Professional Documents
Culture Documents
Le contenu de ces Actes du séminaire de fondation du 2 mai de l'Atelier Prospectif " La vie robomobile "
n'exprime ni la position officielle, ni un quelconque avis sur le véhicule autonome ou la robomobilité,
de la part du Ministère de la Transition écologique et solidaire ou du Ministère des Transports.
Toutes les idées exprimées dans ce document visent avant tout à alimenter une réflexion collective sur
les futurs de la robomobilité. Ainsi, les propos n'engagent ni les participants du séminaire de fondation,
ni les contributeurs à la rédaction de ces actes.
• Avant-propos 4
• Introduction 6
• Organisation et gouvernance de
mobilité dans un territoire robomobile 35
• Conclusion 78
• Annexes 80
Une vague d’innovations radicales autour de la mobilité sans conducteur s’est levée
et se propage depuis près de cinq ans déjà à l’échelle de la planète. Elle véhicule de
nombreuses promesses d’avantages pour la mobilité fret et voyageurs, diversement
crédibles : sécurité routière, désaturation, libération des temps de trajet, bond de
productivité dans le transport routier de marchandises, émergence de chaînes logistiques
totalement intégrées, efficience environnementale, accessibilité des seniors, desserte des
territoires peu denses.
Les enjeux technologiques et économiques sont immenses, non seulement par le poids
du secteur automobile, en France comme dans le monde, mais aussi et surtout par celui
des nouveaux écosystèmes, naissants et encore mouvants, du véhicule autonome, où
d’autres acteurs très lourds sont directement à la manœuvre, dans le très vaste champ
du numérique. Pour certains d’entre eux, non les moindres, le secteur des mobilités
n’est qu’un champ d’expansion de plus pour un continuum de services enveloppants ;
et le véhicule à moteur juste une possible interface universelle de plus avec l’individu-
consommateur, après le téléphone, la montre ou les lunettes (intelligents, bien sûr).
L’homme augmentable façonné par ses augmentateurs (et ici, la maîtrise de la mobilité
au regard de ses impacts sur l’environnement et sur le climat ne sont pas forcément en
tête d’agenda ; c’est l’économie de la donnée qui conduit le jeu).
Cette liste est loin d’être exhaustive ; il est difficile de voir quels seraient les pans de la
vie en société qui ne seraient pas impactés fortement par le développement voire la
domination d’un nouveau mode de vie, que nous appellerons désormais la robomobilité.
Nos pouvoirs publics oeuvrent aux côtés des acteurs économiques français pour saisir
les opportunités générées par les mutations productives de pans entiers de l’économie
française. Le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES) et son associé le
Ministère des Transports (MT) reprennent au bond l’initiative, préparée dès 2016, d’une
démarche prospective donnant une place prépondérante aux thématiques sociétales et
territoriales, questionnant les politiques publiques pour accompagner la révolution socio-
technique de la robomobilité. Il s’agit en effet, d’une révolution (une séquence accumula-
tive de disruptions) ; mais une révolution potentielle, car à ce jour, aucune certitude ni
sur l’horizon (10 ans, 20 ans, 30 ans, 40 ans ?), ni sur la portée effective de cette vague
d’innovations, n’est assurée. Pour autant, c’est bien une révolution à la fois très annoncée
et largement admise ; très à l’avance en réalité, un cas relativement rare dans l’histoire
récente du progrès technique, gouvernée par l’opportunisme et la sérendipidité.
Cette initiative des pouvoirs publics se traduit par le lancement d’un " Atelier prospectif :
La vie robomobile ". Cet Atelier Prospectif a dans son ADN trois traits constitutifs : vision
large, approche systémique, angle prospectif. Son intitulé marque une volonté de travailler
la question du changement des modes de vie à l’ère de la robomobilité, tout comme de
l’influence des modes de vie sur les usages et formes de la robomobilité.
Ce document constitue la première partie des " Actes " du séminaire de fondation de
l’Atelier Prospectif " La vie robomobile ", qui s’est tenu le 2 mai 2017, avec la participation
de plus de 80 experts venant d’horizons différents et présentant une grande diversité des
sensibilités personnelles et de cultures professionnelles. Ils forment le premier tome d’une
collection " La vie robomobile ", qui s’enrichira au fil des travaux de l’Atelier Prospectif et
des initiatives auxquelles il pourra s’associer et que nous souhaitons nombreuses.
Le séminaire de fondation de l’Atelier prospectif " La vie robomobile " a réuni plus
de 80 experts le 2 mai 2017. Ce document restitue les travaux des groupes du matin
qui ont travaillé sur les sept sujets suivants :
L’après-midi, une table ronde s’est tenue autour du questionnement " La vie
robomobile : un changement inéluctable ? Quels défis pour l’action publique ? ".
Ce premier volet des Actes ne relate pas directement les échanges de la table ronde,
qu’un autre format (multimédia) valorisera en complément.
Dès lors, la formalisation des travaux des groupes thématiques met l’accent sur le
" comment " de la vie robomobile, son visage, ses usages, son expérience projetée,
imaginée et rêvée, et moins sur le " pourquoi " (facteurs de réussite, conditions
techniques, etc) ou sur le " quand ". L’objet des groupes n’était pas d’étudier la faisabilité
ou la plausibilité d’une généralisation de la robomobilité. L’objectif était d’essayer de
décrire des bribes d’un futur où la robomobilité est dominante, pour ensuite les
interpréter au regard d’enjeux sociétaux, de gouvernance, de développement territorial,
etc.
Ces actes du séminaire de lancement de l’Atelier prospectif " la vie robomobile "
sont ainsi organisés en plusieurs volets :
Le choix éditorial a été de respecter le découpage par thème des groupes du matin.
Il est évident que de nombreux sujets se recoupent et il est possible que le lec-
teur tombe sur quelques redondances au fil du document. La matière produite par
le séminaire de lancement sera également valorisée sous d’autres formats, avec
une volonté de prolonger certaines pistes de réflexion dans les travaux à venir de
l’Atelier prospectif.
Ces actes forment une première contribution pour structurer la réflexion prospective,
poser quelques bases et identifier des sujets à creuser. Des travaux à venir vont
pouvoir enrichir ces contenus, les questionner, les prolonger ou s’en détourner.
C’est le début d’un processus, qui se veut productif, pérenne, utile aux pouvoirs
publics et au débat public.
Cette vie robomobile modifierait la réalité vécue et perçue par les individus, Elle
recèle un pouvoir transformateur et rénovateur des mythes : l’automobile, icône
du XXe siècle, ferait place à la robomobile, nouvelle icône pour une nouvelle ère.
Elle ravive, elle modernise la promesse d’affirmation des libertés individuelles et
collectives, de l’émancipation par
rapport à la pesanteur de l’espace-
temps. L’évolution des sciences et
techniques est consubstantielle de la
notion de progrès : les changements
annoncés par la robomobilité sont-
ils de nature à modifier les grands
équilibres de nos sociétés ?
Ainsi, la réflexion autour de la vie robomobile met-elle l'accent sur le devenir des
espaces publics et sur leurs enjeux. Enjeux de requalification et de valorisation du
foncier aujourd’hui dévolu aux transports. Enjeux de réorganisation du foncier à
l’échelle d’un territoire, pour travailler sur les formes urbaines. Enjeux de sociabilité
et de vivre-ensemble dans ces nouveaux territoires où l’on pratique la robomobilité.
On s’était habitué (résigné) à une évolution lente des villes, en raison des temporalités
longues des politiques d’aménagement et d’urbanisme, qui se déclinent sur
plusieurs décennies a minima. Avec la robomobilité, l’ampleur et la vitesse des
changements potentiels bat en brèche cette vision d’une évolution incrémentale,
au gré des projets ; la vie robomobile est en effet porteuse d’un changement
radical, voire brutal. Dès lors, si la transition n’est ni pensée ni accompagnée, les
trente prochaines années pourraient voir le meilleur ou le pire des métamorphoses
urbaines.
Car le big-bang des mobilités offre des opportunités pour les investisseurs et les
acteurs économiques vers de nouveaux marchés et des relais de croissance. La
course mondiale au véhicule autonome est effrénée, elle entraîne dans son sillage
un véritable engouement des territoires qui y voient une vitrine de leur marketing
territorial (se placer à l’avant-garde de la modernité pour attirer les ressources et se
développer). Cette vivacité des intérêts marchands appelle également la vigilance
des pouvoirs publics, locaux et centraux, pour limiter les risques d’un emballement
incontrôlé et pour réunir les conditions d’une concurrence juste et loyale au service
du bien commun.
Plus encore, cette révolution des transports fera-t-elle naître de nouvelles normes
sociales, de nouveaux modes de vie ? La vie robomobile introduit-elle à nouveau
le nomadisme comme attitude sociale ou comme mode de gestion de l’économie ?
Dans le domaine de la logistique, on pourrait voir l’émergence d’entrepôts mobiles.
L’aménagement des véhicules comme des lieux à vivre mobile - maison mobile,
bureau mobile, atelier mobile, etc. - donne à voir une vie robomobile rythmée par
un développement des activités en mobilité.
La transition vers une vie robomobile est l'occasion non seulement de redynamiser
des territoires délaissés (ruraux, périurbains), mais aussi de réorganiser les centra-
lités urbaines (agriculture urbaine notamment).
Enfin, la vie robomobile interroge les valeurs humanistes : quelle place des machines
dans la société ? quelles incidences sur le lien social ? Ce questionnement, très
actuel, n’est d’ailleurs pas propre à la robomobilité, on le retrouve notamment dans
le domaine des biotechnologies (manipulations génétiques), dans le domaine des
neurosciences (détection précoce), ou encore dans le questionnement contemporain
sur la nature humaine (transhumanisme, écologie humaine).
Toutes les grandes avancées de la science ont questionné notre vision du monde,
le rapport au monde. Le séminaire de fondation n’a pas cherché à répondre à cette
question fondamentale. Ce document vise à porter à la connaissance du lecteur, des
L'enjeu n'est pas seulement de décrire avec acuité le futur "qui vient". L'enjeu réside
surtout dans notre capacité collective à renouveler les visions à long terme de la
robomobilité et de ses interactions avec la société, les territoires et les mobilités.
Par conséquent, le choix est fait d'ouvrir très largement le champ des réflexions et
travaux dans ces premiers actes de l'Atelier Prospectif "La vie robomobile".
Cette partie des actes valorise les travaux des sept groupes, qui se sont tenus le matin du séminaire de
fondation ; pour rappel, ces sept groupes étaient :
Pour faciliter la lisibilité, chaque groupe fait l'objet d'un chapitre dédié et indépendant. Chacun de ces
chapitres est structuré en 4 grandes parties :
• Un préambule remet en perspective le travail du groupe et donne à voir les grandes hypothèses
sous-jacentes qui ont nourri la réflexion collective ;
• Une seconde partie, plus descriptive, restitue les signes, images, concepts et promesses de
la vie robomobile mis en évidence par le groupe. Cette partie propose une immersion dans ce futur
de la vie robomobile. Le style rédactionnel est libre ; aucun jugement de valeur, technique, moral ou
politique n’est porté. C’est une description fictive d’une vie robomobile imaginée ;
• Une troisième partie se fonde sur l’analyse et l’interprétation du futur de la vie robomobile.
Elle se concentre sur les pistes de réflexions et de questionnements susceptibles de nourrir les travaux
prospectifs à venir ;
• Avec ce qu’on appelle " les pépites prospectives ", au sens des idées et concepts qui pourraient
modifier radicalement une réalité future et/ou la manière de penser un sujet, de poser un enjeu,
d’aborder une problématique, une quatrième partie – non exhaustive – isole certaines idées originales
pour les garder en mémoire et éviter leur disparition dans les synthèses.
1. Préambule
A ce jour, la vie robomobile éveille
un imaginaire centré sur les véhicules
autonomes. C’est d’ailleurs par ce
point d’entrée que les participants ont
commencé à s’immerger dans une ville
du futur, qu’ils croient plus fluide, plus
organisée et optimisée. Ainsi, derrière
le véhicule autonome, c’est la promesse
d’une ville enfin libérée, désaturée, voire
renaturée, qui se fait jour. La robomobi- Un axiome prospectif peut être formulé :
lité débloque la ville, fait disparaître la robomobilité optimise radicalement
les bouchons et libère des espaces. En l’usage des véhicules et les circulations
cela, elle ouvre un nouveau continent urbaines. A ce stade de la réflexion, nous
aux mobilités urbaines alternatives ne chercherons pas justifier cet axiome,
et complémentaires à la voiture mais en le formulant, notre intention
(individuelle ou partagée). est de souligner son importance dans la
construction des visions individuelles
Le visage urbain de cette vie robomobile et collectives qui en découlent pour la
renvoie donc, en premier lieu, à une ville ville du futur. En effet, si la robomobilité
intelligente. En effet, ce n’est ne se traduit pas par une croissance si-
pas tant la modification de gnificative des rendements des véhicules
l’expérience de mobilité urbains, en tant que ressources d’un
La vie écosystème urbain des mobilités, c’est
pour les individus
robomobile l’ensemble du raisonnement prospectif
qui n’auraient plus à
ouvre un nouveau conduire, qui a nourri qui va être développé plus loin qui s’en
continent aux dans un premier trouve amoindri.
pratiques de
mobilité
?
du passage piéton est conservé, comme 3. Questionnements
un des repères clé d'un nouveau code
de la rue à inventer. prospectifs
Les questionnements prospectifs abordés
Superposition et imbrication
relèvent de plusieurs types, en écho à
la diversité du groupe et aux différents
points de vue que les participants
peuvent avoir sur le fonctionnement
urbain.
2. Signes, images,
concepts et promesses
de la vie robomobile
Le groupe a esquissé des tranches de
vie de trois persona. Le principe a été
d’imaginer, à quoi peut ressembler
la vie robomobile, en décrivant
plusieurs situations, journées, de la vie
quotidienne. personnel qui se charge d’organiser
ces déplacements et de commander
Persona 1 : Une famille mariée avec 2 un transport adéquat. Pour que cette
enfants, habitant en périphérie de Caen, coordination soit fluide, chaque membre
avec un revenu de 3000 euros par mois de la famille dispose d’un smartphone
• Hélène : employée de commerce connecté en permanence, qu’il doit
• Antoine : infirmier non seulement tenir à jour mais aussi
• Eva, 14 ans et Tom, 8 ans autoriser à collecter des données en
continu. Hélène et Antoine ont refusé
Liberté, autonomie, contrôle l’option d’un implant numérique, qui
monitorerait tous leurs faits et gestes et
Le récit se tient un mercredi, qui alimenterait un système d’algorithmes
en 2040, reste le jour des activités prédictifs de leurs comportements futurs.
périscolaires des enfants et adolescents. Pour leur famille, l’objet smartphone
L’agglomération caennaise, dynamique reste donc le connecteur principal au
et attractive, propose une palette très monde numérique qui les entoure.
riche d’activités de loisirs. Le découplage
habitat-emplois-activités-services Couverture territoriale fine
reste la " norme ". Le quotidien de
cette famille, surtout le mercredi, se L’assistant personnel inscrit Eva et Tom
place donc un contexte de dispersion dans deux navettes distinctes (ils se ren-
des lieux et de désynchronisation des dent sur des lieux différents). Ce sont
activités. leurs parents qui les déposent au point de
Tous les parents connaissent le casse-tête collecte, à 300 mètres de leur domicile.
de l’organisation familiale, conciliant le Les jours où ni Hélène ni Antoine ne sont
travail des parents, l’école, les loisirs, présents, c’est Eva qui accompagne son
le périscolaire, les anniversaires, etc. petit frère jusqu’à l’arrêt des navettes.
?
principalement une vie plus optimisée
3. Questionnements au niveau individuel et familial, et par
prospectifs propagation, au niveau social et citoyen,
sans pour autant remettre en cause les
Ces trois tranches de vie ne sont pas caractéristiques de notre modèle
comparables entre elles, dans la mesure de société (hyperconsommation,
où elles racontent le quotidien de flexibilisation du marché du travail,
trois persona très différents. hyper-connectivité, inégalités culturelles
Toutefois, une lecture et sociales, individualisme, etc.).
transversale fait Cette formulation est volontairement
Ce petit garçon ne apparaître plusieurs orientée, car on pourrait objecter que les
sait pas encore parler, q u e s t i o n n e m e n t s changements décrits (imaginés) dans ces
ni lire, ni écrire, mais il prospectifs, qui tranches de vie sont autant de ruptures
sait déjà interagir avec portent sur l’influence par rapport aux modes de vie actuels et
les robots de la robomobilité sur notre organisation sociale.
• les gains de temps libérés par la modification des usages de mobilité (ne plus
avoir à accompagner les enfants par exemple) et les gains de temps générés par
une meilleure performance des transports. On a pu observer dans le passé que les
gains de temps (théoriques) obtenus par une augmentation de la vitesse pouvaient
être réinvestis dans le transport lui-même, avec une augmentation des distances
parcourues, mais au final, un temps journalier nominal de transport plutôt stable
(Zahavi). Ces gains de temps seront-ils vraiment réinvestis dans des activités so-
ciales (multiplication du nombre d’activités, augmentation de la durée nominale
de chaque activité) ou donneront-ils accès à des activités, qui étaient autrefois trop
lointaines (en temps de transport), sans que ces nouvelles activités ne consomment
un capital horaire plus important dans la vie des individus ?
• la banalisation des activités en mobilité, sous différentes formes, activités au
cours d’un déplacement (cas d’usage typique d’un déplacement en TGV/avion),
ou d’activités mobiles (services itinérants notamment). Ces activités en mobilité
existent déjà aujourd’hui, mais cela reste cantonné à certains publics et certains
déplacements. Et si, demain, ces activités en mobilité devenaient la norme ? Sera-
t-il encore possible de dormir au cours d’un trajet ? Le temps de travail sera-t-il dé-
compté dès le début du déplacement ? Quels nouveaux rythmes individuels, dans
une vie robomobile, où finalement les temps morts ont peu à peu disparu, ou ne
sont plus tolérés par des normes sociales implicites (c’est mal vu) ou des normes
sociales explicites (réglementation du travail).
• l’imaginaire d’une société où les robots peuvent assurer des fonctions sociales
(exemple du robot humanoïde en interaction avec les enfants de la crèche). Dans
l’hypothèse d’un développement technologique rendant possible cette vision, com-
ment poser ces choix au plan politique ? La robomobilité porte en elle la vision
d’une mobilité autonome, au sens où elle est bien plus qu’une mobilité augmentée.
Faut-il voir la robomobilité comme le prolongement des capacités de l’homme ?
Cela signifierait qu’elle soit en capacité d’atteindre, voire de dépasser les perfor-
mances humaines ? Dans l’imaginaire, on peut circonscrire cette puissance tech-
nique aux tâches à faible valeur ajoutée " humaine ", mais si ce verrou saute, qu’est-
ce qui motive de garder un modèle d’activité reposant sur l’humain, alors qu’un
modèle reposant sur les machines s’avère économiquement plus performant ?
• Enfin, à quel point l’hyperconnectivité va-t-elle s’intégrer dans nos vies quoti-
diennes ? S’agira-t-il d’une histoire de capteurs, de terminaux de communication
et d’infrastructures numériques ? Ou irons-nous jusqu’à une société de " l’homme
augmenté " ? Dans leur tranche de vie, le groupe a refusé l’option de l’implant
numérique pour les membres de la famille, y voyant un risque dénaturant leur
condition humaine authentique et leur liberté. Cette vie robomobile n’aurait pas la
même saveur avec des humains qui utilisent des objets, qu’avec des " humains " qui
ont accepté de modifier leurs corps pour s’intégrer techniquement et substantielle-
ment dans les univers numériques. Le Cyborg accompagnera-t-il l’avènement de
la vie robomobile ?
?
hyper-optimisée, le risque est réel de 3. Questionnements
mettre de côté les modes actifs. Est-il
cependant raisonnable de laisser croire
prospectifs
à une ville où les personnes n’auraient
L’organisation du système robomobile
plus à marcher, ou si peu ? Des nuées
présente au moins trois originalités,
de véhicules viendraient les chercher
qui nourrissent elles-mêmes trois
aux PEM physiques ou virtuels, de
questionnements prospectifs.
sorte, qu’à la sortie, on n’ait plus que
quelques mètres à parcourir pour arriver
La première originalité, radicale, est
à destination ? Pour plusieurs raisons,
de vivre dans un système où chaque
alliant la performance du système au
déplacement (y compris à pied ?) doit
niveau global, l’ambiance urbaine, la
être connu de l’autorité de régulation,
santé des individus, le groupe a choisi
monitoré par des agents de régulation
de placer la " brique " des modes actifs
(robots), enregistré dans une base
comme un socle à partir duquel et autour
de données, traité et utilisé pour une
duquel il était désirable que l’ensemble
gestion opérationnelle collective des
de l’offre de mobilité se construise et
déplacements. Le paradigme de cette
s’organise.
vie robomobile est que les mobilités sont
optimisées aux échelles individuelles
Plus largement, dans la vie robomobile,
et territoriales. D’où le double
les tiers-lieux d’activité et les services
questionnement sur les enjeux éthiques
à distance devraient s’imposer dans
et juridiques de respect de la vie privée
le quotidien des habitants, dans les
et de la capacité technique d’un système
habitudes de consommation, dans la vie
à effectivement parvenir à optimiser une
des entreprises et l’organisation du travail.
" société totalement transparente en
?
Alger et Chengdu, mais pourquoi pas
des travailleurs détachés, vivant dans
3. Questionnements des robomobiles le temps d’un chantier ?
prospectifs D’ailleurs, une robomobile ayant (a
priori) une immatriculation, sera-t-
Si les détournements abordés par le il recevable de donner l’identifiant
groupe ne mettent pas en lumière des de sa robomobile comme justificatif
de domicile ? En sachant que cette
c’est moche, la ville est dénaturée ! je réserve (et paie !) toutes les places (à
bord) pour être seul
- Angoissé -
j’achète mon véhicule privé (mais qui
les systèmes automatisés m’effrayent car peut être autonome)
je ne comprends pas comment ils réa-
gissent aux perturbations (qu’elles soient j’utilise ma vieille voiture (polluante mais
majeures ou bénignes) tant pis) le plus longtemps possible
pour mon intimité, j’ai peur d’être dans je veux conserver mon anonymat en tant
un petit véhicule collectif (sensation de que passager
l’ascenseur)
“Big Brother is watching you " je circule uniquement à pied ou à
vélo ; je tente de changer régulièrement
hacking d’identité
3. Questionnements
prospectifs ? Ces deux premiers questionnements
Plusieurs questions sur le développement posent également une réflexion sur
de la logistique robomobile sont posées. l’organisation du marché du fret. Avec un
Une première question, évidente, con- déplacement de la valeur commerciale
cerne l’adaptation du cadre juridique au sein de la chaîne de valeur et de la
(normes, règlements, circulaires, etc.). chaîne logistique, plusieurs stratégies
On comprend par cadre juridique, les d’intégration sont à l’œuvre:
normes techniques, la réglementation du
travail, le cadre de régulation des trafics, - des stratégies d’intégration verticale
la fiscalité des transports. En l’absence avec des grands marchands (du web
de chauffeur dans les camions, quelle notamment), qui ont lourdement investi
sera la durée maximum de circulation, dans le contrôle et la compétitivité de
par exemple ? leur chaîne logistique ;
69
bo III dans laquelle des véhicules volants côtoient
les gratte-ciel. Ratchet aide Clank à sauver la galaxie
contre les projets du Président Dwerk, qui exploite
Présentation de la BD « Les Mange-Bitume » (reprise et détruit toutes les planètes pour se construire une
du site bdoubliees.com) planète artificielle (sa planète natale étant surpeuplée
et polluée…).
Au début des années 70, les voitures prennent de plus
en plus de place dans la vie des hommes. Ils passent de Le film d’animation « Le Château dans le Ciel » nous
plus en plus de temps dans les embouteillages. Le temps emmène dans un voyage vers la légèreté, à la fois de
passé dans les voitures finit par devenir plus important la vie et des mobilités qui la traversent. Dépassant
que le temps passé ailleurs. L’humanité s’organise pour rendre plus agréable la vie dans les voitures. l’utopie de la technologie, source inépuisable de pro-
Les dirigeants du monde de l’époque décident de favoriser la voiture et de construire de plus en plus grès, c’est le retour aux sources, à la Nature, qui est
de routes. Les humains deviennent des conducteurs qui passent leur vie dans des voitures de plus en matérialisé, par cette ville volante. Dans la SF Japo-
Cette partie propose une liste de synthèse des impacts de la vie robomobile identifiés
par les 7 groupes sur quatre dimensions :
Cette synthèse ne prétend pas balayer l’ensemble des impacts de la vie robomobile
sur ces quatre dimensions, ni proposer une vision globale de ces impacts, ou révéler
les impacts principaux. Il s’agit plutôt d’une première liste, à affiner, approfondir et
enrichir, au fil des travaux de l’Atelier Prospectif.
■ Automobile
> Chute (en volume) des ventes d’automobiles et de poids lourds, mais
émergence de nouveaux modèles de cycle de vie des véhicules. Moins de véhicules
en circulation, mais plus de km parcourus ? Quel modèle économique pour le
producteur de véhicule robomobile ? Pour l’opérateur du service robomobile ?
Les constructeurs automobiles réussiront-ils leur mue en vendeurs de services ?
Avec une généralisation d’un modèle basé sur l’usage plus que sur la propriété,
quelle restructuration du marché de l'occasion et des activités de réparation
automobile
■ Organisation du travail
On imagine que la vie robomobile a donné toute sa place au télétravail, aux formes
de travail à distance du lieu de l’employeur.
■ Temps
Mais que faire du temps gagné ? Ces temps vont-ils être réinvestis dans la mobilité,
pour aller plus loin, se déplacer plus fréquemment ?
Ces temps gagnés vont-ils être utilisés pour d’autres activités ?
Pour le fret, la robomobilité facilite le transport de nuit, les livraisons de nuit ou
■ Espace
■ Inégalités / ségrégation
■ Confiance
■ Normes/Règles sociales
■ Usage vs Propriété
Les usages de la vie robomobile sont pensés comme des usages forcément
collaboratifs, basés sur le partage et la mutualisation.
Le véhicule autonome suscite une fascination par rapport à l’objet lui-même, au-
delà des usages qui peuvent en être faits.
■ Collectivisation / individualisme ?
Plus ou moins d'individualisme ? Les " gains " de liberté individuelle vont-ils nourrir
des comportements de plus en plus individualistes ? En même temps, l’organisation
par principe collective de la robomobilité implique une collectivisation accrue de
l’offre de transports.
■ Régulation
Génération de surmobilité (le juste à temps est un " pousse au crime " dans le
domaine de la logistique).
Billettique ? Vers une tarification unique des services de transports à l’échelle d’un
grand territoire ? Ou vers une tarification au service rendu (au km parcouru) ?
VA a priori = plus de mobilité, mais (à espérer) des VA plus " verts "
Une voie de valorisation des espaces récupérés sur la voirie : un levier pour la re-
végétalisation des villes ?
Partagé / propriétaire
Fret
L’avènement d’un monde robomobile (ou d’un Nouveau monde robomobile limité,
car tous les continents, tous les territoires, tous les réseaux de transport ne seront
pas égaux à l’égard de technologies gourmandes en infrastructures publiques), cet
avènement est-il assuré ?
A l’évidence, le sentiment dominant chez les sachants est que oui.
Ce consensus est-il probant ?
Probablement, non : même entre les dits " sachants ", ce consensus est tissé de
suivisme, d’opportunisme, de " panique " concurrentielle ou existentielle (pour des
secteurs ou métiers menacés), de stratégie corporate, plus que de vision vraie.
Sur la courbe des analystes, la fortune médiatique de l’innovation " voiture auto-
nome " pourrait rapidement avoir atteint son point haut et l’engouement basculer
dans le fameux creux du désappointement où sombrent les innovations trop an-
noncées, certaines pour connaître ensuite un vrai redécollage au rythme de la tech-
nologie, d’autres sans retour. On n’aurait produit au final qu’une offre limitée à des
niches spécifiques et porteuses : aides à la conduite très avancées, gains de cadence
dans les TC intermédiaires, livraisons à basse altitude de colis de haute valeur dans
des zones isolées… mais sans atteindre le Big Bang de la non-conduite généralisée.
La question de la valeur vraie pour l’usager (ici, disons, le conducteur autosoliste
lambda) reste béante, et c’est une clé : au final, l’ergonomie de la robovoiture
particulière dépassera-t-elle celle de la cabine de l’avion en classe économique,
mauvais espace de travail, mauvais espace de récréation, une place de contrainte
et d’inconfort peu désirable ? La convivialité du robotaxi partagé dépassera-t-elle
celle de l’ascenseur dans une tour de bureaux ? Sa sûreté celle d’un RER de grande
banlieue aux petites heures ? Sa sécurité dépassera-t-elle les impressionnantes per-
formances de sécurité dont le trafic routier avec conduite humaine s’est montré
capable quoi qu’on en dise ? Etc.
Programme
9h30 – Introduction / l’atelier prospectif “la vie robomobile” : pour quoi ? comment ? (MG, CGDD/DRI)
10h – Prospective immersive pour raconter, représenter et questionner la vie robomobile, en se plaçant dans
un futur lointain où cette vie robomobile est une réalité
Plusieurs groupes constitués à l’avance travailleront en parallèle (dans 7 salles de la Tour Séquoia) autour de
l’imaginaire de la vie robomobile, chacun sur un thème imposé. Quelques pistes de questionnements : quels
visages d’un territoire robomobile, urbain comme rural ? quelles tranches de vie dans une société robomobile
(récit d’une journée) ? quelle structuration des déplacements et quelle organisation des mobilités dans un
système robomobile ? quelles déviances, incivilités, usurpations de la vie robomobile ? quelle vie pour un individu
réfractaire aux modes de vie robomobile, quelles cohabitations avec les mobilités douces ? quel parcours et
itinéraire d’une marchandise dans un marché robomobile ? quelles inégalités et fractures robomobiles ?
Chaque groupe travaillera à partir d’un matériau de départ fourni, reflétant une situation actuelle de référence et
rendra son livrable dans le même format (selon le cas : un plan d’aménagement, un récit de journée, etc. avec
des variantes s’ils le souhaitent).
Dans un deuxième temps, chacun de ces groupes mettra en évidence, sous forme d’une courte série de simples
mots-clés, les « enseignements » ou les « alertes » qu’il retire de cette exploration du futur, en matière d’évolution :
des métiers ; des cadres institutionnels ; des modes de régulation ; des systèmes de valeur ; des comportements…
ainsi qu’au regard des enjeux et défis énergétiques, environnementaux et climatiques. Problématique de fond :
quels sont les cadres et modèles fondamentaux de nos sociétés susceptibles d’être disqualifiés ou explosés par
les dynamiques de la robomobilité ? en s’attachant à identifier des effets généralement insoupçonnés ou très
peu documentés.
14h15 – Emission radio/vidéo en live « La vie robomobile : un changement inéluctable ?! quels défis pour
l’action publique … ? »
En direct de l’auditorium de la Tour Séquoia, un artiste-designer, une cadre du secteur de l’assurance, une
responsable d’un incubateur d’innovation territoriale, un responsable de la recherche à l’OCDE et un expert
des transports intelligents1, débattront avec le public de l’émission.
Ces échanges seront rythmés et ponctués par des pastilles humoristiques, des témoignages, des chroniques
ou des éditoriaux (assurés notamment par des chercheurs de l’IFSTTAR), des flash info, des interviews, des
intermèdes musicaux et surtout, dans la séquence finale, les questions des auditeurs
1
A savoir : M. Serge Salat, architecte et designer / Mme Lethicia Rancurel, directrice du TUBA, incubateur d’innovation
territoriale de la métropole de Lyon / Mme Cécile Wendling, directrice de la prospective, Axa / M. José Viegas
Secrétaire général, ITF/OCDE / M. Louis Fernique, chef de la mission des transports inteligents, MT/DGITM/SAGS
NB : les débats seront intégralement enregistrés en vidéo et exploités comme matériau de base des Actes du
séminaire de lancement, le premier livrable de l’Atelier.
CONTACTS