You are on page 1of 66

Chapitre 1 :

L’environnement économique dans


un
contexte international

Les mutations très profondes du nouvel environnement économique international,


particulièrement, la mondialisation des économies et la globalisation financière, la
libéralisation accrue des économies, l’interdépendance des économies, la formation des
blocs régionaux (la triade) et les modifications réglementaires et technologiques, ont
offert aux entreprises de nouvelles options pour réorganiser la production et la
commercialisation en dehors des frontières à travers l’internationalisation.

Sur le plan du cadre institutionnel international, l’après seconde guerre mondiale


a été le théâtre de la mise en place d’un nouveau système qui a favorisé le rapprochement
des économies des pays industrialisés en créant une dynamique de concurrence entre les
firmes mais l’abaissement des coûts de transport, l’amélioration des techniques de
communication ainsi que la mondialisation des marchés en imposant la baisse des tarifs
douaniers (GATT, OMC) et la libre circulation des personnes ont amené encore à un
regain d’intérêt vis-à-vis de la stratégie d’internationalisation.

Or cette stratégie d’ouverture à l’international est aujourd’hui remise en cause par


la crise financière internationale, qui a commencé en 2007 aux Etats Unis avec
l’éclatement de la bulle des subprimes1, et qui a d’abord été une crise immobilière,
financière et bancaire, avant de devenir une crise économique et sociale. Cette
dégradation des conditions économiques a été accentuée par la formation, puis
l’éclatement d’une bulle sur les matières premières2.

En effet, la mondialisation et l’interdépendance des économies ont favorisé


l’internationalisation de la crise financière internationale qui, après s’être manifestée et

1
Ce sont des crédits immobiliers à taux d’intérêt variable et de niveau élevé accordés par les banques à des
ménages qui disposent en majorité de faibles revenus.
2
François J., Jamet., Lirzin F., « l’Europe à l’épreuve de la récession », Problèmes économiques, N° 2969,
avril 2009, p.3.
propagée dans les pays développés, puis touché les pays émergents, et dans une troisième
vague, atteint les pays en développement.

Les conséquences de la crise sont plus importantes sur la dynamique des échanges
extérieurs, notamment sur le commerce extérieur et les Investissements Directs Etrangers
(IDE).

Selon l’ancien ministre des finances F Oulalou3, la crise financière est le produit
d'une "adhésion aveugle" à l'idéologie libérale qui refusait tout contrôle et toute
régulation, a-t-il estimé, ajoutant que la politique économique américaine a été bâtie au
cours des dernières années sur une « stratégie d’endettement abusifs » pour soutenir la
croissance.

Durant les trois dernières décennies, cette stratégie "qui croyait aveuglément en
l'autorégulation" a été à l'origine de la création de multiples produits financiers qui
accompagnaient l'endettement des particuliers et des entreprises, avec les crédits
hypothécaires accordés aux familles et garantis par des hypothèques immobilières dont la
valeur a augmenté de façon démesurée, ce qui a conduit au surendettement de leurs
détenteurs.

En outre, La crise actuelle a remis en cause le système capitaliste dans son


ensemble. Les interventions multiples des Etats mettent en question la déréglementation
des marchés, la solidité et la fiabilité des institutions financières actuelles et les bases du
système capitaliste actuel appelant à la « liberté du marché ».

3
Conférence au profit du club diplomatique marocain, sur le thème “ la crise financière et les transformations
en perspectives”
Section I : l’économie mondiale sous pression de la crise des subprimes

Durant ces trois dernières années, le monde a connu une période de crise qui a eu
des répercussions immédiates sur les marchés de l’économie mondiale freinée en cette
période par les retombées de la crise immobilière et financière aux Etats-Unis et la
flambée des cours du pétrole sur fond de dollar faible ayant marqué l’année 20074.
Après ces fortes perturbations, engendrées par cette crise en 2008 au niveau
international, l’année 2009 s’annonçait comme l’année du redressement et de la reprise.
Un découplage entre la dynamique des économies développées et celles des économies
émergentes a été signalé à la faveur des perspectives plus positives de croissance pour ces
dernières5.

I- De la crise des crédits hypothécaires à la crise économique mondiale :

Bien que la crise ait été déclenchée par des événements qui se sont produits sur le
marché immobilier aux Etats-Unis d’Amérique, elle constitue un sérieux revers pour
l’économie mondiale, et qui s’est développée en trois phases: d’une crise de crédit
hypothécaire (subprime), localisée durant l’été 2007, la finance mondiale a basculé dans
une crise systémique profonde, entraînant le monde dans la pire récession des 60
dernières années.

1. Les prémices de la crise: un surendettement excessif dans un contexte de


déréglementation financière :

Plusieurs chercheurs ont montré que les crises avaient une genèse et une
généalogie (Clair 1995, Pauchant et Mitroff 1992, Schwartz 1987, Schrivastava 1987), ils
en concluent que les crises ne sont pas le fruit du hasard mais la manifestation ultime
d’une longue période de gestation. Les crises seraient alors le résultat d’un processus
cumulatif et continu de dysfonctionnements organisationnels6.
Au lendemain de la crise des valeurs technologiques et des attentats du 11
septembre 2001, les Etats-Unis sont entrés dans une phase d’expansion monétaire et
budgétaire sans précédent dans le but de relancer l’investissement et de stimuler la
consommation. L’attractivité financière accrue des marchés américains a permis de capter
l’épargne mondiale, notamment en provenance des pays asiatiques et des pays du Golfe,
en quête de recyclage de leurs excédents commerciaux, contribuant, ainsi, à financer sans

4
Rapport annuel sur les industries de transformation 2008, Ministère d’industrie et de commerce, p.5
5
Rapport d’activité 2009, Direction des études et des prévisions financières, Mot du directeur p.1
6
Roux-Dufort C., « La gestion de crise : un enjeu stratégique pour les organisations », De Boeck, Paris,
2000, p.19
difficulté le dérapage continu du déficit du compte courant américain. Par le biais de la
forte dynamique des importations américaines, les échanges mondiaux se sont accélérés,
profitant au monde entier et, en particulier, aux pays émergents à forte croissance. Dans
un contexte de faible aversion au risque, le secteur financier des pays avancés,
déréglementé, décloisonné et régi par de nouvelles normes comptables, privilégiant la
valeur de marché, a favorisé l’essor du crédit, y compris en faveur des segments de
clientèle à faible capacité de remboursement.
De plus, la hausse des prix de l’immobilier, dans un contexte de baisse continue
des taux, a encouragé le refinancement des prêts hypothécaires et le maintien de la
dynamique de la consommation des ménages.
La dilution du risque a été rendue possible par des innovations financières et le
développement de nouveaux produits plus complexes (titres subprime, assurance de risque
de crédit CDS...), en s’appuyant sur des véhicules financiers peu réglementés, tels que les
hedge-funds et les paradis fiscaux7.
Très généralement, l’histoire des grandes spéculations et des crises financières qui
en dérivent montre qu’elles sont la conséquence d’innovations affectant soit la finance
elle-même, soit l’économie réelle à travers les innovations de produits comme de
processus. Dans la période contemporaine, la libéralisation financière a joué ce rôle en
contraignant les banques à des stratégies risquées et surtout en diffusant à des économies
au système financier fragile des innovations qui supposaient un fort degré de contrôle et
de surveillance de la part des autorités publiques. Ainsi s’explique le contraste entre la
surprenante résilience des économies d’ancienne tradition financière et la multiplication
des crises dans les économies les plus fragiles. On est également frappé par le fait que
l’ampleur des déséquilibres réels suscités par l’emballement spéculatif de la nouvelle
économie ait débouché sur un repli certes important mais ordonné des cours boursiers8.

Tableau N°1: Les innovations financières : sources de croissance ou de crises.

Impact sur
Fonction
La croissance Les crises
1. Transfert de Favorise l’investissement en Rend possible la création de
richesse dans le éliminant l’irréversibilité des droits en excès de la richesse
temps choix. future.
Accentue le risque, en raison de
2. Gestion des Permet des investissements
la mauvaise évaluation liée à la
risques grâce à la séparation
division du travail entre acteurs
financement/risque.
financiers.
3. Mise en Alloue mieux le capital. Favorise l’émergence de bulles
7
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale :
enjeux et orientations des politiques publiques », Mai 2009, Annexe 2 p.52
8
Boyer-Dehove-Plihon, « Le rapport sur les crises financières », Conseil d’Analyse Économique, p.398
www.cae.gouv.fr
commun des et la mauvaise allocation du
richesses capital en raison de la liquidité.
4. Création et
Soutien le mimétisme, aussi
dissémination de Socialise les vues sur l’avenir.
rationnel soit-il.
l’information
Constitue la chambre de
5. Organisation Un système bancaire efficace résonance des désordres
des paiements favorise la croissance. financiers du cœur des crises
systémiques.
Source : d’après Rajan et Zingales (2003)9

La dernière décennie peut s’interpréter comme la course du lièvre et de la tortue :


les agents financiers, dans le rôle du lièvre, lancent le processus et c’est aux pouvoirs
publics, dans le rôle de la tortue, d’absorber les coûts des crises financières qui en
dérivent et de tenter d’en éviter la répétition par une nouvelle stratégie et éventuellement
un renouvellement des réglementations. Les marchés financiers qui étaient censés
s’autoréguler sont en fait le lieu de crises souvent dramatiques pour l’économie et la
société10.
Figure N°1 :
la crise des subprimes résulte de la conjoncture des innovations financières depuis les années
quatre-vingt : sous-estimation et transfert généralisé du risque

9
Boyer L., « Une crise tant attendue leçons d’histoire pour économistes », Prisme N°13 2008 p.13
10
Op.cit, p.21
Source : Boyer Luc11

Le plus important, tant pour le crédit bancaire que sur les marchés financiers, tient
au caractère procyclique de la prise de risque : les agents ont tendance à prendre d’autant
plus de risques que la conjoncture est bonne. Un second facteur propage d’un marché à
l’autre les déséquilibres apparus sur l’un d’entre eux : c’est la facilité d’accès au crédit
qui affecte l’allocation de la quasi-totalité des actifs, et explique la contagion d’un marché
à l’autre à travers un mécanisme de type accélérateur financier. Étant donné
l’interdépendance accrue des marchés financiers, les emballements spéculatifs se diffusent
d’un pays à l’autre, alors qu’ils peuvent être fort distants l’un de l’autre mais reliés par
l’arbitrage des agents financiers. Enfin, les évidences historiques et empiriques suggèrent
que les emballements spéculatifs sont aggravés par les phénomènes de mimétisme, de
perte de mémoire des précédents épisodes de crise ou encore d’excessive confiance en ses
propres choix par rapport aux autres acteurs du marché, sans oublier l’aveuglement au
désastre qui marque la fin des périodes spéculatives12.
En somme, la situation de crise se caractérise d’une part, par un bouleversement
tangible des activités dont on peut mesurer l’impact, et d’autre part, par un
bouleversement de l’identité organisationnelle qui force les acteurs à questionner les
fondements de leurs actions et de leur légitimité13.

Figure N°2 :
Les trois dimensions de la nouveauté des crises financières

11
Ibid. p.32
12
Le rapport sur les crises financières, BOYER-DEHOVE-PLIHON Conseil d’Analyse Économique www.cae.gouv.fr
p.397
13
Pauchant , Mitroff 1992 p.12
Source : BOYER-DEHOVE-PLIHON14

2. Mutation d’une crise subprime localisée à une crise financière majeure

Chaque crise apparaît spécifique car elle s’inscrit dans un contexte différent et
combine de diverses manières un certain nombre de mécanismes généraux. À l’origine de
la plupart des épisodes de fragilité financière, se trouve un emballement du crédit qui
déclenche un mécanisme d’accélérateur financier qui se propage à différents marchés,
boursiers, immobiliers, des changes. Cette fragilité se convertit en une crise ouverte avec
une probabilité d’autant plus forte qu’entrent en résonance ces différents marchés
d’actifs15.
Comme le remarquent Mishkin et White (2002), quelle que soit l’origine de la crise
– déclin des fondamentaux ou explosion d’une bulle spéculative – une réduction
importante et/ou durable de la valeur des actifs boursiers exerce une influence certaine

14
Le rapport sur les crises financières, BOYER-DEHOVE-PLIHON Conseil d’Analyse Économique www.cae.gouv.frt,
p.116
15
Op.cit, p.11
sur l’activité économique. Le choc peut être transmis à la consommation par le canal des
effets de richesse (Boone et al., 1998 et Ludvigson et Steindel, 1999), à l’investissement
par le q de Tobin et le canal du crédit (Bernanke et Gertler, 1989 et Kyotaki et Moore,
1997) et n’est pas sans conséquence pour la stabilité financière (Mishkin et White, 2002).
Enfin, l’évolution du marché boursier affecte plus généralement la confiance des ménages
et des entrepreneurs (Caroll et al., 1994 et Poterba, 2000)16.
Le bouleversement du marché immobilier américain a conduit, dans un contexte
de durcissement de la politique monétaire de la Réserve Fédérale (FED), à une hausse
régulière des taux de défaut sur les prêts hypothécaires (subprime en particulier) qui, en
provoquant des incidents de paiement non prévus, a mis en difficulté de nombreux fonds et
banques.
Face à la multiplication d’annonces de pertes et à l’opacité sur la situation réelle
des états financiers des banques, une crise de confiance s’est installée, progressivement,
sur le marché interbancaire alors qu’augmentaient les besoins des banques en liquidités
pour renflouer les fonds propres.
Par le biais des mécanismes de titrisation des prêts hypothécaires et leur transfert
à d’autres acteurs financiers, en dehors des Etats-Unis, l’éclatement de la bulle
hypothécaire a retenti sur l’ensemble des marchés financiers, contribuant par effet de
domino à mettre en péril la solvabilité du système bancaire des pays développés17.

Figure N° 3 :
Chronique d’une crise annoncée : l’épisode des subprimes

16
Op.cit, p.376
17
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale :
enjeux et orientations des politiques publiques », Mai 2009, p.52-53.
Source : Boyer L18.

C’est la conjonction qui explique l’ampleur et la gravité de la crise des subprimes.


Il suffit en effet que se manifeste l’accroissement des retards ou des défauts de paiement et
que cesse la flambée des prix de l’immobilier, pour que le cercle vertueux antérieur se
transforme en une spirale destructrice de la valeur des actifs (figure N°2)19.
La crise a pris une nouvelle ampleur et basculé en une crise financière mondiale,
avec la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers le 14 septembre 2008. En
réaction à ce signal fort, les banques ont brutalement arrêté toutes les opérations de crédit
et déclenché la propagation de la crise à l’économie réelle. Le montant total des actifs
passés en pertes, à l’échelle mondiale, est estimé à 4.000 milliards de dollars dont deux
tiers à la charge des banques et le reste, à la charge des compagnies d’assurances, des
fonds d’investissements et d’autres intermédiaires (FMI 2009).
Graphe N°1 :
Détérioration de l’activité économique au niveau international

Evolution de la production industrielle Evolution du PIB trimestriel en glissement annuel

Source : Datastream20

3. L’ampleur des effets récessifs de la crise économique

La crise de confiance entre les acteurs des marchés financiers et ses conséquences
en termes de montée de l’aversion au risque ont conduit à un blocage du crédit

18
Boyer L., « Une crise tant attendue leçons d’histoire pour économistes », Prisme N°13 2008 p.47.
19
Op.cit
20
Bank AL-MAGHRIB « LE MAROC FACE A LA CRISE ET A L’APRES-CRISE », M. Abdellatif JOUAHRI, novembre
2009, p.7.
interbancaire, au resserrement et au renchérissement du crédit aux ménages et aux
entreprises, d’une part et à la diminution de la valeur des actifs immobiliers et financier,
d’autre part.
Cette crise économique se caractérise par une sévère chute de la demande privée,
à la fois de la consommation et de l’investissement. L’intégration croissante des marchés
financiers et le développement du commerce international ont eu par le passé un effet
multiplicateur, qui a permis l’accroissement mondial de l’activité économique. Or ce
mécanisme fonctionne dorénavant à rebours, et la chute de la demande se diffuse à travers
le monde, renforçant le caractère négatif du cycle économique mondial21.
Selon les dernières prévisions du FMI d’avril 2009, l’évolution du PIB mondial
devrait nettement fléchir en 2009 pour s’établir à -1,3% avant de rebondir à 1,9% en
2010. Ces chiffres sont en rupture par rapport à l’expansion enregistrée au cours de la
période 2004-2007 où la production mondiale affichait des rythmes de progression
proches de 5%.
Graphe N°2
Evolution du PIB mondiale
et du commerce mondiale

Source: FMI

L’ampleur de la récession dans les pays développés est très manifeste compte tenu
du fléchissement de la demande intérieure et de l’effondrement des exportations. Le PIB
des Etats-Unis se contracterait de 2,8% en 2009 tandis que celui de la zone euro se
replierait de 4,2%.
Les pays émergents ont été, dans leur majorité, à l’abri de la crise financière, en
raison de leur intégration limitée au système financier mondial. Ils n’ont, toutefois, pas été
épargnés par une propagation, même tardive de la crise mondiale via la forte contraction
du commerce mondial de biens et services et du ralentissement des flux des capitaux

21
Dervis K., « la crise économique mondiale: enjeux et réformes », dossier I la crise : analyses et enjeux,
2009, p.13
privés. Ces pays afficheraient une nette décélération de leur rythme de croissance qui
passerait de près de 8%, en moyenne, entre 2003 et 2007 à 1,6% en 2009.
Le cas de la Chine est très révélateur, à ce titre. Ce pays, dont la croissance
s’établissait à deux chiffres sur les dernières années, verrait, pour la première fois, son
PIB emprunter un rythme de progression de 6,5% en 2009 et de 7,5% en 2010. Il en est de
même pour l’Inde dont la croissance se situerait autour de 4,5% en 2009 et de 5,6% en
2010.
Le continent africain est plus vulnérable que la plupart des autres régions, en
raison de son niveau de pauvreté et de sa dépendance à l’égard des exportations des
produits de base. La progression de son PIB ressortirait à 2% et 3,9%, respectivement en
2009 et 2010, soit des rythmes insuffisants pour évoluer vers la voie de la réalisation des
Objectifs du Développement du Millénaire, au moment où on devrait s’attendre à un
relâchement du soutien financier de la communauté internationale au profit de l’Afrique.
La montée des incertitudes et le durcissement des conditions de crédit à la
consommation ont fortement affecté l’activité économique, conduisant à d’importantes
suppressions d’emplois dans des secteurs comme l’automobile, l’industrie mécanique et
électrique, le textile, le tourisme, l’informatique et l’électronique ainsi que les
télécommunications et le transport aérien.
Selon l’Institut International d’Etudes Sociales du BIT, la crise économique
mondiale a occasionné une augmentation du nombre de chômeurs de 14 millions en 2008.
A l’échelle mondiale, l’accélération des pertes d’emplois dans plusieurs secteurs,
conjuguée au nombre croissant des nouveaux arrivants sur le marché du travail (90
millions de nouveaux postes en 2009 et 2010) pourrait non seulement aggraver le déficit
actuel, mais conduire à une récession sur le plan social, avec d’importants risques sur la
stabilité d’ensemble. Une telle situation est d’autant préoccupante que la reprise du
marché du travail est décalée de quelques années par rapport au déclenchement de la
reprise économique.
De plus, les plans de relance menés par la plupart des pays penchent, largement,
en faveur du sauvetage des banques et des réductions d’impôts plutôt que la création
d’emplois et la protection sociale. Les plans de relance budgétaire pour l’économie réelle
sont, en moyenne, cinq fois plus faibles que les plans de sauvetage financier (BIT, 2009)22.
En bref, l’ensemble des caractéristiques de la crise, à la fois macroéconomiques et
micro-économiques, assises sur une chute de la demande privée, une perte de repères
quant aux indications des systèmes de prix, et une dimension globale née d’une intégration
économique mondiale de plus en plus profonde, appellent des réponses politiques fortes et
coordonnées23 .
Tableau N°2 : Dimensions et effets de la crise
22
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale :
enjeux et orientations des politiques publiques », Mai 2009, P.53-55.
Secteur institutionnel
Dimension de la
Sté non
crise Sté financière ménages Admin.public
financière
Moins-values sur Perte de Perte de Augmentation des taux de
les actifs, risque de patrimoines patrimoines transfert aux
liquidité, de financiers, moins- financiers, moins- établissements financiers,
solvabilité, values sur les biens values sur les biens accroissement de la dette
réduction de la immobiliers non immobiliers non public, renforcement de
Effets financiers titrisation, révision résidentiels, résidentiels, la présence
à la baisse de révision à la baisse resserrement du capitalistique de l’Etat
notations en de notations en crédit dans les établissements
matière de crédit. matière de crédit, financiers,
resserrement du assouplissement de la
crédit politique monétaire
Pertes des Pertes des Pertes d’emplois, Augmentation des
revenues, baisse de revenues, baisse de pertes des revenus, dépenses publiques
la demande et des la demande et des perte de confiance, affectées aux opérations
bénéfices, attaques bénéfices, recul de baisse de la de renflouement, aides
contre certaines l’investissement, consommation, aux sociétés non
monnaies et pertes augmentation des diminution des financières et aux
Effets
associées stocks, diminution envois de fonds, ménages, attaques contre
économiques
du commerce attaques contre certaines monnaies et
extérieur, attaques certaines monnaies pertes associées
contre certaines et moins-values sur
monnaies et certains actifs.
moins-values sur
certains actifs.

23
Dervis K., « la crise économique mondiale: enjeux et réformes », dossier I la crise : analyses et enjeux,
2009, p.5
Multiplication des Accentuation de la Accroissement des
faillites, recul de pauvreté, perte de transferts sociaux.
l’innovation et de capital humain
l’investissement, spécifique aux
Effets sociaux
régression de entreprises, plus
l’entreprenariat grande vulnérabilité

Pertes de capital Pertes de capital Baisse des Augmentation de la dette


économique et économique et dépenses publique et de
financier, perte de financier, perte de d’éducation, recul rendements obligatoires,
confiance, moindre confiance, perte de de la tolérance et de pressions en faveur d’une
attention accordé capital humain la confiance, recomposition des
aux menaces spécifique aux aggravation des portefeuilles d’actifs de
environnementales entreprises, dysfonctionnements retraite, système
Effets (à long
et aux relation plus Sociaux, moindre publiques de retraite mise
terme) sur la
investissements tendue entre attention accordé à rude épreuve, baisse des
viabilité
«verts » et sociaux employeurs et aux menaces investissements en
salariés. environnementales, infrastructures, moindres
diminution des attention accordées aux
dons aux menaces
organismes environnementales,
caritatifs. diminution de l’aide
extérieur
Source : OCDE

II- De la crise à la reprise : dans quels délais et avec quelle vigueur ?

Malgré une amélioration générale de la conjoncture économique et une longue


période de rétablissement suite à l’effondrement de Lehman Brothers, la marche vers la
stabilité financière mondiale a récemment été perturbée. Les risques souverains dans
certaines parties de la zone euro se sont matérialisés et étendus au secteur financier. Ils
pourraient toucher d’autres régions et alimenter de nouveau une interaction négative avec
l’économie. D’autres mesures résolues doivent venir s’ajouter à la riposte énergique
engagée par les instances nationales et supranationales pour renforcer la confiance dans
le secteur financier et assurer la poursuite de la reprise économique24.

1. La marche vers la stabilité financière mondiale :

L’économie mondiale a montré des signes croissants de stabilisation. Ainsi, la


contraction significative de l’activité est arrivée à son terme, Cette évolution s’explique,
essentiellement, par l’incidence croissante des mesures de politiques monétaire et
budgétaire, par l’atténuation du déstockage au niveau mondial et par l’amélioration de la
confiance des consommateurs et des entreprises25. La reprise économique progresse mieux
que prévu, mais à des allures différentes — timidement dans beaucoup de pays avancés et
vigoureusement dans la plupart des pays émergents et en développement. Parmi les pays
avancés, les États-Unis ont pris un meilleur départ que l’Europe et le Japon. Parmi les
pays émergents et en développement, ce sont les pays asiatiques qui sont en tête, tandis
que beaucoup de pays émergents d’Europe et quelques pays de la Communauté des États
indépendants sont à la traîne. Il faut s’attendre à ce que cette reprise à plusieurs vitesses
perdure.

Graphe N° 3:
Evolution du PIB dans le monde (GA en %)26

24
FMI, « rapport sur la stabilité financière dans le monde : actualité des marchés », juillet 2010, p.1.
25
HCP, « point de conjoncture », institut national d’analyse de la conjoncture, N°17, octobre 2009, p.5.
26
HCP, « Note de Conjoncture » institut national d’analyse de la conjoncture, N°16, Juillet 2010, p.9.
Source : Banque mondiale juin 2010

Comme la reprise s’est affermie, les risques pesant sur la stabilité financière
mondiale se sont amoindris, mais la stabilité n’est pas encore assurée. Nous avons réduit
nos estimations des pertes de valeur subies par les systèmes bancaires des pays les plus
éprouvés par la crise jusqu’à 2010 inclus à 2,3 billions de dollars EU, contre 2,8 billions
de dollars EU dans l’édition d’octobre 2009 du Rapport sur la stabilité financière dans le
monde27.
La croissance du commerce mondial s’est sensiblement renforcée depuis la mi-
2009, avec une augmentation annualisée des volumes d’échanges de plus de 10 % au
second semestre de l’an dernier et au premier trimestre 2010. Malgré ce rebond, le
volume des échanges dans le monde reste à la fin du premier trimestre inférieur de
quelque 5-6% à son sommet précédant la crise28.

Graphe N° 4 :
Echanges commerciaux mondiaux29

Source : Base de données des perspectives économiques de l’OCDE, N°87, et calcul de


l’OCDE.

Parallèlement, l’amélioration des perspectives de croissance dans un nombre de


pays émergents et le bas niveau des taux d’intérêt dans les grands pays avancés ont causé
27
FMI, « Perspectives de l’économie mondiale Avril 2010 », Etudes économiques et financières, 2010,
p.xii
28
OCDE, « Evaluation générale de la situation macroéconomique », p.19
29
Op.cit, p.19.
une résurgence des flux de capitaux à destination de certains pays émergents. Ces afflux
de capitaux s’accompagnent toutefois de risques de tensions inflationnistes et de bulles des
actifs. On ne décèle pour l’instant aucun signe de bulles systémiques, mais il y a quelques
points chauds et les risques pourraient s’amonceler à longue échéance. Le rebond des flux
financiers transfrontaliers a provoqué quelques mouvements de taux de change effectifs
réels — dépréciation du dollar EU et appréciation des monnaies flottantes de divers pays
avancés et émergents. Ces mouvements ont toutefois été limités, et il est à prévoir que les
déséquilibres des comptes courants mondiaux vont de nouveau s’accroître.
Tout cela souligne la nécessité d’agir énergiquement pour étayer la reprise de
l’économie et du système financier mondiaux. Le plan d’action doit comporter plusieurs
éléments importants.
Il est essentiel de réduire les facteurs de vulnérabilité souveraine. Dans nombre de
pays avancés, il est urgent d’élaborer des stratégies crédibles de rééquilibrage budgétaire
et de les faire connaître. Il importe de fixer des horizons précis pour la réduction à moyen
terme des ratios endettement brut/PIB et d’établir des mesures d’urgence si la dégradation
des finances publiques est plus grave que prévu. Si l’évolution macroéconomique suit le
cours attendu, la plupart des pays avancés devraient entamer le rééquilibrage de leurs
finances publiques en 2011.
Les autres enjeux ont trait à la politique monétaire accommodante, à laquelle il
convient de mettre fin partout dans le monde, ainsi qu’à la gestion des flux de capitaux en
direction des pays émergents. Les grands pays émergents et certains pays avancés
resteront en tête du cycle de resserrement monétaire, puisqu’ils connaissent une reprise
plus rapide et de nouveaux afflux de capitaux. Bien qu’il n’y ait guère de signes de
tensions inflationnistes ni de bulles des actifs, la situation actuelle demande un suivi
attentif et une action précoce. Dans les pays émergents dont les comptes extérieurs sont
relativement équilibrés, la parade contre l’appréciation excessive de la monnaie doit
comprendre un ensemble de mesures macroéconomiques et prudentielles.
La lutte contre le chômage est un autre enjeu majeur. Si le chômage reste élevé
dans les pays avancés, il est à craindre que les sans-emplois temporaires ne se
transforment en chômeurs de longue durée. En plus des mesures macroéconomiques de
soutien à la reprise à court terme et de celles qui visent à restaurer la santé des systèmes
bancaires, des mesures spécifiques de promotion de l’emploi pourraient aussi aider à
limiter le recul du marché du travail. Un système approprié de prestations de chômage est
en particulier essentiel pour étayer la confiance des ménages et éviter une paupérisation à
grande échelle, cependant que l’éducation et la formation peuvent favoriser la réinsertion
des chômeurs30.

30
FMI, « Perspectives de l’économie mondiale Avril 2010 », Etudes économiques et financières, 2010,
p.xiii.
Il faut aussi asseoir durablement la stabilité financière sur des bases solides afin
que le stade suivant du processus d’inversion de l’effet de levier se déroule sans heurt et
débouche sur un système financier plus sûr, concurrentiel et dynamique. Il est crucial de
régler rapidement le dossier des institutions qui ne sont pas viables et de restructurer
celles qui le sont. À plus longue échéance, il faudra convenir d’un programme de réforme
de la réglementation financière. L’objectif est clair — une amélioration quantitative et
qualitative des fonds propres et une meilleure gestion des risques de liquidité —, mais
l’ampleur des réformes à effectuer fait débat. Les décideurs devront trouver le juste
équilibre entre deux impératifs : assurer la sécurité du système financier et faire en sorte
qu’il reste innovant et efficace.
Au bout du compte, pour que l’économie mondiale puisse soutenir un rythme de
croissance élevé à moyen terme, il faudra rééquilibrer la demande mondiale.
De même que les monnaies des pays déficitaires se déprécient, celles des pays
excédentaires doivent logiquement s’apprécier. Ce rééquilibrage doit aussi être étayé par
des réformes du secteur financier et des mesures structurelles génératrices de croissance
dans tous les pays, excédentaires comme déficitaires.
Les perspectives d’évolution de l’activité demeurent inhabituellement incertaines et
des aléas négatifs liés à la fragilité des finances publiques sont passés au premier plan. Il
est à craindre en particulier que de nombreux pays avancés aient épuisé leur marge de
manœuvre ou qu’elle soit désormais beaucoup plus limitée.

2. La reprise est menacée :

La reprise de l’économie mondiale s’est poursuivie au début de l’année 2010,


soutenue, en partie, par les mesures de relance monétaire et budgétaire, ainsi que par un
cycle prolongé des stocks. L’amplitude de cette reprise reste hétérogène selon les zones:
forte en Asie émergente, soutenue Outre-Atlantique, elle peine à s’amplifier en zone euro.
Au delà de cette phase de rebond, le cycle économique mondial ne paraît pas encore mûr
pour une véritable reprise, marquée par une progression vive de l’investissement et de
l’emploi.
D’autant plus que le niveau élevé de la dette publique, sévissant dans plusieurs
économies avancées, pourrait retarder le processus de sortie de crise. Pour sa part,
l’inflation s’est renforcée à l’échelle mondiale, principalement en raison du
renchérissement des matières premières, mais les tensions inflationnistes sous-jacentes
demeurent relativement contenues dans l’ensemble, en particulier dans les principales
économies avancées, reflétant le faible taux d’utilisation des capacités de production31.

31
HCP, « Note de Conjoncture » institut national d’analyse de la conjoncture, N°16, Juillet 2010, p.15.
Les incertitudes entourant les prévisions demeurent substantielles malgré les
résultats meilleurs que prévus au lendemain de la crise. Nombre de ces incertitudes sont
inter-liées, les résultats plus favorables dans certains domaines compensant les risques de
détérioration dans d’autres.
De plus, les retombées de la croissance dynamique des pays d’Asie pourraient être
plus bénéfiques, en particulier aux États-Unis et au Japon. Cela étant, les risques de
détérioration face à ces évolutions existent, tels que la hausse des prix des matières
premières en raison d’une croissance excessivement forte dans des économies non
membres et venant ajouter des tensions pourrait déclencher un resserrement brutal de la
politique monétaire. Néanmoins, le principal risque de détérioration a trait à la montée
des inquiétudes sur la soutenabilité de la dette publique dans certains pays. Les risques de
solvabilité et de liquidité correspondants ont considérablement perturbé les marchés des
capitaux, et en Europe en particulier, avec des primes de risque élevées et croissantes
pour les pays à risque et des signes de contagion, ouvrant ainsi la perspective d’une
instabilité plus générale si la confiance devait continuer de s’éroder, et ce en l’absence de
plans de consolidation crédibles. Un autre risque de détérioration pourrait également
provenir d’un décrochage possible des anticipations d’inflation à long terme32.

La reprise économique mondiale reste intacte malgré les progrès vers la stabilité
financière. Les tensions les plus aigües se sont quelque peu estompées, mais la confiance
des marchés demeure fragile. Les risques de marché et de liquidité se sont aggravés en
raison des retombées du secteur souverain sur le système bancaire. Qui plus est, la
volatilité des prix des actifs financiers s’est accentuée et les investisseurs manifestent un
moindre appétit pour le risque. La menace d’une interaction négative avec l’économie
s’en trouve donc accrue, même si jusqu’à présent elle reste latente.

Section II- l’économie marocaine face à la crise

En un siècle et demi, le Maroc a connu des bouleversements considérables de son


économie et de sa société. Cependant, des séquelles et des continuités étonnantes n’ont
cessé de marquer le pays quelque soit la phase d’évolution ou de bouleversement de ses

32
OCDE, « Evaluation générale de la situation macroéconomique », p.10
structures socio-économiques et politiques sur une profondeur historique de prés de deux
siècles33.
Depuis le début de ce siècle, le Maroc offre l’image d’un vaste chantier de réformes sur
les plans politique, économique et social. En effet, la nouvelle sphère a ouvert de larges
perspectives en matière de transition vers le développement sûre modernisation
démocratique par l’organisation d’élections libres et crédibles, l’élargissement du champs
de la participation et la garantie de son équité, la promotion des libertés publiques, la
modernisation de la justice, la promotion des conditions de la femme à travers notamment
l’adoption du Code de la famille34.
Durant ces dernières décennies, la scène internationale a connu des
bouleversements financiers et économiques conjuguées par des déséquilibres
macroéconomiques. Au niveau national, grâce à une dynamique de croissance soutenue et
des marges de manœuvre suffisantes, l’économie marocaine a affiché une bonne résilience
face aux effets de la crise, confirmée par toutes les grandes institutions internationales. Le
Maroc est parmi les pays qui ont le mieux résisté à la crise financière mondiale avec une
croissance de 5,3% en 2009, un des meilleurs taux de la région.
Cependant, cette crise a révélé voire a accentué des fragilités structurelles liées à
une diversification insuffisante des moteurs d'exportation, à une fragilité potentielle de
certains moteurs domestiques, au faible niveau de productivité et de compétitivité. Des
points de vigilance et des actions stratégiques ont été défini, afin de stabiliser la situation
économique et financière, aussi favoriser la relance.

I- Les principales tendances de l’économie nationale

La première décennie de ce siècle acte de manière claire et incontestable une


période importante de la marche du pays vers le renouveau, le progrès et la modernité.
C’est un grand moment de l’histoire du pays qui a permis de redéfinir ses
ambitions, de se donner les moyens de les concrétiser et d’enregistrer des résultats
probants qui confirment la justesse des choix et qui montrent que les décisions retenues
sont réalisables.
La diversité des champs de réforme n’a à aucun moment altéré la dynamique du
changement : un mouvement ascendant et cumulatif semble tirer l’ensemble du pays vers
le haut et ouvre sans cesse de nouveaux horizons à la réforme au meilleur service d’une
33
Naciri M., « l’évolution de l’économie marocaine en longue période : crise des modèles ou crise des élites ? »,
critiques économiques, N°24, p.133.
34
Ministère de l’économie et des finances, « La décennie des réformes et du progrès, pour un Maroc moderne et
solidaire 1999-2009 », Direction des Etudes et des Prévisions Financières, Juillet 2009, p.4.
société dynamique appelée à l’expression libre de ses ambitions, à la participation, à
l’édification d’un Maroc nouveau sûr de ses valeurs ancestrales et ouvert aux impulsions
du monde moderne : l’irréversibilité des changements et les nouveaux horizons qu’ils
ouvrent à une nouvelle génération des réformes est le meilleur gage pour fonder de
nouvelles expériences, à l’épanouissement des progrès économique, social et culturel du
pays pour inscrire dans la vie quotidienne des citoyennes et des citoyens dans toutes les
régions du pays des acquis palpables à la mesure de leur compétence, de leurs efforts et de
leurs ambitions légitimes35.

1. La dynamique de l’économie marocaine avant la crise :

L’économie nationale a été marquée, au cours de ces dernières années, par la


poursuite et l’approfondissement des réformes ce qui a permis, en dépit des mutations
rapides de l’environnement international, de consolider les acquis et d’améliorer le niveau
de vie de la population sans pour autant compromettre la stabilité des équilibres
fondamentaux. En effet, et contrairement aux décennies précédentes où la croissance
économique évoluait en dent de scie et les phases d’expansion étaient rapidement
interrompues, l’activité économique nationale s’est inscrite depuis l’année 2001 dans une
vigoureuse phase d’expansion et ce, en dépit des années de sécheresse et des perturbations
économiques constatées au niveau mondial36.
Notre économie a connu d’importantes transformations au cours de ces dernières
années, ce qui a permis d’accroitre son attractivité. Elle est désormais inscrite sur un
nouveau palier de croissance: la croissance du PIB hors-agriculture a été de 5% en
moyenne pour la période 2004-2007 contre 3,9% pour la période 1999-2003. L’économie
nationale a ainsi développé une capacité de résistance aux chocs exogènes à travers la
consolidation des activités non agricoles et leur autonomisation relative vis-à-vis des
aléas climatiques37.

Graphe N°5 :
Nouveaux paliers de croissance38

35
Op.cit.
36
Op.cit, p.8.
37
Ministère de l’économie et des finances : « projet de loi de finance pour l’année budgétaire 2009 » p.56
38
http://www.finances.gov.ma/depf/depf.htm
Source : http://www.finances.gov.ma/depf/depf.htm

Cette période s’est caractérisée par une croissance plus élevée et moins volatile
que par le passé. La stabilité macroéconomique a été consolidée, en attestent la maîtrisée
taux d'inflation pour se situer en dessous de 3%, Les finances publiques ont été assainies,
comme en témoignent la réduction continue du déficit budgétaire et la baisse du taux
d’endettement extérieur de 26,4% du PIB en 2003 à 19,8% en 2007, le compte courant
extérieur excédentaire de plus de 2,4% et les réserves de change en constante progression.
Ce qui explique ainsi non seulement le renforcement de la vigueur de l'économie mais
également de sa capacité d'adaptation aux mutations mondiales39.

Graphe N° 6 :
Evolution du taux d’inflation au Maroc 1990-2008

Source : Ministère de l’Economie et des Finances

Graphe N° 7 : Evolution du déficit budgétaire en % du PIB

39
Ministère de l’économie et des finances, « La décennie des réformes et du progrès, pour un Maroc moderne et
solidaire 1999-2009 », Direction des Etudes et des Prévisions Financières, Juillet 2009, p.10.
Source : Ministère de l’Economie et des Finances

La dynamique de la croissance a été favorisée notamment par la poursuite de


réformes sectorielles et structurelles visant à libéraliser davantage l'économie marocaine,
à faciliter sa mise à niveau et à améliorer sa compétitivité globale en vue d’une meilleure
insertion dans l'économie mondiale40. De même, la coopération économique et
commerciale a toujours constitué un important levier d’action de la stratégie d’ouverture
engagée par le Maroc depuis son adhésion au GATT en 1987. De plus, un important
maillage d’accords de libre-échange a été développé, visant aussi bien à approfondir
l’ancrage du Maroc à son voisinage immédiat qu’à renforcer ses liens économiques avec
les deux principales locomotives de l’économie mondiale.
Si actuellement près de 90% des échanges extérieurs du Maroc s’effectuent dans le
cadre du libre-échange, le poids de l’Union Européenne demeure prépondérant.
L’évolution des relations du Maroc avec ce partenaire vers le statut avancé constitue un
gage supplémentaire pour crédibiliser les réformes à l’œuvre ainsi qu’un levier important
permettant de repositionner l’économie dans son espace sud-méditerranéen41.
La nouvelle sphère de croissance s’est accompagnée par un amorcement d’un
processus de transformation structurelle tendant vers une tertiarisation du tissu productif
national. Ainsi, la part des activités tertiaires dans la valeur ajoutée totale, aux prix
courants, s’est renforcée en passant de 52,1% en 1998 à 59% en 2007 et 55% en 2008
alors que les activités secondaires ont connu une légère amélioration de leur poids de
27,7% en 1998 à 30,3% en 2008. Quant à la part de la valeur ajoutée du secteur primaire
(agriculture et pêche), elle a accusé un repli en passant de 20,2% en 1998 à 14,6% en
2008. Ces résultats témoignent de la diversification des sources de croissance et de la
modernisation du tissu productif national42.
La structure de l’économie nationale s’est progressivement diversifiée au profit de
secteurs dynamiques, notamment les services qui sont devenus une force d’attraction des

40
Ministère de l’économie et des finances : « projet de loi de finance pour l’année budgétaire 2009 » p.55
41
Ministère de l’économie et des finances : « projet de loi de finance pour l’année budgétaire 2009 » p.25
42
Direction des Etudes et des Prévisions Financières : « LA DECENNIE DES REFORMES ET DU PROGRES… POUR UN MAROC
MODERNE ET SOLIDAIRE 1999-2009 » p.10
IDE et un relais important du commerce extérieur, compensant partiellement la
dégradation quasi-structurelle de la balance commerciale.

Graphe N° 8 :

Transformation structurelle fondée, en grande partie sur les activités du secteur


tertiaire

Source : http://www.finances.gov.ma

Le marché intérieur a bénéficié d’une nouvelle dynamique, soutenue par la


croissance de la consommation des ménages et par l’effort d’investissement consenti aussi
bien par le secteur privé que public. Le taux d’investissement, qui a nettement augmenté
ces dernières années pour atteindre 30% du PIB, est à ce titre significatif43.

Graphe N°9 : Croissance davantage tirée par la demande intérieure

Source : http://www.finances.gov.ma

Cette dynamique a eu un impact sur l’emploi, car il a bénéficié d’une évolution


favorablement durant la période 2004-2008 suite aux efforts en matière de promotion de

43
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale : enjeux et
orientations des politiques publiques », Mai 2009, P.16.
l’emploi, aux séries de programmes « IDMAJ », « TAEHIL » et « MOUKAWALATI » et
au dynamisme de l’activité économique et notamment dans les secteurs porteurs tels le
BTP et les services. De ce fait, le taux de chômage a marqué une inflexion à la baisse
revenant de 13,9% en 1999, au niveau national, à 9,6% en 200844.
L’amélioration de la croissance et de l’emploi s’est traduite par une appréciation du
niveau de vie des citoyens reflétée par l’augmentation du revenu national disponible brut
par habitant qui a augmenté de 6,9% par an durant la période 2004-2008, passant de
18051 à 23948 DH45.
Aussi l’Indice de Développement Humain s’est-il relativement amélioré. Son taux
de croissance annuel moyen a atteint 1,6% entre 2000 et 2006 contre 1% entre 1995 et
2000.
Dans le même sens, le taux de pauvreté a été réduit de 6,3 points pour atteindre 9%
en 2007. En outre, la nette amélioration des revenus trouve appui dans les mesures prises
dans le cadre du dialogue social. Il s’agit notamment de l’augmentation du SMIG, de la
revalorisation du salaire des fonctionnaires, du renforcement de la couverture médicale de
base ainsi que du réaménagement de l’Impôt sur le Revenu. Cet accroissement du revenu
est dû également au développement du micro-crédit46.

2. La crise financière internationale : pourquoi le Maroc a été épargné ?

À l’instar des autres pays du monde, le Maroc s’est trouvé devant l’anticyclone
financier qui a troublé les fondements macroéconomiques internationaux, mais grâce à
la solidité accrue de son système bancaire et à sa faible exposition aux marchés financiers
internationaux, le Maroc n’a pas été affecté au début par la crise financière
internationale. En effet, l’évaluation de la stabilité du système financier (Financial System
Stability Assessment), réalisée en novembre 2007, concluait que «le système bancaire
marocain était stable, bien capitalisé, profitable et résistant aux chocs» (FMI, 2008). Cette
évaluation conforte la politique de consolidation du système bancaire qui a notamment
consisté en l’alignement du cadre réglementaire sur les standards internationaux de Bâle
II et en le redressement des banques publiques, désormais assujetties au même titre que les
banques privées au respect des règles monétaires et prudentielles. Les investigations
entreprises par Bank Al-Maghrib, dès la manifestation des premiers signes de la crise
financière internationale, montraient que la part des actifs étrangers dans le total des
actifs des banques marocaines demeurait marginale (moins de 4%) et que les banques ne
détenaient pas d’actifs toxiques dans leurs portefeuilles. En outre, selon les statistiques du

44
Ministère de l’économie et des finances, « La décennie des réformes et du progrès, pour un Maroc moderne et
solidaire 1999-2009 », p.13
45
Op.cit.
46
Ministère de l’économie et des finances, « projet de loi de finance pour l’année budgétaire 2009 » rapport
économique et financier p.56
Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières, la part des non-résidents dans la
capitalisation boursière, hors participations stratégiques, s’établissait à moins de 1,8% à
fin 200747 (Jouahri A., 2008).
En outre, plusieurs facteurs de résilience ont été à la faveur de l’économie nationale :

• Un châssis macroéconomique sain


L’approfondissement des réformes structurelles menées par notre pays au cours
des dernières années a considérablement renforcé les équilibres macroéconomiques
fondamentaux, comme le reflètent les données sur longue période au plan de la croissance,
de la position budgétaire, de l’inflation et des comptes extérieurs. Ainsi, la croissance s’est
nettement renforcée et est devenue moins volatile et ce, grâce au processus de
diversification de l’économie. Parallèlement, la position budgétaire s’est sensiblement
consolidée grâce au bon comportement des recettes fiscales et en dépit des dépenses
importantes de compensation, liées à l’augmentation du prix du pétrole. Le déficit
budgétaire en moyenne sur la période 2000-2008 a ainsi représenté 3,7% du PIB. Par
ailleurs, il est important de souligner l’indépendance du budget de l’Etat par rapport aux
recettes de privatisation au cours des dernières années.
En ce qui concerne l’évolution des prix, il est important de souligner que le Maroc
s’est inscrit dans un mouvement désinflationniste global. Ce qui a contribué notamment à
préserver la valeur interne de la monnaie et empêcher tout désalignement du taux de
change effectif du dirham en termes réels.
Dans le même temps, le solde du compte courant de la balance de paiements a
dégagé un excédent de l’ordre de 2% du PIB en moyenne entre 2001 et 2007 (avant de
devenir négatif en 2008), tandis que les réserves de change se sont consolidées pour
représenter environ 9 mois d’importation de biens et services au cours de ladite période.
Enfin, l’accélération des réformes structurelles et celles des secteurs pour lesquels
le Maroc dispose d’avantages comparatifs, ainsi que l’augmentation significative de
l’investissement dans le domaine des infrastructures, ont contribué à consolider de
manière significative la stabilité macroéconomique48.

• Un système bancaire solide


Parallèlement aux résultats positifs des réformes adoptées par notre pays, la
solidité du système bancaire et financier national a fortement contribué à la résilience du
Maroc par rapport à la crise. Le secteur bancaire, qui en constitue la composante
essentielle, a été jugé par la mission du FSAP, effectuée en 2007 conjointement par la
47
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale : enjeux et
orientations des politiques publiques », Mai 2009, P.18.

48
Bank AL-MAGHRIB « LE MAROC FACE A LA CRISE ET A L’APRES-CRISE », M. Abdellatif JOUAHRI,
novembre 2009, p.14-16.
Banque Mondiale et le FMI, comme stable, solide, et faisant preuve d’une bonne résilience
face aux évolutions du contexte international.
Au niveau des crédits, alors même que dans plusieurs pays on a assisté à
l’effondrement du marché interbancaire, ainsi qu’à l’interruption des opérations de crédit
aux entreprises et aux particuliers, l’activité du crédit est demeurée vigoureuse au Maroc.
Ainsi, après avoir augmenté de 29% en 2007, les crédits bancaires en 2008 se sont inscrits
en hausse de 23% pour atteindre 519,3 milliards de dirhams, stimulés par la demande tant
des ménages que des entreprises et par une concurrence très soutenue.
Cette forte hausse du crédit bancaire s’est déroulée dans un contexte de maîtrise
des risques. En effet, le taux moyen des créances en souffrance a continué à se réduire
pour ne plus représenter que 6% de l’ensemble des crédits, ce taux étant ramené à 4,3%
pour les banques à capital majoritairement privé. De même, le taux de couverture des
créances par les provisions s’est amélioré de manière significative pour atteindre
désormais 75,3% et le ratio de solvabilité s’est établi à un niveau satisfaisant du point de
vue des normes internationales.
Le secteur bancaire national reste, par ailleurs, particulièrement rentable,
confirmant par là sa solidité et son adaptation dans un environnement international
difficile et en constante mutation. Quant à l’exposition du secteur bancaire sur l’étranger,
les résultats des investigations menées par Bank Al Maghrib dés le déclenchement de la
crise sur le plan international ont montré que cette exposition aux facteurs de risques ainsi
que les canaux de contagion purement financiers de la crise sont très limités. La part des
actifs étrangers est faible, les banques ne détiennent pas de produits dits « toxiques » et les
risques sur les contreparties étrangères sont maîtrisés.

• Un marché financier faiblement exposé sur l’international


En ce qui concerne l’activité sur les marchés de capitaux, le marché financier a
fait l’objet d’une multitude de réformes et plusieurs textes réglementaires ont été adoptés.
Ces réformes conjuguées à une conjoncture économique favorable ont favorisé une
importante progression de l’activité boursière. L’indice de la place casablancaise a
enregistré des performances remarquables de l’ordre de 71% et de 34% respectivement en
2006 et 2007. Autre développement considérable, celui de la gestion d’actifs avec un actif
net des OPCVM dépassant à fin 2008 les 160 milliards de dirhams et un nombre d’acteurs
sur le marché en constante progression (260 fonds en activité en 2008 contre 22 en 1996).
Après cinq années successives de performances exceptionnelles, le MASI a, en
effet, accusé un repli de 13,5% en 2008 et enregistré une volatilité accentuée au titre des
neuf premiers mois de l’année 2009. A cet égard, les analystes attribuent ce repli à des
facteurs psychologiques plutôt qu'à un signe de faiblesse de la place marocaine. La place
boursière de Casablanca, à la différence d’autres marchés, n’a pas connu de mouvements
de ventes erratiques. Les fondamentaux des sociétés cotées sont solides avec de réelles
perspectives de croissance, tandis que le poids des investisseurs étrangers dans le marché
boursier, limité à 2,3% à fin 2008, demeure globalement insignifiant. Cette phase de
baisse correspond davantage à un mouvement de correction du marché provoqué par un
réajustement après les niveaux de valorisation précédents anormalement élevés et en
déconnexion totale avec l’évolution des fondamentaux des entreprises cotées.
Concernant le secteur des assurances, celui-ci n'est pas non plus impacté par la
crise financière, dans la mesure où il s'agit d'un marché essentiellement domestique et
faiblement exposé sur l'extérieur, ajoutant, dans ce cadre, que la réglementation limite à
5% la part du total des actifs des assurances qui peuvent être placés à l'étranger.

• Un compte capital partiellement fermé

Les autorités ont privilégié une ouverture graduelle du compte capital. Les
principales mesures adoptées en 2007 ont concerné l’autorisation accordée aux OPCVM
et aux compagnies d’assurance de placer une part de leurs actifs à l’étranger sous réserve
de certaines conditions ainsi que l’assouplissement des conditions de placement des
banques à l’étranger.
Les autres mesures sont relatives à :
• L’élargissement des instruments de couverture contre les risques de change qui doivent
permettre aux exportateurs et importateurs de s’immuniser contre toute fluctuation
indésirable du taux de change,
• La possibilité pour les entreprises d’investir librement jusqu'à 30 millions de dirhams
par an dans des projets productifs liés à leur secteur d’activité.
• La possibilité pour les importateurs de régler par anticipation jusqu’à 40% de la valeur
des importations pour des biens et 20% pour des services.
• La possibilité pour les exportateurs d’octroyer des crédits qui peuvent atteindre jusqu’à
85% du montant convenu au profit de leurs clients.
• La hausse de la part des recettes d’exportation pouvant être conservées dans les comptes
en devises ou en dirhams convertibles de 20% à 50%.
Il est important de souligner à ce niveau que la résilience de l’économie marocaine
dans cette phase de crise est attribuable pour une large part au maintien du régime de
change fixe et à la faible exposition en devises des agents économiques. Dans ce domaine,
le Maroc a opté pour une approche prudente et progressive49.
En revanche, le Maroc se trouve, comme des autres pays émergents, affecté par le
retournement de l’économie mondiale depuis le second semestre 2008. Le taux de
croissance pour l’année 2008 reflète globalement cet impact, en raison de la
49
Bank AL-MAGHRIB « LE MAROC FACE A LA CRISE ET A L’APRES-CRISE », M. Abdellatif JOUAHRI,
novembre 2009, p. 16-23.
synchronisation de son cycle économique avec celui de ses principaux partenaires
économiques, notamment la France et l’Espagne50.

II- L’impact de la récente crise sur l’économie marocaine

Le Maroc, à l’instar des pays émergents, a subi depuis le second semestre 2008 les
répercussions de la crise mondiale qui ont été ressenties principalement à travers le canal
macroéconomique, le système financier, du fait de sa faible exposition aux marchés
financiers internationaux, ayant été relativement épargné par les effets de la crise. Les
canaux réels de propagation ont impacté essentiellement les exportations de biens et
services, les recettes du tourisme, les transferts de fonds des Marocains résidant à
l’étranger et les investissements directs étrangers51.

1. Les secteurs touchés par la crise au Maroc :

Le système financier marocain n’a pas pâti de la crise financière pour deux raisons
essentielles. La première a trait au cadre réglementaire et marqué par le strict respect des
règles prudentielles de Bâle II. La deuxième est liée à sa faible intégration dans la finance
mondiale. La part des actifs étrangers dans le total des actifs des banques marocaines
représente moins de 4% et la part des non-résidents dans la capitalisation boursière, hors
participations stratégiques, était inférieure à 1,8% à fin 200752.
La sphère réelle, quant à elle, a ressentie l’impact de la récession que connaissent
les principaux partenaires économiques du Maroc, notamment la France et l’Espagne.
Quatre principaux domaines ont été directement impactés par la crise: les échanges
commerciaux, l’activité touristique, les transferts des MRE et les flux de capitaux dont les
IDE.
• En 2009, le commerce international a régressé de 11,9% en volume et la demande
mondiale adressée au Maroc de 10%. Cette évolution a engendré un recul des
exportations marocaines de biens et services de 13,1% en volume.
Graphe N° 10 :
Evolution de la balance commerciale
(en milliards de dirhams)

50
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale : enjeux et
orientations des politiques publiques », Mai 2009, P.18.
51
Bank AL-MAGHRIB « LE MAROC FACE A LA CRISE ET A L’APRES-CRISE », M. Abdellatif JOUAHRI, novembre
2009, p.3.
52
Haut-commissariat au plan « IMPACT DE LA CRISE MONDIALE SUR L’ECONOMIE MAROCAINE », p.1
Source : Bank Al-Maghrib

• Pour ce qui du secteur du tourisme, il semble être moins touché par la crise. Et
bien que les arrivées de touristes de séjour aient enregistré, en 2009, une légère
augmentation (2%), les nuitées dans les établissements d’hébergement classés ont régressé
de 1,4% et les recettes touristiques ont diminué de 5%. Néanmoins, avec 53 milliards de
DH générés en 2009, ce poste continue de représenter le principal pourvoyeur de devises.

Graphe N° 11 :
Evolution des recettes des voyages
(En glissement annuel)

Source : Bank Al-Maghrib

• Du côté du compte capital, le repli des revenus nets en provenance du reste du


monde, notamment les transferts des MRE a été à l’origine du ralentissement de la
croissance du revenu national brut disponible qui a enregistré une hausse de 4,6% en
2009 contre 10,9% en 200853. En matière de transferts effectués par les marocains
résidents à l’étranger, il est à noter que sur la période 2002-2007, ils ont enregistré un
53
Haut-commissariat au plan « IMPACT DE LA CRISE MONDIALE SUR L’ECONOMIE MAROCAINE », p.3
taux d’accroissement annuel moyen de 7,4% pour atteindre 55 milliards de dirhams en
2007. La récession qui a frappé les principaux pays d’accueil, particulièrement l’Espagne,
la France et l’Italie, a commencé à se faire sentir sur ces transferts à partir du quatrième
trimestre de 2008. Globalement ils ont régressé de 3,5% en 2008 et de 5,4% en 2009
contre une hausse de 15% en 2007.

Graphe N° 12 :
Evolution mensuelle des recettes des MRE

Source : Office des Changes

• En ce qui concerne les IDE, le Maroc est considéré comme une des premières
destinations en Afrique et dans la zone MENA. Durant les années 2000, il a bénéficié de
l’essor remarquable de ces flux au niveau mondial, et ce grâce à un cadre institutionnel
favorable, à la stabilité macroéconomique et à une politique de développement
volontariste. La crise financière mondiale n’a pas manqué d’inverser cette tendance,
entraînant de fortes régressions des IDE de 26,3% en 2008 et 29,2% à fin septembre 2009.
Ce repli a concerné les principaux pays émetteurs en l’occurrence la France (-26,1%),
l’Espagne (-57,2%) et le Royaume-Uni (-47,1%). Bénéficiant du 1/3 des IDE réalisés au
Maroc, le secteur du tourisme a été le plus touché par la compression de ces derniers,
accusant une chute de 54% en 2008. En dépit d’un léger essoufflement de son activité, le
secteur immobilier continue, en revanche, de drainer les investissements étrangers malgré,
les IDE qu’il a attirés ont augmenté de 17,6% en 200854.

54
Haut-commissariat au plan « IMPACT DE LA CRISE MONDIALE SUR L’ECONOMIE MAROCAINE », p.2
Graphe N° 13 :
Evolution des IDE au Maroc
(En millions de dirhams)

Source : Office des Changes

Toutefois, les effets de cette crise sur les activités ouvertes sur le reste du monde
ont été négatifs sur un solde extérieur déjà déficitaire. Ceux-ci demeurent relativement
limités sur la croissance qui n’a accusé qu’un léger ralentissement (5,6% en 2008 et 4,9%
en 2009) à la faveur de la bonne tenue de la demande intérieure et des bons résultats du
secteur agricole. La croissance du PIB agricole a été de l’ordre de 16,3% en 2008 et de
30,6% en 2009.
En revanche, les secteurs du secondaire (BTP, industrie de transformation, mines
et énergie) ont accusé, globalement, une baisse de l’ordre de 4,7% en 2009 après une
croissance de 3,6% en 2008 et de 6,6% en 2007. La cause principale de cette évolution est
attribuée au secteur minier qui a pâtit de la régression de la demande mondiale sur les
phosphates. De leur côté, les industries de transformations ont eu une croissance très
modeste en liaison, notamment, avec la régression de l’activité des industries de
transformation des phosphates, du textile, des biens d’équipements et de l’automobile,
alors que la demande intérieure a soutenu la croissance des industries agroalimentaires.
Bien qu’il soit en léger ralentissement par rapport aux résultats des dernières
années, le secteur tertiaire a pu maintenir son rythme de croissance de 3,9%, grâce à la
consolidation des services marchands, autres que le tourisme.
Ainsi, les effets de la crise ont été atténués grâce à la demande intérieure. La
formation brute de capital fixe a augmenté de 2,5% en volume en 2009 à la faveur de la
hausse de l’investissement du secteur public de 24,4% en terme nominal, qui a permis de
compenser le recul des IDE reçus ainsi que le ralentissement de l’investissement privé
national.
Pour ce qui est de l’évaluation des effets de la crise sur l’économie marocaine à
l’horizon de 2015, l’évolution future des transferts des MRE et de la demande mondiale
adressée au Maroc, est prise en compte sur la base des perspectives de l’économie
mondiale telles qu’établies par les institutions internationales, notamment le Fonds
Monétaire International (FMI). Ainsi, les transferts des MRE et la demande étrangère
adressée au Maroc, tributaires de l’activité économique mondiale sont supposés connaître
une reprise à partir de 2010. En conséquence, les effets de la crise sur l’économie
marocaine commenceront à s’atténuer à partir de 2010 pour disparaître quasiment en
201255.
Tableau N° 3:
Les effets de la crise sur les principales variables macroéconomique56

2008 2009 2010 2011 2012


En taux de Consommation -1.42 -3.12 -2.15 -0.95 0.26
croissance Investissement -1.01 -3.57 -3.72 -1.94 -0.11
PIB -0.86 -2.46 -1.54 -0.62 0.32
Exportations -1.01 -4.34 -3.42 -2.43 -0.86
importations -1.74 -5.08 -4.54 -3.04 -0.95

En différence Population en chômage 24594 81655 71356 39088 -1933


Emploi -36020 -119590 - -57250 2830
104510
Ecart en % du Déficit budgétaire -0.21 -0.70 -0.78 -0.45 -0.15
PIB Déficit commercial 0.44 0.69 0.68 0.28 -0.10
Source : Haut-commissariat au plan

Le Maroc, après avoir été épargné dans un premier temps par la crise financière, grâce à
la solidité de son système bancaire et à sa faible exposition aux marchés financiers
internationaux, subit depuis le deuxième semestre 2008 les répercussions de la crise
économique mondiale par le biais des secteurs exportateurs, en l’occurrence le secteur du
textile-habillement occupant une position de premier plan et fortement intégré dans
l’économie internationale57.

55
HCP, « Impact de la crise mondiale sur l’économie marocaine »
56
Op.cit, p.4.
57
M’hamdi M., « L’impact de la crise économique internationale sur le secteur des industries de textile et
habillement au Maroc », p.2
2. Les stratégies de préparation de l’après-crise

Le paysage mondial a été profondément bouleversé par les dégâts causés par la
crise financière, en effet, elle a révélé des malaises profonds au niveau du système
économique. Sur le plan financier, des dysfonctionnements latents continuent de
caractériser les marchés. Au niveau réel, à cause du fléchissement drastique de la
demande, l’appareil productif a été mis à mal, causant la faillite de nombreuses
entreprises et bloquant l’activité économique. En même temps, l’intermédiation financière
a été lourdement entravée. Dans presque tous les pays, les sommes colossales déboursées
par les Etats pour venir en aide à leur économie ont alourdi les charges pesant sur les
finances publiques58. A ce niveau, le rôle de l’Etat est déterminant puisqu’il a vocation non
seulement à les prévenir mais surtout à savoir les gérer en leur apportant des solutions
pragmatiques et durables59.

a- Les mesures stratégiques compatibles au nouveau cadre mondiale :

Il est important de relever que la crise n’a pas forcément que des effets négatifs,
elle peut aussi avoir un effet salvateur qui pousse à aller de l’avant, à dépasser les
blocages, à trouver des issues et à procéder à des ajustements dans tel ou tel secteur. A ce
titre, elle peut être à l’origine d’un vaste mouvement de reconstruction et de
transformation. De ce point de vue, la réforme doit générer des idées nouvelles, inciter à
la réflexion, à l’action et à l’innovation. Il n’y a pas de crise subies, mais seulement des
crises mal gérées, mal prévues, toutes les organisations publiques peuvent être résilientes,
quelque soit le contexte dans lequel elles se trouvent60.
La nécessité pour le Maroc de se positionner très tôt pour l’après-crise mondiale
relève d’un parti pris tant optimiste que prévoyant. Il découle aussi de trois
considérations majeures:
• Dans la gestion à l’échelle nationale des conséquences de la crise, les mesures
d’urgence et les décisions visant le moyen terme sont interdépendantes et doivent être
menées de manière cohérente et complémentaire ;
• Le Maroc n’a commencé à sentir les effets de la crise mondiale qu’avec un certain
retard par rapport à ses principaux partenaires. Il est ainsi fort probable qu’il continue à
subir encore la crise au moment où ses partenaires s’en seront déjà sortis ;
• Le Maroc a vu arriver la crise mondiale alors qu’il était sur un sentier prometteur
de croissance et qu’il venait de lancer des stratégies sectorielles volontaristes, lesquelles

58
Bank AL-MAGHRIB « LE MAROC FACE A LA CRISE ET A L’APRES-CRISE », M. Abdellatif JOUAHRI,
novembre 2009, p.29.
59
Sedjari A., « Gouvernance, réforme et gestion du changement », L’Harmanttan, 2008, p.25-26.
60
Op.cit
devraient être aujourd’hui réajustées ou accélérées, en fonction notamment des
perspectives post-crise61.
C’est pourquoi, il est capital de mener sur le même front aussi bien la gestion de la
crise que la préparation de l’après-crise, en œuvrant avec tous les moyens possibles, pour
que le Maroc soit prêt à poursuivre sa dynamique de croissance et de développement à la
sortie de la crise.
Au-delà des réponses conjoncturelles, il sera tout aussi capital de résoudre les
problématiques structurelles qui sont antérieures à la crise et que cette dernière a plus que
jamais mises en exergue. Pour ce faire, le Maroc devrait apporter une réponse audacieuse
et globale, appréhendant la cartographie de tous les risques probables et ordonnançant,
avec intelligence, le déploiement des mesures et l’affectation des moyens62.
En revanche, Les stratégies de préparation de l’après-crise pourraient emprunter
cinq voies majeures, à savoir :
• l’exigence d’une meilleure concertation au niveau international : cette stratégie
se traduirait par une collaboration étroite en matière de politiques mises en œuvre. Les
effets de la crise ont été atténués grâce aux mesures conjointes prises dans le cadre de
cette collaboration. La mise en place de plans de relance budgétaire associée aux mesures
prises par les banques centrales ont permis de rétablir la confiance dans le système
financier et de soutenir la production.
Cette collaboration est rendue d’autant plus nécessaire durant cette période de l’après
crise pour assurer une croissance forte et équilibrée. Elle devrait notamment statuer pour
déterminer l’opportunité propice pour retirer les mesures de soutien adoptées pour faire
face à la crise. Elle est également utile pour promouvoir une intégration financière accrue
mais solide et saine, compte tenu de l’interdépendance entre les différents marchés et
acteurs financiers.
• l’amélioration des systèmes de régulation, la nécessité de pallier aux insuffisances
de la demande privée : Le Maroc a entrepris d’importantes réformes structurelles qui lui
ont permis d’améliorer ses fondamentaux macroéconomiques et de progresser sur la voie
de la modernisation de ses structures économiques et institutionnelles. Ces réformes
méritent d’être poursuivies pour accroître la compétitivité de l’économie nationale, saisir
les opportunités nées de la crise et développer un marché intérieur à même de constituer
un véritable relais de croissance en cas de crises. Il faudrait ainsi maintenir le cap sur ce
double pari: asseoir un équilibre de croissance qui approfondit le marché intérieur tout en
tirant pleinement partie de l’ouverture63.

61
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale : enjeux et
orientations des politiques publiques », Mai 2009, P.37.
62
Op.cit, p.38
63
Opcit, p.41
• le renforcement du système monétaire international : La consolidation de la
stabilité financière doit se poursuivre avec la convergence des normes applicables au
secteur bancaire vers les standards internationaux. Par ailleurs, il est urgent de procéder
à une bancarisation plus poussée de la population. La pénétration des services financiers
demeure extrêmement modeste et en deçà de son potentiel, et doit constituer dans les
années à venir un objectif majeur pour le secteur bancaire.
Pour ce qui est de la modernisation du marché financier, il est important que la
Bourse de Casablanca recouvre son dynamisme pour qu’elle puisse remplir efficacement
son rôle dans l’économie. Les règles d’intégrité et de transparence doivent être également
renforcées. Enfin, des projets de loi importants tels que la complète autonomie des
autorités de régulation (CDVM et DAPS) ainsi que la création d’un marché à terme de
produits financiers doivent être rapidement adoptés.

• Le besoin d’une meilleure intégration des pays en développement : La crise


actuelle rappelle le caractère décisif de l’ancrage à des ensembles régionaux solides et
intégrés. Si elle conforte notre pays dans ses choix stratégiques d’intégration régionale,
elle invite néanmoins aujourd’hui le Maroc à intensifier ses rapports de partenariat avec
le voisinage maghrébin et africain64. Il convient de capitaliser sur les avancées
accomplies pour renforcer l’attractivité de notre pays et assurer le succès de sa
transformation en plateforme financière internationale.
Par ailleurs, compte tenu des faibles perspectives de croissance dans la Zone euro,
le Maroc aurait avantage à s’acheminer vers l’intégration à des espaces régionaux qui
comme le montre l’expérience internationale en la matière, sont susceptibles d’agir plus
largement. A cet égard, l’intégration maghrébine pourrait constituer un vecteur efficace
de croissance pour l’ensemble des pays. A court terme, des rapprochements au plan
financier avec certains pays pourraient représenter une première phase à développer65.
• La consolidation des réformes des politiques sociales : Au plan social,
l’orientation stratégique consistera à consolider le lien social par le biais d’une refonte
profonde des politiques sociales. Pour cela, une réorganisation du paysage national des
acteurs de développement social doit être entreprise. Cette réorganisation se traduirait
par plusieurs actions.
Tout d’abord, il s’agit de consolider le lien social et mettre l’accent sur le
développement humain, sans lequel aucune croissance économique n’est viable à long
terme. Les actions de lutte contre la pauvreté et la précarité doivent être considérablement
renforcées. A cet égard, le Maroc a organisé sa stratégie de politique sociale dans le
cadre de l’INDH. Il est nécessaire d’approfondir ces programmes sociaux, notamment au

64
Opcit, p.44
65
Bank AL-MAGHRIB « LE MAROC FACE A LA CRISE ET A L’APRES-CRISE », M. Abdellatif JOUAHRI,
novembre 2009, p.31.
moyen de l’accès aux services sociaux et de meilleure qualité, de l’accélération du rythme
de création d’emplois et d’une évaluation régulière des programmes afin d’identifier et de
pallier aux insuffisances constatées.
Ensuite, les politiques sociales devraient être réformées en profondeur à travers
une évaluation de l’efficacité des programmes de développement humain et une refonte du
système de compensation en vue d’assurer une meilleure équité sociale en faveur des
couches les plus défavorisées et les plus vulnérables. Enfin, il est nécessaire d’accélérer et
d’approfondir les réformes en matière d’éducation nationale et de justice66.

b- Défis à relever en termes d’une compétitivité durable :

« Aussi profonde qu'elle puisse être, la réforme institutionnelle ne peut aboutir que si
elle est étayée par des réformes structurelles ou complémentaires qui devraient nous
permettre de renforcer nos atouts économiques et sociaux, en donnant une nouvelle
impulsion aux secteurs clés, notamment ceux de l'enseignement, de l'agriculture, de
l'énergie, de l'eau, et du développement industriel »67.
Au Maroc, dès l’apparition des premiers effets de la crise, les autorités ont mis en
œuvre, de manière concertée et rapide, les mesures nécessaires pour venir en aide aux
secteurs affectés. Mais au-delà de l’enclenchement de la reprise, il s’agit d’ores et déjà de
mettre en œuvre et d’accélérer les stratégies de sortie de la crise destinées à remédier aux
insuffisances structurelles de l’économie que la crise a contribué à mettre en exergue, de
même à assurer à l’avenir une croissance forte et durable68.
Plusieurs défis nous attendent dans les années à venir. Il s’agit tout d’abord et sans
plus attendre de mettre en place les réformes indispensables à une accélération de la
croissance sur une base durable. Ces réformes qui accusent déjà un certain retard dans
leur mise en œuvre sont rendues d’autant plus nécessaires et urgentes que la crise a mis en
évidence les problèmes structurels dont souffre l’économie marocaine.
Un autre défi concerne la gouvernance et l’efficience des politiques économiques
dans notre pays. La crise a, en effet, bien montré l’importance des mécanismes de
coordination et de mise en cohérence des politiques économiques, ainsi que la nécessité de
dispositifs efficients de suivi-évaluation. A cet égard, le risque le plus important consiste à
assurer une cohésion dans les différentes politiques publiques. La multiplication des
approches sectorielles ne doit pas prendre le pas sur la vision macroéconomique69.
En dépit de la conclusion de plusieurs accords de libre échange, le commerce
extérieur marocain n’a pas connu une modification profonde en termes de diversification
66
Op.cit, p.35
67
Extrait du discours adressé à la Nation par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l'occasion de la Fête du Trône le 30
juillet 2008
68
Op.cit,
69
Op.cit, p.32
des produits et des débouchés extérieurs et de relèvement de la qualité de l’offre. Ce
constat exige une action forte pour redresser la compétitivité de l’offre exportable. Ce
faisant, le Maroc gagnerait à prendre rapidement le train de l’innovation et des mutations
technologiques.
En outre, la crise actuelle met clairement en évidence la pertinence des stratégies
de croissance fondées de manière équilibrée aussi bien sur la conquête de marchés
extérieurs que sur un marché intérieur dynamique, entrainé par une classe moyenne
élargie et un tissu d’entreprises nationales compétitives.
Pour pouvoir profiter pleinement de la dynamique de l’après-crise, une vigilance
accrue devra être portée sur le court terme aux réserves en devises pour ne pas descendre
en-dessous du plancher de 6-7 mois d’importations, à la gestion des finances publiques et
au rythme des réformes structurantes70.

Chapitre II : la gouvernance
d’entreprise et la lutte
contre la récente crise

« La bonne gouvernance est le chemin le plus sur pour en finir avec la pauvreté et
soutenir le développement (good governance is the single most important way to end
poverty and support development ».

70
Institut Royal des Etudes stratégiques, « Le Maroc face à la crise financière et économique mondiale : enjeux et orientations des
politiques publiques », Mai 2009, P.50
KOFI Annan

La gouvernance d’entreprise née aux USA, Europe, Japon, s’est développée ces
dernières années notamment à la suite de grands scandales financiers ayant affecté un
actionnariat important, des fonds de pension et plus généralement la crédibilité des
marchés financiers.

L’intérêt de développer ce concept se justifie par la présence d’une volonté affiché


par les différents intervenants tant publics que privés pour faire de cette thématique une
priorité nationale. Il se justifie aussi parce que nous pensons que la bonne gouvernance
est une composante de la mise à niveau de l’économie mondiale d’une part, et pourra
constituer une tactique défensive contre les crises systémiques et les turbulences
financières qui caractérisent le cycle capitaliste d’autre part.

La gouvernance d’entreprise a été définie par « l’ensemble des mécanismes


organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions
des dirigeants, autrement dit, qui « gouverne » leur conduite et définit leur espace
discrétionnaire », ainsi elle se préoccupe des règles (lois , textes, contrats...) et
mécanismes (marché et contrepouvoirs) qui régentent l’action et le comportement des
dirigeants dans les relations internes et externes de l’entreprise avec les différentes parties
prenantes (actionnaires, état et collectivités, salariés, partenaires externes) appelés
« stakeholders ». En effet, la gouvernance d’entreprise a pour but d’instaurer la
confiance partenariale, Développer et consolider la compétitivité de l’entreprise, Faciliter
l’accès au financement et aux systèmes de garantie ouverts, et Attirer des ressources
humaines efficientes.

L’importance de la gouvernance est aujourd’hui comprise par les pays qui


s’engagent de plus en plus à améliorer leur profil de gouvernance. Généralement, les pays
cherchent à se référer aux principes élaborés et adoptés par l’OCDE en 1989. Ces
principes ont été révisés en 2004 pour tenir compte des évolutions des contextes et des
préoccupations exprimées par les pays.

Section I – Les fondements théoriques du développement de la


gouvernance d’entreprise

Depuis quelques années, à la suite des nombreuses affaires qui ont agité les
milieux économiques dans la plupart des pays développés et de dysfonctionnements
évidents du système économique , de nombreux débats se sont ouverts concernant les
prises de contrôle, les rémunération des dirigeants, les responsabilités des dirigeants et
des administrateurs, la composition et le rôle du conseil d’administration, l’information et
le rôle des actionnaires , le régime de la faillite…. Tous ces aspects mettant en cause la
répartition des pouvoirs dans l’entreprise relèvent d’un même champ d’investigation, la
corporate gouvernance, traduit de façon approximative et contestable par «
gouvernement de l’entreprise »71.
La crise qui s’est pleinement révélée en 2008 affecte en profondeur le mode de
fonctionnement des dirigeants en charge de la gouvernance de leur entreprise. La crise est
unique par sa globalité et aucune activité ni territoire n’y échappe. Elle l’est aussi par son
caractère systémique dont les enchaînements fragilisent les constructions
entrepreneuriales, étatiques et réglementaires. Elle se caractérise par la destruction
massive de la capitalisation boursière et par la conjonction de la crise financière et de la
crise économique. Dans cette crise touchant tous les acteurs, les notions de rôle,
d’équilibre des postures et des registres d’intervention des dirigeants volent en éclats. Il
ne s’agit pas d’une crise circonscrite qui aurait appelé à une gestion technique et des
actions de communication ad hoc, mais d’une crise qui bouscule très substantiellement le
rôle des dirigeants72.

I- Le cadre conceptuel de la gouvernance d’entreprise :

71
Charreaux G., « gouvernement de l’entreprise », Encyclopédie de gestion, article 84, p.1652
72
« Gouvernance d’entreprise : une vision globale de management », p.58
Depuis l’apparition d’un vaste mouvement de prise de pouvoir sur le marché
américain pendant les années 1980, la littérature économique et financière a trouvé un
grand intérêt dans l’étude d’un champ nouveau, celui de la gouvernance d’entreprise.

Figure N°14 : Le cadre conceptuel de la gouvernance

Source : François BROUARD

1. La genèse d’un concept novateur :

La forte médiatisation de la gouvernance d’entreprise pourrait laisser imaginer


qu’il ne s’agit que d’un effet de mode. On peut considérer que les pratiques relevant de la
gouvernance d'entreprise ont des origines anciennes dans la mesure où elles sont
indissociables du concept même d'entreprise. En effet, la gouvernance d'entreprise faisait
déjà problème au XVIIIe siècle. Adam Smith posait ainsi dès 1776, dans la Richesse des
nations, le problème de la séparation des intérêts entre les dirigeants et les propriétaires
dans les compagnies par action. Cette interrogation prendra une tournure nouvelle avec
l'apparition, en 1807 en France puis en Angleterre avec le Company Act et un peu plus
tard encore aux Etats unis, de la société anonyme73.

73
Mbaye Fall D., « La creation de valeur dans l'entreprise: le rôle de la gouvernance et des leviers financiers »,
Thèse Master
Désormais, la gouvernance des entreprises apparaît sans conteste comme un des
thèmes centraux de la gestion. Selon une définition moderne, son principal objet est d’«
expliquer la performance organisationnelle en fonction des systèmes qui encadrent et
contraignent les décisions des dirigeants74 ». Formulée de la sorte, la paternité d’une telle
théorie de la gouvernance pourrait être revendiquée à juste titre par des auteurs tels que
Fama (1980), ou bien encore Fama et Jensen (1983a et 1983b), même si l’on se réfère
plus fréquemment aux travaux de Berle et Means (1932) consacrés à la séparation entre
propriété et décision. Mais on ne saurait en conclure pour autant à l’unanimité des
multiples approches réalisées en matière de gouvernance. Comme le rappelle fort
pertinemment Brennan (1994).

Ceux-ci voient notamment dans les fondements de la théorie positive de l’agence,


ou dans ceux de la théorie des marchés efficients et de ses modèles associés, un paradigme
d’essence profondément libérale (Charreaux, 19872 ; Franckfurter et McGoun, 1999).
Selon eux, un tel paradigme se trouve par trop focalisé sur la maximisation de la valeur
pour les actionnaires. Ils considèrent, en outre, qu’il est fondé, d’une façon quelque peu
caricaturale et dangereuse sur l’intérêt personnel et l’égoïsme (Brennan, 1994, p. 32 ;
Ghoshal, 2005, p. 76)75.

2. Un panorama de définitions

La notion de gouvernance n'est pas récente. Ce terme a une origine grecque


(kubernan), puis il est présenté en latin (gubernance). Cette appellation est apparue dans
la langue française et renvoyant, dans le langage politique du moyen âge, au terme de
gouvernement. Le mot est disparu pendant des siècles pour réapparaître celui de
l'entreprise dans un contexte différent à partir des années 70 par l'expression Corporate
governance (gouvernance d'entreprise). La notion revient donc du secteur privé et qui
désigne un style de gestion des entreprises fondés sur un lien entre le pouvoir des
actionnaires et celui de la direction.

La gouvernance d’entreprise est une matière vivante, riche, foisonnante, qui a


connu au cours des dernières années des développement de grande ampleur, tant dans la
littérature académique que dans les guides pratiques rédigés à l’attention des
professionnels de l’entreprise, de la finance, du droit et de l’audit76 :

 Selon Charreaux, la gouvernance est présentée par une pluralité de définitions et


une multiplicité d'analyses qui convergent toutes vers un seul contexte qui notamment
74
(Charreaux 1999)
75
Trébucq S., « De l’idéologie et de la philosophie en gouvernance d’entreprise », Revue française de gestion 2005/5,
n°158, p. 49-50.
76
Ploix H., « gouvernance d’entreprise, pour tous, dirigeants, administrateurs et investisseurs », Pearson, 2006, p.7
exige la mise en place de : « Mécanismes organisationnels ayant pour effet de délimiter les
pouvoirs et d'influencer la décision des dirigeants autrement dit, qui gouvernent leur
conduite et définissent leur espace discrétionnaire77 ».Son principal objet est d' "expliquer
la performance organisationnelle en fonction des systèmes qui encadrent et contraignent
les décisions des dirigeants78".

 Pour Zingales (2000) le terme gouvernance est synonyme de l'exercice de


l'autorité, de la direction et du contrôle. De même Zingales défini la gouvernance comme
étant : «Un ensemble de lois et de règles qui régissent le fonctionnement de la firme ». Elle
concerne la manière dont l'autorité est allouée et exercée. Zingales révèle deux exigences
capitales pour un système de gouvernance79 :

- La relation doit générer de quasi rentes car en leur absence la concurrence sur le
marché écarte toute forme de négociation.
- Les quasi rentes ne peuvent pas être précisément allouées dés le début de la
transaction.

 PEREZ. R80, a donné une définition plus riche de la gouvernance d’entreprise qui
est conçue comme : « le dispositif institutionnel et comportemental régissant les relations
entre les dirigeants d’une entreprise plus largement, d’une organisationnel et les parties
concernées par le devenir de ladite organisation, en premier lieu celles qui détiennent des
« droits légitimes » sur celle-ci. ». Dès lors, le mode de gouvernance dominant affecte
grandement son fonctionnement ainsi que son résultat. MORIN.E81, appelle et, à juste de
titre la gouvernance d’entreprise « le mangement du management ».

 Selon La Banque Mondiale définit la gouvernance comme étant : « La façon dont


le pouvoir est exercé dans un pays sur la gestion des ressources économiques et sociales
pour le développement82 ».

77
Charreaux.G., 1997, p.1
78
Charreaux.G., 1999
79
Zingales L., «In Search of New Foundations», the Journal of Finance, Volume LV, n°4, August 2000, pp.1623-1653.
80
Perez R., « La gouvernance de l’entreprise », La découverte, 2003, Paris, p.22
81
Echkoundi M., « Le renouveau de la gouvernance d’entreprise. Vers une prise en compte des parties prenantes
», p.3
82
World Bank(1992), p1
Au sens strict, la « gouvernance d’entreprise » (corporate governance) est l’art de
manager le réseau de relations reliant les diverses parties concernées par la stratégie et la
performance de l’entreprise, donc par le partage des pouvoirs et des responsabilités
autour de l’aspect financier et non celui de son organisation83. Par définition, la
gouvernance d'entreprise est l'ensemble des organes et règles de décision, d'information
qui doit être transparente, de surveillance et contrôle qui permettent aux partenaires ainsi
que tous ceux qui ont droit d'une institution, de suivre le respect de leurs intérêts et leurs
avis pris en considération dans le fonctionnement de l'institution.

3. Le cadre analytique de la gouvernance d’entreprise :

a- Délimitation du champ d’application

Ce qui permet de définir le champ de la « corporate governance», c’est la relation


présumée entre la régulation – la gouvernance – du comportement des principaux
dirigeants et l’efficience des entreprises84.
Dans la pratique, le gouvernement d’entreprise se différence selon les
caractéristiques du tissus économique et social de chaque pays. Le gouvernement
d’entreprise ne peut être perçu de façon unilatérale. Il est aussi vrai que les entreprises
doivent pouvoir organiser leur gouvernance en fonction de leurs caractéristiques propres.
La gouvernance doit donc être structurée individuellement pour chaque entreprise.
Il n’y a pas lieu de préciser à une entreprise la route qu’elle doit suivre. Le plus important
est qu’on ait une vision claire et transparente de la direction suivie. Cette diversité ne se
trouve pas uniquement au niveau de la pratique.
Les nombreuses théories liées à la gouvernance illustrent bien la situation. A cet
égard, on peut citer l’apport des théories institutionnelles des organisations dans
lesquelles figurent les théories des droits de propriété, les théories de l’agence, les
théories des coûts de transaction, et certains courants de la théorie des conventions. A
côté des contributions qualifiées d’historiques de Berle et Means (1932), d’Alchian et
Demsetz(1972), de Jensen et Meckling(1976), de Fama(1980) ainsi que de leurs évolutions
; d’autres approches sont aussi apparues et ne sont pas dépourvues d’intérêts85.

b- Les intérêts de la gouvernance d’entreprise :

83
Boyer L., Equilbrey N., « Organisation théories applications », organisation, p.397
84
Charreaux G., Schatt.A., « La recherche française en gouvernance d’entreprise : un panorama », Cahier du
FARGO n° 1050901, Septembre 2005, p3.
85
Rajemison S., Razafinahatolotra D., « Structure et Fracture de l’autorité dans une organisation », p 1-2.
« Le premier objectif de la gouvernance est d'apprendre à vivre et à gérer pacifiquement
la maison commune ; d'y assurer les conditions de la survie, la paix, de l'épanouissement
et de l'équilibre entre l'humanité et la biosphère ».

- Pierre Clam -

Plusieurs auteurs sont intéressés de déterminer les facteurs d'un bon système de
gouvernance. Selon Shleider et Vishny(1997) une bonne gouvernance est présentée par
une protection des investisseurs et une concentration de la structure de propriétés.

• La concentration de la structure de propriété :

La structure de propriété constitue un déterminent très important de la répartition


des pouvoirs au niveau des entreprises. Le choix d'une structure concentrée ou dispersée
doit tenir compte des avantages et des inconvénients associés à chaque cas. En se limitant
dans ce paragraphe au cas de la structure concentrée, les actionnaires importants qui
possèdent des parts élevés sont encouragés à jouer un rôle actif dans les décisions prises
par la firme.

Selon Belton et Von Thadden (1988), l'avantage de la concentration de la


structure de propriété est qu'elle permet de garantir une meilleure discipline des
dirigeants suite au contrôle et la surveillance exercée par actionnaire important mais ce
contrôle exercé nécessite des coûts très élevés.

• La protection des investisseurs :

Les investisseurs ont besoin de connaître la nature de la relation qui lie


l'administrateur et la relation qui lie ces derniers avec les dirigeants. De même il est
primordial pour eux de connaître les critères utilisés et appliqués pour déterminer la
politique de rémunération et le fonctionnement du comité d'audit. L'un des plus importants
droits des investisseurs et plus particulièrement les actionnaires est le droit de vote. Selon
Wirtz(2005) c'est l'un parmi des plus efficaces instruments pour promouvoir de bonne
pratique de gouvernance86. Présentation des principales théories et systèmes de
gouvernance d’entreprise

Considérée comme l’un des thèmes centraux de la gestion, la gouvernance


d’entreprise a pour objet d’ « expliquer la performance organisationnelle en fonction des
systèmes qui encadrent et contraignent les décisions des dirigeants87 ». Or le champ

86
Mbaye Fall D., « La creation de valeur dans l'entreprise: le rôle de la gouvernance et des leviers financiers »,
Thèse Master
87
Charreaux 1999
théorique de ce concept demeure très mouvant à la présence d’une diversité des théories,
la réflexion théorique sur le sujet s’est développée, particulièrement à la faveur d’une
interrogation sur la capacité des modèles traditionnels du gouvernement d'entreprise à
rendre compte de conceptions plus récentes des modes d’organisation du pouvoir. Ainsi
que l’identification des critères permettant de caractériser les mécanismes composants les
systèmes de la gouvernance des entreprises.

1. Synthèse des principales théories de la gouvernance :

Depuis les premiers écrits de Coase et Berles et Means sur la question, le concept
de gouvernance des entreprises n'a cessé d'évoluer à travers la littérature théorique
comme le montre la figure ci dessus. En effet, il n'existe pas une théorie pionnière de la
gouvernance des entreprises, cette dernière est la résultante de plusieurs constructions
théoriques qui sont apparues et évoluées au fur et à mesure du développement des affaires,
des transformations des notions de propriété et de contrôle et de l'élargissement du
concept de stakeholders. On mentionne notamment deux principales théories : la théorie
contractuelle des organisations et la théorie cognitive de l'entreprise.

La gouvernance d’entreprise attire l’attention des chercheurs depuis plus de deux


générations. Berle et Means (1932) furent les premiers à s’intéresser à l’impact des
structures de propriété sur la performance des sociétés modernes. Le développement de
philosophies capitalistes, qui se caractérise par la prolifération de grandes sociétés dont
la propriété est de plus en plus dispersée, engendre un phénomène de dissociation entre la
propriété des investisseurs et le contrôle de la société. La théorie de l’agence, telle
qu’élaborée par Jensen et Meckling (1976), évoque que cette dissociation crée un
problème de conflits d’intérêts potentiels entre les gestionnaires et les actionnaires88.

a- Les théories contractuelles de la gouvernance :

a-1. L’approche actionnariale

La notion centrale de l'approche contractuelle est celle de la firme perçue comme


un nœud de contrats, un centre contractant chargé de gérer de façon centralisée,
l'ensemble des contrats nécessaires à la production. Trois théories constituent l'essence de
ce courant contractuel :

- La théorie des droits de propriété « TDP », (Alchian & Demsetz 1972) ;

88
Brouard F., DI VITO J., « identification des mécanismes de gouvernance applicable aux PME », Communication
présentée lors du CIFEPME 2008 9e Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME Louvain-la-Neuve,
Belgique, 28-31 octobre 2008.
- La théorie de l'agence « TA », (Jensen & Meckling, 1976) ;

- La théorie des coûts de transactions « TCT », (Williamson, 1985).

• La théorie des droits de propriété : A.A. Alchian et H. Demestz sont considérés


comme les fondateurs de la théorie des droits de propriété22. La firme est définie comme un
noeud de contrats (nexus of contracts) et le dirigeant a pour charge de définir la nature
des taches et de choisir les personnes qui doivent les exécuter au sein du « noeud »
coopératif. Au sein de la théorie des droits de propriété, Furubotn et Pjovich23 ont cherché
à comprendre le fonctionnement interne des organisations en s'appuyant sur le concept
même de droits de propriété. Ils décomposent les droits de propriété en trois grandes
parties :

-L'usus : le droit d'utiliser le bien.

-Le fructus : droit d'en percevoir les fruits.

-L'abusus : droit du décider du sort du bien et d'en faire ce qui bon nous semble.

Selon la théorie néoclassique, la décomposition du droit de propriété entre les


mains de plusieurs personnes a pour effet de réduire l'efficacité de la firme. En effet, seul
un manager qui est aussi un propriétaire peut avoir intérêt à réduire le gaspillage, et
améliorer ses efforts au sein de son entreprise.

Dans la firme managériale, il existe une séparation entre le management de


l'entreprise assuré par le manager et la propriété de la firme assurée par le détenteur de
capital. Dans ce cadre le manager ne peut disposer que de l'usus alors que le fructus et
l'abusus sont possédés par le propriétaire, ce qui peut entraîner des conflits d'intérêts et
s'avérer être une source d'inefficacité.

En résumé, la théorie des droits de propriété nous indique que la séparation entre
fructus, usus et abusus, qui symbolise l'entreprise managériale tend à atténuer l'efficacité
des droits de propriété. Les parties en présence, bénéficiant chacune d'une partie des
droits de propriété sur la firme vont, dés lors, poursuivre des intérêts pouvant être
divergents.
• La théorie de l'agence : M.C. Jensen et W.H. Meckling, fondateurs de la théorie de
l'agence, s'inspirent à l'origine de la démarche d’Alchian et Demsetz, pour définir la firme
comme nœud de contrats. Le modèle explicatif des structures de financement et
d'actionnariat, est fondé sur les hypothèses d'asymétrie d'information et de conflits
d'intérêts entre le dirigeant - propriétaire, les nouveaux actionnaires et les créanciers
financiers.
Pour M.C. Jensen et W.H. Meckling « il existe une relation d'agence lorsqu'une
personne a recours aux services d'une autre personne en vue d'accomplir en son nom une
tache quelconque 89». Dans le cas présent, la relation d'agence concernera le principal
(l'actionnaire) et son agent (le gestionnaire), ce dernier s'étant engagé à servir les intérêts
du premier. De ces relations émane la notion de coûts d'agence, coûts qui résultent du
caractère potentiellement opportuniste des acteurs (hasard moral) et de l'asymétrie
d'informations entre les cocontractants (sélection adverse).
Les coûts générés par une telle situation constituent les coûts d'agence, ils
représentent la perte de valeur par rapport à une situation idéale où il n'y aurait pas
d'asymétrie d'informations et de conflits d'intérêts. Selon les théoriciens de l'agence une
organisation est réputée efficace si elle minimise les coûts d'agence.
Pour M.C. Jensen et W.H. Meckling, les problèmes d'agence engendrent trois types
de coûts90 :

- Les coûts de surveillances (monitoring expenditure) : ce sont les coûts


supportés par le principal pour s'assurer que son agent gère conformément à ses
intérêts.

- Les coûts d'obligation (bonding coasts) : supportés pas l'agent pour mettre en
confiance le principal.

- Les pertes résiduelles (residual loss) : ce sont les coûts inhérents à la


divergence d'intérêt entre le manager et les actionnaires (mauvaises allocations
des ressources, choix d'une stratégie non optimale...).

Selon les analyses d’Alchian et Demsetz puis de Jensen et Meckling, la situation


d'efficience optimale est celle où la direction et la propriété sont assumées par une seule et
même personne. Dans le cas contraire, les actionnaires, exposés à un hasard moral et à
une sélection adverse résultants de l'autonomie croissante du manager, n'ont aucune

89
Jensen M.C., Meckling W.H., « Theory of the firm, Managerial Behavior, Agency Costs & Ownership Structure
», Strategic Management Journal, 1976, p.305-360.
90
Op.cit
certitude que ce dernier fera un usage optimal de leurs capitaux. Plus la part du capital de
l'entreprise possédée par le manager est faible, plus l'incitation à maximiser la
rémunération des fonds propres est faible. Pour ces raisons, les relations entre les
actionnaires et les dirigeants sont nécessairement conflictuelles. Les divergences d'intérêt
sont de trois ordres91 :

- Divergence entre les actionnaires et les managers quant à l'horizon des


décisions ;
- Divergences quant à la perception du risque ;
- Divergences au sujet des avantages tirés par les dirigeants de leur position.
• La théorie des coûts de transaction : L'approfondissement du cadre théorique et
l'intégration d'autres parties prenantes, particulièrement les salariés, ont conduit à la
fondation de la théorie des coûts de transaction par O.E. Williamson, cette théorie
considère que la firme existe pour pallier les failles du marché, liées aux problèmes posés
par la spécificité des actifs et l'opportunisme potentiel des acteurs92.
Se distinguant de la théorie de l'agence qui privilégie la notion de conflits
d'intérêts, la théorie des coûts de transaction retient la transaction comme unité d'analyse
et la spécificité des actifs supports de la transaction, comme concept central (un actif est
d'autant plus spécifique que son redéploiement vers un autre usage entraîne une perte de
valeur importante), elle explique l'arbitrage entre dettes et capitaux propres par la
spécificité des actifs à financer. Pour O.E. Williamson, on internalise pour éviter d'être
spolié et perdre le minimum de valeur par rapport à ce qui serait réalisable par rapport à
l'optimum de premier rang, à l'économie du Nirvana93.
Fondant sur le principe d'efficacité, O.E, Williamson définit les coûts de
transaction, comme « les coûts engendrés (ou pouvant l'être) par les échanges
contractuels de biens ou services entre firmes.30». Il décrit les coûts de transaction comme
la somme des coûts ex ante de négociation et de rédaction du contrat reliant deux entités
et des coûts ex post d'exécution, de mise en vigueur, et de modification du contrat, en cas
d'apparition de conflits, il considère aussi que les coûts de transaction incluent les coûts
d'agence94.
L'efficacité des diverses institutions économiques doit donc s'apprécier par les
coûts de transactions qu'elles engendrent. Ainsi les firmes, conçues comme des «
structures de gouvernance interne » de transactions auparavant régies par les mécanismes

91
Parrat F., « Le gouvernement d'entreprise », MAXIMA, Paris 1999, p.37-38.
92
Echkoundi.M, « Le renouveau de la gouvernance d’entreprise. Vers une prise en compte des parties prenantes »,
p.5-7
93
Charreaux G., « A la recherche de nouvelles fondations pour la finance et la gouvernance d'entreprise », Session
inaugurale du colloque de l'Association Française de Finance, Paris, 2001, p.14.

94
Williamson O.E., « The Modern Corporation : Origins, Evolution, Attributes », Journal of Economic Literature,
Vol XIX,1981, p.1537-1568.
du marché, existeraient du fait de leurs avantages en termes de coûts de transactions.
Williamson identifie deux types de mécanismes susceptibles de réduire les coûts d'agence
et donc les coûts de transaction :

- Les mécanismes intentionnels, permettant de gérer avec efficacité les


transactions en mettant en jeu des investissements fortement spécifiques, par
exemple, l`intervention du conseil d'administration pour contrôler une
transaction censée financer des investissements spécifiques à la firme. Le conseil
d'administration est supposé capable par le biais des audits internes de
déterminer les causes de dépassement des coûts prévisionnels et d'en décider en
perspective du sort du dirigeant.

- Les mécanismes spontanés, de nature contractuelle, destinés à protéger les


transactions concernant des actifs redéployables, à l'instar du marché, qui, selon
Williamson sanctionne tout dépassement de coûts prévisionnels95. D'autres
mécanismes existent aussi comme les garanties contractuelles, les procédures
légales de règlement judiciaire...

Trois critiques sont faites principalement à ces travaux. Elles concernent le


caractère partiel des explications96, la nature statique des modèles et la non prise en
compte des spécificités institutionnelles des différents cadres nationaux.

La théorie de l'enracinement, plus récente, souffre également de ce biais, mais


surmonte partiellement le problème du caractère statique des explications.

a-2. La théorie de l'enracinement :

Dans les théories fondatrices de la gouvernance des entreprises, le rôle du


dirigeant apparaît très discret voire absent. Une fois évoquées, les divergences d'intérêts
entre le dirigeant et les actionnaires, et la possibilité d'opportunisme, l'attention est
principalement portée sur l'identification des mécanismes externes ou internes permettant
de discipliner le dirigeant.

A la fin des années 80, la thèse de l'enracinement fut développée par A. Shleifer,
R.W. Vishny et R. Morck97. Elle remet en cause les fondements des théories contractuelles
95
Williamson O.E., « The Economic Institutions of Capitalism », The Free Press, New-York, 1985.
96
Charreaux G., « Le gouvernement des entreprises, Corporate Gouvernance, Théories et faits », Economica, Paris,
1997.
97
Shleifer A.., Vishny R.W et Morck R., « Alternative mechanisms for corporate control », American Economic
Review, 79, N4, 1989.
en général et de la théorie de l'agence en particulier. Cette théorie semble offrir un cadre
d'étude approprié à l'analyse des stratégies opportunistes des dirigeants et leurs
conséquences sur les systèmes de contrôle et sur la performance de l'entreprise.

L'enracinement consiste pour les dirigeants à valoriser (pour eux mêmes) leur
présence au sein de l'entreprise en rendant coûteuse leur révocation et en réduisant ainsi
leur risque de remplacement. Le dirigeant adoptera alors des stratégies d'enracinement,
c'est à dire, de se rendre indispensable aux yeux des actionnaires98.

A cet égard, de multiformes des stratégies de neutralisation des mécanismes


disciplinaires, on distingue quatre styles majeurs :

- Les investissements idiosyncratiques (ou spécifiques aux dirigeants) : Les


investissements sont dits idiosyncratiques ou spécifiques au dirigeant si son
remplacement entraîne une perte de valeur pour les actionnaires. Leur réalisation
permet aux dirigeants de réduire le risque d'être remplacés. Ils obtiennent ainsi des
rémunérations plus importantes sous formes de salaires ou d'avantages non
pécuniaires et accroissent leurs latitudes décisionnelles.
- La manipulation de l'information : En jouant sur l'information, les dirigeants
cherchent à accroître leur latitude discrétionnaire de façon à s'approprier le
maximum de rentes en évitant d'être révoqués. En effet, les dirigeants se valorisent
sur le marché de travail en investissant dans des projets dont la rentabilité dépend
de l'information spécifique contrôlée par les dirigeants, ou en investissant dans des
activités caractérisées par une asymétrie de l'information plus importante. Cette
stratégie amplifie l'incertitude perçue par les équipes dirigeantes rivales qui seront
ainsi moins incitées à remplacer les dirigeants actuels.
- Le contrôle des ressources : Les dirigeants savent qu'ils ont intérêt à ne pas
dépendre des apporteurs de ressources externes d'une part et d'autre part, à
représenter eux mêmes un facteur de production difficilement substituable. C'est
pourquoi ces derniers optent pour l'autofinancement et le recours à l'augmentation
de capital auprès de nouveaux actionnaires. Cela leur permet d'échapper à la
discipline exercée par les créanciers et les actionnaires actuels.
- Les réseaux relationnels : Le dirigeant va essayer de tisser un réseau relationnel
avec ses collaborateurs et avec les salariés, en accordant beaucoup d'avantages en
nature ou des sursalaires, ainsi qu'en promettant des promotions abondantes. Cela
conduit souvent à accroître la taille de la firme et le nombre d'échelons

98
Parrat F., « Le gouvernement d'entreprise », MAXIMA, Paris 1999, p.58-62.
hiérarchiques. Les salariés auront, alors, intérêt à ce que le dirigeant ne soit pas
remplacé, et peuvent même œuvrer pour son maintien au sein de l'organisation. Le
dirigeant peut aussi nouer des relations avec les administrateurs de la firme ou
encore privilégier un enracinement basé sur le réseau relationnel actionnarial, en
liant des relations avec un ou plusieurs groupes d'actionnaires ou encore, en
augmentant sa participation au capital de l'entreprise qu'il dirige.

a-3. L'approche partenariale

Si l'approche actionnariale a privilégié l'étude des conflits entre dirigeants et


actionnaires, l'évolution récente des théories contractuelles de la firme prend en compte
l'ensemble des stakeholders. L'approche partenariale plonge ses racines dans la
représentation de la firme comme une équipe de production, au sein de laquelle la
création de valeur ou la rente organisationnelle, sont dues aux synergies entre les
différents facteurs de production.

D'après Garvey et Swan99, dans un monde de contrats incomplets et de sources


multiples de pouvoir, la protection contractuelle procurée aux différents partenaires du
nœud de contrats est incomplète. Pour cette raison, ces stakeholders sont aussi des
créanciers résiduels. Cette nouvelle perception de la firme comme relations entre
différents investisseurs spécifiques remet en cause les développements de l'approche
contractuelle purement financière ainsi que l'idée de maximisation de la valeur
actionnariale.

En effet le dirigeant peut agir comme bon intendant pour les actionnaires en
maximisant la valeur boursière mais spolier d'autres stakeholders, en sacrifiant des
indicateurs de performance de la firme comme le taux d'emploi ou la satisfaction des
clients. Le besoin de contrôler le dirigeant se justifie, donc, pour l'ensemble des parties
prenantes de la firme.

La gouvernance apparaît alors comme le moyen de protéger la valeur du capital


humain des salariés, laquelle dépend des rentes qu'ils peuvent s'approprier. La firme
devient « un nœud d'investissements spécifiques : une combinaison d'actifs et de personnes
mutuellement spécialisés100». Enfin, l'aboutissement logique de la démarche partenariale
est sa généralisation à l'ensemble des parties prenantes, contribuant à la création de
valeur.

99
Garvey G.T., Swan P.L., « The Economics of corporate governance: Beyond the Marshallian firm », Journal of
Corporate Finance, Vol1, 1994, p.139-174.
100
RAJAN R., Zingales L., « The Governance of The New Entreprise » Working Paper 7958, University of Chicago,
2000.
Une telle approche, proposée par Charreaux et Desbrière101, suppose que les
relations entre la firme et les différents stakeholders ne sont pas simplement marchandes,
mais sont construites de façon à créer de la valeur. Cette approche conduit à étudier le
système de gouvernance en vertu de sa capacité à créer de la valeur sociale, égale à la
différence entre la somme des revenus évalués aux prix d'opportunité et celles des coûts
d'opportunité pour les différents facteurs de production. Dans le cadre de cette approche,
une définition de la gouvernance est fournie par Blair102 : «le système de gouvernance
d'entreprise fournit les règles qui déterminent qui possède les droits décisionnels dans
telle circonstance ?, qui reçoit une part de la richesse créée ? Et qui supporte les risques
qui y sont associés ?». Contrairement à la définition de Shleifer et Vishny, cette définition
considère l'ensemble des stakeholders dans le processus de création et de répartition de la
valeur. La définition de Blair permet d'appréhender la notion de création et de répartition
de la valeur dans l'entreprise. Elle rejoint ainsi la conception de Charreaux et Desbrière
de la création et de la répartition de la valeur organisationnelle.

La gouvernance de l'entreprise est définie aussi comme le système dans lequel la


conduite des firmes par le dirigeant est contrôlée par l'ensemble des acteurs économiques.
Ce ne sont pas donc les seuls propriétaires qui devraient exercer ce contrôle mais
l'ensemble des stakeholders de l'entreprise. Cette approche idéale débouche sur une
conception de l'entreprise citoyenne, les décisions managériales sont supposées prendre
en considération les intérêts des différents stakeholders103.

Malgré le progrès par rapport à l'approche actionnariale, cette vision partenariale


ne s'affranchit pas d'un certain nombre de limites formulées à l'encontre des théories
contractuelles de la firme : d'une part, la modélisation est toujours limitée à la résolution
des conflits, essentiellement par l'allocation optimale des droits de propriété et d'autre
part, la démarche reste de répartir optimalement la valeur créée, mais en revanche, le
processus de création de valeur est absent, voire ignoré. De ce fait, l'approche
partenariale grade une conception statique et adaptative de l'efficience.

b- Les théories cognitives de la gouvernance :

Le développement d'une approche cognitive de la gouvernance, expliquant le lien


entre les ressources et la création de la valeur, répond aux insuffisances de la vision
contractuelle qui ignore pour l'essentiel la dynamique productive et montre des lacunes

101
Charreaux G., Desbrier P., « Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre valeur actionnariale »,
Finance Contrôle et Stratégie, Vol1, 2, 1998, p.68-77
102
Blair M., « Ownership and Control: rethinking corporate governance for the twenty-first century », The
Brookings institution, Washington, 1995.
103
Commelin B., « Le gouvernement d'entreprise, La Bourse et les entreprises », Cahiers Français N°277, 2001, p.82.
dans l'explication de certains phénomènes organisationnels et notamment dans la
modélisation de la gouvernance.

En effet, afin d'appréhender ce processus, il est nécessaire de faire appel aux


théories cognitives de la firme. Cette approche se distingue de l'approche contractuelle et
en est complémentaire pour l'explication d'un nombre important de phénomènes
organisationnels. Tout d'abord, la connaissance, représentée comme l'aboutissement d'un
processus d'apprentissage est distingué de l'information alors que ces deux notions sont
confondues dans la vision contractuelle. D'après Madhok104 : «L'information et la
connaissance sont au cœur du design organisationnel parce qu'elles résultent de
problèmes contractuels d'incitation (...).Il est surprenant que les théories économiques (...)
ne portent aucune attention au rôle de la connaissance organisationnelle ».

La vision cognitive s'attachera davantage à expliquer le processus d'apprentissage


et d'accumulation de connaissances et de compétences. La firme n'est plus seulement
analysée sur sa capacité à « économiser la connaissance105», mais également sur sa
capacité à créer de la connaissance et des compétences.

Un autre point d'évolution important est celui de la conception même de la


rationalité limitée et calculatoire des agents, l'hypothèse de rationalité calculatrice sous
contraintes cognitives est rejetée au profit de la rationalité procédurale : la rationalité ne
s'apprécie plus sur la base des conséquences des décisions, mais des processus
décisionnels106.

Cette évolution permet de fournir une explication relativement nouvelle du


processus de création de valeur. D'une part la connaissance de changements
organisationnels endogènes, c'est à dire la capacité des firmes à créer leurs propres
opportunités. D'autre part la reconnaissance des capacités des firmes à innover et à créer
du différentiel. Contrairement aux théories contractuelles où la création de valeur est
essentiellement appréhendée en termes d'économie de coûts et où l'analyse est concentrée
sur les problèmes de répartition de la valeur créée et la résolution des conflits d'intérêt,
les théories cognitives se concentrent sur l'analyse du processus de création de valeur. La
firme peut notamment créer de la valeur en agissant sur son environnement, en créant des

104
MADHOK A., « The Organization of Economic Activity: Transaction Costs, Firm Capabilities, and the Nature

105
DEMSETZ H., « The Theory of the Firm Revisited », Journal of Law, Economics and Organization, Vol4, 1988,
p.141-163.
106
Charreaux G., « Quelle théorie pour la gouvernance : de la gouvernance actionnariale à la gouvernance
cognitive », Encyclopédie des ressources humaines, Economica, 2002, p.7-9.
opportunités, en apprenant, en innovant et en créant du différentiel. Lazonick et
O'Sullivan107 considèrent que la clé de la performance dans ces approches se situe dans la
capacité du management à imaginer, percevoir, construire de nouvelles opportunités que
dans la restructuration des portefeuilles d'activités des firmes en réponse aux évolutions
de l'environnement.

Cette nouvelle vision aboutit à une interprétation différente des mécanismes de


gouvernance qui ne jouent plus prioritairement un rôle de résolution des conflits mais un
rôle proactif. Désormais le système de gouvernance regroupe des mécanismes permettant
d'avoir le meilleur potentiel de création de valeur par l'apprentissage et l'innovation108.

2. Les systèmes de la gouvernance des entreprises :

« La composition optimale et l’amélioration de la performance d’un gouvernement


d’entreprise résulte d’un savant mélange entre des administrateurs indépendants internes
très proche du métier, du l’histoire et de la réalité de l’entreprise, et les administrateurs
indépendants qui apportent un point de vue plus objectif et détaché aux problèmes de la
gouvernance. Tous doivent être compétents, c'est-à-dire avoir une compréhension
suffisante des problèmes de l’entreprise et un bon jugement. La notion d’indépendance
réelle, c'est-à-dire la capacité à contrôler objectivement le management, et le cas échéant
à s’opposer à lui, et davantage une question de caractère et d’éthique personnel qu’un
simple problème de critères formels »
-Bertand COLLOMB109-

L’analyse théorique a identifié deux critères permettant de caractériser les


mécanismes composants les systèmes de la gouvernance des entreprises.
La littérature discute de deux grandes catégories de mécanismes de gouvernance,
soit les mécanismes provenant de l’environnement externe de la société et les mécanismes
internes mis en place par les sociétés et leurs actionnaires pour assurer le respect de la
relation contractuelle établie entre les gestionnaires et les actionnaires (Weir, Laing et
McKnight, 2002). Alternativement, les mécanismes de la gouvernance peuvent aussi se
visualiser en divers systèmes comme les conseils d’administration, les systèmes
organisationnels et les systèmes stratégiques (CMA Canada, 2002; Gregory, 2001; Monks
et Minow, 2004; Thompson, 2002; Vinten, 1998). Par rapport à la classification externe-

107
Lazonick W., O'sullivan M., « Perspectives on Corporate Governance and Economic Performance », Working
Paper, Insead, 2000.
108
Charreaux G., « Quelle théorie pour la gouvernance : de la gouvernance actionnariale à la gouvernance
cognitive », Encyclopédie des ressources humaines, Economica, 2002, pp.7-9.
109
C’est le PDG de LAFARGE- président de l’ADEP, dans une interview accordée au cabinet CORN FERRY
INTERNATIONAL sur la « gouvernance d’entreprise en France-juillet 2002 ».
interne, cette dernière classification permet de situer dans quel système le mécanisme de
gouvernance s’intègre110.

a. Les mécanismes de contrôle externes :


• L'environnement légal et réglementaire

Le cadre légal peut constituer un moyen de contrôle, en imposant aux managers


des contraintes les obligeant à procéder à plus de prudence au niveau des dépenses liées
aux avantages en nature. Toutefois, l'efficacité de ce mécanisme paraît limitée. En effet,
les dirigeants trouvent souvent les moyens de contourner certaines réglementations. En
plus, selon Prowse111, ce système entraîne des coûts économiques et politiques qui peuvent
évoluer dans le temps à cause des changements de comportement des personnes
intéressées, des innovations financières et d'autres développements du marché.

• Le marché des biens et services

Un dirigeant qui opterait pour une stratégie visant à satisfaire sa propre fonction
d'utilité au détriment des intérêts de la firme pourrait, à plus ou moins brève échéance,
rendre cette firme moins compétitive. C'est donc le risque de la dégradation de la
compétitivité qui doit limiter l'opportunisme du dirigeant puisque les firmes mal gérées
sont condamnées à disparaître. Plus la pression concurrentielle sera forte, plus ce
mécanisme sera prégnant. Jensen soutient que les marchés des biens et services, quoique
lents à mettre en œuvre, sont fatals une fois qu'ils se mettent à agir112.

• Le marché des dirigeants

Le marché des dirigeants est chargé d'évaluer en permanence la valeur des


managers. Ces derniers peuvent être révoqués à tout moment par leur conseil
d'administration et se trouveraient dés lors en position d'offreur sur le marché du travail.
Sachant qu'ils sont évalués, les dirigeants peuvent être tentés de veiller à ce que leur
opportunisme ne soit pas perçu par le marché pour ne pas remettre en cause leur
réputation.

Pour E.F.Fama, le marché des dirigeants constitue le principal mécanisme de


contrôle, les dirigeants cherchent alors à bien gérer pour maximiser leur réputation et
110
Brouard F., DI Vito J., « Identification des mécanismes de gouvernance applicable aux PME », Communication
présentée lors du CIFEPME 2008 9e Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME Louvain-la-Neuve,
Belgique, 28-31 octobre 2008.
111
Prowse s., «Corporate Governance : Comparaison Internationale », Revue d'Economie
Financière,N°31,Hiver1994, p.119-158.

112
Jensen M.C., « The Modern Industrial Revolution, Exit, and the Failure of the Internal control Systems »,The
Journal of Finance, N°3,1993, p.831-880.
leur valeur sur ce marché. Cette dernière s'appuie sur l'évaluation de la performance du
marché financier113.

Il convient malgré tout de noter que si la pression exercée par le marché du travail
vise à inciter les dirigeants à être performants, rien ne garantit que l'information
disponible au sujet des compétences managériales d'un dirigeant soit conforme à la
réalité.

• Le marché financier

En 1965, H.Manne114, constata que le libre fonctionnement des marchés financiers


constituait le contrôle le plus démocratique et le plus efficace des grandes entreprises. En
effet, les actionnaires peuvent sanctionner les dirigeants opportunistes où à qui on impute
une mauvaise gestion de la firme, en vendant leurs titres de propriété pour exprimer leur
mécontentement. Cette pression du marché financier est supposée contraindre les
dirigeants à gérer conformément aux intérêts des actionnaires, mais dans les grandes
entreprises où l'actionnariat est très dispersé, chaque porteur à intérêt à laisser les autres
se charger du contrôle à sa place, en raison du coût associé, ce qui peut atténuer
l'efficacité réelle des marchés financiers.

L'OPA (Offre Publique d'Achat), est une menace pour les dirigeants incompétents
ou qui manquent de transparence. En effet si une firme est mal gérée, certains
investisseurs seront tentés d'en prendre le contrôle en la rachetant par le biais d'une OPA.
En cas de prise de contrôle, les nouveaux propriétaires révoqueront l'équipe dirigeante
non performante.

L'annonce d'une OPA a également pour conséquence d'informer d'autres


investisseurs sur l'intérêt de racheter l'entreprise, ce qui peut entraîner des surenchères et
diminuer ainsi le bénéfice escompté de l'opération. Après l'offre, la direction peut décider
d'augmenter le capital, rechercher une entreprise amie susceptible d'acheter des actions et
ainsi, venir en aide à l'équipe dirigeante, lancer une contre-attaque sur le raider... Au
total, le rôle joué par les marchés financiers, pour contrôler le manager apparaît donc
controversé.

b. Les systèmes de contrôle internes :

114
113 MANNE
Fama E.F,H., « Mergers
« Agency and the and
problems market
thefor corporate
Theory control
of the », Journal
firm », Journal of
of Political
Political Economy,
Economy, 1980,
1965, p.288-307.
p.110-120.
Les mécanismes internes de gouvernance sont généralement mis en place par des
ententes contractuelles (implicites ou explicites) (Boujenoui et Zeghal, 2006). Parmi les
différents mécanismes internes de gouvernance, on compte les croyances et les valeurs de
l’organisation, les conseils d’administrations, les conseils consultatifs, les conseils de
famille, les régimes de rémunération, les systèmes de gestion et la structure de propriété.

• Les croyances et les valeurs :


Le système de croyances et les valeurs d’une entreprise intègrent la confiance,
l’éthique personnelle, la culture, la philosophie de gestion en général (Steier, 2001). Ces
mécanismes s’appliquent généralement aux PME. Les croyances et les valeurs sont peut-
être plus présentes dans les PME familiales, car elles incluent les valeurs familiales en
plus de celles de l’entreprise.
• Les conseils d’administration :
Le conseil d’administration constitue en quelque sorte le gouvernement de la
société et le PDG en est le chef. L’analogie n’est pas totale. Le PDG est en permanence
dans l’entreprise alors que les membres du conseil d’administration ne se réunissent que
tous les mois115.
Le rôle et la composition des conseils d’administration représentent un mécanisme majeur
de gouvernance (Bozec, 2005). Du moins, c’est ce qui ressort de l’étude des codes de
gouvernance qui placent l’accent sur les conseils d’administration (Gregory, 2001).
Les deux rôles principaux du conseil d’administration consistent en la gestion et la
discipline des gestionnaires ainsi qu’en l’élaboration des stratégies des sociétés
(Charreaux, 1997). En effet, le conseil d’administration a l’autorité légale d’engager et de
congédier les gestionnaires. De plus, ayant également la responsabilité d’élaborer les
stratégies des sociétés, le conseil d’administration peut intervenir dans les décisions
majeures prises par les gestionnaires (Byrd, Parrino et Pritsch, 1998; Fama et Jensen,
1983). Le conseil d’administration est également responsable de déterminer la
rémunération des gestionnaires et d’élaborer les contrats de rémunération. Toutes ces
responsabilités étant confiées au conseil d’administration, les administrateurs qui en font
partie sont mandatés de gouverner la société dans le meilleur intérêt 11 des actionnaires.
Le rôle du conseil d’administration est le même pour toutes les sociétés, mais sa
constitution diffère d’une société à l’autre. Les différentes structures du conseil
d’administration occasionnent des inefficacités dans le rôle de gouvernance puisque les
administrateurs, par manque d’indépendance, n’agissent pas toujours dans l’intérêt des
actionnaires. La littérature soulève fréquemment l’importance de l’indépendance des
membres du conseil d’administration. À cet effet, les études s’intéressent particulièrement
à l’impact de la proportion des administrateurs externes siégeant au conseil

115
Papillon JC., « économie de l’entreprise : De l’entrepreneur à la gouvernance », Management, 2000, p.218
d’administration versus la proportion de membres internes ainsi que le poste de
présidence du conseil d’administration occupé par le gestionnaire versus un membre
indépendant. Les preuves empiriques vérifiant l’impact des administrateurs tant externes
qu’internes sur la performance des sociétés sont toutefois très mitigées dans la littérature
(Agrawal et Knoeber, 1996; Byrd et Hickman, 1992; Core, Holthausen et Larcker, 1999;
Hill et Snell, 1988).
Un conseil d’administration est souvent plus rare dans les PME (Allali et Filion,
2002; Blumentritt, 2006; Fiegener, Brown, Dreux et Dennis, 2004). Dans un contexte de
PME, le conseil d’administration est souvent composé des actionnaires et constitue une
formalité pour approuver les décisions de l’entreprise (Ford, 1988). Toutefois, les
actionnaires des PME ne sont pas toujours ceux qui dirigent l’entreprise. Dans un tel
contexte, le rôle du conseil d’administration des PME diffère peu de celui du conseil
d’administration des sociétés ouvertes.
Le conseil d’administration veillera alors sur les activités des gestionnaires,
élaborera les stratégies organisationnelles et sera l’intermédiaire entre l’entreprise et les
autres parties prenantes.

• Les conseils consultatifs :


Compte tenu de l’absence des conseils d’administration dans plusieurs PME, il
existe des conseils consultatifs qui jouent un rôle consultatif pour les dirigeants de PME
(St-Cyr et Richer, 2003). Le nombre de rencontres et leur fréquence peuvent influencer
l’utilité de tels conseils.
• Les conseils de famille
Dans le cas des entreprises familiales, il est souvent recommandé d’avoir un
Conseil de famille (St-Cyr et Richer, 2003). Les rencontres permettent une discussion
entre les membres de la famille et les membres du Conseil de famille. Une charte familiale
permet de préciser les règles qui seront utilisées lors des prises de décisions.

• Les régimes de rémunération


L’objectif des régimes de rémunération est d’établir une rémunération juste et
intéressante pour garder les bons gestionnaires dans la société, tout en les motivant à
prendre des décisions favorisant la création de valeur aux actionnaires. Dans les régimes
de rémunération, trois modes de rémunérations sont utilisés pour solutionner les différents
problèmes d’agence existant entre les gestionnaires et les actionnaires. Ces trois modes de
rémunération sont constitués de bonis à la performance, d’actions de la société ainsi que
d’options d’achat d’actions. Dans les sociétés ouvertes, chacun de ces modes de
rémunération est utilisé pour solutionner un problème d’agence particulier.
Étant donné que le niveau d’asymétrie informationnelle est généralement
négligeable au sein des PME, les contrats de rémunération ne tiennent pas compte des
risques associés aux conflits d’agence. Les régimes de rémunération peuvent être élaborés
pour récompenser les efforts observables des gestionnaires. De plus, l’octroi d’actions ou
d’options d’achat d’actions pourraient solidifier le sentiment d’appartenance des
gestionnaires et orienter davantage leurs efforts vers la création de valeur des entreprises.

• Les systèmes de gestion


Les systèmes de gestion permettent de mieux gérer l’entreprise. Dans ce groupe de
mécanismes, l’on retrouve les systèmes comptables, les états financiers, les budgets, le
plan stratégique, la vision et la mission, les politiques et directives, les contrôles internes,
les règles et procédures, les systèmes de gestion des risques, la résolution de conflits, la
gestion de crise, le plan de continuité, les assurances (Pesqueux, 2005). Ces mécanismes
sont présents dans l’ensemble des entreprises. Une différence réside parfois dans la
présence ou l’absence de certains mécanismes dans les PME. Selon le type de PME et
souvent la taille des PME, les systèmes de gestion varieront. Par exemple, les très petites
entreprises auront des systèmes comptables bien moins développés que les moyennes
entreprises, bien qu’elles se situent toutes les deux dans le groupe des PME.

• La structure de propriété :
La concentration de propriété est considérée comme un mécanisme de
gouvernance interne dans la littérature en gouvernance. La structure de propriété, qu’elle
soit détenue ou non par la famille, joue un rôle dans la gouvernance. L’existence de
convention entre actionnaires est particulièrement importante dans les PME. Un plan de
succession permet de voir comment la transmission d’entreprise et la succession aura lieu
(Cadieux et Lorrain, 2003). Son importance dépend du moment anticipé pour le transfert
de l’entreprise116.

c. Vers une autre Typologie des mécanismes de gouvernance :

A côté des critères d'internalité et d'externalité préconisés par la théorie de


l'agence, la théorie des coûts de transaction introduit un autre critère, l'intentionnalité du
mécanisme, distinguant les mécanismes spontanés, des mécanismes intentionnels.

• Premier critère : Internalité ou spécificité du mécanisme :

116
Brouard F., DI Vito J., « Identification des mécanismes de gouvernance applicable aux PME », Communication
présentée lors du CIFEPME 2008 9e Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME Louvain-la-Neuve,
Belgique, 28-31 octobre 2008.
Charreaux remet en cause la typologie de la théorie de l'agence117. Il essaya de
clarifier la notion d'internalité qui se définit par rapport au pouvoir hiérarchique du
dirigeant qui fixe les frontières de la firme. Par conséquent la notion spécificité est
substituée à celle d'internalité. Est considéré comme spécifique, tout mécanisme propre à
l'entreprise délimitant le pouvoir discrétionnaire des dirigeants, dans le sens où son action
influence exclusivement les décisions des dirigeants de cette entreprise.

• Deuxième critère : Intentionnalité du mécanisme

Avec une préoccupation différente, Williamson118 propose une typologie des


structures de gouvernance en opposant les mécanismes spontanés liés au marché, aux
mécanismes intentionnels associés à la hiérarchie. Les mécanismes spontanés et
intentionnels sont indissociables. Les mécanismes spontanés jouent à l'intérieur de
l'espace discrétionnaire laissé par les mécanismes intentionnels. Inversement certains
mécanismes intentionnels sont issus, après formalisation, des mécanismes spontanés.

Tableau N° 7 :

Mécanismes de gouvernance Suivant la spécificité et l'intentionnalité119

Mécanismes spécifiques Mécanismes non spécifiques


- Contrôle direct des actionnaires (assemblée) - Environnement légal et réglementaire
- Conseil d'administration - Syndicats nationaux
Mécanismes - Système de rémunération et d'incitation - Auditeurs légaux
Intentionnels - Auditeurs internes - Associations de consommateurs
- Comité d'entreprise
- Syndicat « maison »
Mécanismes -Réseaux de confiance informels - Marché de biens et de services
Spontanés -Surveillance mutuelle des dirigeants - Marché financier (dont prises de
-Culture d'entreprise contrôle)
- Réputation auprès des salariés (respect des - Marché du travail
engagements) - Intermédiation financière

117
Charreaux G., « Le gouvernement des entreprises, Corporate Governance, Théories et faits »,Economica, Paris ,
1997
118
Williamson O.E., « Comparative Economic Organization, The Analysis of discrete structural alternatives »,
Administrative Science Quarterly, N°36, 1991, p.269-296.
119
Op.cit
- Crédit interentreprises
- Environnement sociétal

Section III- Les pratiques internationales de la gouvernance d’entreprise

Le développement du thème du gouvernement d’entreprise n’est ni un effet de


mode, ni le résultat du hasard, mais est totalement lié à l’évolution du capitalisme
occidental où le marché et donc l’actionnaire se sont progressivement placés au centre du
dispositif du financement de l’économie. D’économie administrée ou de reconstruction.
On est passé, depuis dix ans, à une véritable économie de marché au sens néoclassique du
terme.

Face à cette évolution de fond, l’attitude des directions générales des entreprises,
quels que soient les pays, a d’abord été plus défensive que témoignant d’une réelle
adhésion. La mise en place des recommandations des différents rapports sur le
gouvernement d’entreprise, n’est pas suffisante, et qu’elle doit être complétée par une
observation des comportements réels au sein du conseil et une prise en compte des
différences culturelles entre les pays120.

L’étude de différents systèmes nationaux de gouvernement révèle, d’une part, des


différences significatives et, d’autre part, des évolutions qui se font sous l’effet de la
globalisation des marchés ou des volontés des hommes politiques. La performance
économique nationale dépend vraisemblablement de la forme du système de gouvernement
et de sa capacité à assurer les tâches de prévention-rôle préventif- et de résolution des
crises-rôle curatif.

120
Bertard R., Meillet.D., « la dynamique du gouvernement d’entreprise », Organisation, 2003, p.35.
La plupart des études opposent les systèmes Anglo-saxons (Etats-Unis et Grande-
Bretagne) aux systèmes allemand et japonais, les systèmes latins- en particulier le système
français- constituant une forme hybride. La logique qui permet de distinguer ces deux

I- Le modèle anglo-saxon ou le système marché :

C’est un modèle américain, regroupe aussi le Canada et le Royaume-Uni. Il est


fondé sur le rôle central du marché financier comme pourvoyeur de capitaux à l’économie
et comme régulateur de celle-ci.

C’est un Système de gouvernance moniste, où le rôle primordial est attribué à


l’actionnaire, le critère de décision théorique est la satisfaction de ce dernier en termes de
création de valeur ou de politique de dividendes.

Tableau N° 5 : Le modèle Anglo-Saxon

(Système orienté vers le marché)

Le système de gouvernance est dit marché si le contrôle et la régulation s'opèrent à travers


Définition le marché financier par le biais des prises de contrôle c'est à dire les OPA et par le marché
du travail ou des dirigeants.
Contexte : après la crise de 1929, un ensemble de mesures fédérales a été adopté en vue de
limiter le champ d'activité et la puissance des institutions financières. Le système en
vigueur préalablement avait des traits en commun avec le système orienté banque. Suite à la
crise, les banques ont été partiellement tenues pour responsables.
Cadre légal : le Glass Steagall Act de 1933 puis le Bank Holding Company Act de 1956 ont
formellement interdit aux banques opérant aux Etats-Unis d'avoir des activités sur les
Déterminants marchés financiers et d'opérer dans le secteur de l'assurance. Ces lois ont contraint le
du modèle développement des banques en séparant les fonctions de banque commerciale et banque
d'investissement et leur interdisant de participer au capital des entreprises.
Ethique : l'éthique américaine se résume dans la trilogie : Mérite - Effort - Résultat. De
surcroît, des valeurs comme la liberté sont consacrées aux Etats-Unis, d'où l'importance
accordée au marché comme lieu de confrontation de l'offre et de la demande, respectant
l'autonomie des consommateurs, reflétant la fonction de préférence des agents économiques
et déterminant l'allocation des ressources.
- La participation des banques ne peut dépasser 5% du capital d'une même firme.
- La dispersion de la propriété du capital (Glass steagall Act 1933).
- L'absence de participations croisées. (La loi antitrust et le droit fiscal)
Structure du
Des limitations de même nature ont été imposées aux investisseurs institutionnels (Fonds de
Capital
pension, assurances). Au total les conditions d'une forte atomisation de l'actionnariat se
trouvent réunies : des banques de petite taille locales et très spécialisées, des investisseurs
institutionnels discrets et passifs, des participations croisées inexistantes.
Contrôle externe : L'OPA, principal instrument de contrôle externe. La dispersion et la
liquidité du droit de propriété, d'information sur les firmes et de financement de leurs
investissements, propres aux marchés anglo-saxons expliquent la puissance du contrôle
externe dont la plus caractéristique est l'OPA. Le rachat ou sa menace exerce alors une
fonction de contestation de la gestion pouvant aller jusqu'au remplacement de la direction.
Contrôle interne : le conseil d'administration est souvent acquis aux managers. Il est à
Modalités du noter le fait que beaucoup d'administrateurs sont des salariés de l'entreprise proches des
Contrôle managers et ayant un intérêt direct au maintien de la direction en place. Les autres
administrateurs externes à l'entreprise sont eux aussi nommés par le CEO, moins pour leur
compétence que pour leur fidélité. Enfin le président du conseil est la plus part du temps le
directeur général de la firme, il est donc difficile d'obtenir du conseil une sanction des
dirigeants dont les performances seraient jugées insuffisantes.
Mais il est à noter que certains investisseurs institutionnels n'hésitent pas à intervenir dans
la gestion de la firme dont ils possèdent des participations significatives.
- De nombreuses sociétés cotées.
- Un actionnariat important et éclaté.
- Des marchés de capitaux développés et liquides.
- Des règles comptables strictes découlant de la nécessité de transparence de la part des
Caractéristique sociétés.
s - Peu de participations croisées entre les entreprises non financières et entre banques et
entreprises non financières.
- Une faible implication des institutions financières dans le gouvernement d'entreprise.
- Menace permanente pour les dirigeants.
- Allocation efficace des ressources.
Avantages
- Respect de l'autonomie des agents économiques.
- Rôle curatif.
- Privilégier le court terme.
- Place centrale de l'information.
- Inciter les dirigeants à mettre en place des stratégies de fusion - acquisition pour
Inconvénients
s'enraciner.
- Coût de contrôle et de surveillance.
- Risque de non respect de la liberté des agents par l'intrusion de l'Etat sur le marché
II- Le modèle Germano-Nippon ou le système réseau :

C’est un système de gouvernance dualiste, de point de vue et représenté


principalement par l'Allemagne et le japon. La reconstruction de ces deux pays vaincu de
la dernière guerre mondiale s’est faite sur un modèle sociale particulier, associant
capitalistes et salariés dans un système de cogestion en Allemand et d’unité nationale au
Japon, le tout renforcé par un système de protection des entreprises et de financement de
celles-ci, impliquant de nombreux croissements de participation. Une culture nationale
forte et un mix de solidarité et de rapports de forces sociaux ont induit des systèmes de
gouvernement d’entreprise assez spécifiques et très autonome par rapport à ceux des
autres pays.

Tableau N° 6 : Le modèle Germano-Nippon

(Système réseau)

Définition Le système de gouvernance est dit réseau si le contrôle est assuré par une banque qui est à
la fois créancière et actionnaire principale de l'entreprise et aussi par les partenaires de la
firme (réseau de participations croisée et les salariés ou le facteur travail).
Allemagne Japon
Déterminants Contexte : le modèle allemand de la Contexte : au Japon, pays dévasté par la
du modèle banque universelle plonge ses racines dans deuxième guerre mondiale, les entreprises
une lointaine tradition repérable au Moyen n'étaient pas en mesure de fournir aux
Age dans le modèle fameux de la ghildes. éventuels prêteurs les informations
La seconde guerre mondiale a rendu le permettant l'évaluation de la qualité de
recours à l'intermédiation bancaire plus l'émetteur. l'absence d'un système
approprié que le recours aux marchés d'information performant a écarté le
financiers. financement par le marché au profit de
l'endettement.
Cadre légal : l'Allemagne est un des rares
pays où les banques universelles ne sont Cadre légal : le marché obligataire n'était
guerre limitées hormis le respect des ouvert qu'aux grandes firmes nationales.
règles prudentielles guère contraignantes.
Ethique : l'éthique allemande se résume
dans la trilogie discipline - mérite - Ethique : l'éthique japonaise se résume dans
Comportement en vue d'atteindre une la trilogie consensus - transparence -
finalité. implication.
Structure du Le modèle allemand se caractérise par un Au Japon, les participations croisées entre
Capital grand nombre de participations croisées firmes sont très développées. Selon
entre firmes. Le capital y est également P.Sheard122, prés des 2/3 des actions des
beaucoup plus concentré121. sociétés industrielles du pays sont possédées
cinq principaux actionnaires détiennent par d'autres firmes ayant des liens plus moins
plus de 40% du capital des firmes en directes avec elles (Clients, créanciers,
Allemagne. fournisseurs...). Le système japonais se
caractérise aussi par une forte présence des
banques dans le capital des firmes.
Dualité du pouvoir entre le conseil des Concentration du pouvoir entre les mains du
managers (Vorstand) qui gère le jour au chef d'entreprise.
jour l'entreprise, et le conseil de Le poste de président du conseil est un poste
surveillance (Aufsichrat) qui contrôle le honorifique constituant la dernière étape
premier notamment en nommant les avant la mise en retraite définitive de l'ancien
membres. Le conseil de surveillance directeur général. Le conseil d'administration
Mode d'exercice composé de représentants des actionnaires japonais ne comprend quasiment jamais
du pouvoir (dont les banques) et des salariés ne d'administrateurs externes, et le nombre
comporte aucun membre désigné par les d'administrateurs y est très important (50
managers tandis que le président du membres en moyenne).
conseil de surveillance n'est jamais le
manager.
Modalités du Contrôle externe : les banques en qualité d'actionnaires majoritaires et de première source
Contrôle de financement externe, sont doublement incitées à surveiller et à influencer la gestion des
firmes indirectement, si les performances sont insuffisantes, ce ne sont pas les marchés
financiers qui sanctionneront les managers mais les pressions des banques. Celles ci
sanctionnent les dirigeants au niveau de la rémunération.
Contrôle interne : face à la faiblesse des conseils d'administration anglo-saxons, les
conseils allemands font parfois figure de modèles: gestion bicéphale, dualité entre conseil
des managers ou directoire et conseil de surveillance qui contrôle le premier.
Directoire : Composé pour moitié de représentants du personnel
Conseil de surveillance : représentants de la banque.

121
Prowse S., « Corporate Governance : Comparaison Internationale », Revue d'Economie Financière, Hiver 1994,
p.119-158.

122
Sheard P., « Reciprocal Delegated Monitoring in the Japanese Main Bank System », Journal of the Japanese
International Economies,1994.
Avantages - Importance accordée au facteur travail et représentation des principaux stakeholders.
- Possibilité d'arriver au consensus.
- Rôle préventif.
Inconvénients - Privilégier le long terme.
- Rigidité.
- Enracinement des dirigeants.
Caractéristiques - Un faible nombre de sociétés cotées, actionnariat concentré.
- Des marchés de capitaux peu liquides, donc peu propices aux offres publiques.
- Une latitude quant à la présentation des états financiers grâce à des règles comptables
moins contraignantes.
- Des participations croisées entre entreprises non financières et des liens capitalistiques
importants entre banques et entreprises non financières.
- Une représentation plus large des intérêts des stakeholders.
- Une forte implication des banques dans la gouvernance des entreprises.

III- Le modèle Français ou le système Hybride :

Entre les systèmes marchés et les systèmes réseaux, il existe des systèmes de
gouvernance hybrides ou médians (Système de gouvernance dualiste ou moniste). Il
s'agit du cas italien et français. Dans ce modèle, la culture étatique prônant le rôle
supérieur de redistributeur et de régulateur de l’Etat joue ou à joué un rôle fondamentale
dans l’organisation économique et dans le mode de gouvernement d’entreprise.

Tableau N° 7 : Le Modèle Français

(Système hybride)

Définition Le système de gouvernance est dit hybride si le contrôle s'opère à la fois par le biais du
marché et des institutions financières.
Déterminants Contexte : l'Etat a longtemps dominé l'économie française à travers des participations au
du modèle capital dans de nombreuses sociétés de référence après plusieurs vagues de
nationalisation. Grâce à l'encadrement du crédit et à la détention du capital des principales
banques, l'Etat a conditionné l'évolution du système de gouvernance français en
développant les marchés financiers domestiques, en se désengageant du capital des
sociétés nationalisées les plus performantes et en introduisant le modèle allemand de la
Hausbank (banque principale).
Cadre Légal : aucune limite réglementaire, qu'elle soit supérieure ou inférieure, n'a été
imposée aux banques pour limiter leur participation au capital des sociétés non
financières.
La loi du 24 Juillet 1966, donne la liberté aux entreprises de choisir entre deux structures
de
gouvernance distinctes : le conseil d'administration ou le conseil de surveillance associé à
un
directoire.
Ethique : l'éthique française se résume dans la trilogie suivante : Honneur - logique
légaliste
- cartésianisme.
Structure du - Malgré l'absence de contraintes légales, la participation des banques ne dépasse pas en
capital moyenne la limite de 5%.
- Les maisons de titres détiennent 38% du capital des sociétés françaises.
- Les entreprises non financières françaises contrôlent 57% des actions en circulation.
Cette situation révèle l'existence de participations croisées et circulaires entre sociétés,
qui sont guidées par une logique plus financière que commerciale ou stratégique, comme
c'est le cas au Japon. Les sociétés françaises sont moins dépendantes des banques à cause
de l'importance du crédit interentreprises.
La France est aussi caractérisée par une concentration relativement importante de
l'actionnariat.
Mode Possédant la liberté de choisir entre le conseil d'administration et le conseil de
d'exercice du surveillance associé à un directoire, la majorité des sociétés françaises disposent d'un
pouvoir conseil d'administration. Le conseil d'administration est composé par les actionnaires et
les représentants des salariés.
Modalités du Contrôle externe : contrôle par le marché financier par le biais des prises de
contrôle participation et de contrôle. Contrôle par participations croisées (crédit interentreprises), à
travers la structure actionnariale des firmes marquées par la présence d'institutions
financières et non financières.
Contrôle Interne : Selon la formule choisie, le contrôle interne s'opère par le biais du
conseil d'administration ou du conseil de surveillance associé à un directoire

You might also like