin, le troisième trait majeur
La mission du groupe était d’imaginer de ce portrait en creux est celui
des cas d’usage, des comportements, d’une robomobilité essentiellement
des modes de vie réfractaires à la vie collaborative et partagée. Les véhicules
robomobile. autonomes sont forcément partagés ;
En effet, pourquoi la vie robomobile les transports publics sont les premiers
devrait-elle être le mode de vie dominant opérateurs de services de robomobilité.
dans la société ? Par dominant, on La mobilité servicielle n’est plus une
n’entend pas uniquement le mode de vie promesse ou un slogan ; elle est devenue
le plus courant, majoritaire (en nombre la norme.
d’habitants), le plus visible, ou encore
celui des classes dirigeantes, mais celui Dès lors, les expériences réfractaires
qui s’imposerait de fait à tous sans à la vie robomobile décrites par le
discernement, privant chacun d’espaces groupe se situent par réaction à cette vie
de liberté ou de fantaisie. Nul n’échappe robomobile là !
à l’impôt, s’ensuit-il que nul ne doive
échapper à la vie robomobile ? On se 2. Signes, images,
place donc au-delà de l’injonction, dans concepts et promesses
le champ de l’obligation.
de la vie robomobile
La vie robomobile est remplie de
machines. De grands pans Dans un premier temps, le groupe a listé
de la vie quotidienne, des profils de " réfractaires " à partir de
Efficacité des du travail aux achats, leurs motivations, valeurs ou comporte-
transports ne rime des loisirs aux tâches ments. Pour chacun de ces profils, un
administratives, cas d’usage réfractaire est énoncé en
pas forcément quelques mots. Le verbatim des post-it
avec meilleure sont complètement
automatisés ou est retranscrit in extenso ci-après.
qualité de vie

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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Infinité de motivations j’aime prendre des risques en conduisant
refractaires c’est un plaisir de se perdre pour
découvrir
- Anticonformiste -
j’apprécie le simulateur de conduite dans
le véhicule (il me donne la sensation de
l’automatisme de la conduite restreint
conduire)
ma propre autonomie
j’aime montrer aux autres que je suis
je préfère garder ma liberté d’utiliser
plus malin (" meilleur conducteur ")
autre chose (par ex : je n’ai pas de
portable)
- Pas intéressé -
je n’ai aucune raison de me soumettre
je ne conduisais déjà pas de voiture
aux machines même si la société me les
auparavant
propose
j’attends de voir ce que ça donne
je refuse des évolutions que la société
chercherait à imposer à tous les individus
comment allez-vous me convaincre de
par l’uniformisation (perte d’autonomie,
monter dans ce " machin " ?
individualités, différences)
je possède déjà un véhicule et ne vois
je veux rester libre de choisir mon itiné-
pas l’intérêt d’un véhicule autonome
raire (ex : ne pas suivre aveuglément le
GPS)
- Besoin d’urbanité -
réfractaire à cause des pertes d’emplois
j’aime faire monter plus de personnes
associées aux véhicules sans chauffeur
en gare, à l’arrêt, pour rassurer et
communiquer avec les passagers
- Plaisir de conduire -
je veux rencontrer des gens quand je me
j’utilise, je profite de tout le potentiel de
déplace
mon véhicule
ce que j’apprécie (ou ce dont j’ai besoin)
dans la vie quotidienne (urbaine), c’est
je ne veux pas être contraint d’aller
la rencontre et les contacts avec de gens,
dans des espaces dédiés à la conduite
et non avec des robots humanoïdes
autonome (et je veux joindre l’utile à
l’agréable, par ex : équitation)
je suis déjà seul chez moi et les transports
en commun sont un lieu de
on s’ennuie à bord d’une robomobile
rencontre et d’échange
je préfère diriger le véhicule plutôt
qu’être conduit par un tiers les réfractaires
je ne veux pas
m’illusionner à parler à expriment souvent
j’utilise mon véhicule personnel là où je
une machine une peur de " perdre "
peux encore le faire, sans contrainte
quelque chose par rap-
je me déplace en ville port à l'existant

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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parfois plus pour flâner que pour le je milite pour les modes doux et actifs
déplacement en tant que tel
- Contre la collectivisation -
j’apprécie l’aspect social / service public
du chauffeur de bus (qui peut faire les je choisis l’habitat rural ou périurbain et
courses… pour les personnes isolées) conserve une voiture individuelle

c’est moche, la ville est dénaturée ! je réserve (et paie !) toutes les places (à
bord) pour être seul
- Angoissé -
j’achète mon véhicule privé (mais qui
les systèmes automatisés m’effrayent car peut être autonome)
je ne comprends pas comment ils réa-
gissent aux perturbations (qu’elles soient j’utilise ma vieille voiture (polluante mais
majeures ou bénignes) tant pis) le plus longtemps possible

le chauffeur / contrôleur a un rôle de - Pro de la conduite -


représentant de la force publique /
assistance médicale je change de métier

je ne prendrai un robotaxi qu'accompa- je prends/suis une formation de recyclage


gné pour passer de chauffeur à contrôleur
s’il y a grève des taxis, je bloque les
je veux pouvoir reprendre le contrôle du les routes
véhicule à tout moment (volant, arrêt
d’urgence, etc.) je deviens accompagnateur de véhicule
autonome (nouvelle profession)
je manque de confiance dans la robus-
tesse des systèmes informatiques - Vie privée, traçabilité -

pour mon intimité, j’ai peur d’être dans je veux conserver mon anonymat en tant
un petit véhicule collectif (sensation de que passager
l’ascenseur)
“Big Brother is watching you " je circule uniquement à pied ou à
vélo ; je tente de changer régulièrement
hacking d’identité

- Ecologie / Décroissants - je préfère le véhicule anonyme fourni


par la collectivité publique
je me sens " Robin des voies " (protesta-
tions des cyclistes) je refuse le pass mobilité obligatoire en
zone urbaine
je limite des déplacements en choisissant
un lieu de vie / travail adapté à ma je privilégie la marche à pied sans télé-
philosophie de vie = je ne recule pas à phone portable
me mettre en marge de la société

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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De cette première liste de profils, les de se rendre au supermarché pour faire
participants ont élaboré deux scéna- ses courses, à quelques minutes de
rios ou scènes de vie réfractaire à la vie robomobile de son domicile. Elle aurait
robomobile. pu y aller à pied, mais par habitude et
facilité elle a pris la navette robomobile.
Anonymat de la société En plus, c’est compris dans le pass
robomobile mobilité senior, qui donne accès de
manière illimitée à tous les services de
Scène de vie A mobilité du territoire.

Une grand-mère raconte sa journée


à son petit-fils. Elle vit seule dans un
appartement en ville. Elle a une vie
simple, monotone, et assez réglée ; les
journées passent et se ressemblent.
Veuve depuis quelques années, elle
ressent encore plus le besoin de sortir
de son petit appartement pour voir du
monde, pour " voir de la vie ". C’est
d’ailleurs pour cette raison que son mari
et elle avaient choisi de réemménager
dans un quartier du centre-ville. Le côté
pratique a compté ; avoir les services Quand elle arrive au supermarché, elle
(pharmacie, boulangerie, supermarché) ne croise en fait plus grand monde.
permet de ne plus avoir à prendre sa Le magasin fonctionne de manière
voiture systématiquement, c’est quand entièrement automatisée. Cette grand-
même agréable. C’est pourtant cette mère fait ses courses en " flashant "
envie de sociabilité, cette recherche directement les codes ou images sur un
d’urbanité, qui a constitué le facteur écran, ou elle consulte le catalogue. Au
déterminant pour vendre leur pavillon fur et à mesure de ses achats, un robot-
où les enfants avaient grandi, dire adieu préparateur assemble la commande dans
à leur jardin et revenir en ville. l’arrière-boutique (le stock). Le paiement
Mamie raconte à son petit-fils que pour s’effectue de manière automatique : les
faire ses courses elle a eu deux solutions. moyens de paiement sont déjà enre-
La première, qu’elle utilise souvent car gistrés. L’expérience d’achat est certes
le service fonctionne 24/24h, 7/7j, c’est différente entre l’achat en ligne et l’achat
de passer une commande sur internet, en magasin, mais leur différenciation ne
puis d’être livrée dans l’heure par une se fait pas sur le contact humain.
robocamionnette. Aujourd’hui, elle avait Après avoir fini ses courses au supermar-
envie de voir un peu de monde et pas ché, un véhicule robomobile l’attend
uniquement le pseudo-sourire artificiel devant le magasin : un robot-assistant
et prévisible du robocamionneur. C’est charge les courses dans le compartiment
peut-être plus pratique d’un point de prévu pour les cartons. Ce véhicule
vue logistique, mais côté socialisation, robomobile déposera Grand-mère
ce n’est pas terrible ! Elle a donc choisi directement devant chez elle. Sur le
trajet, elle a entrevu quelques passants

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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dans la rue, et beaucoup de robomobiles, robomobiles, mais elle est réfractaire
plus ou moins remplies. Cette grand- " dans son cœur ", car ce mode de vie,
mère ne reverra, ni ne parlera plus ne répond pas à ses aspirations, à ses
à aucun être humain jusqu’à l’appel envies, à ses besoins. Elle n’avait pas
téléphonique de son petit-fils vers 19h. vraiment de problèmes de mobilité ;
Grand-mère n’est pas du genre à se cela pouvait bien aller mieux mais
plaindre, mais on sentait du dépit dans sa demande première, c’était surtout
sa voix. Elle n’avait pas choisi cette vie de pouvoir se rendre à ses activités,
robomobile, mais elle n’avait pas non ses occupations. Elle n’a rien contre
plus la force de lutter contre. Par la force la robomobilité, contre le service de
des choses et de l’âge, elle s’est résignée véhicules autonomes, mais elle pense
à faire comme les autres. que la société s’est laissée emportée
dans un mouvement qui n’a été ni
Son petit-fils lui demande comment prévu, ni préparé, ni voulu ou désiré.
elle faisait avant. Par " avant " il voulait Elle garderait bien le service robomobile
dire quand la robomobilité était encore mais reprendrait volontiers les magasins
balbutiante (imaginer un monde sans à l’ancienne, l’ambiance d’un quartier
robomobile lui était impossible). Sa où les gens continuent de se croiser, un
grand-mère lui raconte qu’avant elle rythme urbain plus spontané.
prenait le bus pour aller faire ses courses.
Sur le trajet vers l’arrêt de bus, qu’elle Enjeux d'équité territoriale
faisait à pied, elle croisait souvent des
connaissances du quartier, avec qui il Scène de vie B
lui arrivait de bavarder ou d’échanger
quelques politesses. A bord du bus, elle La transition vers la vie robomobile
retrouvait son chauffeur préféré (elle s’était faite progressivement, laissant le
connaissait ses horaires…). Au magasin, temps à chacun d’adopter de nouvelles
il y avait d’autres clients, de tous âges. pratiques de mobilité, d’apprivoiser
Elle ne leur parlait pas particulièrement, les moyens de locomotion. Tout se
mais ils échangeaient parfois un simple passait relativement bien, avec bien
regard, et elle aimait être au magasin. sûr des écueils et des tensions, mais
Aux caisses, on l’accueillait et lui deman- sans conflit majeur. Sauf que, le vernis
dait de ses nouvelles. Et le samedi ma- a commencé à craquer à partir du
tin, souvent, sur le chemin du retour, moment où l’on a écarté délibérément
elle s’arrêtait au café ; elle prenait son toutes les formes non collaboratives de
temps. Pourtant, si elle " ratait " le bus, mobilité : la robomobilité a cherché
il lui fallait attendre facilement une à s’imposer comme un modèle
demi-heure avant le prochain, parfois hégémonique. Concrètement, certaines
une heure, mais cela ne la villes, puis certains territoires, avant
dérangeait pas à cette une généralisation à toute la France et
époque. l’Europe, ont instauré un monopole des
Imaginer un monde navettes autonomes dans les centres-
Cette grand-mère villes ; ces navettes mutualisées ont
sans robomobile lui n’est pas réfractaire chassé le robosolisme. Des pénalités
était impossible en apparence, car ont été introduites, et il est devenu
elle utilise les services

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


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quasiment interdit de se déplacer seul autonomes, indépendante de tous
dans un véhicule. systèmes d’organisation qui imposent
leurs règles. L’autonomie du mode de
Ce changement, imposé par le haut, vie caractérise cette communauté : on
a été mal vécu par une partie de la mange local, on se déplace local, quand
population. Au départ, les autorités on veut, comme on veut. Le véhicule
ont cru à des individus isolés, des autonome est d’ailleurs un des modes
réfractaires au changement comme de transport utilisé ; mais son usage
l’histoire en a toujours connu. Puis, peu collaboratif n’est pas imposé. On peut
à peu, ces individus se sont reconnus, se déplacer seul à bord d’un véhicule
regroupés, organisés et structurés en autonome.
un mouvement, baptisé les " triple
A " pour " Anti Auto Automatique ". Le refus des " triple A " apparaît surtout
Ce mouvement, non violent, s’est comme le refus d’une rationalisation ex-
politisé, il prônait une autre vision de trême de la société qui fait du partage
la société. Cependant, le mode de vie une obligation. Ils n’ont rien, en principe,
robomobile était relativement accepté contre la robomobilité, qui relève avant
par une majorité de la population. On tout pour eux de la technologie. Mais ils
peut même considérer que certaines ne veulent pas que la technologie seule
villes avaient mis " la vie robomobile " régisse la société. En tout cas, ils luttent
au cœur de leur projet de territoire. Ce contre une société robomobile qui
n’était manifestement pas le cas des contrôle tout, impose des contraintes
" triple A ". (excessives) aux individus, rationalise
tout (algorithmes), et ils voient avant
Le mouvement a rapidement compris tout dans le partage et la mutualisation
qu’il était vain de vouloir peser sur la fa- une modalité d’optimisation technico-
brique de la ville compte tenu du rapport économique. Dans leur communauté,
de force. Les acteurs urbains voyaient en le partage est choisi, et non subi. Le
la vie robomobile un levier puissant et partage peut bien sûr présenter des
" fédérateur " pour organiser la ville, la avantages techniques et économiques,
rendre plus cohérente, pour optimiser les mais c’est surtout une valeur sociale, un
flux, rééquilibrer géographiquement ses mode de relation humaine. Ils préfèrent
quartiers, fluidiser la mobilité sociale. Les mettre en avant la valeur de la gratuité et
" triple A " ont fait le choix du périurbain du don. La vie robomobile, telle qu’elle
et du rural, plutôt par défaut. En effet, ce se dessine dans les villes les rebute dans
n’était pas la ruralité ou la périurbanité sa dureté. La robomobilité au service de
en tant que telles qu’ils recherchaient ; la liberté des personnes les intéresse,
c’était la possibilité de construire une et c’est cette voie qu’ils ont choisi de
autre société, un modèle alternatif de suivre.
développement, un territoire érigeant
les libertés individuelles au rang premier
des principes.
Les " triple A " sont donc partis s’installer Triple AAA pour
dans des zones peu peuplées, à l’écart de " Anti - Auto -
la modernité robomobile. Leur projet est Automatique "
de créer une communauté d’individus

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?
3. Questionnements nous intéresseront davantage ou seront
plus pertinents. Des recherches ont
prospectifs montré que des moteurs comme Google
renvoyaient des résultats différents à une
Le premier questionnement prospectif même requête de recherche en fonction
qui peut être formulé à la lecture de du profil et de l’historique de navigation
ces scènes de vie réfractaires porte sur sur internet. Peu à peu, on a l’impression
les conséquences sur le lien social et de la multitude, mais on serait confiné
sur le vivre-ensemble. Une société très à une sorte de bulle web, invisible pour
organisée collectivement favorise-t-elle les individus, mais bien réelle pour les
le développement authentique des vies algorithmes.
individuelles ? Un des fondements de la
vie robomobile tient à cette organisation Ainsi, si chaque déplacement se déroule
collective, ces optimisations des comme prévu, et si chaque déplacement
mobilités individuelles, pour optimiser est parfaitement motivé (on sait
le fonctionnement global du système exactement où l’on va, pour quelle
collectif de déplacements. Cet objectif raison, pour y faire quoi, et quelle sera
technique pousse-t-il à mettre de côté l’étape d’après), la mobilité individuelle
tout ce qui accompagne les mobilités sera-t-elle encore une expérience
mais qui ne relève pas du déplacement ? impromptue de rencontre avec
Par exemple, avec le service l’imprévu.
robomobile, on se déplacerait plus fa-
cilement, on arriverait plus vite à De nombreuses études ont souligné
destination, mais est-ce que l’on l’importance de la marche en ville, dont
n’enferme pas chacun dans ses routines, les modalités, notamment la vitesse,
dans son réseau de connaissances génère des occasions de rencontre et
qui peine à se renouveler ? L’histoire de découverte qui deviennent moins
de la grand-mère qui autrefois probables lorsqu’on se déplace en
prenait son temps, pouvait s’arrêter, voiture. La robomobilité pourrait certes
marchait dans la rue, fait-elle développer les mobilités, parce qu’elle
définitivement partie du passé ? On les facilite, mais ce développement
imagine mal un passager demander se traduira-t-il par une amélioration
au véhicule robomobile de s’arrêter, qualitative des interactions sociales,
pour aller saluer une connaissance du contrepartie d’une inflation des km
quartier, qui passerait par là… parcourus ?
Une analogie pourrait être faite avec les Un autre questionnement, dans le
réseaux sociaux ou les moteurs de re- prolongement de celui-ci, cible les
cherche sur internet. En se basant sur libertés individuelles. Quels nouveaux
une connaissance (certes partielle) de conditionnements pour les personnes ?
nos centres d’intérêts, nos préférences, La vie robomobile est-elle robuste aux
nos activités, en fonction de nos réfractaires présents à l’intérieur du
recherches passées et de l’activité (sur système ?
internet) de nos contacts, les réseaux
sociaux priorisent certains résultats de
recherche en faisant l’hypothèse qu’ils

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4. Pépites prospectives (des changements
potentiellement radicaux pour le système)

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La logistique de la vie robomobile

Cette contribution prospective s’appuie • cohabitation routière entre véhicules


sur les travaux du groupe " Logistique ", robomobiles et non robomobiles ;
qui se sont tenus lors de séminaire de • choix technologiques de la
lancement, le 2 mai 2017, de l’atelier robomobilité (intelligence artificielle,
prospectif " La vie robomobile ". Ce big data, protocoles d’interopérabilité
document prolonge certaines pistes Machine to Machine, Vehicle to
de réflexion. Les éléments présentés Vehicle, Vehicle to Infrastructure) ;
ci-après ne sont pas exhaustifs des • sécurité ;
échanges entre les participants. • déplacement de la valeur
commerciale au sein de la chaîne de
1. Préambule valeur ;
• adaptation du cadre juridique.
Les discussions du groupe se sont
concentrées sur l’identification des Ce rapide tour d’horizon met en
contextes et enjeux qui sous-tendent la lumière l’ampleur de la transformation
robomobilité logistique. potentielle des chaînes logistiques. Les
changements ne relèvent pas du simple
Il s’agit tout d’abord de replacer ces pro- ajustement ou d’une optimisation
blématiques logistiques dans au moins incrémentale de ces chaînes logistiques.
trois contextes : Tous les maillons sont impactés.

• le contexte urbain ; 2. Signes, images,


• les flux inter-urbains ; concepts et promesses
• le fret longue distance.
de la vie robomobile
La robomobilité devrait s’insérer dans
ces trois contextes, mais les enjeux sont Plusieurs idées directrices structurent
distincts, ainsi que les acteurs et parties une vision de la robomobilité logistique.
prenantes. Nous essayons ici de les introduire en
fonction des différents maillons d’une
Pour ces trois contextes, 8 enjeux logis- chaîne logistique canonique.
tiques ont été identifiés ; ces enjeux
portent sur des maillons des chaînes Traçabilité en temps
logistiques qui seraient fortement réel
impactés par l’introduction des solutions La première idée
robomobiles : directrice ne concerne La robomobilité :
pas le transport en seulement une
• acheminement ; tant que tel. Il s’agit
• stockage ; tendance logistique
de l’exigence de
• manutention ; traçabilité et de pilotage de plus ?

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
60
intelligents des marchandises. Chaque éventuelle redistribution des cartes entre
objet doit pouvoir être identifié et tracé les modes.
en temps réel et de manière continue. Ainsi, pour l’acheminement, qui est
C’est une des briques élémentaires l’étape où les marchandises produites
de l’internet des objets, qui dessine sont introduites dans les circuits
une toile de fond dans laquelle la logistiques de distribution, les modèles
robomobilité va s’insérer et prospérer. et cas sont très différents selon qu’on
Ainsi, dès l’étape de la préparation des parle du fret longue distance, de l’inter-
expéditions (et même en amont, au urbain (inter-territoires) ou de l’urbain.
moment de la production), chaque objet
est enregistré dans le système, pour Pour le fret longue distance, cet ache-
ensuite être traçable et manipulable à
minement peut tout à fait prendre son
tout moment. La robomobilité requiertdépart du site de production, quelque
donc un changement, largement déjà part en Asie, comme cela peut être le cas
engagé et à l’œuvre, en amont, lors de
aujourd’hui. Puis, ce qui est nouveau
la pré-expédition, puis l’expédition.dans ce système robomobile, c’est le
mode de transport et l’itinéraire : par
Elargissement géographique voie maritime avec un porte-conteneurs
du champ d'action à l'échelle géant ? par voie aérienne, dans un cargo
ou un aéronef de taille intermédiaire, à
d'un continent
bord des avions de tourisme ? par voie
terrestre, en empruntant la route de la
La deuxième idée directrice concerne
soie du XXIe siècle, avec des camions
l’autonomisation du transport et une
autonomes ? Les portes d’entrée de

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
61
l’Europe et de la France au commerce Le concept de camions sans cabine
international sont traditionnellement les donne un relief particulier au principe
grands ports maritimes et les aéroports. de flexibilité. Cela ouvre la possibilité
La route peut-elle revenir dans le jeu et d’organiser des dessertes régulières et
s’imposer comme un moyen majeur des massifiées de transport de marchandises,
échanges inter-continentaux ? sans la rigidité de constituer des
" convois complets " pour l’ensemble du
Pour les flux logistiques inter-urbains, trajet. Ces nouveaux " trains de camions "
l’acheminement vers le moyen de seraient autonomes, se composeraient
stockage intermédiaire peut mobiliser et recomposeraient en fonction des
plusieurs modes et usages, dont le besoins de transport ; un module
platooning de poids lourds. Quels pourrait se raccrocher au convoi sur une
impacts sur la voirie et sur les flux ? Quel portion du trajet. On verrait également
design des véhicules contenant les mar- une évolution des entrepôts figés vers
chandises ? Ces véhicules de transport de des entrepôts mobiles, modulaires
marchandises seraient des camions sans et décentralisés. Dès lors, le système
cabine, transformables et modulaires. logistique serait constitué d’éléments
Avec ces nouvelles solutions, la de base, mobiles et modulaires, lui
logistique de distribution tendra-t-elle permettant d’adapter son organisation
à se massifier, ou assisterons-nous à un fine aux besoins de chaque territoire et
développement de la logistique en trace de chaque chaîne logistique.
directe, depuis le site de production (ou
d’importation) vers le lieu de distribution, Chaînes logistiques en 3D
voire le lieu de consommation ?
L’automatisation et la robotisation est la Pour l’étape de transport des
troisième idée directrice de cette logis- marchandises vers le lieu de distribution
tique robomobile. ou le lieu de livraison, on entre dans le
monde de la logistique urbaine. Dans
Les fonctions de manutention des la vie robomobile, ce dernier km (vers
objets (individuels ou groupés), le le point de distribution ou de livraison)
triage et dispatching des marchandises, est assuré par une myriade de nouveaux
les opérations de chargement- systèmes de transports : drones, robots de
déchargement, sont entièrement livraisons, etc. Le transport 3D est intégré
assurées par des machines, sous la aux chaînes logistiques. Cette logistique
supervision humaine ou non. Dans la multimodale en zone urbaine et pour le
vie robomobile, on imagine des chaînes dernier km est la 5e ligne directrice de
logistiques entièrement robotisées et cette logistique robomobile.
automatisées ; l’intervention humaine
se situe au niveau de la supervision et En définitive, la robomobilité est vue
du pilotage du système, mais l’homme comme un vecteur technique d’un mou-
n’effectue pas de tâche opérationnelle. vement profond de restructuration des
chaînes logistiques. Ainsi, l’internet
Une quatrième ligne directrice est celle des objets, la recherche de flexibilité,
de la flexibilité et modularité des chaînes le défi du dernier km en zone urbaine,
et activités logistiques. sont des enjeux propres à la logistique.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
62
Les quelques briques supplémentaires compatibilité et l’interopérabilité entre
apportées par la robomobilité permettent les systèmes ? Comme dans le transport
de compléter efficacement ce tableau de passagers, à qui appartiendront les
d’ensemble, du passage de la supply données de transports, quels sont les
chain à la demand chain. acteurs qui auront accès à ces données,
qui pourra les utiliser ?
Enfin, cette logistique robomobile est
avant tout une logistique assise sur
l’anticipation et la prévision. Avec le
big data, les opérateurs (logisticiens
et chargeurs) pilotent les chaînes
logistiques, à partir d’une gestion
prévisionnelle des approvisionnements,
basée sur l’analyse des données des
consommateurs.

3. Questionnements
prospectifs ? Ces deux premiers questionnements
Plusieurs questions sur le développement posent également une réflexion sur
de la logistique robomobile sont posées. l’organisation du marché du fret. Avec un
Une première question, évidente, con- déplacement de la valeur commerciale
cerne l’adaptation du cadre juridique au sein de la chaîne de valeur et de la
(normes, règlements, circulaires, etc.). chaîne logistique, plusieurs stratégies
On comprend par cadre juridique, les d’intégration sont à l’œuvre:
normes techniques, la réglementation du
travail, le cadre de régulation des trafics, - des stratégies d’intégration verticale
la fiscalité des transports. En l’absence avec des grands marchands (du web
de chauffeur dans les camions, quelle notamment), qui ont lourdement investi
sera la durée maximum de circulation, dans le contrôle et la compétitivité de
par exemple ? leur chaîne logistique ;

Un deuxième questionnement - des stratégies d’intégration horizontale,


prospectif est celui des choix avec des opérateurs logistiques qui
technologiques. Sachant que l’on se regroupent au sein d’une même
assiste à une concurrence entre offre, pour être capable de proposer
plusieurs acteurs du marché, entreprises un bouquet de solutions couvrant
historiques du secteur du transport de potentiellement tous les besoins des
marchandises, et nouveaux entrants, chargeurs et des consommateurs ;
les choix technologiques constituent
sans doute une des clés de cette bataille - des stratégies d’alliances et de mutua-
concurrentielle. A terme, existera-t-il lisation, sur certaines fonctions critiques
un seul modèle technologique, ou le (intelligence artificielle, internet des
marché pourrait-il s’organiser autour objets).
de plusieurs modèles et assurer la

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
63
La structuration du marché de la Les règles du jeu sont en train de chan-
logistique apparaît relativement ouverte. ger : quel rôle de la puissance publique,
Toutefois, le groupe pointe le risque pour éviter d’aboutir à une situation de
d’une hégémonie possible de certains monopole de fait ?
grands acteurs venant du web, qui
verrouilleraient les chaînes logistiques Les questionnements relatifs à la
en tenant des positions de domination sécurité et aux conditions de circulation
écrasante sur les maillons de la (cohabitation des camions autonomes
distribution. La robomobilité fait appel à avec les autres véhicules) sur les grands
des compétences que les " numériciens " axes et les réseaux urbains sont également
maîtrisent aussi bien, voire mieux, que soulignés dans la réflexion du groupe.
les acteurs traditionnels de la logistique.

4. Pépites prospectives (des changements


potentiellement radicaux pour le système)

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Inégalités et fractures robomobiles

Cette contribution prospective s’appuie campagne, qui va régulièrement jouer


sur les travaux du groupe " Inégalités au foot
et fractures robomobiles ", qui se sont A2 : Une personne âgée, avec une
tenus lors du séminaire de lancement, maladie chronique, vivant en ville
le 2 mai 2017, de l’atelier prospectif A3 : Un actif sourd en périurbain, dans
" La vie robomobile ". Ce document une ville moyenne
prolonge certaines pistes de réflexion. A4 : Un touriste étranger
Les éléments présentés ci-après ne sont
pas exhaustifs des échanges entre les Deux scénarios d’organisation de la
participants. robomobilité :
- La jouissance exclusive d’un véhicule
1. Préambule est fortement contrainte et un service
mutualisé de véhicules robomobiles est
L’objet du groupe était de mettre en mis en place.
évidence les inégalités susceptibles - Les services de robotaxis sont les seuls
de s’aggraver ou d’émerger avec le moyens de transport dans certaines
développement de la vie robomobile : zones en ville, mais avec une portée qui
inégalités entre les personnes, entre les s’étend au périurbain.
situations, entre les publics et acteurs.
L’objet était également d’analyser les Croisement entre les archétypes et
fractures territoriales et socio-spatiales les scénarios d’organisation de la
que la robomobilité pourrait provoquer. robomobilité.

Les travaux de ce groupe proposent une A1 : Un garçon de 12 ans, vivant à la


première contribution à cette réflexion campagne, qui va régulièrement jouer
sur les inégalités, qu’il faudra poursuivre au foot.
par d’autres actions dans le cadre de
l’atelier prospectif. On estime que ce garçon de 12 ans est
plutôt gagnant sur les trajets réguliers.
Ces derniers sont intégrés au système de
2. Signes, images, régulation des mobilités, qui planifie le
concepts et promesses passage d’un transport robomobile, pour
de la vie robomobile conduire le garçon à ses entraînements
et à ses compétitions, et pour chaque
L’exercice a consisté à croiser des arché- réservation anticipée qu’il a pu faire.
types avec des scénarios d’organisation En revanche, ces services robomobiles,
de la robomobilité. même s’ils sont bien organisés,
optimisés et régulés, ne peuvent
4 Archétypes : pas prétendre à égaler la flexibilité
A1 : Un garçon de 12 ans, vivant à la d’un véhicule totalement dédié à un

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
66
utilisateur (jouissance exclusive). Dès centre-ville et le deuxième véhicule qui
lors, pour tous les trajets non planifiés serait le robo-taxi.
de cet adolescent, on peut considérer
qu’il est plutôt perdant en termes de A3 : Un actif sourd en périurbain, dans
performance du transport ; il doit en effet une ville moyenne
attendre qu’un véhicule robomobile soit
disponible pour venir le chercher et le La mise en service des transports
conduire à sa destination. Ce ne serait robomobiles est plutôt considérée
pas le cas si un véhicule familial était comme très positive, dans la mesure où
disponible en permanence. l’offre actuelle de transports autour du
mix automobile - transports en commun
Dans le scénario du monopole des robo- non massifiés, proposée dans le
taxis en centre-ville, ce garçon n’est ni périurbain, répond très peu à ses besoins
gagnant, ni perdant, dans la mesure où de mobilité. Dès lors, un véhicule
il se rend rarement en centre-ville. robomobile augmente ses possibilités de
déplacement.
A2 : Une personne âgée, avec une ma-
ladie chronique, vivant en ville Maintenant, le caractère exclusif ou
partagé du véhicule robomobile est
Les conséquences en termes de mobilité finalement mineur dans l’évaluation
sont jugées comme neutres. Il est " gagnant/perdant " de ce profil. Le
possible que cette personne, vivant déjà groupe a considéré que ce scénario
en ville, conduise peu, voire très peu, d’organisation lui était plutôt favorable,
et ne dispose pas d’un véhicule à son en faisant l’hypothèse que la contrepartie
entière disposition. Dès lors, un modèle d’une mutualisation imposée du
robomobile qui l’inciterait (l’obligerait) système de véhicules robomobiles était
à passer par une offre mutualisée, ne forcément un développement de l’offre
serait pas très différent de l’usage des de services de mobilité. Ainsi, dans les
transports en commun ou du taxi. zones périurbaines, c’est l’espoir d’un
maillage par cette nouvelle forme de
Des impacts plutôt positifs sont relevés transports collectifs, à la fois pour les
en matière de sécurité et d’aide à la déplacements locaux et sur les grands
personne, avec l’introduction de robots- axes majeurs de déplacements.
assistants par exemple.
A contrario, le deuxième scénario
En revanche, le monopole des robo- d’organisation est perçu comme
taxis en centre-ville est considéré défavorable. Comme cette personne vit
comme négatif pour cette personne dans le périurbain, donc à distance du
âgée. Si elle ne vit pas dans centre-ville, le monopole des robotaxis
le centre-ville, son trajet complique son accès au centre-ville.
pourrait comprendre Toutefois, dans l’hypothèse où les services
la robomobilité alors des ruptures de robotaxis desservent également le
n'efface pas de charge entre le périurbain, ce scénario d’organisation
les disparités premier véhicule n’apparaît plus défavorable, à condition
territoriales d'accès qui l’emmènerait d’une réelle accessibilité de ces dessertes
à la mobilité jusqu’aux limites du avec un niveau de service proche du

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
67
véhicule privatif en termes de couverture - il serait perdant si l’accessibilité est
territoriale. complexifiée. Le défi réside dans les
contreparties promises aux usagers pour
A4 : Un touriste étranger l’abandon d’une jouissance exclusive.

Par rapport à la jouissance exclusive Le service de robotaxis en centre-ville


d’un véhicule robomobile, deux cas de est un scénario favorable aux touristes,
figure sont envisagés : dans l’hypothèse où ce service permet
une mobilité illimitée tout en faisant
- il serait gagnant si les services robomo- disparaître les contraintes du transport
biles partagés et mutualisés optimisent urbain (congestion, bruit, pollution,
effectivement l’ensemble de la chaîne stationnement, planification préalable
de déplacements, depuis l’arrivée à des déplacements).
l’aéroport (la gare) ;

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
68
Un aperçu ROBOMOBILE dans la Science-Fiction

Le RoboTaxi de Total Recall, « personnifié » par


Johnny Cab symbolise la délégation de la conduite à
des machines, qui doivent normalement rester sous
le contrôle des Humains…sauf quand ces derniers
dérogent aux règles, qui régissent les actions des ma-
chines. Dans cette fiction, le RoboTaxi, est une auto-
mobile « classique » pilotée par un chauffeur-robot;
la voiture n’est pas autonome en tant que telle. La
vie robomobile, c’est une vie avec des robots compa-
gnons, un peu têtus par endroit !

Dans le Cinquième Elément, l’imaginaire de la


ville dense et compacte est mis en scène, avec
l’introduction de la 3e dimension, dans ce qui res-
semble à des voitures volantes. On reste encore dans
une utopie automobile, où la technologie omni-
présente, devient un outil de contrôle des Hommes
par quelques hommes. Ainsi, la vie robomobile
s’apparente à une vie sous surveillance et assistance
des machines, ces machines étant des outils con-
trôlés par des humains.

Ratchet, un félin humanoïde et Clank, un robot


dôté d’idéalisme, à la suite d’une erreur de fabrica-
tion, voyagent de planète en planète, comme Kale-

69
bo III dans laquelle des véhicules volants côtoient
les gratte-ciel. Ratchet aide Clank à sauver la galaxie
contre les projets du Président Dwerk, qui exploite
Présentation de la BD « Les Mange-Bitume » (reprise et détruit toutes les planètes pour se construire une
du site bdoubliees.com) planète artificielle (sa planète natale étant surpeuplée
et polluée…).
Au début des années 70, les voitures prennent de plus
en plus de place dans la vie des hommes. Ils passent de Le film d’animation « Le Château dans le Ciel » nous
plus en plus de temps dans les embouteillages. Le temps emmène dans un voyage vers la légèreté, à la fois de
passé dans les voitures finit par devenir plus important la vie et des mobilités qui la traversent. Dépassant
que le temps passé ailleurs. L’humanité s’organise pour rendre plus agréable la vie dans les voitures. l’utopie de la technologie, source inépuisable de pro-
Les dirigeants du monde de l’époque décident de favoriser la voiture et de construire de plus en plus grès, c’est le retour aux sources, à la Nature, qui est
de routes. Les humains deviennent des conducteurs qui passent leur vie dans des voitures de plus en matérialisé, par cette ville volante. Dans la SF Japo-

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


plus sophistiquées. naise, les véhicules volants n’ont plus de roue ; ils
Les mange-bitume sont des histoires courtes en une dizaine de pages. Dans la première série sont le prolongement mystique de l’Homme, qui re-
d’histoire, on partage la vie de deux policiers, les sergents Holster et Baudrier. On y découvre avec nouerait avec une liberté perdue, dans les sociétés
eux la vie quotidienne des “rouliers” : la solitude, les problèmes techniques, l’agriculture... Les derni-

Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017


modernes et urbaines d’aujourd’hui. Dès lors, la vie
ers épisodes montrent l’évolution des machines qui prennent de plus en plus de pouvoir. robomobile est paradoxalement, une vie où les ma-
Les auteurs de la série sont le dessinateur José Bielsa et le scénariste Jacques Lob. Un album des chines prennent moins de place, grâce à une émanci-
mange-bitume est paru en 1974 aux éditions Dargaud. Il a été réédité en 1983 aux éditions du cygne. pation des hommes face à la technique.

La littérature jeunesse aborde également cet imagi-


naire robomobile, sans le nommer en tant que tel.
Dans Zapland, le numérique a envahi tous les pans
de la vie quotidienne, avec des robots, des robotaxis
volants et roulants et des téléports. Pour autant, les
Crédits (reproduction interdite ; utilisation non commerciale) enfants dans cette ville en 2052 ont les mêmes
Partie droite de l’affiche, de haut en bas et de gauche à droite : « problèmes » qu’aujourd’hui : suivre les consignes
> Total Recall, réalisé par Paul Verhoeven, sorti en 1990
> Le Château dans le Ciel, réalisé par Hayao Miyazaki du studio Ghibli, sorti en 1986 à l’école, manger des légumes et trouver les moyens
> Le Cinquième Elément, réalise par Luc Besson, sorti en 1997 coûte que coûte de transgresser les règles du monde
> Zapland, roman jeunesse de Marie-Aude Murail, illustré par Frédéric Joos, édité par la « Mouche de l’école des loisirs » en 2016
> Ratchet and Clank, jeu-vidéo, développé par Insomniac Games et édité par Sony Computer Entertainment. des adultes (et parents).
Conception/réalisation STRATYS, pour le séminaire de lancement de l’atelier prospectif “ La vie robomobile ”

Affiche La vie Robomobile V2.indd 1 25/04/17 13:02


Synthèse des impacts
de la vie robomobile

Cette partie propose une liste de synthèse des impacts de la vie robomobile identifiés
par les 7 groupes sur quatre dimensions :

• mutations économiques, emplois et métiers ;


• modes de vie et comportements ;
• cadre institutionnel et réglementaire, modes de régulation ;
• environnement, énergie, climat.

Cette synthèse ne prétend pas balayer l’ensemble des impacts de la vie robomobile
sur ces quatre dimensions, ni proposer une vision globale de ces impacts, ou révéler
les impacts principaux. Il s’agit plutôt d’une première liste, à affiner, approfondir et
enrichir, au fil des travaux de l’Atelier Prospectif.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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EXEMPLES DE SECTEURS D’ACTIVITÉ IMPACTÉS
PAR LA ROBOMOBILITÉ

■ Automobile

> Chute (en volume) des ventes d’automobiles et de poids lourds, mais
émergence de nouveaux modèles de cycle de vie des véhicules. Moins de véhicules
en circulation, mais plus de km parcourus ? Quel modèle économique pour le
producteur de véhicule robomobile ? Pour l’opérateur du service robomobile ?
Les constructeurs automobiles réussiront-ils leur mue en vendeurs de services ?
Avec une généralisation d’un modèle basé sur l’usage plus que sur la propriété,
quelle restructuration du marché de l'occasion et des activités de réparation
automobile

■ Secteur de l'assurance (de la robomobilité)

> Prise en charge de nouveaux risques dans le secteur de l’assurance :


cybersécurité, fonctionnement de la smart city (capteurs, équipements).
> Développement de nouveaux services

■ Services itinérants : coiffeur mobile, bureau mobile, hôtel mobile, commerce


mobile, etc.

■ Nouveaux métiers liés à la résilience des systèmes d’information et de gestion


intelligente des trafics.

IMPACTS SUR LES EMPLOIS, LES MÉTIERS


ET LES MODES D’EXERCICE

■ Métiers menacés de disparition

> La conduite 100% autonome détruit les emplois des professionnels de la


route : une " espèce en voie de disparition ". La transition risque d’être turbulente,
car rapide et ne proposant pas d’alternative : suppression des emplois de chauffeurs
routiers et autres manutentionnaires, fin des chauffeurs taxis et de VTC.

■ Nouveaux métiers ou métiers en développement

> L’accès à une mobilité à haute performance et bon marché contribue


au développement touristique des territoires, à l’élargissement géographique
des marchés touristiques (accès à une offre plus diversifiée pour les touristes, et
diversification de la clientèle pour les territoires/entreprises du tourisme).

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
71
> La multiplication de formes de mobilité et la cohabitation des différents
modes, en particulier dans des espaces délimités (rue, route, pôle d’échange), avec
le développement du transport aérien, exige la création de nouveaux métiers pour
assurer la sécurité des déplacements et transports. Les enjeux de sûreté face aux
risques de malveillance, de criminalité ou terrorisme, soutiendront la demande
d’expertise dans ce domaine.

> Les progrès des machines (+ intelligence artificielle) vont stimuler le


repositionnement des activités humaines, avec l’hypothèse d’un regain des services
à la personne, qui requiert une sensibilité humaine et une adaptation très fine aux
situations, vis-à-vis desquelles le robot humanoïde demeurera limité par nature, et
par conséquent les être humains préféreront des être humains pour ces tâches.

■ Organisation du travail

La vie robomobile s’accompagne d’une démultiplication du temps (moins de temps


à conduire, des temps de trajet réduits, une optimisation des mobilités qui contribue
à moins de temps en déplacement) : il devient alors possible pour les individus de
combiner, cumuler plusieurs jobs (par nécessité ou envie).

Les performances du transport robomobile élargissent le périmètre géographique du


marché du travail, avec la possibilité pour les entreprises de recruter de plus en plus
loin, mais aussi l’option de la délocalisation des activités, à partir du moment où
ce transport robomobile efface en partie les distances. Pour les filières industrielles,
le transport robomobile relie les différents sites de production à moins de 24h. A
moins de 24h, d’où qu’on se situe en France, on traverse facilement le continent,
voire plus (Turquie, Maghreb, Russie).

On imagine que la vie robomobile a donné toute sa place au télétravail, aux formes
de travail à distance du lieu de l’employeur.

IMPACTS SUR LE RAPPORT AU TEMPS ET À L’ESPACE

■ Temps

La maîtrise du temps, le contrôle des temps se révèle une des caractéristiques


principales qu’on prête à la vie robomobile. Les individus, non seulement récupèrent
du temps libre, mais plus encore décident de l’organisation de leur journée et
maîtrisent mieux leur emploi du temps. Ces gains de temps sont récupérés grâce à
la non-conduite et à l’amélioration de la performance des transports.

Mais que faire du temps gagné ? Ces temps vont-ils être réinvestis dans la mobilité,
pour aller plus loin, se déplacer plus fréquemment ?
Ces temps gagnés vont-ils être utilisés pour d’autres activités ?
Pour le fret, la robomobilité facilite le transport de nuit, les livraisons de nuit ou

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
72
le week-end. Cela ouvre la voie à d’autres rythmes pour la ville, avec une césure
moins nette éventuellement entre le jour et la nuit.

■ Espace

La robomobilité libère des espaces (par exemple stationnement, zones logistiques,


voirie), mais, comme pour le temps gagné, comment vont-être réutilisés ces espaces
récupérés ? Vers une " resocialisation ", au sens où des aménagements pour qualité
de vie, le vivre ensemble, pourraient s’y déployer ?

A contrario, on pourrait assister à une hypermobilité qui contribuerait à la saturation


des espaces. La robomobilité redonne des marges de manœuvre à la gestion des
réseaux, mais ces réseaux n’ont pas une capacité illimitée.

■ Inégalités / ségrégation

Beaucoup d’inquiétudes et de craintes sur la couverture territoriale des services


robomobiles. Compte tenu des investissements éventuels pour réunir les conditions
d’une robomobilité fiable et sûre, il peut exister des problèmes de dessertes des
zones non rentables : les nouvelles " zones blanches " ?

Pour les zones desservies en revanche, la vie robomobile permettrait l’accès


universel et gratuit aux transports en commun. Les gains de productivité seraient
tels que les transports publics seraient en mesure d’offrir gratuitement à tous ces
services robomobiles.

IMPACTS SUR LES RAPPORTS SOCIAUX,


LES COMPORTEMENTS

■ Confiance

Quelle adoption de ces innovations par le grand public ? La question de la


confiance dans la sécurité de ces nouveaux services apparaît centrale. L’enjeu de
l’acceptation recouvre en partie cette notion de confiance dans la technologie, en
l’élargissant à d’autres considérations, comme la fiabilité, le confort, le coût, etc.
La question de la confiance concerne à l’évidence les enjeux de protection de la
vie privée, dans une vie robomobile perçue comme étant un aspirateur géant de
données personnelles qui alimente des boîtes noires, tant sur l’exploitation à des
fins de régulation de la mobilité, que pour servir d’autres utilisations, commerciales
notamment.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
73
Le caractère potentiellement inéluctable de cette transition robomobile, laissant en
apparence ou dans les faits, peu de choix, peu de marge d’adaptation individuelle,
pourrait provoquer des mouvements de résistance citoyenne ou plus radicale.
Les impacts en termes de destruction d’emplois peuvent également nourrir une
contestation sociale virulente de la part des professions concernées.

■ Normes/Règles sociales

Les règles explicites ou implicites de circulation piétonne ou de circulation des


véhicules, dans les rues (routes et trottoirs) : besoin de repenser le code de la route
et de la rue ?
La détention d’un permis de conduire sera-t-elle exigée pour emprunter un service
robomobile ? Quelles exigences seront requises (certificat d’aptitude, test à bord,…) ?

■ Usage vs Propriété

Les usages de la vie robomobile sont pensés comme des usages forcément
collaboratifs, basés sur le partage et la mutualisation.
Le véhicule autonome suscite une fascination par rapport à l’objet lui-même, au-
delà des usages qui peuvent en être faits.

■ Collectivisation / individualisme ?

Plus ou moins d'individualisme ? Les " gains " de liberté individuelle vont-ils nourrir
des comportements de plus en plus individualistes ? En même temps, l’organisation
par principe collective de la robomobilité implique une collectivisation accrue de
l’offre de transports.

IMPACTS SUR LE CADRE INSTITUTIONNEL ET


RÉGLEMENTAIRE, LES MODES DE RÉGULATION

■ Régulation

Importance de la régulation des flux (juge de paix / arbitrage / gouvernance).

Génération de surmobilité (le juste à temps est un " pousse au crime " dans le
domaine de la logistique).

■ Numérique et systèmes d’information.

Billettique ? Vers une tarification unique des services de transports à l’échelle d’un
grand territoire ? Ou vers une tarification au service rendu (au km parcouru) ?

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74
■ Règlementation

Un besoin d’adaptabilité et de réactivité de la réglementation " en temps réel ", pour


suivre le rythme des innovations et les impacts organisationnels et économiques
sur les secteurs et filières. Toutefois, le dosage entre le laisser-faire et l’encadrement
réglementaire est subtil ; attention à ne pas trop réglementer, ou trop vite, et de tuer
l'innovation, ou de laisser les autres pays innover à notre place.

Quelle assurance? Qui assure quoi et qui ?

■ Financement / modèle économique

Paiement à l'usage ou Forfait mobilité ?

Fiscalisation des nouveaux usages, notamment pour le cas de l’électromobilité de


la robomobilité, qui n’est pas soumise à la fiscalité actuelle sur les carburants.

Quelle viabilité économique en zone rurale ? Le modèle robomobile peut-il pallier


la faible densité de population (et donc d’usagers et clients) ? Si les dessertes ne
sont " commercialement " rentables en termes de fréquentation, des mécanismes
de solidarités inter-territoriales, de péréquation, sont-ils envisageables ? En tout cas,
une couverture massive des zones rurales n’apparaît pas forcément comme une
évolution évidente. Ce raisonnement serait d’ailleurs valide pour les villes ; les zones
urbaines seront-elles toutes équipées pour ces dessertes de services robomobiles ?

ENJEUX ET DÉFIS ENVIRONNEMENTAUX,


ÉNERGÉTIQUES ET CLIMATIQUES

VA a priori = plus de mobilité, mais (à espérer) des VA plus " verts "

Un amalgame se fait entre la robomobilité et l’électromobilité (ainsi qu’avec la


mobilité partagée), qui installe l’idée d’une fusion des deux (trois) concepts :
Autonome = Electrique = Partagé => Vert (décarboné, décongestionné, silencieux,
sans odeur…).

IMPACT SUR LE TERRITOIRE

Etalement urbain vs centralisation et densification : de grandes incertitudes portent


sur les conséquences de la robomobilité sur les formes urbaines. D’un côté, la
robomobilité améliore les performances du transport, donc permet d’aller plus loin
dans un même budget temps, ou d’aller plus loin avec un budget-temps en mobilité
en augmentation mais occupé à d’autres activités à bord.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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D’un autre côté, l’organisation de ce système robomobile nécessite une structuration
fine des réseaux autour de nœuds, de pôles, d’artères principales et secondaires, ce
qui va contribuer à une hiérarchisation de l’espace entre des centralités, des pôles
et des zones moins denses.

Une voie de valorisation des espaces récupérés sur la voirie : un levier pour la re-
végétalisation des villes ?

Partagé / propriétaire

Régulation terrestre : véhicules partagés

Régulation aérienne : véhicules individuels

Fret

Le transfert modal n’est plus un objectif à partir du moment où le transport routier


est réellement optimisé (taux de remplissage), moins consommateur d’énergie,
moins générateur d’externalités négatives comme les pollutions, la saturation des
réseaux, voire l’usure des infrastructures.

Consommation responsable et destruction créative des filières polluantes.

Résilience : itinéraires alternatifs (communications, routes) la gestion intelligente


des itinéraires de transport de marchandises permet une optimisation en temps réel,
qui limite les km parcourus, la consommation d’énergie, les temps de transport.

Au final, quelle empreinte énergétique de la robomobilité ?

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Atelier prospectif “ La vie robomobile ”
Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Conclusion

Voilà : dans le cadre construit du séminaire de fondation de l’Atelier prospectif


" La vie robomobile ", 80 experts de toutes disciplines et milieux professionnels ont
exploré ensemble sept images, sept facettes de la future vie robomobile qui nous est
annoncée : un futur où voyageurs et marchandises circuleront ou circuleraient prin-
cipalement en mode automatisé, à un horizon indéterminé. Sept facettes, à savoir :
la ville robomobile, le temps robomobile, la gouvernance de la robomobilité, les
territoires robomobiles, la résistance à la robomobilité, la robologistique, les frac-
tures de la robomobilité.

L’avènement d’un monde robomobile (ou d’un Nouveau monde robomobile limité,
car tous les continents, tous les territoires, tous les réseaux de transport ne seront
pas égaux à l’égard de technologies gourmandes en infrastructures publiques), cet
avènement est-il assuré ?
A l’évidence, le sentiment dominant chez les sachants est que oui.
Ce consensus est-il probant ?
Probablement, non : même entre les dits " sachants ", ce consensus est tissé de
suivisme, d’opportunisme, de " panique " concurrentielle ou existentielle (pour des
secteurs ou métiers menacés), de stratégie corporate, plus que de vision vraie.
Sur la courbe des analystes, la fortune médiatique de l’innovation " voiture auto-
nome " pourrait rapidement avoir atteint son point haut et l’engouement basculer
dans le fameux creux du désappointement où sombrent les innovations trop an-
noncées, certaines pour connaître ensuite un vrai redécollage au rythme de la tech-
nologie, d’autres sans retour. On n’aurait produit au final qu’une offre limitée à des
niches spécifiques et porteuses : aides à la conduite très avancées, gains de cadence
dans les TC intermédiaires, livraisons à basse altitude de colis de haute valeur dans
des zones isolées… mais sans atteindre le Big Bang de la non-conduite généralisée.
La question de la valeur vraie pour l’usager (ici, disons, le conducteur autosoliste
lambda) reste béante, et c’est une clé : au final, l’ergonomie de la robovoiture
particulière dépassera-t-elle celle de la cabine de l’avion en classe économique,
mauvais espace de travail, mauvais espace de récréation, une place de contrainte
et d’inconfort peu désirable ? La convivialité du robotaxi partagé dépassera-t-elle
celle de l’ascenseur dans une tour de bureaux ? Sa sûreté celle d’un RER de grande
banlieue aux petites heures ? Sa sécurité dépassera-t-elle les impressionnantes per-
formances de sécurité dont le trafic routier avec conduite humaine s’est montré
capable quoi qu’on en dise ? Etc.

Atelier prospectif “ La vie robomobile ”


Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Les discours sur le véhicule autonome s’habillent aussi de l’air du temps, emprun-
tant des vertus non spécifiques : il sera propre et sobre ; il sera électrique forcément,
éventuellement à hydrogène ; il sera forcément partagé ; il sera bien sûr mutualisé
et proposé via des modèles serviciels ; il stationnera peu, (et, juste pour rire : sur les
espaces urbains ainsi libérés s’épanouiront potagers urbains et jeux d’enfants…) ;
etc. Bref, on s’inscrit dans toutes les tendances lourdes déjà à l’oeuvre par ailleurs,
découlant à la fois des enjeux globaux et de l’évolution des pratiques des ménages
urbains soumises aux nouvelles pressions et aux nouvelles opportunités de la so-
ciété digitale. Intrinsèquement, rien de tout cela n’est subordonné à l’automatisme
de la conduite. Tout cela progressera sans doute, robomobilité ou pas.
Au contraire, la robomobilité, en effaçant les temps de trajet, en évacuant les con-
traintes sociales liées à la conduite humaine comme travail, est parfaitement sus-
ceptible de rouvrir une ère d’expansion des mobilités, voyageurs comme fret. Si
propreté, sobriété, électrification, etc. ne sont pas au rendez-vous : danger absolu !
Enfin, pour ceux d’entre nous qui sont des spécialistes des mobilités, de l’urbanisme
ou de l’aménagement, gare au nombrilisme. A travers nos lunettes transport, nous
voyons spontanément le Projet robomobile comme singulier, spécifique, autopor-
té… et l’analyserions bien comme tel. Il n’en est rien. Il s’inscrit dans un continu-
um post-industriel d’automatisation/robotisation des services au consommateur :
domotique (en passant, un bel exemple de disruption annoncée qui a longtemps
et beaucoup déçu) ; aides à la personne, notamment aux seniors ; santé ; sûreté
domestique ; monétique ; téléphonie (!) ; multimédia ; nouveaux assistants de vie
diversement humanoïdes. Méfions-nous donc des raisonnements transport-cen-
triques. Bon, notre Atelier prospectif devrait en être prémuni par construction, tant
nous l’avons voulu divers. Il faudra renforcer et maintenir cette distanciation sur la
durée.
En parcourant ces Actes, le lecteur aura pris la mesure des mutations qui sont exi-
gées ou engendrées par le Projet robomobile refaçonnant la société : à la fois par
l’intensité de ces changements, pour certains par leur radicalité, et surtout par le
caractère systémique des transformations (imaginables) de l’économie de la so-
ciété, des territoires et des mobilités. Par la disqualification, parfois par l’implosion
de grands cadres fondamentaux (économiques, institutionnels, régulatoires, tech-
niques, de métiers, domestiques) qui s’imposeraient sur le chemin.
Ces Actes n’apportent pas de réponses, ni fermes, ni floues. Ils n’expriment pas de
vision unique quant au futur robomobile : ils questionnent plutôt nos schémas men-
taux d’appréhension du futur (subir ou saisir, subir ou anticiper ?). Ils ouvrent des
pistes de travail où les associés au sein de l’Atelier vont se risquer collectivement
dès les prochains mois, et qu’ils cartographieront durant quelques bonnes années.
Parfois par des travaux collectifs autoportés, parfois par des projets partenariaux,
parfois par le partage de captations externes. Avec le challenge vital d’ouvrir vite et
grand l’Atelier prospectif à l’international, en l’inscrivant dans des réseaux de pairs
existants ou à tisser. Dès la rentrée 2017 sont proposés de nouveaux rendez-vous
de l’Atelier, à des échelles diverses, pour poser les méthodes de travail, ensemencer
via une première volée de travaux de recherche ou d’expertise et assurer durable-
ment cette dynamique.

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Annexe 1 - Programme de l'Atelier prospectif

Atelier prospectif « La vie robomobile »


Séminaire de lancement
Lieu et date : Auditorium de la Tour Séquoia, La Défense, le 2 mai de 9h30 à 17h

Programme

9h00 – Accueil des participants

9h30 – Introduction / l’atelier prospectif “la vie robomobile” : pour quoi ? comment ? (MG, CGDD/DRI)

10h – Prospective immersive pour raconter, représenter et questionner la vie robomobile, en se plaçant dans
un futur lointain où cette vie robomobile est une réalité
Plusieurs groupes constitués à l’avance travailleront en parallèle (dans 7 salles de la Tour Séquoia) autour de
l’imaginaire de la vie robomobile, chacun sur un thème imposé. Quelques pistes de questionnements : quels
visages d’un territoire robomobile, urbain comme rural ? quelles tranches de vie dans une société robomobile
(récit d’une journée) ? quelle structuration des déplacements et quelle organisation des mobilités dans un
système robomobile ? quelles déviances, incivilités, usurpations de la vie robomobile ? quelle vie pour un individu
réfractaire aux modes de vie robomobile, quelles cohabitations avec les mobilités douces ? quel parcours et
itinéraire d’une marchandise dans un marché robomobile ? quelles inégalités et fractures robomobiles ?
Chaque groupe travaillera à partir d’un matériau de départ fourni, reflétant une situation actuelle de référence et
rendra son livrable dans le même format (selon le cas : un plan d’aménagement, un récit de journée, etc. avec
des variantes s’ils le souhaitent).

Dans un deuxième temps, chacun de ces groupes mettra en évidence, sous forme d’une courte série de simples
mots-clés, les « enseignements » ou les « alertes » qu’il retire de cette exploration du futur, en matière d’évolution :
des métiers ; des cadres institutionnels ; des modes de régulation ; des systèmes de valeur ; des comportements…
ainsi qu’au regard des enjeux et défis énergétiques, environnementaux et climatiques. Problématique de fond :
quels sont les cadres et modèles fondamentaux de nos sociétés susceptibles d’être disqualifiés ou explosés par
les dynamiques de la robomobilité ? en s’attachant à identifier des effets généralement insoupçonnés ou très
peu documentés.

12h30 – Déjeuner commun (buffet-panier, au Foyer de l’auditorium)


Activités à la carte (club ciné, expo-photo, illustrations, posters, networking, …)

13h45 – Partage des images du futur de la vie robomobile


Restitution des travaux initiaux des groupes du matin (sous forme de poster-session tournante dans les
coursives de l’Auditorium)

14h15 – Emission radio/vidéo en live « La vie robomobile : un changement inéluctable ?! quels défis pour
l’action publique … ? »
En direct de l’auditorium de la Tour Séquoia, un artiste-designer, une cadre du secteur de l’assurance, une
responsable d’un incubateur d’innovation territoriale, un responsable de la recherche à l’OCDE et un expert
des transports intelligents1, débattront avec le public de l’émission.
Ces échanges seront rythmés et ponctués par des pastilles humoristiques, des témoignages, des chroniques
ou des éditoriaux (assurés notamment par des chercheurs de l’IFSTTAR), des flash info, des interviews, des
intermèdes musicaux et surtout, dans la séquence finale, les questions des auditeurs
1
A savoir : M. Serge Salat, architecte et designer / Mme Lethicia Rancurel, directrice du TUBA, incubateur d’innovation
territoriale de la métropole de Lyon / Mme Cécile Wendling, directrice de la prospective, Axa / M. José Viegas
Secrétaire général, ITF/OCDE / M. Louis Fernique, chef de la mission des transports inteligents, MT/DGITM/SAGS

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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16h – Quels impacts de la vie robomobile ?
Restitution des enseignements tirés des travaux de deuxième séquence des groupes du matin : impacts sur
les métiers, les cadres institutionnels, les modes de régulation, les comportements, les émotions, les enjeux et
défis environnementaux. Sur la base d’une consolidation du jeu de mots-clés produits le matin.

16h30 – Clôture de l’atelier (LF, DGITM)


Retour sur les lignes de force des réflexions de la journée, mise en perspective des travaux de l’atelier
prospectif et présentation des actions prévues en 2017-2018

NB : les débats seront intégralement enregistrés en vidéo et exploités comme matériau de base des Actes du
séminaire de lancement, le premier livrable de l’Atelier.

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Annexe 2 - Liste des participants

Anne Aguilera (IFSTTAR)


Patrice Aknin (IRT SystemX)
Isabelle Andrivon (MTES/DGITM/SAGS)
Jean-Baptiste Autissier (MTES/DGITM/SAGS/MTI)
Joffrey Becker (INRIA)
Steve Bernardin (LATTS)
Véronique Berthault (RATP)
Serge Bossini (MTES/CGDD/DRI)
Guy Bourgeois (ex-INRETS)
Pierre Brender (MTES/CGDD/SEEI/MA1)
Jean-Marie Burkhardt (IFSTTAR)
Grégoire Carrier (CEREMA)
Nathalie Cecutti (MTES/CGDD/DRI/Prospective)
Thierry Chanard (Bluewin)
Benoit Chauvin (GART)
Marion Clerc (Chronos)
Jean-Claude Cohen (Stratys)
Dominique Colin de Verdière (Académie de l'air et de l'espace)
François Combes (IFSTTAR)
Yuna Conan (Institut pour la ville en mouvement)
Yves Crozet (LAET)
Humbert David (Passagers des villes)
Charlotte de Broglie (ForTheFuture)
Ghislain Delabie (OuiShare)
Victor Dolcemascol (MTES/DGITM/DST)
Arnaud Dufournel (LAET)
Louis Fernique (MTES)
Olivier Fourcadet (ESSEC)
Philippe Gache (LUTB)
Nathalie Granes (Région IdF)
Marie-Axelle Granié (IFSTTAR)
Jean Griebert (Renault)
Michèle Guilbot (IFSTTAR)
Marion Gust (MTES/CGDD/DRI/SR/Transports)
Abdelmename Hedhli (IFSTTAR)
Geoffroy Hermann (MinEcoFin/DGE)
Suzanne Hoadley (POLIS NETWORK)
Jean-Paul Hubert (IFSTTAR)
Florence Huguenin-Richard (Université Paris Sorbone)
Denis Huneau (MTES/CGEDD)
Bernard Jacob (IFSTTAR)
Patricia Jonville (VEDECOM)
Arantxa Julien (MTES/CGDD/DRI/SR/Transports)
Arnaud Julien (KEOLIS)
Michel Julien (MTES/CGDD/DRI/SR/Transports)

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Adeline Karampounis (Lab Ouishare)
Olivier Klein (ENTPE)
Daniel Kopaczewski (MTES/DGEC)
Jean-Bernard Kovarik (IFSTTAR)
Elise Layec (Renault)
Nicolas Le Berre (NewCitizen)
Barbara Lenz (Head of the Institute of Transport Research)
Christian Long (Stratys)
Eric Louette (MTES/DGITM/SAGS/MTI)
Eric Magdelenat (MTES/AQST)
Madeline Malhaire (Passagers des villes)
Frédéric Martinez (IFSTTAR)
Jean-Paul Medioni (Ubi transports)
Anne Meyer (UTP)
Pierre Musseau (Ville de Paris)
Olivier Orfila (IFSTTAR)
Julien Pasquier (Vinci Autoroutes)
Olivier Paul-Dubois-Taisne (IESF)
Laurie Périgaux (Doctorante SIC)
Hervé Philippe (MTES/DGITM/SAGS/MTI)
Gabriel Plassat (ADEME/Fabrique des Mobilités)
Erwan Poumeroulie (FNTR)
François Poupard (MTES/DGITM)
Jakob Puchinger (IRT SystemX)
Lethicia Rancurel (TUBA)
Emmanuel Raoul (MTES/DGALN)
Charles Raux (LAET)
Dominique Rouillard (Ecole Architecture Malaquais)
Serge Salat
Benoit Sarazin (Expert Stratys)
Matthieu Saujot (IDDRI)
Alain Sauvant (MTES/CGEDD)
Panayotis Stoicos (ADA)
Ilangovane Tambidore (MT/DGAC)
Hélène Tattegrain (IFSTTAR)
Pascal Teribel (ATEC - ITS France)
Philippe Toussaint (MESR/DGRI)
Guillaume Uster (IFSTTAR)
Philippe Vézin (IFSTTAR)
José Viegas (FIT / OCDE)
Cécile Wendling (AXA)
Joël Yerpez (IFSTTAR)

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Actes du séminaire de fondation du 2 mai 2017
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Le séminaire de fondation de l’Atelier prospectif " La vie robomobile " s’est tenu à La Dé-
fense le 2 mai 2017. Ce volume constitue le premier volet des Actes de ce séminaire. Il
valorise les travaux de la matinée, où 80 experts de toutes disciplines et milieux profession-
nels ont exploré ensemble sept images, sept facettes de la future vie robomobile qui nous
est annoncée : un futur où voyageurs et marchandises circuleront principalement en mode
automatisé, à un horizon indéterminé.
Sept facettes donc, à savoir : la ville robomobile, le temps robomobile, la gouvernance de
la robomobilité, les territoires robomobiles, la résistance à la robomobilité, la robologis-
tique, les fractures de la robomobilité.
En parcourant ces Actes, le lecteur prendra la mesure des mutations qui sont exigées ou
engendrées par le Projet robomobile refaçonnant la société : à la fois par l’intensité de ces
changements, pour certains par leur radicalité, et surtout par le caractère systémique des
transformations (imaginables) de l’économie, de la société, des territoires et des mobilités.
Par la disqualification, parfois par l’implosion de grands cadres fondamentaux (écono-
miques, institutionnels, régulatoires, techniques, de métiers, domestiques) qui s’imposeraient
sur le chemin.
Ces Actes n’apportent pas de réponses, ni fermes, ni floues. Ils n’expriment pas de vi-
sion unique quant au futur robomobile : ils questionnent plutôt nos schémas mentaux
d’appréhension du futur (subir ou saisir, subir ou anticiper ?). Ils ouvrent des pistes de
travail où les associés au sein de l’Atelier vont se risquer collectivement dès les prochains
mois, et qu’ils cartographieront durant quelques bonnes années.

CONTACTS

• Louis Fernique • Christian Long


Mission des transports intelligents, DGITM / MTES-MT Stratys
01 40 81 14 13 06 09 57 94 79
louis.fernique@developpement-durable.gouv.fr christian.long@stratys.net

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