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Revue de l'Institut catholique

de Paris / [dir. publ. Père


Anthime Caron]

Source gallica.bnf.fr / Institut catholique de Paris


Institut catholique de Paris. Auteur du texte. Revue de l'Institut
catholique de Paris / [dir. publ. Père Anthime Caron]. 1983-04.

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Georges Morel
ou la question de Dieu aujourd'hui

Moine de Ligugé, André ARDOUIN a obtenu sa


maîtrise de théologie à la Section de Théologie
Biblique et Systématique en 1979 avec un mémoire
sur Hans URS Von BALTHASAR. Il prépare main-
tenant une thèse de théologie à l'Institut Catho-
lique de Paris.
Si nous publions volontiers en « Mélanges »
l'étude qu'il nous a fait parvenir, c'est certes
pour faire état d'un ouvrage récent auquel on n'a
peut-être pas assez prêté attention, mais c'est
aussi en raison de la clarté et surtout de la
probité et du respect avec lesquels, jusque dans
la critique, est présentée ici une pensée qui sou-
lève des problèmes philosophiques et théologi-
ques qu'il faut savoir regarder.
En ouvrant ses pages à de jeunes chercheurs
— voire à des étudiants — de l'Institut Catho-
lique pour des travaux, mémoires, chapitres de
thèses qui se recommandent par leur qualité,
.,
la Revue entend jouer à leur égard et selon les
critères qui lui sont propres, un rôle de promo-
tion et d'encouragement à la recherche, dans
cette phase délicate de l'initiation où les premiers
pas gagnent à être confortés et les premiers
essais à être reconnus.
Joseph DORÉ et Anthime CARON

En 1960 et 1961, Georges MOREL publiait une première


trilogie sur saint Jean de la Croix. Dix ans plus tard, en
1971, il publiait une seconde trilogie, cette fois sur NIETZSCHE.
Entre-temps, en 1968, il avait fait paraître Problèmes actuels
de religion. Enfin, en 1976 et 1977, il livre au public une
troisième trilogie, intituléè Questions d'homme. C'est ce

; :
dernier ouvrage de 1000 pages qui sera examiné ici. Les
titres des différents tomes sont I. Conflits de la moder-
nité; II. L'Autre III. Jésus dans la théorie chrétienne.
Pourquoi s'intéresser à Georges Morel ? Georges MOREL
n'est pas un astre solitaire, mais il appartient à une constel-
lation où l'on retrouve des gens aussi divers entre eux que
HEIDEGGER, LEVINAS, DERRIDA, DELEUZE, ceux qu'on appelle
parfois les penseurs de la différence. Négativement, il s'agit
d'un rejet de la dialectique conçue comme logique de l'iden-
tité, d'une critique de la pensée conceptuelle comprise com-
me violence, de la «déconstruction » de la métaphysique
pour autant que celle-ci est une pensée du même. Cela veut
dire qu'avec ces penseurs, l'accent est mis sur l'altérité ou
la différence. Parti de la foi chrétienne, Georges MOREL
pose la question de Dieu dans ce climat, mais de telle sorte
que l'insistance sur l'altérité de Dieu en revient à rendre
impensable toute idée d'incarnation. Au nom même d'un
approfondissement de la relation au Dieu d'amour, Georges
MOREL est amené à rejeter l'essentiel de la christologie, à
savoir la divinité de Jésus!
1. L'HORIZON DE LA QUESTION

La question de Dieu n'est pas une question abstraite: Elle


se pose pour l'homme dans ces conditions bien spécifiques.
Elle est de plus tributaire d'un lourd héritage et affectée
d'une grave méprise.
1. Les conditions actuelles
Ces conditions sont analysées dans le premier tome de
la trilogie, celui qui est intitulé Conflits de la modernité.
Le malaise qui traverse nos sociétés occidentales n'est
pas propre à notre époque. D'une certaine manière, il est
de toutes les époques, mais il prend aujourd'hui un tour
plus marqué et reçoit des caractéristiques particulières.
Une première note de l'Occident actuel est l'irrespect du
monde. On a peu à peu pris conscience des méfaits engen-
drés par une exploitation inconsidérée des ressources de
la planète. D'où la réaction légitime des mouvements éco-
logiques qui dénoncent la détérioration de l'environnement.
La tâche actuelle ne serait-elle pas alors de retrouver un
contact sain avec la nature ? Sous cette requête se cache
en fait une illusion, celle de faire de la nature un miroir,
dont l'homme « croit avoir besoin pour découvrir son
visage» (I, 21). Le retour à la nature recèle un profond
irrespect du monde. C'est le besoin de tout ramener à soi.
Une seconde note de l'Occident actuel est la triple perver-
sion de l'avoir, du pouvoir et du savoir. De l'avoir, en tant
que l'économie tend à tout régenter, y compris la relation
éthique. La course au bonheur emprunte naïvement les
sentiers d'une consommation exagérée pour se livrer «au
jeu abstrait de la domination et de la servitude» (I, 133).
Perversion du pouvoir aussi, en tant que l'emprise du poli-
tique a engendré au XXe siècle les totalitarismes que l'on
sait. Loin de dépérir, l'Etat est devenu une puissance qui
s'ingère dans tous les domaines de la vie. Perversion du
savoir enfin, en tant que la culture contemporaine est in-
capable de répondre aux problèmes posés. Ce triple échec,
allié à l'irrespect du monde, a façonné un monde dur, fait
de violence, et au sein duquel l'homme lui-même s'efface.
En effet, la troisième note qui caractérise l'Occident actuel
est la proclamation de la mort de l'homme. Aux maîtres du
soupçon de jadis (MARX, NIETZSCHE, FREUD) ont succédé
de nouveaux maîtres (FOUCAULT, LÉVI-STRAUSS, LACAN) pour
lesquels l'homme est comme un visage tracé sur le sable
au bord de la mer et bientôt disparu sous l'assaut des vagues.
Mais ceux-là mêmes qui annoncent la mort de l'homme
— après celle de Dieu — ne peuvent échapper à la nécessité
de le réintroduire subrepticement dans leurs discours.
Dans leur globalité, les conditions actuelles dénotent un
anthropocentrisme invétéré. C'est pourquoi, ce monde dans
lequel nous vivons et dont nous faisons partie, lorsqu'il
pose la question de Dieu, la pose en termes qui ne font pas
droit à l'entière altérité de Dieu. Ce constat ressort égale-
ment de l'examen des classiques preuves de l'existence de
Dieu, héritage équivoque transmis au monde contemporain
par Kant et Hegel.

2. Un lourd héritage
Aujourd'hui discréditées, les preuves de l'existence de Dieu
ont joué un rôle important d'Anselme de CANTORBÉRY et sur- ?

tout de Thomas d'Aquin à Hegel, en passant notamment par


DESCARTES et KANT. Ce dernier a opéré dans la Critique de la
raison pure un examen particulièrement sévère des dites preu-
:
ves. Les preuves en question sont chez KANT au nombre de
trois la preuve physico-théologique, la preuve cosmologique
et la preuve ontologique. KANT a montré comment la première
s'appuyait sur la seconde, la seconde sur la troisième et la
D'où la conclusion:
troisième sur une fausse identification du possible au réel.
il n'y a pas de preuve valable de Dieu
dans le domaine théorique. Nous savons comment KANT pos-
tule l'existence de Dieu à partir de l'agir moral.
HEGEL a repris l'examen du problème pour son propre
compte. Il est d'accord avec KANT en ce que la tendance de
la pensée traditionnelle conduit à l'inflation théorique. Mais
il se sépare de KANT en ce qu'il affirme que l'homme peut
connaître Dieu. Il ne le peut en toute justesse et justice que
dans l'histoire.
Mais HEGEL lui-même a été vivement critiqué. Jamais HEGEL
— et jamais aucun penseur occidental — n'a dit de façon
satisfaisante l'autonomie absolue de Dieu par rapport à
l'homme, de même qu'il n'a jamais affirmé nettement l'indé-
pendance de l'homme par rapport à Dieu.

3. La double vérité
Il est une autre équivoque qu'il convient de dénoncer, celle
qui conjoint philosophie et théologie. Le passage en revue
de quelques figures (Thomas d'AQUIN, DESCARTES, MARX,
BERDIAEFF, MERLEAU-PONTY, HEIDEGGER.) révèle à quel point
la philosophie demeure partielle et abstraite aux yeux du
théologien et combien la théologie tend à tourner en rond
aux yeux du philosophe. Cette tragique diplopie altère le
visage de l'Amour.

II. LA QUESTION DE DIEU

Venons-en à la pensée personnelle de Georges MOREL sur


Dieu. Cette pensée se présente comme un itinéraire.
l,
1. Un point de départ: l'expérience
L'expérience dont il s'agit ici a bien peu à voir avec une
somme de connaissances acquises au cours d'une vie. Elle
est plutôt une mise en mouvement, un voyage, comme le
suggère le mot allemand Erfahrung -» Fahrt (voyage). L'ex-
périence appelle le risque (periculum — Gefahr). Et c'est
dans le champ de l'expérience ainsi définie que se pose la
question de Dieu. Cette question, de prime abord absurde,

-
suscite quatre attitudes :
est toujours aussi neuve dans le monde d'aujourd'hui. Elle
1. L'indifférence. A la limite, c'est
la mort, le nihilisme. 2. L'anthropocentrisme. C'est l'attitude
la plus répandue, qui trouve ses dieux dans la sexualité,
l'économie et la politique. 3. L'agnosticisme. Une telle atti-
tude ne refuse pas la question de Dieu, mais la laisse en
suspens. 4. L'expérience affirmative. C'est la seule attitude
pleinement responsable.

2. L'Autre et l'homme
Parler de Dieu, ce n'est pas d'abord parler de lui en réfé-
rence à quelque chose d'autre. Cette vérité pourra paraître
cruelle à l'homme occidental. Le mot Dieu est singulièrement
piégé par l'usage qu'on en fait. Parlerons-nous d'Absolu
?
comme HEGEL Mais son emploi en est trop imprécis. Faut-
il se rabattre sur le mot Etre ? Mais comment éviter alors
les abstractions et les équivoques de l'ontologie ? Georges
MOREL propose de nommer Dieu l'Autre. « L'Autre est sim-
plement l'Autre, l'unique, sans que de ces termes aucun sen-
»
timent même de comparaison ait à surgir (II, 120). Dieu
est l'Autre, non pas l'Autre contre le même, mais l'Autre en
un sens absolu.
Pourtant, il ne suffit pas d'affirmer l'indépendance de Dieu
si en même temps on n'affirme pas l'indépendance de l'hom-
me. En effet, «seul un être indépendant peut reconnaître
»
l'indépendance de Dieu (II, 124), ou encore « seul un être
indépendant peut reconnaître l'Autre dans son indépendance »
(II, 125). Indépendance se dit en allemand Selbstiindigkeit,
qui renvoie à selbst, soi, à un sujet inaliénable, et à stehen,
se tenir debout. L'homme est un être debout. « L'homme est
en effet le seul animal à posséder la station verticale
129). Cf. l'œuvre de LFROI-GOURHAN.
» (II,
On pourrait en rester au stade où nous sommes. Tel fut
le cas d'une certaine forme de la pensée grecque. L'homme
est maintenant en face de l'Autre, dans la différence et la
distance. Les deux se tiennent dans un profond respect, qui
est déjà un rapport. L'homme scrute désormais «l'horizon
: »
de l'Inaliénable (II, 133). Cette attitude peut encore être la
dernière
Je me tiens donc debout encore, à l'écart et de côté et
dans la distance, mais non raidi. Le corps souple au contraire
et légèrement incliné vers Lui, qui se tient lui aussi là-bas,
du côté des lisières. Longtemps ainsi, très longtemps, et
peut-être toujours. Mes mains ouvertes ne cherchent pas à
prendre, mais je me penche en avant parfois, tandis que
:
l'un de mes pieds se dresse légèrement. Mon visage n'est pas
en fièvre, pas impassible non plus battement sous l'écorce,
frémissement des vagues, tremblement sous la tempe. Ainsi
demeuré-je, à la fois dans la réserve et l'attente, dans cette
de l'homme !
mobilité presque immobile. Honneur de l'Autre, et honneur
!
Comme paraissent dérisoires tant de pédante-
ries sur la nature nécessairement aliénante de l'Autre Mais
c'est parce qu'il n'est pas mon alter ego et que je ne suis pas
le sien que son ombre ne peut me faire ombrage (II, 139).
Il n'y a pas de rivalité entre indépendance et relation, car
l'indépendance permet la relation. L'indépendance étant réelle
de la part de Dieu et de la part de l'homme, la relation l'est
également. C'est une co-relation, qui est reconnaissance,
Anerkennen, c'est-à-dire une connaissance de l'intérieur, une
connaissance d'ordre éthique, un vis-à-vis «dans l'indémon-
»
trable innocence (II, 143). Entre Dieu et l'homme s'établit
une confiance qui est bien une communication. L'Autre ne
peut rompre cette communication, tandis que l'homme le
peut. «Il ne nous oublie pas, mais nous, nous pouvons
»
l'oublier (II, 149). Dans nos sociétés occidentales, «l'Autre
»
ne cesse guère d'apparaître comme l'Oublié (Ibid).
La liberté dont jouit Dieu s'épanouit en libéralité, en
générosité, en gratuité. La création naît du désir le plus
libre, elle est bien creatio ex nihilo. C'est dire encore que
la liberté humaine n'a pas de sens, qu'elle n'est rien d'autre
qu'elle-même. «Elle n'exige rien, elle ne demande rien, elle
»
n'est même pas obligatoire (II, 160). Angelus Silesius (1624-
1677) disait de la rose:
« La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleu-
rit,
Elle ne fait pas attention à elle-même et ne demande pas
»
si on la voit (cité en II, 161).
La rose n'a pas de sens, le monde n'a pas de sens, la vie
i n'a pas de sens, l'homme n'a pas de sens. Il n'y a pas à
chercher au fini un sens surajouté, le devenir nous est
essentiel, au-delà de l'être et de l'avoir.

3. Dieu est l'Amour


Mal comprise, l'idée de création pourrait nous barrer le
chemin vers Dieu. La véritable attitude est la décréation,
la solitude sans laquelle il n'y a pas de relation possible.
Cette solitude s'épanouit dans la gratuité. C'est bien pour-
quoi le nom qui convient le mieux à Dieu, à l'Autre, c'est
le nom d'Amour. Dieu est l'Amour. L'Autre apparaît ainsi
sous son mode absolument propre, tandis que l'homme n'est
pas délesté d'une part de son humanité comme c'est le cas
dans la perspective ontologique traditionnelle. Quand nous
disons que Dieu est l'Amour, nous affirmons l'inaliénable
altérité de l'Autre et l'indépassable indépendance de l'homme.
Reprenant la citation d'Angelus SILESIUS nous dirons donc
«L'Amour est sans pourquoi, il est parce qu'il est,
:
Il ne fait pas attention à lui-même et ne demande pas si
»
on le voit (II, 195).
Ici, tout se passe à l'encontre de SPINOZA pour qui le rap-
port sans rupture entre Dieu et la nature empêche de conce-
voir Dieu lui-même autrement que comme une hypostase
,
de la causalité. Dans l'horizon spinoziste, «le dieu-substance
reste figé dans la pierre ». Ce que nous avons appelé l'Amour

a dès lors «une tonalité de marbre mortuaire
Comment ne pas reconnaître, au contraire, que
»(II, 199).

:
«Là-bas le brasier rouge-sombre continuera de brûler en
silence dans l'épaisseur de la nuit il brûle depuis toujours,
»
sans jamais se consumer, de par sa libre nécessité (II, 199).

4. Dieu est le Mystère


Le propre de l'Amour qui est Dieu est de n'être jamais
comblé. Dieu est en mouvement. Il est perpéteul déborde-
ment de soi, constante gratuité et réelle sérénité (Gelas-
senheit). L'Autre «ne cesse de se créer soi-même dans
un oubli de soi constitutif de la plus haute conscience de soi»
(II, 201). Ce passage hors de soi qui est l'essence de soi
révèle le rôle affirmatif du non à l'intérieur de la vie divine.
Rien n'est plus faux que de concevoir Dieu comme un oui
sans non, lequel oui ne peut conduire que vers «les maré-
cages du néant » (ibid). Plus encore, il y a en Dieu la pas-
sion, non comme « la potentialité d'une essence incomplète »,
mais au contraire comme « la possibilité de la surabondance »
(II, 203-204). Il y a un véritable tragique au cœur de l'Amour.
La passion en Dieu s'explicite en désir, joie et admiration.
Cette vie de Dieu en lui-même est enfin mystère. Cela veut
dire que Dieu est pour nous, à jamais, « l'éternel Différent»
(II, 221). Mystère ou Geheimnis. Or le mot Geheimnis vient
de heim qui signifie «à la maison », qui renvoie au chez-soi.
Le Heimgang est précisément le passage à la maison, le tré-
pas, la mort. Le mystère indique la vie de Dieu en lui-même,
au sens où Angelus Silesius dit :
«Dieu demeure en soi-même, son essence est sa maison»
(cité en II, 222).
Le mystère n'est pas un attribut de Dieu mais son essence
même. Dieu est mystère, non seulement pour nous, mais
encore pour lui-même.
5. Une réelle réciprocité d'amour entre Dieu et l'homme
La dernière fois qu'il a été question de la corrélation de
Dieu et de l'homme, ce le fut avant d'avoir pu dire que
l'Autre est Amour et Mystère. A partir de cette nouvelle
affirmation, il est permis de donner toute son ampleur à la
relation entre Dieu et l'homme.
Nous savons que la relation de Dieu à nous ne peut être
que d'amour. L'amour se différencie fondamentalement du
besoin. La réduction de l'amour au besoin — très fréquente
dans toutes les religions -, cette réduction engendre le dieu
Moloch, la figure du sado-masochisme. L'amour de Dieu pour
l'homme est au contraire désir. « Le désir est l'amour même
»
tourné vers le pas encore (II, 228). L'amour désire l'autre
nous-mêmes :
pour l'autre, et non pour soi. Dieu désire que nous soyons
«C'est le propre incoercible de l'amour de désirer l'autre
pour l'autre, de désirer que l'autre soit éternellement autre»
(II, 228-229).
Dieu désire en même temps être aimé de nous. Il s'offre
à nous dans son «Visage impossédable » (II, 230). Il y a
un réel mouvement de l'Amour pour nous, une passion qui
est joie et douleur. En se donnant, Dieu court le risque de
l'Amour:
ne pas être reconnu par l'homme. Tel est le tragique de

«Nos divertissements infantiles nous empêchent d'aimer


l'Amour, d'entrevoir son visage, d'entendre sa voix (II, 239).
Si nous considérons maintenant la relation complémentaire
de nous à Dieu, nous commencerons par affirmer qu'elle est
aussi désir et non besoin. Ravaler le désir au niveau du
besoin, c'est ravaler Dieu, et par conséquent l'homme, au
niveau des choses. A partir de cette réification, il est possible
d'établir toute «une typologie de perversions religieuses»
(II, 242). Dieu a parfois été utilisé par l'homme comme un
instrument. Tel est le propos de la magie qui a contaminé
l'attitude religieuse, l'organisation ecclésiastique et jusqu'au
dogme chrétien. La magie a également exercé son prestige
hors de la sphère religieuse, dans le rapport de l'Eglise et
de l'Etat. Au cœur de la magie, il y a un principe de similarité
qui noie les différences. D'un autre point de vue du besoin
religieux, la chose n'est plus sauvegardée mais tend à sa
:
suppression. On discerne ici un nombre varié d'attitudes,
essentiellement trois la dissolution, l'assimilation et l'iden-
tification. La dissolution de l'homme en Dieu serait le pro-
pre de nombreux hindous, notamment de Çankara. L'assi-
milation de Dieu par l'homme revêt volontiers la figure
de la manducation sacrale. L'identification de Dieu et de
l'homme pénètre jusqu'aux plus sublimes aspirations de la
prière.
L'homme désire Dieu. Il désire trouver l'Autre, «l'aimer
pour lui-même » (II, 264). L'homme se met en mouvement
:
pour rencontrer l'Autre. Cette rencontre sera joie et dou-
:
leur joie de l'Autre, douleur qui vient de la transformation
opérée par l'Amour

:
«Si paisible soit la découverte, elle ne peut pas ne pas
faire souffrir le corps et l'âme l'amour nouveau fait tou-
»
jours mal (II, 267)
Et le tragique de l'homme devant le tragique de l'Amour
réside dans l'incertitude de l'amour humain face au Dieu-
Amour. L'homme demeure blessé «de la blessure qui ne
»
s'envenime pas (II, 268).
On peut donc dire qu'il existe « une réelle réciprocité
d'amour entre l'Autre et l'homme » (II, 270). Seul l'amour
n'altère pas l'altérité (cf. II, 269). La relation entre Dieu et
l'homme devient échange, manifestation, révélation.
A ce niveau, on se demandera quel nom donner à cette
nouvelle démarche. Assurément pas celui de théologie parce
qu'il véhicule de dangereuses ambiguïtés, marqué qu'il est
par un anthropocentrisme quasi viscéral. Celui de philoso-
phie ? Oui, malgré ses équivoques. En fait, le véritable nom
de la démarche développée ici est «la théorie de la mise
en question à tendance intégrale » (II, 293). Intégralité ne
veut pas dire totalisation, mais seulement refus de s'en tenir
à des aspects partiels. C'est de cette globalité qu'il va main-
tenant être question.
6. Finitude et culpabilité

:
Dieu se donne à aimer à tous, mais dans ce don il reste
l'Autre
« Le dénuement du Visage ne veut pas dire (.) l'atténua-
tion du mystère, puisque le mystère est aussi ce dénuement
» (II, 294).

:
même
L'amour s'offre à chacun dans sa singularité. L'individu
est un sujet structuré selon trois dimensions le corps, la
théorie et la pratique. Le corps n'est pas une chose. Il
affecte mon être dans son intégralité, mais je ne suis pas
mon corps. La théorie indique à la fois la continuité et la
rupture entre la sensibilité et la pensée. Pratique et théorie
vont ensemble. La question de l'antériorité de l'une à l'autre
est une question fausse. Corps, théorie et pratique forment
un ensemble, le sujet structuré, l'individu, au sein duquel
aucun élément n'est réductible aux deux autres, bien qu'il
ne puisse jamais se passer des deux autres.
Le sujet ainsi structuré effectue sa quête du visage de
l'Amour dans le temps. La limite de notre temps, c'est la
mort. Mourir sera pour l'homme mourir sans pourquoi,
c'est-à-dire par amour (cf. II, 323). La mort n'est pas la
dernière étape, s'il est vrai que «l'Amour ne peut pas lais-
»
ser disparaître à jamais ceux qu'il aime (II, 327).
La question de ce qui est après la mort ne nous arrache
pas à la condition dans laquelle nous nous trouvons. Cette
condition est celle de la présence de l'Autre pour autant
qu'il s'offre à nous, de son absence surtout, «parce qu'entre
nous et lui existe l'abîme, infranchissable par lui comme
»
par nous (II, 330). A travers l'abîme passe la force d'amour,
mais le visage de l'Autre reste «visage d'Absent » (Ibid).
L'Autre nous demeure invisible, il est de l'autre côté de la
rive. Je ne sais à peu près rien de l'Autre :
« L'expérience est expérience de la non-expérience, connais-
»
sance de l'inconnaissable (II, 331).
L'Autre est un nom sans nom. L'Autre est anonyme, c'est
l'Etranger évoqué par SAINT-JOHN-PERSE :
«Etranger, dont la voile a si longtemps longé nos côtes
(et l'on entend parfois de nuit le Cri de tes poulies),
?
Nous diras-tu quel est ton mal (cité en II, 331).
Dieu est finalement le Voyageur qui passe dans la nuit :
«Il est du pays d'outre-mort et, quand il s'avance vers
nous, il demeure à l'extérieur, hors de nos frontières, au-
delà des rives de cette terre et des lignes de ce corps. Prince
obscur sous sa houppelande de mendiant, d'où rayonnent
des reflets de nuit, comme dans les tableaux de Rembrandt,
et ici, à l'intérieur de la maison aux ouvertures grandissan-
où il manque. Cette ombre peu à peu s'évanouit :
tes, nous apercevons son ombre, près de la table, à la place
il s'est
effacé pour nous, le voyageur dont le passage nous arrache
à notre sommeil et nous attire hors de l'enceinte, voyageurs
à notre tour, étrangers au sens du dépouillement, et de
passage aussi, mais non pas fugitifs, enracinés au contraire
par ce mouvement même, car nous savons alors que c'est
le monde entier qui se meut avec nous, sans bruit»(II,
332).
Si l'homme est revêtu de finitude, il l'est également de
culpabilité. L'homme peut se refuser à l'Amour. Le péché est
« »
ici manquement à l'Amour, faute devant sa face (II, 338).
Il convient de préciser. La faute ne réside pas dans les faux
pas eux-mêmes, sans lesquels il n'est pas d'apprentissage
d'amour, mais dans le refus des faux pas, dans le refus
d'apprendre à aimer. «La faute des fautes est de douter
»
de l'Autre dans nos fautes (II, 339). C'est dire que la faute
par excellence, c'est le mal radical, la perte de confiance en
l'amour, celui de l'Autre et le sien propre. C'est «le retour
de la faute sur elle-même » (II, 353). Si l'individu est faillible,
cela ne vient pas de ce qu'il a déjà péché, mais de son
essence temporelle. Dès l'origine, il y a mélange de oui et de
non. L'innocence n'a jamais existé.

7. Autrui
Ce n'est qu'à ce stade du développement que Georges MOREL
introduit la question d'autrui, c'est-à-dire bien tardivement.
Ce qui a été dit de la relation entre l'homme et Dieu est
applicable pour une bonne part aux relations entre hom-
mes. Nous devons d'abord affirmer l'indépendance de cha-
que être humain en face des autres. L'apprentissage de
l'amour sera ici aussi difficile que pour Dieu. Il suffit pour
s'en convaincre de relire ce passage de RILKE cité par Georges
MOREL :

«L'amour
: est difficile, l'amour qui lie un être humain à
un autre c'est là peut-être ce qui nous fut imposé de plus
difficile, la tâche suprême, l'épreuve finale, le travail dont
tout autre travail n'est qu'une préparation. C'est pourquoi
choses :
les jeunes gens ne peuvent aimer, eux, les débutants en toutes

:
ils doivent l'apprendre (.) Mais un apprentissage
est toujours une longue période close ainsi l'amour, pour
celui qui aime, demeure longtemps et jusque bien avant dans
la vie, une solitude, un être-seul plus intense et plus pro-

:
fond. Aimer, ce n'est rien tout d'abord de ce qui s'appelle
s'épanouir, s'abandonner et s'unir à un autre être que serait
en effet une union du confus et de l'inachevé — et dépendant
encore ? (cité en II, 354-355).
Le tragique de la condition humaine est qu' « une vie
s'achève avant qu'on ait tout juste commencé d'aimer, d'en-
trevoir qu'aimer n'est pas ce que l'on croit» (II, 331). Le,
face à face entre visages commence par une interrogation 1
patiente et démunie.
Devant autrui, je suis amené à reconnaître, comme pour
Dieu, un mystère à cause de « la faille irréductible entre le
»
visible et l'invisible (II, 358). Contrairement à ce que l'on
Là encore, voir l'autre exige un apprentissage :
croit spontanément, autrui ne m'est pas plus visible que Dieu.
visibilité passagère de son
« Voir l'autre, serait, par la
»
regard, reconnaître son invisibilité (II, 358).
Cette invisibilité d'autrui est « son chez-lui imprenable »
(Ibid). A ce propos, on rapporte que le Jeune HEGEL regar-
dant quelqu'un dans les yeux y perçut «un abîme insonda-
»
ble (Ibid.) :
« Le mystère d'autrui
:
n'est pas néant il est certes nuit,
mais nuit non d'abord terrifiante, nuit traversée d'éclairs
et baignée quelquefois d'un tendre éclat. Cette infinité n'est
pas une mer sans bordures. Elle n'est pas muette, mais elle
parle en silence, par les paroles qui s'effacent, par les vagues
qui refluent de ce côté, non pas en elles. Ainsi autrui nous
devient-il aussi étranger, étrange, absent que l'Autre. Quand
cet événement se produit, même très peu, quand advient la
reconnaissance mutuelle, chacun est renforcé à la fois dans
son être-soi et dans son ouverture » (II, 358-359).
Il importe de noter enfin que la valeur d'une existence
n'est pas mesurée par la reconnaissance historique qui en
est faite ou non, car «on peut aimer sans être aimé » (II,
359). Cela, il faut le souligner fortement contre la dialectique
de HEGEL, pour qui «la vie spirituelle exige la reconnais-
sance par autrui» (I, 361).
Au terme de l'itinéraire qui vient d'être décrit, Georges
MOREI. rappelle les conditions dans lesquelles se pose la
question de Dieu. Ces conditions restent déterminantes jus-
que dans la condition où l'homme se trouve en face de
l'Autre.

III. CONSEQUENCES POUR LA CHRISTOLOGIE

Dans le troisième tome de sa trilogie intitulé Jésus dans


la théorie chrétienne, Georges MOREL tire les conséquences

:
de ce qui vient d'être dit. Pour résumer, nous disons que
l'Amour a un visage, mais pas de figure « Seul l'amour, qui
est sans figure, peut faire éclater les figures» (III, 208).
L'Amour a un visage, il existe et va vers l'homme, tandis
que l'homme marche vers lui, mais Dieu est rejeté aux mar-
ges de notre histoire, de telle sorte que l'incarnation soit
impensable.
L'analyse de Georges MOREL se déroule en trois temps. Il
y a d'abord une revue de ce qu'il est possible d'affirmer du
Jésus historique sur la base des études exégétiques récentes.
La vraie difficulté apparaît ensuite, lorsque Georges MOREL
critique la théologie chrétienne. Dans un dernier temps, il
s'efforce de présenter ce qu'il retient de Jésus, après lui
avoir dénié toute divinité. Le second temps seul nous retien-
dra un instant, à savoir la « critique de l'essence du christia-
nisme» (ch. 2).
Jésus est vraiment homme. Si nous voulons affirmer cela
dans toute sa vérité, nous devons — selon Georges MOREL
— refuser ce qu'il appelle «l'idéologie de la naissance mira-
culeuse », à savoir le dogme de la naissance virginale. Plus
encore, nous devons refuser ce qu'il appelle «l'idéologie de
l'incarnation ». Jésus lui-même ne se serait jamais dit Dieu.
Les évangélistes ne l'affirment pas nettement. La genèse de
»
cette « illusion remonterait à l'Eglise primitive. Pour Geor-
de l'amour» :
ges MOREL, le dogme de l'incarnation est «un affadissement
(III, 104), et cela pour deux raisons
« En premier lieu, il lui faut toujours présupposer qu'avant
le judéo-christianisme Dieu ne se révélait — et ainsi n'ai-
mait — que de manière abstraite. Mais Dieu a tellement
aimé le monde qu'il n'a cessé de l'aimer à chaque instant,
pour chaque individu, de façon absolue et que cet amour,
dont l'essence est de se révéler, n'a jamais cessé de se révé-
ler intégralement, sans privilèges et sans acception de peuple
ou de personne (.) En second lieu, l'idéologie chrétienne
croit que, pour aimer l'autre, il faut devenir cet autre et
revêtir son identité (.) Que Dieu en fait ne puisse pas deve-
nir homme est l'éclatant confirmatur de ce qui est l'essence
de l'amour, le rapport dans la reconnaissance des différences
réelles, celles par quoi précisément l'un n'est jamais ontolo-
giquement l'autre. Désirer l'autre, c'est désirer que l'autre
soit vraiment tel, et se communiquer ce désir, sans chercher
»
à le faire disparaître dans la même entité (III, 104-105).
Ou encore :
«Ce ne sont pas les lois de la nature qui empêchent (.)
»
d'accepter cette incarnation, mais les « lois de l'amour, dont,
la première est le respect inaltérable de l'altérité»(III, 104).
Finalement, pour Georges MOREL, l'incarnation est « une
»
altération de l'amour (III, 125). Reconnaître la divinité de
Jésus, c'est pour lui aller «à l'encontre de l'amour »
(III,
120). Le dogme de l'incarnation est alors la forme la plus
haute du mythe archaïque de l'identiifcation. Conséquent
avec lui-même, Georges MOREL rejette également le dogme
de la rédemption, le mystère de l'Eglise et la réalité de
?
l'Eucharistie. Que reste-t-il alors de Jésus Jésus a prêché
la conversion du cœur qu débouche normalement sur un
comportement éthique. Il a enseigné la liberté de l'amour.
Sa vie reste exemplaire, peut-être unique.

CONCLUSION

ment respectable:
Le cheminement décrit par Georges MOREL est infini-
c'est le cheminement d'un foi qui est
authentique, même si elle ne parvient plus à confesser la
divinité de Jésus. C'est la recherche tâtonnante et coura-
geuse d'un homme affronté au mystère de Dieu. On ne saurait
mépriser une quête spirituelle aussi exigeante.
Nous sommes par là même, nous chrétiens, amenés à nous
interroger sur notre propre foi chrétienne. Car les questions
posées par Georges MOREL, du moins certaines, demeurent.
Ne parlons-nous pas trop facilement de Dieu ou de l'amour ?
La révélation de Dieu en Jésus a-t-elle vraiment aboli toute
?
transcendance et toute altérité divines Autrui est-il respecté
idans tout son mystère ?.

Georges MOREL des réserves, des questions :


En même temps, nous ne pouvons pas ne pas adresser à

1) La liberté humaine est-elle vraiment cet absolu abstrait


?
tque n'affecte aucune différence La relation est fondée sur
>elle, alors qu'une autre perspective, plus juste à nos yeux,
tserait de fonder la liberté sur la relation.
?
2) L'amour est-il possible sans figure historique concrète
INe reste-t-il pas trop abstrait, lui aussi, n'ayant que les
?
contours d'un visage cherché dans la nuit Comment peut-
xm parler d'amour sans union, laquelle n'est pas identifica-
tion ?
3) Georges MOREL ne s'est-il pas laissé piéger par l'œuvtfe
de saint Jean de la Croix, souvent citée dans les Questions
id'homme, notamment en finale (III, 213-216). et à qui il
?
consacra une première trilogie Au terme de sa propre
:
setude sur le docteur carmélitain, Hans Urs von BALTHASAR
cposait les questions suivantes
«Cette mystique ne survole-t-elle pas le Christ incarné,
pour se précipiter, d'un bond, dans le foyer ardent de l'amour
?
trinitaire Et, plus encore, l'Eglise, en tant que communauté
?
concrète d'amour, n'est-elle pas laissée en arrière Ne réduit-
on pas irrésistiblement la Parole déterminée de Dieu à une
parole unique, supra-humaine, indicible? » (La Gloire et la
croix II, 2, p. 58).
Ce sont de telles questions, et d'autres encore, qui peuvent
ouvrir une vraie discussion.
André ARDOUIN.
COMPTES RENDUS
La foi catholique — Le Concile Vatican II

?
'aul POUPARD — La foi catholique, col. Que Sais-je n' 2050,
'aris P.U.F., 1982.
'aul POUPARD — Le Concile Vatican II, col. Que sais-je?
lO 2066, Paris P.U.F., 1983.

L'auteur vient en quelques mois de publier ces deux petits


olumes. Initiation peut-être, mais, dans les deux cas, exposés
impies et complets.
1
— Présenter la foi catholique à un lecteur peu spécialisé,
l'est pas une mince entreprise. Paul POUPARD a voulu que son
exte ne soit «ni un catéchisme, ni un traité d'apologétique,
li un témoignage personnel, mais l'exposé de la foi» (p. 3). Il
)rganise son développement en partant d'une présentation qu'il
»
?
ntitule : « Qu'est-ce que croire ». « Je crois Dieu. Je crois à
)ieu. Je crois en Dieu (p. 5). Montrant que la « foi» a ses
1
;
raisons de croire », qu'elle est libre, qu'elle transforme la vie,
lu'elle est vie qu'elle se nourrit de prière, que Dieu est sujet
le la foi, il conclut que la parole de Dieu «nous éclaire sur son
)ropre mystère qu'il nous dévoile ». Le sujet est ainsi claire-
nent posé.
L'auteur développe ensuite le problème de l'intelligence de
a foi et ne manque pas d'insister avec Pierre Emmanuel sur
a marque indélébile que la foi peut imprimer en nos intelligen-
ts et avec le cardinal Wojtyla sur l'infirmité de « la culture
lumaine» s'il lui manque « un rapport avec Dieu » (p. 32-34).
La vie de foi est ensuite étudiée sous le double aspect de la
morale chrétienne et de l'espérance chrétienne (p. 35-53).
Mais l'auteur consacre l'essentiel de son étude au considérable
:hapitre IV : la foi de l'Eglise (p. 54-115) et s'emploie à donner
an commentaire très suivi du Credo de Nicée-Constantinople.
:ette dernière présentation d'accès très commode, remplie de
:itations scripturaires, emprunte assurément beaucoup dans son
argumentation à des études antérieures données par l'auteur
lui-même, par les cardinaux Garrone, Ratzinger et de Lubac, par
le Père Liégé (cf. Bibliographie, p. 127), mais l'exposé de la
matière, traduisant une grande maîtrise de la doctrine, es
:
animé d'une conviction de sobre tenue qui rend la lecture cor
vaincante. Il s'agissait de présenter la foi catholique
pas sans raison que le volume se termine par la reproductio
de la Profession de foi de Paul VI, datée du 30 juin 1968, a
ce n'es

moment où, chacun en a gardé le souvenir, le pape s'interrogeai


non sans souffrance, sur une certaine «confusion » (le mot e*

:
de Newman à propos de Vatican I) qui avait suivi Vatican 1
2 — Le second petit volume — Le Concile Vatican Il
— pr<
cède de la même préoccupation initier. L'auteur réduit a
minimum les indications historiques pour concentrer son attei
tion sur une brève et substantielle analyse des seize documents
4 constitutions ayant « valeur permanente », 9 décrets d'un
«portée pratique immédiate », 3 déclarations marquant « un
étape dans une prise de conscience» (p. 5-6).
La matière est distribuée en dix courts chapitres nerveux e
denses, écrits d'une plume alerte. Tour à tour sont considérée
des études relatives à l'Eglise, aux sources de la foi, à « la prièr
»
et la liturgie de l'Eglise, aux évêques, aux prêtres, aux religieu:
à l'éducation chrétienne (et à l'apostolat des laïcs), à l'activit
missionnaire, à l'œcuménisme, aux religions non chrétienne
(et aux non croyants) à « l'Eglise et le Monde », à la libert
religieuse. Mises à part peut-être les Il pages consacrées
l'Eglise (constitution Lumen gentium) qui présupposent quelqu
discrète préparation de la part du lecteur, l'ensemble du livr
donne au non initié l'essentiel de ce qu'il lui revient de connaîtr
pour apprécier l'ampleur des travaux d'une assemblée de plu
de 2500 Pères venus de 141 pays. Cette mise au point encourag
à poursuivre l'enquête par le recours aux textes et aux étude
plus approfondies signalés en une sommaire bibliographie (p. 123
Le livre refermé, trois réalités, déjà connues il est vrai, pei
vent, entre plusieurs autres, être confortées sur cette commi
nauté des chrétiens « entièrement solidaire du genre humai
»
et de son histoire (p. 90). Toutes les trois s'organisent autou
du thème fondamental proposé par le cardinal Montini à la fi
de la première session (11 octobre — 8 décembre 1962) : «prei
dre l'Eglise pour fil directeur, résume Paul Poupard, l'Eglis
ad intra et ad extra, l'Eglise en elle-même et pour le monde
(p. 7). Cette triple conclusion pourrait s'exprimer comme
:
suit
a) l'Eglise, peuple en marche avec Marie Mère de l'Eglise
Marie « image et. commencement de l'Eglise en sa consomm:
»
tion glorieuse (p. 17) ;
b) l'Eglise tout entière missionnaire (p. 71-74) ;
c) l'Eglise, centre de la fraternité universelle, dans ses rapporl
avec les autres religions chrétiennes, non chrétiennes et mêm
avec les non croyants (p. 81-88).
Les impératifs de l'édition ne permettaient pas à l'auteur
j'exposer les notables difficultés rencontrées par la mise en
oeuvre du concile en ce temps de mutation socio-culturelle des
10
:
dernières années. Il conclut, annonçant peut-être une étude
l venir «L'histoire dira peut-être de ces années tournantes,
ie 1962 à 1982, en ces deux décennies, à mi-chemin de l'ouverture
du concile et de l'aube du troisième millénaire, que le concile
Vatican II aura été comme l'un de ces barrages qui accumulent
une prodigieuse réserve d'énergie» (p. 121).
Mgr Yves MARCHASSON
Problèmes de morale fondamentale
Un éclairage biblique

Pierre GRELOT — Problème de morale fondamentale. Un éclai-


rage biblique, Col. Recherches morales, éd. du Cerf, Paris 1982,
289 p.

Ce nouveau livre, entièrement consacré à la morale et à des


questions de morale, rejoint, par-dessous les nombreux travaux

;
exégétiques de P. Grelot, le niveau de la réflexion fondamentale
qu'il abordait déjà dans ses ouvrages des années 60 : Sens
chrétien de l'Ancien Testament La Bible, Parole de Dieu: Bible
et théologie. A la différence près cependant que cette dernière
publication ne se présente pas comme une synthèse, mais plutôt
comme un faisceau d'approches. Chacune gagne à être lue pour
elle-même, dans sa logique propre. Certains éléments, en effet,
apparaissent à plusieurs reprises, mais s'avèrent, dans chaque
contexte, nécessaires à la démonstration. Si l'on accepte cette
fragmentation de la lecture, on rejoint plus aisément le propos
de l'auteur, qui est d'offrir des matériaux, en laissant aux mora-
listes le soin de les construire en système (p. 8).
Un premier chapitre rappelle l'importance de l'Ancien Testa-
ment pour l'élaboration de la morale chrétienne. Même si, dans
aucun domaine, l'Ancien Testament ne nous offre une révélation
complète de Dieu, de ses desseins et de la réponse qu'il attend
du croyant, « il comporte déjà un contenu positif, où la morale
était très correctement située et possédait déjà pour une large
»
part sa forme définitive (p. 38).
Suit une Note, à vrai dire très substantielle (p. 39-65), sur
l'emploi, dans l'Ecriture, du mot physis et de ses dérivés. Ni
dans la Sagesse alexandrine, ni dans les textes pauliniens, physis
n'évoque une idée abstraite de la nature, encore moins celle de la
nature pure, mais bien plutôt « la condition existentielle que nous
recevons en venant au monde et une estimation de cette condi-
»
tion en fonction du dessein de Dieu (p. 49).
Une troisième étude, sur le fondement des normes morales
en théologie chrétienne, situe l'agir humain dans l'Economie du
salut, selon quatre moments théologiques : création, condition v
à la christologie et à l'anthropologie chrétienne :
pécheresse, acte rédempteur du Christ, nouvelle création. Ce
parcours biblique permet de relier fortement la théologie morale
l'idée de loi
ne trouve sa juste place que dans une morale de l'alliance que
le Christ a conduite à son accomplissement (p. 93) ; les intuitions
de la raison droite rejoignent bien un dessein objectif du Créa-
teur, mais la loi inscrite par le Créateur dans l'être de l'homme
»
puisque ce Créateur est intimior intimo meo ;
ne peut être pour autant présentée comme « extérieure à lui,
par ailleurs la
grâce du Christ rédempteur et la lumière de l'Esprit Saint peu-
vent seules assurer la parfaite rectitude de la raison (p. 97) ;
enfin il serait erroné d'opposer morale des commandements et
morale de l'amour, puisque les commandements eux-mêmes
changent de sens, à partir du moment où l'amour devient leur
principe d'intégration (p. 100).
P. Grelot s'attache ensuite à montrer que le Décalogue, pris
isolément, sans les compléments positifs apportés par les pro-
phètes et les sages, ne constitue pas un condensé adéquat de la
morale de l'Ancien Testament, et que l'interprétation trop juri-
dique de la Tôrah, fréquente chez les théologiens médiévaux,
tendait à ramener la morale des vertus à la morale de la loi.
préconise une exposition de la morale articulée sur deux pôles
la présentation positive de la sagesse de vie conforme au dessein
:
Le dernier chapitre, sur l'Eglise et l'enseignement de la morale,

de Dieu, et la joyeuse annonce du salut promis aux pécheurs


par un Père qui désire pardonner (cf. p. 191). « La morale liée
à l'Evangile ne se substitue pas aux intuitions de la conscience
humaine, elle les reprend en sous-œuvre pour les conduire jus-
qu'au bout de leur vérité. Il entre dans les fonctions de l'Eglise,
en tant qu'annonciatrice de l'Evangile, de prendre position sur
toutes les questions où la moralité des actes humains est en
»
jeu (p. 194). De ce principe général quelques applications sont
ensuite suggérées en matière de morale politique, de justice
sociale, de respect de la vie et de morale sexuelle. La vaste cul-
ture de l'auteur, jointe à l'indépendance de son jugement, lui per-
met d'indiquer, chemin faisant, de nombreuses pistes de réflexion.
Certes, l'intérêt de ce chapitre est surtout d'ordre programmati-
que, et l'esquisse de P. Grelot appelle des prolongements que
seules pourront apporter des recherches pluridisciplinaires, mais
on lui saura gré de les avoir si bien amorcées.
Son propos était de « jouer seulement sa partie dans un
concert où fourmillent les dissonances ». Les théologiens et exé-
gètes musiciens découvriront sans peine que, dans ces pages,
plusieurs de ces dissonances ont été déjà résolues sur l'accord
de fondamentale.
Les lecteurs retrouveront, tout au long de ces cinq études
convergentes, les qualités auxquelles notre infatigable confrère
nous a depuis longtemps habitués :
richesse de l'information,
souplesse de la langue, clarté de l'exposé. Peut-être la numérota-
tion décimale des paragraphes raidit-elle inutilement la présen-
;
tation, dans cet ouvrage qui garde jusqu'au bout le ton du dia-
logue mais ce n'est là qu'une question de préférence.

Jean LÉVÊQUE

risqueraient de fausser sa pensée


:
:
P.S. — Voici quelques errata, aimablement signalés par l'auteur, et qui

— p. 128, ligne 14,


lire «ou redresse à l'occasion.»
:
— p. 173, note 39, ligne 2, lire «les Pères de l'Eglise.»
— p. 174, note 41 (suite), ligne 15, lire: «les critères de discernement
qui peuvent jouer pour discerner hic et nunc la volonté de Dieu et
les exigences. »
:
— p. 175, ligne 4, lire «d'un esprit étroit et peu sûr. »
:
— p. 209, ligne 15, lire «les principes théoriques sur lesquels. »
:
— p. 241, ligne 7, lire «des bribes choisies.»
— p. :
252, ligne 7 à partir du bas, lire «jusqu'à assimiler.
:
— p. 260, note 154, ligne 2, lire «que je ne traite pas. »
consortio.»
— p. 262, note 156 (suite), ligne 8, lire: «Familiaris
Le Dieu commun

Guy LAFON — Le Dieu commun, Editions du Seuil, Paris, 1982,


155p.

?:
Quiconque a eu le privilège de travailler avec Guy LAFON sait
son ambition de parler gratuitement de la grâce «
Pour le
christianisme, Dieu n'est-il pas un Dieu de grâce Pourquoi ce
caractère, par lequel on aime à définir sa nature, ne se marque-
rait-il pas dans le mode sous lequel on le confesse? »
Le Dieu commun, voici un livre qui «voudrait témoigner d'un
Avec

certain désintéressement, bien accordé à l'objet dont il traite.


Il n'établit pas, par la force d'un raisonnement nécessitant, com-
ment on doit poser la question de Dieu. Il lui suffit d'indiquer
»
comment on peut la poser (p. 14).
Désireux de parler gratuitement, avec désintéressement, Guy
LAFON ne renonce pas pour autant à faire œuvre de raison.
Cette œuvre, il s'y engage de façon personnelle, sachant recon-
naître ses dettes, mais libre par rapport à toute référence. Par-
:
mi ceux qu'il désigne comme ses créanciers, Kant occupe la
première place c'est ainsi que la méthode est d'emblée caracté-
risée comme transcendantale.
Conformément à ce choix méthodologique, la première partie
est tout entière consacrée à élaborer la règle qui « court dans
toutes les figures de l'expérience humaine». Cette règle est celle
de l'entretien. La construction de ce concept est menée de façon
à la fois patiente et alerte, grâce aux ressources d'une langue
savamment maîtrisée et aux acquis des sciences de l'homme.
Tout ce qui advient en humanité est toujours déjà entre nous.
Situation d'alliance qui appelle notre consentement, pour que se
produisent la société et l'histoire.
La deuxième partie traite de la religion comme d'une manière
d'acquiescer à l'entretien. Comme toute institution, la religion
:
lie les hommes au nom de ce qui est absent. Mais elle a ceci de
particulier qu'elle maintient indéfiniment l'absence le rapport
à Dieu, c'est le rapport à une absence indépassable. Ayant ainsi
analysé le concept transcendantal de religion, l'auteur retrouve
la conceptualité du christianisme. Attentif au geste d'énonciation
théologal. Croire maintient notre rapport à l'absence ;
qui se termine aux énoncés des religions, il explore le rapport
; espérer
situe ce rapport dans l'ordre du désir aimer dépasse l'opposi-
tion entre absence et présence. Ce rapport théologal « constitue
l'instance critique de tous les énoncés religieux. Cette instance
critique est ce qui transforme toutes les représentations d'une
religion, sans exception, et voit en elles comme une projection
en énoncés du rapport théologal lui-même » (p. 96).
Au terme de cette deuxième partie, la question de Dieu apparaît
liée à la question de la société. Et une subtile démonstration
nous invite à reconnaître que, de ce fait, la question de Dieu est
une question libre.
La troisième partie introduit le concept et le fait d'une révé-
lation de Dieu. Etant donné le chemin suivi jusqu'ici, on ne sera
pas surpris des embarras et des difficultés que provoque une
telle irruption. Or cest précisément la prise en compte de ces
difficultés qui permet d'avancer dans l'intelligence de la révéla-
tion et de l'entretien lui-même.
L'itinéraire qui vient d'être décrit est parcouru en 150 pages
d'une prose belle et dense. L'audace assurée de la démarche,
la force des articulations font la cohésion de l'ensemble. Et
l'auteur nous apparaît comme un scribe averti qui tire de son
trésor du neuf et du vieux.
Certes, le lecteur, tout en s'aventurant avec joie sur le chemin
qui progressivement lui est ouvert, sent se lever en lui des
questions. Même si une prise de parole s'impose par sa vigueur,
l'entendre c'est refuser de la laisser être un monologue. Il est
heureux que des questions surgissent entre nous, et que nous
puissions nous en entretenir.
Christiane HOIRTICO
Voici le temps des Héritiers

Le compte rendu de cet ouvrage comme des trois


suivants est dû à un jeune prêtre camerounais,
ancien étudiant de l'Institut Catholique. Ayant pré-
senté avec succès un mémoire sur Paul TILLICH,
l'abbé Achille MBALA KYÉ a obtenu la maîtrise en
théologie à la STBS en 1976. Rentré la même année
dans son pays, il est actuellement aumônier des étu-
diants et enseigne au Grand Séminaire de Yaoundé.
Il nous a semblé tout indiqué pour présenter à nos
lecteurs plusieurs ouvrages sur l'Afrique et l'Eglise
en Afrique qu'avait bien voulu nous faire parvenir
le Père René LUNEAU. On pourra constater que Achille
MBALA KYÉ a su répondre excellemment à la demande
que nous lui avions adressée.
J.D.

Jean-Marc ELA et René LUNEAU — Voici le temps des Héritiers,


éd. Karthala, Paris 1981.
Voici le temps des Héritiers — ou : du présent de l'Evangile
aujourd'hui dans les Eglises d'Afrique. «Oui, après les années
des fondateurs et des organisateurs, voici venu le jour des héri-
tiers. Ce dont nous héritons, ce n'est pas de l'or et de l'argent;
;
ce dont nous héritons, ce n'est pas des villes, des voitures et des
virements de banque ce dont nous héritons, c'est une richesse
vivante qui vient de Dieu, c'est la Parole et le Pain de vie, c'est
la famille même de Dieu, c'est l'Evangile et la Mission de le
répandre ».
Donnant comme une amplification très heureuse de ces propos
de Mgr A.T. SANON lors du premier Jubilé de l'Eglise de Bobo-
Dioulasso, R. LUNEAU et J.-M. ELA nous plongent au cœur du
mystère chrétien qui se vit présentement dans l'Eglise africaine :
« L'Eglise en Afrique doit être aussi pascale. Il lui faut mourir
pour vivre, mourir au temps de la Mission pour renaître à celui
de la majorité ». Tout le monde en convient, mais l'on constate
également qu'il s'instaure un divorce entre le discours officiel
et la pratique à laquelle, de fait, on se tient.
René LUNEAU nous fait d'abord découvrir son abondante docu-
mentation sur les dix dernières années de la vie de l'Eglise en
Afrique. A la lumière du voyage du Pape Jean Paul II en mai
1980, il nous fait toucher du doigt les plaies de nos Eglises:
— le recul de l'Eucharistie dans la vie des communautés,
— le démenti opposé au discours ecclésial par les faits,
— le refus obstiné de prendre en compte les conditions respec-
tives de l'évangélisation des uns et des autres.
Comme le souligne avec justesse C. NGENDAKLTRIYO, par-delà
l'élan de ferveur face à un homme venu de loin même s'il béné-
ficie d'une autorité spirituelle sans égale, la poignante interroga-
tion sur l'africanisation de l'Eglise demeure. Mais il ne faudrait
pas voir là une cause de découragement, car l'Esprit Saint
continue à parler aux Eglises.

:
J.-M. ELA traduit fort heureusement ce qu'il retient de l'écoute
attentive qu'il prête à cet Esprit
— la communauté de base n'est pas qu'un mot d'ordre, mais
bien le lieu où se cherche une autre solidarité, une autre
;
catéchèse, une autre prière authentiquement chrétiennes et
africaines
:
— du sort que nous réservons à cette communauté découlera
notre avenir n'être qu'une copie conforme, ou risquer et
être nous-mêmes comme au temps de Paul et de Barnabé?
Ce livre de R. LUNEAU et J.-M. ELA est traversé par un grand
souffle d'espérance qui réveille du ronron des bonnes vieilles

moment :
habitudes qui sécurisent à trop bon compte. Quand on en tourne
la dernière page, on est saisi et l'on se rend à l'urgence du

:
il nous revient désormais de partir de la vie des com-
munautés pour une évangélisation plus profonde car là où
l'Eglise est présente, elle doit devenir partie prenante des com-
bats de l'homme et en assurer l'accompagnement spirituel, cul-
turel, voir technique.
Ainsi, comme le souligne le P. COSMAO : « En redevenant le
mouvement historique qu'il était avant de se figer en système,
le christianisme n'a pas fini d'étonner ceux qui, de l'extérieur,
en annonçaient le déclin, tout comme ceux qui s'y réfugiaient
comme dans une carapace ».
Achille MBALA KYÉ
Enraciner l'Évangile
Initiations Africaines et Pédagogie de la Foi

Anselme TITIANMA SANON et René LUNEAU — Enraciner


l'Evangile — Initiations Africaines et Pédagogie de la Foi, éd. du
Cerf, Paris 1982, 221 p.

Enraciner l'Evangile, exigence de notre fidélité au Christ vi-


»
vant aujourd'hui « au cœur de nos vies : le titre du livre de A.
TITIANMA SANON et René LUNEAU nous plonge dans l'actualité de
la théologie africaine. Par des biais différents, les deux auteurs
s'accordent pour faire des initiations africaines le point de départ
d'une démarche théologique et pastorale fructueuse.
Sans acrimonie, nous passons d'un procès de réhabilitation
d'une pratique sociale et culturelle à une profession de foi
« authentique ». Loin d'éveiller la moindre nostalgie, la lecture

:
de ce bel ouvrage s'ouvre sur un horizon prometteur de recher-
che il met l'accent sur le sens de l'homme qu'inclut l'initiation
en pays Bobo et il éclaire nombre d'éléments de cette tradition
susceptible de renouveler aujourd'hui la pédagogie de la foi.
La lecture achevée, on ne peut que remercier A. TTTIANMA

:
SANON et René LUNEAU de nous avoir fourni les conditions d'une
réponse affirmative à la question liminaire « la foi en Jésus
?
Christ a-t-elle vraiment saisi le mystère de la culture africaine ».
Dans un premier temps, le P. LUNEAU retrace de main de
maître les grandes étapes de la missiologie des vingt dernières
années en « terres de mission» :

— la période de la méconnaissance du rite,


— le temps d'adaptation,
pierres
— l'heure des d'attente,
— le moment pathétique de l'inculturation de la parole de Dieu.
Dans le dernier cas on n'en reste plus au niveau du principe
on réfléchit à partir d'un exemple précis. Et quel exemple
nion des milieux avertis :
: ;
il
s'agit des initiations africaines, plusieurs fois signalées à l'opi-
— l'expérience du P. LASSORT dès les années 1940 en Guinée,
— l'initiation à Koumi en 1956,
— l'expérience tchadienne menée en pays Sara au cours des
vingt dernières années.
D'aucuns reconnaissent aujourd'hui que ce thème, relégué
momentanément — et à tort — dans le registre du paganisme,
relève de la tradition ecclésiale en ce qu'elle a de plus vulnérable
et de plus assuré. Depuis les origines de l'Eglise, le baptême, la
confirmation et l'eucharistie sont les sacrements de l'initiation
chrétienne.
Dans le contexte africain, malgré l'évolution, l'initiation villa-
geoise recèle encore de nombreuses richesses et peut encore
représenter pour l'Eglise une « base providentielle pour la trans-
mission du Message Evangélique et pour la construction de la
».
:
nouvelle Société dans le Christ Moyennant quelques aménage-
ments portant sur son caractère gérontocratique, le sentiment
de caste qu'il risque de faire engendrer, son ritualisme désuet.
Dans un second temps, profondément imprégné de sa culture,
Mgr A. TITIANMA SANON souligne d'entrée de jeu que l'initiation
n'a rien d'une institution amusante au mécanisme simple. En
fils de l'initiation, il nous dévoile tour à tour la pré-initiation,
puis l'initiation proprement dite, avant d'en esquisser à notre
intention le profil éducatif profondément humaniste.
La pédagogie initiative, nous rappelle-t-il, est une pédagogie
par transmission orale et gestuelle. Les maîtres découpent en
unités verbales assimilables ce qu'ils enseignent, comme autant
de semences confiées au corps et au cœur des disciples.
Les moments rituels proposés aux candidats visent à les
intégrer dans l'ensemble du monde et les aident à se situer
par rapport à la naissance, à la vie et à la mort. Aussi la fête
marquant la fin de l'initiation célèbre-t-elle une triple nais-
sance :
— naissance de la communauté
villageoise renouvelée en ses
valeurs fondatrices,
— naissance d'une génération nouvelle dans la lignée de la
tradition,
— naissance enfin de chaque membre, situé dans sa génération
et dans la communauté selon l'authentique tradition.
Cette éducation, orientée vers la promotion communautaire
et progressive d'une génération nouvelle, sollicite en un même
moment toutes les dimensions humaines de l'individu. Comme
telle, elle le sort de son individualisme et lui apprend qu'il est
membre et non morceau du corps social. Elle lui fait découvrir
que ce qui fait vivre et survivre le groupe, c'est la croyance,
le rite et la culture.
Il est donc clair que l'initiation villageoise implique
l'homme,
:
— une vision de
— une
pédagogie,
— une approche du
mystère.
Face à tout cela, l'Eglise, en contexte africain, ne saurait rester
indifférente si tant il est qu'elle veuille encore s'attester comme
lieu de purifications et de réconciliations permettant à une
humanité d'être moins indigne de l'appel du Christ.
Il ne suffit donc plus d'exiger que le catéchumène renonce
à sa culture pour suivre le Christ. L'Eglise devrait emprunter
à l'initiation villageoise le chemin d'une «pédagogie vitalement
modelante» qui oriente vers le sens de l'homme, vers le lieu
et l'espace où l'homme se reçoit en recevant, dans une commu-
nauté et avec elle, les signes et les symboles qui disent le tout
de la vie.
Du dialogue à instaurer entre la religion traditionnelle et la

modelante », résulteraient plusieurs bénéfices notables :


foi chrétienne, dans le cadre de cette « pédagogie vitalement
le culte
initiatique s'allégerait du poids de ses entités et de ses esprits,
et la religion traditionnelle s'éclairerait de la dimension doctri-
nale du christianisme.
De l'Eglise, nous n'attendons plus qu'elle éteigne la petite
flamme qui brûle encore, mais plutôt qu'elle aide à réapprendre
— à l'école du Christ, le bon samaritain — la manière de tendre
la main à l'autre, blessé et faible, voire coupable et sans défense.
L'Eglise devrait servir de révélateur par rapport aux traditions
culturelles, et non uniquement d'instance qui juge. Elle est
appelée à leur permettre de dire ce qu'elles font et pourquoi
elles le font.
Ce livre est un précieux instrument de travail pour tout apôtre
soucieux de l'indigénisation de l'Evangile dans les cultures afri-
caines. Sans doute aurait-il cependant pu faire un peu plus de
place aux problèmes sociaux souvent cachés sous le couvert de
la religion.
Achille MBALA KYÉ
L'Afrique des villages

Jean-Marc ELA — L'Afrique des villages, éd. Karthala, Paris 1982.

Par son origine sud-camerounaise et par l'expérience acquise


depuis 10 ans de ministère parmi les montagnards du nord, la
parole de J.-M. ELA dans L'Afrique des Villages traduit une
préoccupation très profonde de justice et de vérité. La descrip-
tion du processus de paupérisation ne passe aucun détail depuis
l'ère coloniale jusqu'à nos jours où le ton est au « développement
auto-centré », en passant par le temps des promesses mirobo-
:
lantes, voilà plus de 20 ans, quand il fallait se battre pour l'indé-
pendance. Ironie du sort alors qu'il tend à devenir un centre
répulsif pour les jeunes en quête d'avenir, le villageattire tout
au contraire des fonctionnaires, heureux bénéficiaires de la
« Révolution verte ». Que s'est-il donc passé?

— La société précoloniale s'est construite et maintenue en


état par une masse de producteurs ruraux, asservis par une
classe de privilégiés, qui n'ont pas hésité à vendre aux négriers
arabes et européens des jeunes gens issus des classes exploitées.
— L'Afrique colonisée, hormis les comptoirs, les ports et les
chefs-lieux, est une Afrique rurale et, comme telle, une vaste
réserve de main-d'œuvre prête à se vendre dans les chantiers,
forestiers, les usines et les zones de plantations.
— Les formes multiples de coercition du régime colonial ontj
abouti au rapport de production capitaliste en Afrique noire,,
caractérisé par les exactions de l'impôt, les cultures obligatoires*
et le travail forcé.
;
— L'économie de traite a enfermé les paysans
noirs dans les
processus de paupérisation seule une petite minorité issue des
écoles a échappé aux formes brutales de l'indigénat.
— Les cadres subalternes indigènes ont été
utilisés par l'admii
nistration coloniale contre leurs frères de race.
— L'avènement des nouveaux Etats n'a fait que renforcen'
les avantages acquis par les subalternes d'hier.
Tout, manifestement, n'est conçu que pour le bien-être des
citadins de la capitale. Puisqu'il en est ainsi, que faire pour
?
libérer l'avenir — Pour Jean-Marc ELA, il n'est question ni du
»
«développement rural», ni du «retour à la terre : ce sont là,
en effet, des chemins qui ne mènent nulle part.
On ne peut concevoir un développement véritable sans forma-
tion des villageois et sans prise de responsabilité par eux-mêmes.
Il faut dépasser une stratégie de développement rural axée sur
la «production» et très peu soucieuse des «producteurs », car
ou de nouvelles méthodes culturales ;
l'attente des paysans ne porte pas uniquement sur des engrais
leur préoccupation ultime
reste la quête d'une autre société, où ils échappent à l'oppression.
La tâche qui consiste à restructurer la société à partir du
problème paysan est donc des plus amples. Elle exige un type
d'intellectuel capable de se fondre avec la masse pour participer
avec elle à la refonte concrète et profonde des rapports sociaux
internes. C'est en définitive l'immobilisme des milieux respon-
sables qu'il faut vaincre pour promouvoir cette autre société.
Achille MBALA KYÊ
La question paysanne en Afrique noire

Guy BELLONCLE — La question paysanne en Afrique noire,


éd. Karthala, Paris 1982.

Une question décisive : faut-il voir dans les structures villa-


geoises traditionnelles un obstacle irrémédiable à tout dévelop-
pement ou au contraire «la seule base possible d'un développe-
?
ment au service des populations africaines ».
Mettant à profit son expérience antérieuie des pratiques coo-
pératives et éducatives, G. BELLONCLE renvoie dos à dos libéralis-
me et socialisme scientifique, qui s'accordent en l'occurence sur
la conviction que le développement en Afrique passe par la
destruction préalable des structures villageoises traditionnelles..

position face au « mal-développement »


Poursuivant son analyse, notre auteur prend courageusement
qui, aujourd'hui, se ren-
force pratiquement partout au sud du Sahara. Non seulementi
G. BELLONCLE dénonce les fonctions exercées par l'Etat sur les;
paysanneries, mais encore il s'interroge radicalement sur les;
:
conditions de viabilité du retour à l'auto-organisation despay-
sans. Sa conclusion est claire si, jusque-là, le développement»
se fait si peu ou si mal, cela ne peut être en rien attribué à une:
prétendue passivité paysanne et encore moins à l'obstacle que
constitueraient les structures traditionnelles. Bien au contraire
c'est là que réside la principale chance de l'Afrique de parvenin
à un développement qui soit réellement au service de tous.
La Question Paysanne en Afrique Noire trace une piste vers?

:
un développement endogène moyennant un changement de men r
talité de l'élite africaine qu'elle renonce à courir après des mo<
dèles importés et réapprenne à scruter les structures villageoise
traditionnelles pour découvrir en quoi et à quelles conditions
elles peuvent être utiles à un développement non plus de quell
ques privilégiés, mais de toutes les populations. En somme, iï
:
s'agirait
— De redonner vie aux traditions du palabre traditionnea
comme méthode d'analyse des problèmes et recherche en comn
mun des solutions les plus satisfaisantes pour tous ;
— De mettre en œuvre sur cette base une politique de dévelop-
;
pement agricole visant un accès aussi égal que possible de toutes
les familles aux nouveaux moyens de production
— D'adopter, comme instrument de mise en application de
cette politique, l'association villageoise qui organiserait la com-
mercialisation groupée des produits agricoles, et gérerait les
»
« excédents de cette opération en vue d'un budget villageois
d'investissement.
Guy BELLONCLE a d'abord fait du terrain avant de produire ce
parcours théorique. Ce qu'en fin de compte il propose, c'est de
revenir au point de départ, pour la vérification qui s'impose.
Achille MBALA KYÉ
Jésus-Christ dans la tradition de l'Église

Bernard SESBOü, S.J., Jésus-Christ dans la tradition de l'Eglise.


Pour une actualisation de la christologie de Chalcédoine. Coll.
Jésus et Jésus-Christ n" 17 », Paris, Desclée, 1982, 320 p.
A l'heure où l'opinion commune perçoit les dogmes avant tout
comme une contrainte et une limitation, il est réconfortant de
lire, en conclusion d'une longue étude sur le dogme dans la
tradition de l'Eglise, qu'elle a été pour son auteur l'occasion de
vivre «l'expérience d'une vraie liberté et d'une réelle fécondité»
(320). Avec le Directeur de la collection qui accueille son livre,
le P. Bernard SESBOUÉ, S.J., Doyen de la Faculté de Théologie du
Centre-Sèvres à Paris, nous invite ainsi, sans nier l'intérêt d'autres
regards portés sur Jésus, à nous plonger sans complexes dans
la lecture de la tradition proprement chrétienne (9-10). Il l'évoque
pour nous dans un exposé ample, parfaitement informé, riche
en formules très denses et frappées de main de maître.
Le livre se propose de montrer comment la tradition chrétienne
des premiers siècles a compris le sens et les exigences de la
Christ
Christ

confession de foi néo-testamentaire selon laquelle Jésus est le
il le fait «afin d'éclairer notre foi d'aujourd'hui en Jésus-
(27), et à partir de la « situation de la christologie
aujourd'hui ».

•*
La démarche nous vaut une intitulée « Pro-
PREMIERE PARTIE,
blématique », d'un grand intérêt pour le dogmaticien parce
qu'elle précise très clairement, à partir des particularités des
christologies récentes, la place de la tradition dogmatique des
conciles dans le fonctionnement du discours chrétien. Réagissant
contre une théologie trop déductive et an-historique, ces der-
nières prennent leur point de départ dans «l'événement de Jésus ¡

»
considéré dans sa totalité (32). Elles reviennent massivement
à l'Ecriture et à ses enracinements. Le bénéfice de l'opération
est considérable. Mais elle comporte la tentation d'un retour à
une nouvelle forme de scriptura sola (40), avec ses exclusives
et ses ambiguïtés. Surtout, cette attitude, poussée à la limite,
« devient une
infidélité à l'Ecriture, elle-même fruit d'une tra-
dition, et dont le "canon" n'a de valeur qu'au regard d'une
:
communauté ecclésiale» (40). L'auteur en vient alors à l'affir-
mation décisive « Le fait de la tradition appartient de manière
originaire à l'événement Jésus. Celui-ci ne nous est accessible
que dans et par une tradition » (44). Celle-ci précède (Ancien
Testament), accompagne (tradition des Apôtres) et suit (tradition
ecclésiale) l'événement Jésus. Elle en porte jusqu'à nous la mé-
moire vivante. C'est à elle que se rattachent et par elle que
prennent sens les grands conciles et leurs formules dogmatiques.

La DEUXIEME PARTIE, La tradition dogmatique de l'Eglise »,


«
reprend en détail le dossier bien groupé des conciles consacrés
à l'élucidation du mystère de Jésus-Christ (57). La pièce princi-
pale en est la Définition de Chalcédoine, ce « pilier du dogme
christologique» (31). Mais l'auteur en élargit singulièrement les
assises. Ayant renoué avec l'Ecriture, il fait une large place à
la période qui va du Nouveau Testament aux conciles eux-
mêmes. Le lecteur découvre à cette occasion la magnifique
»
théologie de la « Prophétie chez les Pères anténicéens (59-71) ;
puis, se répondant subtilement, la contestation docète (71) et le
refus, opposé, de la conception virginale de Jésus (83-84). Re-
nouant d'autre part avec l'histoire, l'auteur nous présente une
analyse renouvelée de la Définition de Chalcédoine (136-143)
en la replaçant dans la dynamique de l'ensemble des premiers
conciles œcuméniques.
Il est impossible de rendre compte en détail de la vaste fres-
que dont on nous montre ici la cohésion profonde et le dérou-
lement logique à travers les siècles. Chaque concile s'y dessine
avec sa physionomie propre et sa signification. Nicée marque
une étape décisive. Reprenant le mouvement même des chris-
tologies du Nouveau Testament, le premier concile œcuménique
développe une « christologie d'en-bas ». C'est en effet de l'homme
Jésus que Nicée affirme la filiation éternelle et la parfaite divi-
nité. En même temps, le concile innove en introduisant dans le
»
Symbole de foi un «c'est-à-dire par lequel le dire de la foi se
»
« redouble en un langage non scripturaire dans lequel se ma-
nifeste une manière nouvelle d'exercer la fonction dogmatique
(92). Ephèse s'inscrit directement dans la même ligne, mais cette
fois c'est de «christologie d'en-haut» qu'il s'agit, dans une in-
tuition de foi dont Nestorius perçoit — et refuse — le caractère

:
paradoxal (118). Ce concile représente un nouveau «c'est-à-dire»,
relayé par plusieurs autres qui seront étudiés tour à tour Chal-
cédoine, Constantinople II, Constantinople III. Ce dernier, «con-
cile »
de bibliothécaires et d'archivistes (173), se révèle à nous
non seulement comme la reprise de tout le dogme christologique
antérieur (173), mais aussi comme un nouvel éclairage sur l'hu-
manisation du Verbe «assumant » la condition humaine «qui
est» d'avoir à se réaliser dans un devenir historique et d'avoir
à jouer son destin dans un avenir inconnu » (177).
L'intérêt du livre du P. SESBOUÉ ne s'arrête cependant pas à
»
cette brillante présentation de la «théologie des conciles. Sans
mélanger les domaines, il poursuit encore deux autres objectifs :
dialoguer constamment avec les meilleurs représentants de la
christologie contemporaine, même les plus critiques à l'égard
: ;
de la tradition conciliaire (G. MOREL est pris très au sérieux et
;
plusieurs fois cité 38, 123-124 148, 165, 272, n. 3) dégager à
chaque fois la signification théologique de ces définitions pour
les chrétiens d'aujourd'hui. Les questions discutées sont nom-
breuses, et d'abord l'accusation portée contre les conciles d'avoir
»
« hellénisé
la forme et le fond :
la foi primitive (41). L'auteur distingue à ce propos
«L'hellénisation du langage est la contre-
partie d'une déshellénisation de la foi» (118; 100-102; 148). Ne
pouvant évoquer toutes les questions, je me contenterai de si-
gnaler deux séries de considérations, de portée générale.
«
L'auteur expose tout d'abord une véritable herméneutique
conciliaire », en s'interrogeant sur la nature et la fonction de la
formule dogmatique dans le discours de foi. « L'acte d'un conci-
le, dit-il, est de porter un décret, c'est-à-dire une sentence d'in-
terprétation de la foi et du texte fondateur qu'est l'Ecriture.
Ce décret (.) fait autorité comme acte de jurisprudence. C'est
un document régulateur qui ne vient pas s'ajouter sur le même
plan au texte fondateur, mais qui l'interprète et l'actualise dans
une situation donnée. » (146). La formule dogmatique doit donc
être comprise comme une conclusion interprétative qui renvoie
à autre chose qu'elle-même. Il faut chaque fois déterminer le
»
«créneau de pertinence qui est le sien (129, 141, 158). Surtout,
on ne doit jamais la transformer en « majeure absolue de rai-
sonnement» (146; cf. 41, 319).
Dans ces conditions, un grand nombre d'objections faites par
exemple à Chalcédoine tombent tout naturellement, pour la
simple raison qu'elles visent «davantage l'usage fait de la défi-
nition que la définition elle-même »(146). La limite originelle
de la définition (ici, son rapport insuffisant à l'histoire) s'est
»
trouvée « amplifiée bien au-delà de son intention (147). Il était
normal qu'une réaction se manifeste.
Certaines objections portent cependant sur le cœur même de
la formulation dogmatique, parce que celle-ci s'oppose alors
directement aux catégories de la raison philosophique (124).
Athanase déjà disait que les Ariens sont « persuadés que ce
»
qu'ils ne peuvent pas concevoir, ne peut pas être (124). Notre
auteur rappelle alors que les conciles utilisent un langage dont
la particularité est justement de remettre en cause les évidences
de la raison humaine, parce qu'il porte sur un «au-delà de toute
»
opposition simple (106, 124.), celle précisément que font jouer
certaines philosophies. Ainsi, parler de «deux natures », ce n'est
pas les additionner, mais utiliser un « subterfuge numérique »
pour maintenir l'altérité entre Dieu et l'homme (158). Dieu est
le tout Autre, et c'est pourquoi il est capable d'assumer avec la
créature un rapport d'identité personnelle qui respecte son alté-
rité (124). L'opposition «au-delà de toute opposition simple»
n'explique pas le mystère, mais le signale seulement. Elle est le
chiffre d'une certaine transcendance.

+
»*

Une TROISIEME PARTIE, Proposition christologique


«
; une lec-
ture systématique de l'événement », constitue un essai de « dire»
personnel sur Jésus comme Christ, dans lequel l'auteur s'engage
comme croyant, solidaire du fait chrétien et de son caractère
»
«résurrectif (220). Elle s'harmonise parfaitement avec la pre-
mière, toute préoccupée de ne pas séparer le Christ du peuple
vivant qui témoigne de lui (46, 50). Elle reste également dans la
ligne de la seconde, puisque les conciles se réfèrent toujours à
l'Ecriture pour formuler à partir d'elle, et donc a poste,riori
(162, 171), les précisions jugées nécessaires, et cela de façon très

(20), l'auteur nous y ramène ;


explicite à partir de Constantinople II (162). Parti de l'Ecriture
en effet, c'est à partir d'un récit
temporel, dans un discours lui-même inséré dans le temps, qu'il
faut rendre compte de « l'acte par lequel l'éternel assume une
existence dans le temps» (319, 211).
Rigoureusement construite, cette partie comprend un chapitre
introductif et trois « moments
niers chapitres. Le « premier moment
» »
que développent les trois der-
(chapitre 12) fait jouer
;
trois catégories référentielles (220) : celle du même (Jésus, vrai
homme, est le même que nous) celle de l'autre (Jésus, homme
vrai, est autre que nous, incapables de réaliser pleinement la
vocation de l'homme) ; et celle de YAutre (Jésus, Fils Unique de
Dieu, se révèle comme radicalement AUtre dans la manière autre
dont il est le même que nous). Trois lectures sont ainsi faites
de la vie terrestre de Jésus. On remarquera les pages particu-
t« création d'un monde,symbolique
moment » »
lièrement intéressantes sur la prédication du Royaume comme
(232-247). — Le « deuxième
utilise les catégories d'avant et d'après, articulées sur
l'événement unique de la Résurrection (212, 269-271). Les caté-
gories du même et de l'Autre continuent à jouer, mais de ma-
nière différente, dans une perspective nouvelle dont le chapitre
la reconnaissance d'un autre temps encore :
étudie les multiples aspects. La christologie cependant postule
celui du discours
sur l'événement. Ce sera le «troisième moment », qui fait no-
«
tamment jouer les thèmes de «la fin» et du commencement »
— l'eschatologie et la protologie, envisagées dans leurs impli-
cations mutuelles, avec recours au corpus paulinien et au Pro-
logue johannique. Mais le discours, échappant en quelque sorte
à lui-même, finit par rejoindre la vie du peuple de Dieu, en
qui le Christ est présent dans le monde, et dont l'eucharistie
s'unit déjà à la liturgie céleste de l'Agneau immolé.
La troisième partie ne se lit pas facilement, non qu'elle soit
obscure, mais à cause de son extrême densité. Une longue ré-
flexion s'y ramasse, qui appelle effort et relecture. Mais -peut-
être s'ajoute-t-il à cela une autre raison. Il semble que l'auteur
craint de renvoyer le lecteur avec le sentiment qu'il a pu tout
lui expliquer, sachant que c'est d'un mystère inépuisable, « exa-
gérément étonnant » (40), qu'il était question. « La christologie
reste un mystère, scandaleux pour notre temps comme il le fut
pour le passé. Ce serait une erreur de prétendre que la boulever-
sante intervention de Dieu dans l'histoire des hommes peut tenir
enfermée dans nos paroles et nos concepts [.] Tout n'est pas
:
dit le Christ demeure un avenir pour nous dans l'histoire et
dans l'éternité son mystère demeurera infiniment au-delà de ce
;
que nous demandons et concevons (cf. Ep 4, 20) [.] Si (la chris-
tologie) est objet de louange et de contemplation, elle ne se ré-
duit jamais à un spectacle. Elle invite à se lever, comme les dis-
ciples derrière Jésus, à avancer sur le chemin, à faire la vérité
et à vivre. Elle nous met avec celui qui est le chemin, la vérité
et la vie » (Jn 14, 6) [finale du livre].
Joseph WOLINSKI
CHRONIQUE
Soutenance de thèses

Doctorat en Science Théologique de 3eCycle

Raymond BRODEUR

:
IDENTITE CULTURELLE ET IDENTITE RELIGIEUSE
ETUDE D'UN CAS LE PETIT CATECHISME DU DIOCESE DE
QUEBEC (1815)

: :
Soutenance le 18 décembre
Mention Très Bien
1982

Jury
;
M. MESLIN, président; MM. J.-M. MAYEUR et B. PLONGERON,
rapporteurs
:
M. J. AVOINET, lecteur.
Nombre de pages dactylographiées ;
VOL. I, 330 p. VOL. II,
p. 333-512 (notes et bibliographie).

».
religieuse
:
D'emblée, cette thèse attire l'attention par sa démarche origi-
nale déjà signifiée par le titre «identité culturelle et identité
C'est-à-dire que l'auteur ne se propose pas tant
l'histoire d'un catéchisme suivie d'une analyse théologique de
son contenu, selon un modèle désormais classique, que les condi-
tions socio-politiques et culturelles de la «production »
catéchisme, un terme clef qui va orienter la démonstration de
d'un
la thèse.
Un autre terme qu'affectionne R. BRODKIR et qu'il explicite
dans son exposé de soutenance, c'est celui d' « adaptation ». En
effet, cet enseignant à l'Université Laval de Québec rappelle
qu'il est parti d'une pratique catéchétique devant être adaptée
à des enfants handicapés. Son séjour à Paris était d'abord des-
tiné à approfondir d'une manière universitaire cette « adapta-
tion » pratiquée sur le terrain. Dans l'élaboration de sa thèse,
il retrouve cette idée d'adaptation, puisque ce premier catéchis-
me publié par Mgr Plessis, évêque du Bas-Canada (Québec) de
1806 à 1825, procède de la volonté expresse de s'adapter à la
réalité socio-religieuse de ce Québec surgi, dans sa configuration
actuelle, des conflits franco-anglo-américains qui bouleversent
l'Amérique du Nord entre 1760 et 1820. Somme toute, il pourrait
sembler que ce catéchisme, édité en 1815, pour instruire les « tout
» »
petits », les gens les plus «grossiers et les «idiots ou les «in-
telligences lourdes », comme le dit l'évêque lui-même, est le
produit d'un homme, symbole de la génération de la Nouvelle
France, et de sa stratégie pastorale « adaptée
d'un Québec encore à la recherche de son identité.
» aux conditions
La fortune de R. BRODEUR aura été la découverte, en France
et au Québec, d'importants documents — notamment 60 dossiers
enfouis dans les archives de l'archevêché de Québec — permet-
»
tant de retracer la genèse historique de ce a petit catéchisme,
le rôle des acteurs — principalement les Sulpiciens — qui amen-
dent la version proposée par l'évêque, les enjeux de polémiques
parfois durcies autour d'une version finale issue de six couches
coup double :
rédactionnelles. En en retraçant l'archéologie, R. BRODEUR fait
d'une part, il établit l'histoire définitive de ce
catéchisme de 1815, jusqu'ici connu dans son édition de 1816;
d'autre part, dans une très longue annexe, il montre la part qui
»
revient à chacun des « producteurs et laisse pressentir l'impor-
tance culturelle d'un texte qui va former des générations de Qué-
bécois pendant tout le XIXe siècle.

:
Dès lors, l'auteur pouvait traiter d'une idée neuve dans l'his-
»
toire de la catéchèse qui (réellement) « produit un catéchisme
» (terme qui méritera une sérieuse discussion) et pour-
quoi?
« nouveau
Encore fallait-il pour comprendre la question et la résou-
dre, commencer par celle qui la préforme en quelque sorte :
qu'est-ce que le Québec et son acculturation catholique au début
du XIXe siècle?
Tel est l'objet de la première partie de cette thèse : «Québec
(1795-1815). Aux aléas du temps ». Avec un grand sens pédagogi-
que, R. BRODEUR expose en cinq chapitres les cinq «temps»
d'une crise (1). Celle de convulsions complexes qui conduisent,
dans une mutation brutale et difficilement consentie, le Canada

deux provinces :
d'une terre de chrétienté française européenne à une adminis-

;
tration britannique qui, par le bill de 1791, divise la colonie en
celle du Haut-Canada (10000 habitants, l'On-
tario, anglophile et anglophone) celle du Bas-Canada (Québec,
180000 habitants, francophone). Et ce Bas-Canada doit faire une

(1) R. BRODEUR, «L'histoire de l'Eglise du Québec. Etat et orien-


tations des travaux québécois», dans Rev. Hist. Eglise de France,
n° 178, janvier-juin 1981, p. 91-110.
double expérience à laquelle rien ne le préparait : ;
le parlemen-
tarisme et non la démocratie, comme le souligne R. BRODEUR
le «déhominationalisme » au sens américain, puisque les fran-
cophones-catholiques doivent faire front aux «hérésies » intro-
duites chez eux par les loyalistes anglicans, les « dissidents»
méthodistes et l'installation d'un évêque protestant, en 1793, sans
pour autant que la Couronne Britannique reconnaisse l'indépen-
dance des catholiques ou proclame une séparation de l'Eglise
let de l'Etat.
Autant de paramètres, de prises de position idéologiques, de
conflits de personnes qui conditionnent la seconde partie, con-
sacrée à l'analyse théologique du «Petit Catéchisme du diocèse
de Québec» en cinq nouveaux chapitres qui appliquent la mé-
thode du « discours par le discours ».
M. PLONGERON, rapporteur, salue le remarquable effort docu-
mentaire et sa mise en œuvre qui feront l'unanimité du jury
et approuve ce plan binaire qui échappe au piège fréquent de
»
séparer « histoire et « théologie ». Après des remarques de dé-
tails sur certaines lacunes et une lecture difficile des notes, il
insiste sur deux points. D'abord la théologie politique qui oriente
ce catéchisme, à travers les positions de Mgr Plessis et de ses
contradicteurs sulpiciens. Il regrette que les institutions diocé-
saines demeurent dans un certain flou d'écriture et surtout que
l'action de Mgr Plessis soit trop discrètement référée à celle
de ses prédécesseurs, notamment Mgr Briand, sans lequel, sans
doute, Mgr Plessis n'aurait pas été ce qu'il fut. Mais d'importance
:
et d'une fort belle venue lui semble être la démonstration du
second point produire un catéchisme «nouveau
solite, car peut-on parler de « nouveau » ». Terme in-
à propos d'un caté-
! ?
f
chisme a priori structuré par les énoncés dogmatiques et eux
seuls Or, la thèse prouve qu'il existe des choix, des omissions,
des repentirs dans les 329 questions-réponses de ce petit caté-
chisme, bref, une dynamique saisie sur le fait en fonction des
intentions des producteurs. Remarque banale en 1982, mais qui
i est proprement étonnante dans les structures fixistes du naissant
r XIXe siècle. »
« Nouveau ne veut donc pas dire « novateur », ce
qui fleurerait l'hérésie, mais doit s'entendre d'une certaine concep-
tion théologique et d'un besoin pastoral parfaitement analysé
ici. On pourrait enfin se demander si ce n'est pas accorder une
»
importance trop grande à un « petit catéchisme pour modeler
une identité québécoise? L'auteur répond par avance en mon-
trant que ce texte qui s'adresse « aux petits enfants et même
aux adultes extrêmement bornés », comme dit le Sulpicien Bou-
cher, vise le plus grand nombre des couches populaires. Il a
donc le plus haut effet déflagrateur ou, selon l'heureuse formule
de R. BRODEUR, il est « l'écrit qui possède le plus grand dénomi-
nateur commun », d'où sa signifiance pour l'histoire du livre.
M. MAYEUR souligne à son tour le propos original de cette thèse,
toujours soutenue dans un plan d'ensemble satisfaisant. Après
avoir noté certaines faiblesses sur les institutions ecclésiastiques
et une lacune sur le degré d'alphabétisation des Québécois, il
exprime ses réserves sur la mise en œuvre de la deuxième partie.
Parmi toutes les sources repérées et exploitées avec une acribie
d'autant plus louable que le candidat n'est pas historien de mé-
tier, il déplore le faible sort fait aux fameuses couches rédaction-
nelles. A la limite, il eût suffi d'en établir une bonne édition
critique qui aurait mis en valeur les discussions des Sulpiciens
avec l'évêque Plessis. C'est ici que seraient intervenues la dis-
tance critique et l'analyse approfondie, insuffisantes dans cet ou-
vrage qui peut donner lieu à une publication prometteuse, à
condition d'une révision soigneuse.
M. AUDINET pousse encore plus loin les suggestions de M.
MAYEUR. Après s'être félicité que le sujet de la thèse soit un
catéchisme, « vous ennoblissez la littérature catéchétique », il va
jusqu'à proposer l'inversion des deux parties de la thèse. Grâce
à quoi, selon lui, on passerait d'une pratique encore trop pré-
gnante dans l'écriture à un « discours de la méthode » qui défi-
nirait le théâtre sociologique. La définition devrait porter sur le
champ de la discussion, sur les acteurs — avec les « ennemis » :
les Sulpiciens -,sur le conflit entre émigrés et indigènes. Fina-
nir de l'Eglise De l'Eglise au Québec ou sur le Canada
discours devrait être modulé selon la position occupée par cha-
?
lement, s'agit-il d'un débat de personnes ou d'un enjeu sur l'ave-
? Le

cun. Il n'en reste pas moins que nous tenons là un bel exemple
d'un document fonctionnant comme une production culturelle.
En tant que président, M. MESLIN partage assez bien les louan-
ges et les critiques déjà distribuées. Il insiste sur le caractère
agréable d'une lecture, sur les sources bien charpentées, mais il
souligne l'exagération des jugements tirés par le candidat des
textes cités et du « discours
» » produit. Il eût aimé, à côté de
la « nouveauté du catéchisme Québécois de 1815, que R. BRODEUR
l'insère dans la filiation des catéchismes antérieurs d'origine an-
glaise et d'origine française. C'est à mettre en lumière cette tra-
dition ecclésiale, qui est la fonction première d'un catéchisme,
qu'on apprécierait le mieux le degré et la nature d'une « adap-
tation» opérée par Mgr Plessis, ses arguments contre les Sulpi-
ciens conservateurs, et donc en quoi, finalement, le catéchisme
est et demeure un document d'autorité.
Compte tenu des réponses pertinentes de R. BRODEUR, de la
perfectibilité aisée de ce travail intelligent et solide, après déli-
bération, le Jury proclame R. BRODEUR, docteur, avec la mention
« Très Bien ».
Bernard PLONGERON
Doctorat en Science Théologique de 3e Cycle
et en Science des Religions

François-Dominique BŒSPFLLG

LA REPRESENTATION DE DIEU DANS L'ART


«
»
Sollicitudini Nostrae de Benoît XIV (1745) et l'affaire Crescen-
ce de Kaufbeuren

:
Mention
Jury
:
Soutenance le 15 avril 1983
Très Bien
M. M. MESLIN, président et rapporteur (Paris-Sorbonne) ;
R.P. I.-H. DALMAIS, rapporteur (ICP) Mgr P.

:
; EYT et M. A. CHASTEL,
lecteurs.
Nombre de pages dactylographiées
190 p.
VOL. I, 296 p. ; VOL. II,
Dans les perspectives très larges évoquées par le premier titre,
'objet propre de la thèse est clairement donné par le sous-titre.
[1 s'agit de l'étude historique et des motivations doctrinales
d'une longue lettre du Pape Benoît XIV à l'évêque d'Augsbourg,
Joseph de Hesse-Darmstadt, insérée par son auteur dans le pre-
mier volume du Bullaire qu'il promulgue en 1746. L'occasion,
sinon le motif,en était une question posée par ledit évêque sur
la licéité de certaines dévotions favorisées et répandues par une
moniale Franciscaine du couvent de Kaufbeuren en Souabe, et
notamment d'images représentant le Saint-Esprit sous la forme
d'un « beau jeune homme ».
F.-D. Bœspflug s'est ainsi trouvé conduit à débrouiller l'échc.
veau fort complexe d'une affaire dont l'héroïne, béatifiée par
Léon XIII et dont le procès de canonisation est en cours, a sus-
cité en Allemagne et en Autriche de nombreuses publications
alors que son nom même est presque inconnu en France. Cette
étude historique constitue la première partie de la thèse (p. 21
136). La seconde partie (p. 140-284) présente un commentaire doc
»
trinal et disciplinaire de «Sollicitudini Nostrae (S.N.) dont Ic
texte et la traduction française sont donnés au début du seconc
volume (p. 298-330). Un bref Epilogue (p. 285-295 bis) dégage quel
ques perspectives sur les problématiques théologiques et esthé
tiques de la représentation de Dieu en notre temps. L'auteur i
eu soin d'éclairer son étude par d'assez nombreuses reproduc
tions illustrant les traits des principaux protagonistes de l'Affaire
Crescence et surtout les types les plus caractéristiques des re
présentations de la Trinité. Une Bibliographie méthodique judi
cieusement choisie, une table des lieux théologiques allégués dans
S.N., des index des auteurs anciens et modernes, surtout une
abondante annotation richement documentée, font de cette thèse
un instrument de travail des plus utiles en un domaine encore
très insuffisamment déblayé.
La soutenance donna occasion d'aborder, trop brièvement, quel
ques-uns au moins des thèmes qui s'interpénétrent dans un tra
vail dont le jury fut unanime à reconnaître la richesse et la va-
leur. Après en avoir esquissé quelques-uns, au fil de la lecture
M. MESLIN s'arrêta plus spécialement sur la première partie et
les questions que soulèvent la nature et l'origine de phénomènes
mystiques tels que les apparitions et l'expression littéraire ou
plastique qui en est donnée. Il aborda aussi la question des cou-
rants spirituels qui ont pu influencer Crescence, perspective qui
devait être reprise et développée par Mgr Eyt. Celui-ci attira
l'attention sur l'influence possible de la spiritualité ignatienne,
qui fait une large place à la considération sensible des scènes
bibliques et évangéliques. Les questions posées par I.-H. Dalmais
donnèrent occasion au candidat de préciser le statut et lè carac-
tère tant doctrinal que disciplinaire qu'il reconnaît à S.N., docu-
ment qui par son ampleur, l'étendue de sa documentation et la
netteté de ses déterminations, constitue — à côté du grand traité
« De Canonisatione» — l'une des pièces maîtresses des
contribu-
tions apportées par Benoît XIV à l'œuvre doctrinale et discipli-
naire du Concile de Trente. La discussion permit de prolongen
quelque peu les perspectives ouvertes par la remarquable inter
vention d'A. Chastel sur les problèmes théologiques des repré-
:
sentations trinitaires. Prenant départ de la claire affirmatior
doctrinale « On ne peut représenter de
Dieu que ce qu'il a lui
même manifesté et ce dont témoignent les Ecritures », l'éminem
spécialiste de l'iconographie de la Renaissance et de l'Age clas<
sique s'interrogea sur l'attitude pragmatique adoptée par Be
noît XIV concédant la licéité ou du moins la tolérance de figut
rations que le Magistère catholique n'avait pas formellemen
répudiées mais maintenant l'interdiction de toute innovationn
i
La discussion souligna les interférences avec le contexte de::
controverses entre catholiques et protestants qui se laissent dis-
cerner dès les débuts de l'« Affaire Crescence ».
Le temps imparti pour la soutenance s'avérait trop bref pour
pousser autant qu'on l'eût pu souhaiter l'approfondissement de
ces problèmes multiples et complexes. En félicitant le nouveau
Docteur pour ce premier travail, le Président du jury fit sien le
désir unanime qu'après avoir été mis au point il pût donner ma-
tière à publication et surtout qu'il constitue l'amorce d'une re-
cherche qui s'annonce prometteuse.
I.-H. DALMAIS
Doctorat en Science Théologique
de 3e Cycle avec spécialisation
en Sciences bibliques

Normand BONNEAU, O.M.I.


»
«THE RIGHTEOUSNESS OF GOD IN ROMANS 1-3 :
A Study of the Context of Righteousness Language in Paul

: :
Soutenance le 23 mars 1983
Mention Bien
Jury
:
E. COTEHENT, C. PERROT, D. OLIVIER
Nombre de pages dactylographiées VOL. I, VIII + 288, VOL.
(Annexes et Notes, Bibliographie), 86 p.
II

Voulant dépasser les difficultés de l'exégèse traditionnelle qui


oppose justice subjective de Dieu (attribut de Dieu) et justice
objective (la justice comme don de Dieu, comme grâce accordée
à l'homme), N. Bonneau a entrepris dans sa thèse de montrer
:
que seule une étude rigoureuse du contexte permettait de saisir
le point de vue de Paul. Il faudrait dire d'ailleurs étude des
contextes, car l'interprète doit être conscient du propre contexte
dans lequel il se situe face au texte à comprendre. Le ch. 1 mon-

;
tre justement comment Luther a compris le développement de
Rom. dans la situation du chrétien aux prises avec le péché
post-baptismal telle était déjà l'interprétation de S. Augustin
dans sa lutte contre Pélage. Tout en développant l'idée que la
Justice de Dieu est une Puissance, Kasemann reste fidèle à cette
ligne d'interprétation. L'étude topographique des emplois de;
dikaiesunétheou chez Paul doit montrer au contraire que celle-ci i
intervient quand il s'agit de délimiter les frontières entre chré-
tiens et non-chrétiens. Le problème envisagé est celui du trans".
fert d'un domaine à l'autre, de la conversion, et non de la per-
sévérance du chrétien.
La démonstration se poursuit en plusieurs temps. Etude des
formules et du style, le chap. 2 montre la différence de style
et de préoccupations entre Rom 1-3 et d'autres passages où Paul
parle de la justice de Dieu. Le ton abstrait, général, de Rom 1-3
;
montre qu'il s'agit d'un exposé centré sur la conduite de Dieu
dans l'histoire rien de personnel, à la différence d'autres pas-
sages auto-biographiques ou polémiques (par ex. Gai., Ph 3). C'est
la cause de Dieu, non l'expérience de Paul qui est en jeu.
Le chap. 3 concerne la structure de Rom 1-3. A la différence
de la plupart des exégètes qui arrêtent en 1, 32 le développement
relatif aux Gentils et voient en 2, 1 une apostrophe aux Juifs,
N. Bonneau estime que les Juifs ne sont directement pris à par-
tie que de 2 ,12 à 29. La preuve en est que seulement en ce pas-
sage intervient le vocabulaire de la loi, de l'hamartia, de la para-
basis. D'ordre littéraire, cette constatation prend toute sa force
si l'on remarque qu'à plusieurs reprises Rom propose une «pé-
»
riodicisation de l'histoire du salut, envisageant la situation
d'Adam au paradis, la période d'Adam à Moïse, puis de Moïse
au Christ, enfin la période ouverte par le Christ. En Rom 3, 1
Paul considère à nouveau l'humanité en son ensemble comme
enfermée sous la domination du Péché, avant que n'arrive la
révélation de la Justice de Dieu (3, 21-31).
Pour étayer cette conception, l'auteur entreprend au chap. 4
une étude fouillée de l'interprétation de Gen 1-19 dans le judaïs-
me et passe en revue textes intertestamentaires et textes rabbi-
niques. L'importance donnée aux lois noachiques (Gn 9, 1-7),
valables pour toute l'humanité, explique que Paul puisse parler
d'une loi inscrite dans le cœur des Gentils (Rom 2, 15). Dans le
judaïsme on assiste à une « ontologisation » de la Torah, qui
contribue à une séparation radicale entre fils d'Israël et Gentils.
En réaction, Paul établit une distinction entre « les œuvres de
la Loi », à savoir la circoncision et tout ce qui en découle, et
l'œuvre de la Loi (noter le singulier en Rom 2, 15) qui concerne
l'aspect éthique, valable pour tous les hommes. Tel est l'objet
du chap. 5.
Brève, la conclusion résume les acquisitions de chacun des
chapitres de la thèse et rappelle l'importance de ce problème
des «frontières» entre Juifs et Gentils pour comprendre com-
ment l'intervention de la Justice de Dieu est axée sur la forma-
tion d'un nouveau peuple où il n'y aura plus ni Juif ni Grec,
mais où tous seront un dans le Christ Jésus.
Le jury a félicité l'auteur pour le sérieux de sa recherche
dont témoignent abondamment les notes très denses du vol. II,
et pour la clarté des exposés. Il s'agit vraiment d'une thèse, au
sens où un auteur présente un point de vue neuf sur une ques-
tion et l'étaye sérieusement. L'analyse présentée ci-dessus suffit
à le montrer. Le titre donné convient-il parfaitement au sujet?
«Juifs et Gentils selon Rom 1-3» expliciterait mieux le sujet
Fallait-il partir de l'interprétation de Luther et de Kâsemann
? »
pour introduire le sujet Ce chapitre sur le «contexte actuçl
:
semblerait mieux placé en fin de thèse. L'étude topographique
comporte une omission celle des emplois de « justice de Dieu»
dans le reste de Rom. Cette recherche aurait confirmé que le
thème de la justification chez Paul est bien lié au processus
de transfert et non à celui de la persévérance (maintenance).
»
Plutôt que de «périodicisation de l'histoire du salut, il convien-
drait de parler de « mise en perspective historique de l'écono-
»
mie du salut et, dans l'étude sur l'interprétation juive de la
Genèse, l'importance de la notion d'Alliance n'a pas été assez
soulignée. Les critiques les plus graves ont porté sur l'absence
de réflexion proprement théologique sur le texte de Rom 3, 21-31
où précisément Paul manifeste l'intervention de la Justice de
Dieu en Christ et le rôle de la foi dans toute l'économie du salut.
Les critiques portées contre l'interprétation de Luther semblent
porter à faux, car elles visent plusl'« orthodoxie luthérienne»
que la pensée de Luther lui-même.
Tenant compte des qualités d'une recherche originale et de
la pertinence des réponses, le Jury a été heureux de décerner
la mention Bien et a invité N. Bonneau à publier des extraits
de sa thèse sous forme d'articles en attendant de pouvoir re-
prendre le tout sous forme définitive.
E. COTHENET
Manifestations universitaires

FOI ET SOLIDARITE DES PEUPLES

Né en 1976 d'une volonté de coopération entre l'Institut


Catholique de Paris et le Comité Catholique Faim-Dévelop-
pement, Foi et Solidarité des Peuples (FSP), animé par
M. Robert DE MONTVALON, a décidé de mettre fin à son
existence institutionnelle et a invité ses membres à rejoindre
le Centre Lebret.
Pour Foi et Solidarité des Peuples, il s'agissait de susciter,
;
d'élucider, de pratiquer de nouveaux modes de relations entre
les peuples, les cultures, les religions FSP qui ne préten-
dait pas au statut d'un organisme universitaire, s'est voulu
au cours de son existence un catalyseur et un espace libre
pour la rencontre.
A plusieurs reprises, et dans ce numéro même, le Revue
de l'Institut Catholique de Paris a publié les conférences
et les confrontations qui s'y déroulaient.
Le Centre Lebret ne pourra que bénéficier d'une pratique
et d'une originalité que Foi et Solidarité des Peuples avait
acquises au long des années.
Père Anthime CARON.
DU NOUVEAU SUR ALESIA
UNE CONFERENCE DE M. L'ABBE A. WARTELLE (*)

A l'instigation de M. le Vice-Recteur de l'Institut Catholi-


que, le mercredi 23 février 1983, à 20 h 30, M. l'abbé André
WARTELLE, Vice-Doyen de la Faculté des Lettres, a donné,
dans la salle des Actes, une conférence qui avait été annon-
cée sous le titre « Du nouveau sur Alésia ». Une invitation
avait été adressée, entre autres, à tous les professeurs de
grec et de latin de l'Institut Catholique et de la Sorbonne.
Un auditoire choisi et assez nombreux (plus de 100 personnes,
parmi lesquelles quelques professeurs de l'Institut Catholique
et de la Sorbonne) est venu s'informer de cette « nouveauté ».
Nouveauté, non pas pour tout le monde, mais assurément
pour plusieurs, puisque, avant même de commencer son
exposé, le conférencier s'entendait faire, à plusieurs reprises,
cette réflexion « Vous annoncez du nouveau sur Alésia
:

vous allez donc parler d'Alice-Sainte-Reine » De fait, il en!


:
a parlé, mais non pas tout-à-fait dans les termes attendus
par ceux qui ignoraient encore la recherche de l'archéologue
André BERTHIER et ses suites. Il commença par énumérer

— car il y en
encore récemment
a vingt
:
les vingt sites proposés jusqu'ici pour la localisation d'Alésia,
et non pas douze, comme on croyait
la recherche a été faite par le frère du
conférencier, M. Jacques WARTELLE. Puis il en vint à annon-
cer que celui qu'il considérait comme le seul possible, au
vu des arguments les plus rigoureux, était un vingt-et-unième,

(*) Cf. article de A. WARTELLE dans la partie « Mélanges », p. 40.


à savoir celui de La Chaux-des-Crotenav, dans le Jura, décou-
vert par André BERTHIER grâce à la méthode du portrait-
robot. Après avoir présenté soixante-dix photographies et
documents pour étayer sa démonstration, le conférencier
s'est proposé de répondre aux questions et même d'ouvrir
un débat. Diverses questions ont été posées auxquelles il
fut, semble-t-il, répondu. Il n'y eut pas de véritable débat,
encore qu'une voix au moins se soit élevée en faveur du site

; :
de Salins, hélas impossible à défendre, pour des raisons
topographiques évidentes on battit en retraite en se décla-
rant convaincu le conférencier précisa qu'il s'agissait moins
de se laisser convaincre que de savoir sur quels arguments.
Personne en cette soirée n'a soutenu la cause d'Alice-Sainte-
Reine. Il est vrai que depuis vingt ans, publications et expo-
sés se sont succédés pour défendre l'hypothèse d'André
BERTHIER. Doit-on s'inquiéter du silence des opposants et
des refus systématiques d'autorisation de fouilles ?
Mgr Yves MARCHASSON.
Célébrations et événements

AUTOUR DE Mlle ODETTE HERTZ

Le mardi 17 mai, l'Institut de Musique organisait dans la


chapelle des Carmes, une soirée musicale — et elle fut de
qualité — en hommage à Mlle Odette HERTZ qui prend une
retraite bien méritée au terme de trente-trois années d'une
intense et féconde activité d'enseignement dans l'Institut
Catholique. Une belle assemblée de collègues, d'amis, d'élè-
ves et anciens élèves avait accueilli l'invitation. Monseigneur
le Recteur était présent, avec M. le Vice-Recteur, M. l'abbé
BRIEND, directeur de l'U.E.R., Mgr MARCHASSON. Etaient venus
également M. LENNARDS, ancien directeur de l'Institut WARD
de Hollande et M. le Chanoine LEGRAND, organiste de la Métro-
pole de Rennes, ami et l'un des plus actifs collaborateurs
de Mlle HERTZ en province.
Après une ouverture en musique par l'ensemble instrqmen-
tal sous la baguette de Mlle HERTZ elle-même, M. l'abbé
BEYRON, directeur de l'Institut de Musique exprima cordia-
lement la reconnaissance de l'Institut, puis passa la parole
à M. l'abbé BIIIAN, son prédécesseur à la direction, qui fut
le meilleur témoin du rayonnement d'une activité qu'on
devait rappeler ce soir.
Nous transcrivons des extraits de cette intervention
Cette soirée musicale vous est donc dédiée en hommage
:
au terme de ce tiers de siècle — trente-trois ans exactement
— donné au service de l'Institut Catholique en sa mission
d'église.
Dans notre Institut de musique liturgique, quelque nom
qu'il ait porté au cours de son histoire, la musique prend
toujours la parole dans les circonstances marquantes. Elle
devait intervenir ce soir. Nous savons comment vous-même
et si souvent avez été brillante interprète de ce qui a pu
être célébré chez nous depuis 1950.
M. l'abbé BEYRON, [qui déjà vous a traduit la reconnais-
sance de l'Institut], m'a demandé, en raison des titres que
tout le monde ici soupçonne, d'être l'interprète plus docu-
menté de cet hommage des amis, des collègues, des élèves
et anciens élèves, au moment où vous allez cesser cette
exceptionnelle activité déployée au profit de la musique et
de la pédagogie musicale.
J'ai acquiescé avec joie et amitié et à un titre unique
puisque je suis sans doute ici le seul à avoir parcouru avec
vous dans une collaboration incessante ce chemin de trente-
trois années. Ce titre d'ailleurs m'imposera discrétion et
retenue pour ne pas subir vos reproches.
Je n'ai pas rédigé de panégyrique. D'autre part, témoin
de votre esprit de foi, je sais pertinemment que vous n'atten-

:
dez pas qu'une soirée musicale soit la récompense de votre
labeur ce serait
:
un peu léger. Paradoxalement, cette soirée
est en partie votre œuvre c'est qu'il ne fallait pas à l'ori-
gine ou en cours de route vous en révéler la finalité. Vous
intervenez personnellement au pupitre de direction non pas
pour vous célébrer vous-même. mais ainsi jusqu'au bout
vous aurez conduit avec la ténacité que nous vous connais-
sons ce labeur qui a si pleinement rempli ces décades.
Les choses vont vite. Les personnes aussi. Il y a trente-
trois ans, nous nous préparions tous les deux à une collabo-
ration dont nous ne pensions pas qu'elle irait jusqu'en 1983.
M. LE GUENNANT — dont je me plais à rappeler le souvenir
ce soir avec ferveur — alors directeur de l'Institut grégorien
de Paris, nous avait appelés tous les deux. Sans entrer dans
les détails, je rappellerai quelques étapes d'une histoire
vécue ensemble.
En 1943 je suis moi-même étudiant à l'Institut grégorien.
Vous-même vous vous y inscriviez quelques années plus tard.
En 1950, débordé par l'extension remarquable de l'Institut
au plan national et international, M. LE GUENNANT, réclamant
de l'aide, m'obtient de mon évêque de Saint-Brieuc. A la
même époque, Mme WARD, créatrice de la pédagogie musi-
cale qui porte son nom, pédagogie qui connaissait aussi une
expansion extraordinaire dans le monde, demandait à
M. LE GUENNANT de lui désigner une personne compétente
susceptible d'assumer en France l'organisation et la gestion
de cette pédagogie. M. LE GUENNANT vous désigne. Après une
année aux U.S.A. vous prenez la direction de la section WARD
à l'intérieur de l'Institut grégorien. Le développement de
cette section prend une telle taille, le réseau de cet ensei-
gnement s'étend à ce point sur toute la France, déborde les
frontières jusqu'en Espagne, au Portugal, en Belgique, en
Suisse, au Liban. que s'impose la création d'un Institut
WARD à gestion autonome mais qui demeure en connexion
étroite avec l'Institut grégorien, abrité pour les cours dans
les mêmes locaux, rue d'Assas.
;
1950-1957 : période extraordinaire, il faut le dire les innom-
brables bénéficiaires et les artisans de ce travail se souvien-
nent : ce sont les toutes premières sessions de pédagogie
musicale en France, ce point doit être relevé. Les sessions
;
se multiplient sur toute la période des vacances d'été, un
véritable pullulement en France et au-delà les Centres de
;
Musique sacrée collaborent activement, les professeurs se

:
forment qui deviennent des multiplicateurs partout des
journées liturgiques rassemblent des milliers d'enfants for-
més à la méthode WARD Lyon, Saint-Etienne, Lourdes,
Lisieux, Châlons-sur-Marne, Reims, Le Mont Saint-Michel,

:
Besançon, Paris, Chartres enfin, en 1967, avec plus de 8000
enfants présidée par Mgr POUPARD, recteur de l'Institut Ca-
tholique, une inoubliable célébration, mais qui fut, hélas, la
dernière. Je dois taire ici les circonstances douloureuses —
et je n'ajoute pas d'autre qualificatif — qui ruinèrent d'un
coup tout ce labeur.
Là encore, Mlle HERTZ, je vous ai vue faire face à l'épreuve
avec une énergie et un esprit de foi dont je pourrais témoi-
gner, ayant été mêlé intimement à ce combat sans succès
pour la vérité.
Une réorganisation s'imposait afin de poursuivre au moins
partiellement ce travail irremplaçable. Entre temps, l'Insti-
tut grégorien, sur l'initiative de M. LE GUENNANT était devenu
Institut supérieur de musique sacrée pour manifester son
ouverture aux requêtes nouvelles provoquées par le Concile.
Le Pape Paul VI lui-même, dans la basilique Saint-Pierre,
à l'occasion d'un pèlerinage des chorales que nous avions
organisé, rendit témoignage à cette démarche d'accueil et
d'ouverture.
En 1967 également, les évêques de la Commission épisco-
pale de liturgie souhaitaient une adaptation plus précise
:
encore aux requêtes de la liturgie postconciliaire. M. LE GUEN-
NANT âgé, laisse la direction je prends le relais. Nous deve-
nons Institut de musique liturgique. De nouvelles structures
sont mises en place avec le département de musicologie
liturgique, le département d'études musicales, enfin le dépar-
tement de pédagogie musicale dont Mgr HAUPTMANN vous
confiait la direction. Les encouragements et la confiance du
Recteur ne vous avaient jamais fait défaut. Avec une équipe
de collaborateurs, dont l'amitié égalait la compétence, tout
se remet en route. Interviennent quelques modifications que
les circonstances diverses imposaient, et nous voici en 1983.
Que cette histoire que je survole trop rapidement ait été
sans chaos comme une barcarolle sur une mer d'huile, évi-
demment non. Il y eut l'épreuve, humainement insensée
à laquelle j'ai fait allusion, la ruine d'une œuvre magni-
fique. Plus tard ensemble nous avons compris qu'elle avait
un contenu providentiel. Le Concile lui aussi avait agité la
barque, et rudement. Nous pouvions nous demander, n'est-ce
pas, comment certains auraient accueilli l'orage et les ajus-
tements indispensables, jugés trop contrariants, mais récla-
més par un exact service d'église. Ensemble nous avons
continué le travail dans des conditions nouvelles
l'essentiel.
: c'est

Il y eut aussi l'affreux accident de 1975, qui vous a telle-


ment meurtries vous-même et votre amie et collaboratrice,
Mlle DONVEZ, si intimement mêlée à votre travail depuis les
origines. Là aussi j'ai été témoin et plus que personne, de
votre courage et de votre foi. Aujourd'hui on oublie très vite
et l'indifférence est facile. Je n'oublie pas.
Très peu désormais de nos étudiants connaissent cette
histoire de trente-trois ans. Seuls vos élèves hebdomadaires
ont la chance de bénéficier de votre compétence et de votre
expérience. Je circule assez en France pour vous assurer que
la foule de vos élèves de jadis, et de vos collaborateurs et
collaboratrices dans tous les diocèses n'a pas oublié. Il y
a ici ce soir des présences auxquelles vous devez être très
sensible.
Je n'ai pu que laisser soupçonner l'essentiel de cette his-
toire pour contribuer à établir autour de vous en ce moment
la communion de la reconnaissance, de l'amitié et de l'action
de grâce.
Abbé Jean BIHAN.
HOMELIE DE LA FETE DE SAINT-THOMAS D'AQUIN

« Ne vous faites pas donner le titre de Rabbi


! » : ne ponti-
fiez pas Cela, c'est pour les professeurs vieillissants comme
moi. «Vous n'avez qu'un seul maître » : cela pourrait être,
non pour quiconque détient ou ambitionne une maîtrise,
mais pour nous tous intellectuels, pour moi donc et pour
vous, qui sommes subtilement tentés de mettre une distance
entre les gens de l'intelligence et les autres, entre l'ordre de
l'intelligence et le reste, y compris la piété. Pascal dirait
qu'on risque ici de mettre de l'ordre de la pensée au-dessus
de l'ordre de la charité, alors que c'est l'inverse qui est vrai.
»
«Vous n'avez qu'un seul maître : cela vaut encore pour
l'usage qu'on a fait de saint Thomas il y a un siècle, en
rétrécissant presque l'orthodoxie en une fidélité à saint
Thomas. Il me semble que c'est un vrai problème, mais ce
n'est pas pour autant son problème à lui.
Quel peut être le problème de ce jeune Prêcheur napolitain
de 20 ans — tout le monde est jeune en ce temps-là — qui
arrive à Paris pour étudier la théologie, qui enseignera à
30 ans et mourra à 50 ? Le bœuf muet de Sicile, comme
l'appelle un de ses professeurs. Dans son adolescence il a
ingurgité beaucoup d'Aristote et d'Averroès, la grande ratio-
nalité critique qui, depuis Frédéric II, arrive des Arabes en
Occident par la connexion sicilienne en même temps que par
la tolérance. Le jeune bœuf muet est un intellectuel qui
rumine plein de questions.
Mais où est en tout cela la sainteté ? L'objectivisme de
la doctrine est-il pour Thomas une manière de garder son
?
secret et de rester un bœuf muet En fait, à travers la com-
munication si peu émotionnelle de son œuvre, Thomas nous
a, comme l'a si bien écrit le Père CHENU, « livré le secret
de sa personnalité tout autant que s'il nous en avait fait
confidence dans des Confessions à la manière d'Augus-
tin»(1).
Ainsi, dans le Contra Gentiles, qui est une sorte de ré-
ponse d'intelligence de la foi à toutes les idées qui arrivent
par la connexion sicilienne, il fait sienne, pour commencer,
une admirable parole de saint Hilaire (que nous avons,
dans la Liturgie des Heures, pour la fête de Saint Hilaire le
13 janvier) : « J'ai conscience, dit Hilaire et avec lui
Thomas, que je dois à Dieu, comme la tâche principale
(praecipuum officium) de ma vie, que toute ma parole et
mon intelligence le parlent » (2). Tâche de la parole et de
l'intelligence non séparées. Non pas seulement parler sur
Dieu, mais parler Dieu. La parole du théologien est faite
pour cela, et Thomas et les autres théologiens de son temps
ont prêché autant qu'ils ont enseigné. En même temps et
d'abord l'intelligence du théologien est faite pour parler
lui a ouvert la bouche au milieu de l'Eglise :
Dieu. C'est pour cela que Dieu l'a fait intelligent et qu'il
« In medio
Ecclesiae aperuit os eius ». Et toutes ces idées qui viennent
à Thomas et à nous des penseurs non chrétiens, elles sont
faites elles aussi pour parler Dieu et on peut leur appliquer
Thomas cite souvent :
un mot d'un vieil auteur chrétien, l'Ambrosiaster, mot que
« Tout ce qui est vrai vient du Saint-
»
Chercher Dieu et parler Dieu :
Esprit, Quidquid verum a Spiritu Sancto (3).
tous questionnements de
l'intelligence prennent place et sens à l'intérieur de la
recherche croyante de Dieu, celle que Thomas a apprise,
enfant, à l'école monastique du Mont-Cassin, recherche qui
donne à toute sa vie son sens et son intensité, en apaisant
progressivement ce que sa pensée avait d'abord d'hyper-
intellectualiste. Quand il écrit que l'homme a le désir naturel
de Dieu, c'est-à-dire que dans l'intelligence de l'homme
est inscrite la vocation à connaître Dieu, il ne tombe pas
dans un psychologisme, mais il fait servir Aristote à penser
la bonne nouvelle et il livre aussi quelque chose de son

(1) M.-D. CHENU, Saint Thomas d'Aquin et la théologie, Paris


1959,52.
(2) Contra Gentiles 1, 2, citant HILAIRE, De Trinitate, I, 37.
I
(3)In Cor.XII,3.
propre secret. De même, dans un étonnant sermon pour
la Toussaint, il reprend sept fois l'idée que la Toussaint

de la Fête Dieu chante cela :


est la fête du lieu vers lequel nous tendons. Une hymne
Dieu, «Conduis-nous là où
nous tendons, Duc nos quo tendimus », là où nous verrons
Dieu face à face.
L'unité de toute la vie de Thomas s'exprime bien dans une

ses éducateurs :
anecdote qu'un de ses biographes attribue à son enfance
cassinienne, lorsque le petit Thomas demande à l'un de
«
?
Qu'est-ce que Dieu Quid sit Deus? (4)
On ne nous dit pas ce qui lui a été répondu.
»
ces paroles:
La première lecture de cette eucharistie commençait par
«
J'ai prié, et l'intelligence m'a été donnée».
On fait cette lecture-là pour la fête de Saint Thomas depuis
qu'il a été canonisé. Et la raison en est que ce qui a le
plus frappé ceux qui ont connu Thomas dans les dernières
années de sa vie a été la place de la prière à l'intérieur
même de son travail théologique. Non seulement ce théo-
logien était, comme il va de soi, un fidèle croyant, mais la
prière était chez lui intérieure à un travail pourtant d'une
technicité sans concession. Elle lui était habituel recours
dans des questions intellectuellement insolubles au premier
abord. Non comme paresse de l'intellect, mais comme entrée
de l'intelligence dans les mystères, là où elle ne peut accé-

découvert par elle-même :


der toute seule. Jusqu'au jour où il lui est apparu que les
mystères étaient au-delà de ce que son intelligence en avait
«Tout ce que j'ai écrit, avoue-t-il
»
alors à son confident, est comme de la paille (5). De la
paille par rapport au grain, par rapport à l'avant-goût dans
la prière de la vision face à face. Mais, dans le désir et
l'attente de ce face à face, la vocation de notre parole et
de notre intelligence est de parler Dieu. Amen.
1 Père P.-M. Gy

(4)Pierre C<\I.O, Vira Sancti Thomae Aquitanis, -


Procès de canonisation. Déposition de Barthélémy de
(5)
Capoue, § 79.
In memoriam

Nous faisons part des décès:


— du Père de BROGLIE, professeur honoraire à la Faculté
de Théologie, dont les obsèques se sont déroulées en
;
l'église Saint-Ignace le 19 mai

— de Monsieur Jacques PINGLÉ, directeur du Centre


Ibéro-Américain, dont les obsèques ont eu lieu en l'église
Saint-Médard.
Le prochain numéro de la revue reviendra sur ces deux
anciens professeurs dans sa rubrique « In memoriam ».
LIVRES REÇUS

ALBIN MICHEL
DOUMERC (René) Dialogues avec Lanza Del Vasto non-violence,
:
Bible et communautés. — 246 p. ; in-12. — (Spiritualités vi-
:
vantes).
SMEDT (Marc de) : Techniques de méditation.
(Spiritualités vivantes).
— 284 p. in-12. — ;
EISENBERG (Josy), GROSS (Benno) : Un Messie nommé Joseph:
A Bible ouverte V. — 422 p. ; in-12. — (Présences du judaïsme)

BAUMIER
ARMAND COLIN
(Jean), BRIGOULEIX (Bernard), LASSERRE
Allemands sans miracle. — 287 p. ; in-8.
(René) : Les

BALLAND
La Liberté de l'esprit : Droit de suite. — 125 p. ; in-8°.

LE CENTURION
CAPIEU
: (Henri), GREINER (Albert), NICOLAS (Albert) : Tous invi-
tés. la Cène du Seigneur célébrée dans les Eglises de la
Réforme. — 157 p. ; in-8°.
FRANÇOIS DE SALES (Saint) : Tous doivent prier. — 135 p. ; in-8". —
(Fontaine vivante).
IRÉNÉE DE LYON (Saint) : La symphonie du salut. — 111 p. ; in-8°.
— (Fontaine vivante).
WINLING (Raymond) : La Théologie contemporaine 1945-1980. :
LE CERF
(Jean) Le Mariage vu par les moines au XIIe siècle.
:
LECLERCQ :
— 162 p. in-8°.
JOSSUA (Jean-Pierre)
SEROURT (Pierre) :
;
Prière. — 109 p. in-12.
Le Rêve et l'espérance. — 102 p. ; in-12. -
(Epiphanie).
EPSZTEIN (Léon) : La Justice sociale dans le Proche-Orient an-
cien et le peuple de la Bible. — 272 p.
POUCHOL (Marlyse), SEVERS (Michèle) : Travail domestique et
pouvoir masculin. — 107 p. ; in-12. — (Objectifs).
CONGAR (Yves) Martin Luther, sa foi, sa réforme
:
:
études de
théologie historiques. — 150 p. ; in-8°. — (Cogitatio Fidei).
FITZMYER (Joseph) : Vingt questions sur Jésus-Christ. — 126 p.
in-12. — (Dossiers libres).
;
;
TOULAT (Jean) : Combattants de la non-violence :
BARRAL-BARON (Noël) : Renouveau de la confirmation. — 141 p.
in-12. — (Dossiers libres).
de Lanza del
Vasto au général de Bollardière. — 220 p. ; in-12. — (Ren-
contres; 30).
CASEL (Odon) : Le Mystère du culte dans le Christianisme. —
331 p. ; in-12. — (Traditions chrétiennes).

?
ACTION DES CHRÉTIENS POUR L'ABOLITION DE LA TORTURE Peut-on :
libres).
:
éduquer aux droits de l'homme
Mort et Résurrection
(Dossiers libres).
?
— 190 p. ; in-12. — (Dossiers
courrier de la vie. -
111 p. ; in-12. —

;
:
Dieu qui es-tu courrier de la vie. — 105 p. ; in-12. — (Dossiers
libres).
CENTRE THOMAS MORE La Peine, quel avenir
disciplinaire de la peine judiciaire.
cherches morales 7).
-
?
: approche pluri-
157 p. ; in-8°. (Re- -
DELHEZ (Charles) : Au jardin de Dieu.
phanie).
- ;
132 p. in-12. (Epi- -
CONGAR (Yves)
(Foi Vivante).

141 p. ; in-12.
RIDOUART (André)
:

STANDAERT (Benoît) : L'Evangile selon Marc


- Jérémie,
(Lire la Bible).
l'épreuve de
:
Esprit de l'homme, Esprit de Dieu. — 92 p. —
Commentaire. —
la foi. — 111 in-12.
p.
:
: ;

— (Lire la Bible).
ASSOCIATION CATHOLIQUE FRANÇAISE POUR L'ÉTUDE DE LA BIBLE Le
Corps et le corps du Christ dans la première épître aux Corin-
thiens. — 300 p. ; in-12. — (Lectio divina).
CHALENDAR (Xavier de) : Responsabilités ecclésiales pour laïcs.
— 113 p. ; in-12 (Dossiers libres).
Gandhi et Martin Luther King
159 p. ; in-12.
:
des combats non-violents. —
— (Dossiers libres).

DUBOIS (Yvonne)
ne savoyarde. -
:
LE CERF
La Vallée des cyclamens :
cahiers d'une paysan-
215 p. ; in-12. — (Pour quoi je vis).

JUNGEL (Eberhard) : Dieu mystère du monde :


GEFFRE (Claude) : Le Christianisme au risque de l'interprétation.
— 361 p. ; in-8°. — (Cogitatio Fidei).
fondement de la
théologie du Crucifié dans le débat entre théisme et athéisme.
— 2 vol. 351 + 361 p., in-8°.
BONHOEFFER (Dietrich) : De la vie communautaire.
— 144 p. ; in-8°
— (Traditions chrétiennes).
MOLTMANN (Jurgen) : Théologie de l'espérance. — 420 p. ; in-12.
— (Traditions chrétiennes).
LE CHALET
JOLIN (Claude) : Famille. — 124 p. ; in-8°.

CITE DU VATICAN
PONTIFICUM CONSILIUM PRO LAICIS : Rencontre «
Evêques, prêtres,
laïcs ».
Yaoundé, 5-10 janvier 1982. 273 p. — ; in-8". — (Service
de documentation 11-12).

COUVENT SAINT-GILDARD

tienne de Nevers
in-12.
:
L'Expérience mystique de Marcelline Pauper, religieuse de la
Congrégation des Sœurs de la Charité et de l'Instruction chré-
Etude critique de ses écrits.
DERVY-LIVRES
267 p. ; -
HERBERT (Jean) : L'Hindouisme vivant. — 255 p. ; in-8".
(Mystiques et religions).
-
RIVIÈRE (Jean M) A l'ombre des monastères tibétains.
— 213 p. ;

in-12.
DES FEMMES
STAEL (Madame de) :
AUFFRET (Sévernie)
l'excision. — 295 p. ;
Delphine. — 532 + 435 p. in-12.
Des couteaux contre des femmes
in-12.
; : de

DESCLEE
(Roger) : Le Coran' guide de lecture. — 155 p. ;
:
ARNALDEZ
in-12. — (Religions et culture).
CAZELLES (Henri) : Histoire d'Israël des origines à Alexandre
le Grand. — 264 p., in-8". — (Petite bibliothèque des sciences
bibliques).
GARRONK (CaidinalG.-M.) : 50 ans de vie d'Eglise la voix d'un :
grand témoin. — 116 p. ; in-8°.
MARTIMORT (A.G.) : L'Eglise en prière
temps. — 313 p. ; in-8".
:
IV : la liturgie et -le

GERMMN (Elisabeth) : 2000 ans d'éducation de la foi.


in-8". — (Bibliothèque d'histoire du Christianisme).
204 p.; -
COSTE (René) : L'Eglise et les droits de l'homme.
in-8". — (Bibliothèque du Christianisme).
103 p.;
-
VALLIN (Pierre) S.J. : Le Travail et les travailleurs dans
le
monde chrétien. — 188 p. ; in-8". — (Bibliothèque d'histoire du
Christianisme).
JOUNEL (Pierre), EVENOU (Jean) : La Célébration des sacrements.
— 1279 p. ; in-12.

EDITIONS CUJAS
CHEVALIER (Laurent), LEFEBVRE (Charles), METZ (René) : Histoire
de droit et des institutions de l'Eglise en Occident T XVII :
le droit et les institutions de l'Eglise catholique latine de la
fin du XVIII0 siècle à 1978 : organismes collégiaux et moyens
:
de gouvernement. — 478 p. ; in-So.

LES EDITIONS OUVRIERES


DUCAMP (Jean-Louis) :
Les Droits de l'Homme racontés aux
enfants. — 161 p. ;
in-8".
BONNAFOUS (Alain), PUEL (Hugues)Physionomies de la ville. —
:
165 p. ; in-12. — (Initiation économique).
BOUTIN (André) : Expériences de formation au sud et au nord.
— 157 p. ; in-12.
PINELI. (Patrice), ZAFIROPOULOS
laires : 1882-1982. — 198 p.
SIMON (Michel) : Comprendre la sexualité aujourd'hui
(Markos)
; in-12.
la
sexualité aux regards des sciences pour une sexualité à visage
humain. — 146 p. ; in-8".
:

:
Un siècle d'échecs sco-

VÉRICEL (Maurice) : Les Evangiles des dimanches. — 251 p. ;


in-12.
FLOOD (David) : Frère François et le mouvement franciscain.
180 p. ; in-8'J.
-
SCOUARNEC (Michel) : Vivre. Croire. Célébrer. — 176 p. ;
in-So. — (Célébrer).
SEMELIN (Jacques) : Pour sortir de la violence. — 200 p. ; in-8°.

FAYARD
(Paul) Du bon usage de la vie et de la mort. — 169 p.
:
MILLIEZ : ;
in-8°
LEROI-GOURHAN (André) Mécanique vivante le crâne des ver-
tébrés du poisson à l'homme. — 261 p. ; in-8°. — (Le temps
des sciences).
LEROI-GOURHAN (André) : Le Fil du temps. — 384 p. ; in-8°. —
(Le temps des sciences).
MENDÈS-FRANCE (Pierre) : Regard sur la V* République (1958-1978)
Entretiens avec François Lanzenberg. — 190 p. in-8".

FERNAND NATHAN
CLEVENOT (Michel) :
Le Triomphe de la Croix. — 263 p. ;
in-8°
— (Les hommes de fraternité).
FLAMMARION
UNIVERSITÉ PARIS-NORD. UER DE SCIENCES ECONOMIQUES. CENTRE
DE RECHERCHE EN ÉCONOMIE INDUSTRIELLE. L'Industrie en France.
— 451 p. ; in-8°. — (Enjeux pour demain).
BADINTER (Elisabeth) : Emilie, Emilie, l'ambition féminine au
XVIII siècle. — 489 p. ; in-8°.

FLEURUS
BISSONNIER (Henri) Valeurs en éducation et en rééducation.
— 331 p. ; in-12. -
:
(Pédagogie psychosociale ; 43).

GALLIMARD
LA TOUR DU PIN(Patrice de)
de l'homme devant Dieu. -
: Une somme de poésie III
464 p. ; in-8°.
: le jeu

UNIVERSITÉ DE GENÈVE
en 1831. — 221 p.
: LABOR ET FIDES

;:
Faculté de théologie. Genève protestante
; in-12. — (Publication de la Faculté de
théologie de l'Université de Genève 6).
ANSALDI (Jean) : Ethique et sanctification
et sainteté chrétienne. — 200 p. ; in-8°.
morales politiques
-
(Le champ éthique ;
9).
BURNIER-GENTON
in-8°. — (Essais bibliques 5).;
(Jean) : Ezéchiel fils d'homme. — 103 p. ;
Justice en dialogue. — 173 p. ; in-8°.
YANNARAS (Christos : La Liberté de la morale. — 252 p. ; in-8°.
— (Perspective orthodoxe).
LUTHER (Martin) :Œuvres : tome XI : commentaires de l'épître
aux Romains.
P. LETHIELLEUX
JEAN-PAUL II : Maximilien Kolbe patron de notre siècle difficile.
— 157 p. ; in-8'.
Henri de Lubac
(Le Sycomore).
:
BALTHASAR (Hans Urs von), CHANTRAINE (Georges) : Le Cardinal

:
l'homme et son œuvre. — 139 p. ; in-8°. —
:
SPEYR (Adrienne von)
303 p. ; in-8°. — (Le
: Jean
Sycomore).
le discours d'adieu 1 II. -
LIBRAIRIE ACADEMIQUE PERRIN
DIESBACH (Ghislain de) : Madame de Staël. — 585 p. : ill. ;
in-8°
MAME
LAGARDE
67 p. ; (Claude et Jacqueline)
in-8".
:
Ezéchiel : pardon du ciel. -
DANET

DEBRUYNNE (Jean)
in-8°.
Eucharistie
:
:
(Henriette) : La Confession et son histoire. — 64 p. ;
in-8". — (Première bibliothèque de connaissances religieuses).
merci. Dieu, merci — 180 p. ! ;
NOUVELLE CITE
L'Imitation de Jésus-Christ. — Nouvelle traduction de P. Guilbert.
284 p. ; in-12.

NOUVELLE LIBRAIRIE DE FRANCE


Histoire générale de l'enseignement et de l'éducation en France
tome IV : l'Ecole et la Famille dans une société en mutation.
:
— 729 p. ; in-4°.

PAYOT
DIEL (Paul), SOLOTAREFF (Jeanine) Le Symbolisme dans l'Evan-
gile de Jean. — 247 p. ; in-12. -
:
(Petite Bibliothèque Payot).

SALVATOR
GONDAI.
in-8°
MELCHIOR
(Marie-Louise)

;
:
Comme un goût de lumière. —
(Philippe) : Proclamer Dieu avec les mains
brer avec les enfants T.3 — 156 p. ; in-12.
célé-

: : 140 p. ;

ROUGIER (Stan) : L'Avenir est à la tendresse ces jeunes qui


LEGRAIN (Michel) :
nous provoquent à l'espérance. — 199 p. ; in-12.
Questions autour du mariage
et mutations. — 157 p. ; in-8u.
permanences
LE CABEI.LEC (Pierre) : Dossiers Moon. — 212 p. ; in-8°.
:
LE SEUIL
SAWARD (John) : Dieu à la folie
Christ. — 309 p. ; in-8°.
: histoire des saints fous pour le

S.O.S.
BARBIER (Jean) : Joseph Folliet : 1903-1972. — 166 p. ; in-8".
RENARD (Cardinal Alexandre) : Paradoxes de l'Evangile et vita-
lité de l'Eglise. — 143 p. ;
in-8°.
TALLANDIER
BOURASSIN (Emmanuel) : Philippe le Bon :le grand lion des
Flandres. — 403 p. ; in-8°. — (Figures de proue).
:
LEMONNIER (Henry) :Henri II, la lutte contre la Maison d'Au-
triche 1519-1559 — 401 p. ; in-8°.
— (Monumenta historiae).
SIVERY (Gérard) : Saint Louis et son siècle.
— 672 p. ; in-8°.
(Figures de proue).
TEQUI
Jean-Paul II en Espagne (31 octobre - 9 novembre) : intégralité
des discours. — 348 p. ; in-12.
THÉOPHANE VENARD (Bienheureux) : Lettres.
— (Les Ecrits des Saints).
BELLAING (Guy de) : Vivre Dieu
de tous. — 77 p. ; in-8°.
: — 190 p. ; in-12.
l'intimité divine à la portée
LOYER (Pierre) : Dieu est là !
méditation sur sa Présence. —
— 277 p.
QUONIAM
communs :; in-8°.
(Théodore) : Promenade au patrimoine des lieux
une leçon de choses. — 144 p. ; in-12.
CROUAN (Denis) : Symboles et mystère de la messe.
in-12. — (Mystère de notre monde).
— 80 p. ;
HERVELIN-MICHAUT (Mino) : Aurélie la petite désordonnée.
-
11 p. ; in-12.
— (Collection Patapon : La ronde des enfants).
MICHEL-MARIE ; Saint Joseph, père virginal du Fils de Dieu
et quelques-unes des conséquences de ce titre de gloire.
:-
l'Eglise:
138 p. ; in-12.
La Réconciliation et la pénitence dans la mission de
traduction non officielle du Document de
Synode des Evêques de 1983. — 78 p. ; in-8°.
FLOUCAT (Yves) : Pour une philosophie chrétienne :
travail pour le

éléments
d'un débat fondamental. — 225 p. ; in-8°. — (Croire et savoirl,.
:
PAUL VI, JEAN-PAUL II : Jésus-Christ mort et ressuscité pour notre
salut recueil d'allocutions et d'écrits de Paul VI et de
Jean-Paul II présenté par l'abbé PAUL.
POUZIN (Henri) : Le Latin pour quoi faire? — 76 p. ; in-12.
SCHRIJVERS (JOS.) C. SS. R. : La bonne volonté. — 159 p. ; in-12.
NANTEUIL (Général Hugues de) : Les Ténèbres du Vendredi Saint.
— 37 p. ; in-12.
LECLERCQ (Dom Jean) : La Femme et les femmes dans l'ceuvre

JEAN-PAUL II en Amérique centrale


248 p. ; in-J2.
:
de saint Bernard. — 143 p. ; in-8°.
intégralité des discours. —

— 102 p. ; in-12.
San Damiano : histoire et documents
mière. — 379 p. ; in-8°
:
ANDRÉ-VINCENT (Ph.-I.) : Marie Madeleine dans le mystère pascal.

problèmes, ombre, lu-


PIERRE (Marie) : Frank, le petit voleur. — 21 p. ; in-8°. -
|

(Patapon. La ronde des enfants).


Quelques numéros spéciaux
:
des « Nouvelles de l'Institut Catholique de Paris.
encore disponibles

Thérèse de Lisieux : Conférences du Centenaire 1873-1973


(mal 1973)
Maurice Blondel
1974)
: 258 anniversaire de sa mort (décembre

Migne. Année du centenaire (mars 1975)


Les chrétiens et la recherche de Dieu (juin 1975)
Mémorial du Centenaire de l'I.C.P. (juin 1976)
Les visions mystiques (février 1977) (25 F)
Spinoza. centenaire de sa mort (mai 1977)
3*

Travaux des enseignants 1970-1976 (octobre 1977) (40 F)


Le Palais abbatial de Saint-Germain des Prés (octobre 1978)
(25 F)

Ukraine
(15 F)
:
Colloque Vladimir Solovlev (mars 1979) (20 F)
Témoignage d'oecuménisme oriental (décembre 1979)

Le centenaire de l'Encyclique. Aeterni Patrls. (avril 1980)


(20 F)
Jean Paul Il à l'Institut Catholique de Paris (juin 1980)
Recueil Jean-Mohammed Abd el Jalil (juin 1980) (30 F)

-
Travaux des enseignants 1977-1980 (40 F)
Robert d'Harcourt - Teilhard de Chardin (décembre 1981)
(50 F)
Sauf indication contraire, chaque numéro : 10 F.
SOMMAIRE

.,..,.
1. ETUDES

— Le catholicisme latin et les chrétiens d'Orient 3

Il. MELANGES

— Aperçus sur le Symposium de la FIUC, par


0. de DINECHIN 31
— La localisation d'Alésia et ses exigences,
par A.WARTELLE 41
— Les Français vus par une Japonaise, par Y.
ORIMO
- Georges MOREL ou la question de Dieu au-.
jourd'hui, par A. ARDOUIN
51

83
III. COMPTES RENDUS

biblique.
— La foi catholique, Le Concile Vatican
Problèmes de morale fondamentale — Un

commun.
Il 101

Foi

éclairage 104
— Le Dieu
— Voici le temps des héritiers 107
109

- et Pédagogie de
L'Afrique des villages
— Enraciner l'Evangile — Initiations Africaines
la

noire
— La question paysanne en Afrique
111
114
116
— Jésus-Christ dans la tradition de l'Eglise. 118
IV. CHRONIQUE
1 Soutenance de thèses : de
— Doctorat en Science Théologique
3ecycle(R.BRODEUR) 125
— Doctorat en Science Théologique du
3e cycle et en Sciences des Religions (F.-D.
BOESPFLUG) 129
— Doctorat en Science Théologique du
3e cycle avec spécialisation en Sciences
bibliques (N. BONNEAU) 132
2. Manifestations universitaires :
Peuples
— Foi et Solidarité
— Conférence sur
des
Alésia
:
135
136
3. Célébrations et événements

— Autour
Homélie
de
de
Mlle
la
O. HERTZ
Saint-Thomas d'Aquin, par le
138

4. In
V. LIVRES
memoriam
REÇUS
P. GY 142
145

147

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