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Ils défient
la crise
© FOTOLIA
p.4 David Kimelfeld et Xavier Kergall p.6 Bernard Brunhes p.14 Secteurs porteurs p.18 Entreprises culturelles p.24 Economie sociale et solidaire
Sommaire p.28 Intégration p.32 Souffrance au travail p.38 Entreprises d’ailleurs p.40 « Fils et filles de »
« En France le déficit
managérial a contaminé
l’entrepreneuriat »
cteurs de l’économie. L’inflation du Que manque-t-il encore particulièrement à
Hier l’un des experts français du
management, aujourd’hui
président de France Initiative :
Bernard Brunhes conjugue ses
A nombre de créations d’entreprise
malgré la crise pourrait en
témoigner: au-delà du controversé statut
cette France entrepreneuriale?
En matière de création d’entreprise, la dyna-
mique est appelée à se développer. Ceci en
d’autoentrepreneur qui enfle artificiellement dépit de deux restrictions fortement pénali-
deux expériences pour établir une les statistiques, la France serait-elle enfin santes: l’insuffisance des moyens de fonction-
photographie des progrès mais devenue une terre entrepreneuriale? nement dont disposent les structures d’ac-
surtout des carences de Bernard Brunhes. La situation a fortement compagnement, et l’excès de bureaucratie de
l’entrepreneuriat français. Une progressé, même si, effectivement, les chiff- l’administration française. Mais le domaine
res sont dopés par le statut d’autoentrepre- dans lequel la France entrepreneuriale souff-
administration rongée par la neur qui demeure une forme particulière re le plus, c’est le passage de la petite entrepri-
bureaucratie et le jacobinisme, des de l’entrepreneuriat – générant plus sou- se à l’entreprise moyenne.
organisations chargées d’extirper vent un complément de revenu chez les
les créateurs de leur solitude retraités, les mères de famille, ou les chô- Est-ce un mal typiquement français?
insuffisamment reconnues par les meurs, qu’une véritable activité pérenne et La France est à l’aune des pays méditerranéens.
ambitieuse –. Alors Premier Ministre, Mais c’est au modèle allemand que l’on se
pouvoirs publics, de lourds et Raymond Barre exhortait les demandeurs réfère, où prospère un important tissu de
séculaires fardeaux culturels dans d’emploi à créer leur entreprise. Ce dis- moyennes entreprises qui ont atteint des
certains secteurs (services à la cours suscita en son temps railleries et niveaux de développement assez élevés. Dans
personne), un rapport délétère à rejets. Ce ne serait plus le cas trente ans plus l’Hexagone, il manque certes des outils, mais
l’échec, une conjoncture de crise tard. Aujourd’hui, toute nouvelle poussée surtout un esprit et une culture appropriés.
qui exclut les plus fragiles... Mais du chômage s’accompagne mécanique- Nombre d’artisans ou de patrons de TPE ter-
ment d’un bondissement du nombre de giversent au seuil d’une transformation
surtout, chez les patrons de TPE, créateurs d’entreprise. Le phénomène majeure dans leur trajectoire d’entrepreneurs
une peur, un désintérêt ou un concerne même les jeunes diplômés des et dans le développement de leur société: pas-
désamour pour le management grandes écoles, de commerce ou d’ingé- ser de la production au management.
– et ce qu’il colporte de nieurs, qui peuvent s’appuyer sur des Plombier, électricien, serrurier, maçon, petit
contraintes – qui les décourage dispositifs d’accompagnement perfor- patron… tous ont créé leur enseigne en exer-
de franchir les caps du mants (enseignants spécialisés, incuba- çant eux-mêmes le métier. Ce qu’ils aiment,
teurs…). Pour autant, il faut demeurer c’est produire et fabriquer, être sur le terrain,
développement. lucide. C’est pourquoi des structures en prise directe avec le client. Or passer au
comme France Initiative sont indispensa- stade du développement, c’est recruter, mana-
Denis LAFAY bles, qui fournissent appuis financier, tech- ger,être le « patron » des autres,et donc ne plus
nique, juridique, administratif. Et réseaux – se consacrer pleinement à son métier. Cela, ils
comprendre et pénétrer les lieux décision- ne sont pas souvent prêts à l’assumer. D’autant
nels, les associations et la communauté des moins qu’une telle progression professionnelle
entreprises du territoire où l’on se lance est signifie un saut dans « l’inconnu du manage-
capital –. Ainsi, 87 % des entreprises créées ment » quand jusqu’alors ils étaient dans la
par l’intermédiaire de France Initiative sont maîtrise de leur savoir-faire. Bref, « j’aime
en vie trois ans après leur naissance. beaucoup produire, je n’aime pas manager ».
« L’entrepreneur est dans une aventure individuelle – il est seul dans son risque, ses insomnies,
inscrit dans des réseaux. Cette réalité collective est d’autant plus nécessaire que la solidarité
d’accompagnement : famille, entreprise,
ses angoisses, son échec, ses dettes – mais il a un besoin essentiel d’être appuyé, conseillé,
et l’appartenance à la société sont fragilisées par le délitement des structures traditionnelles
syndicats, communautés de voisinage »
L’entrepreneur est dans une aventure indivi- évolution qui s’est produite chez tous nos voi-
duelle – il est seul dans son risque, dans ses sins à des rythmes peut-être plus raisonna-
insomnies, dans ses angoisses, dans son bles et adaptés.
échec, dans ses dettes – mais il a un besoin
essentiel d’être appuyé, conseillé, d’être inscrit L’efficacité de la politique en matière de
dans un ou des réseaux. Cette réalité collecti- « « J’AIME BEAUCOUP PRODUIRE, création d’entreprise implique une subtile
ve, qui s’exprime par exemple dans des clubs JE N’AIME PAS MANAGER ».VOILÀ articulation des dispositifs nationaux
L’ÉTAT D’ESPRIT QUI DOMINE et locaux. La manière dont aujourd’hui
de créateurs, est d’autant plus nécessaire que CHEZ LES ARTISANS ET PATRONS
la solidarité et l’appartenance à la société sont DE TPE. ET QUI ENTRAVE LE les compétences sont réparties, et
fragilisées par le délitement des structures tra- PASSAGE DE LA PETITE À LA l’architecture administrative française, la
ditionnelles d’accompagnement: famille, MOYENNE ENTREPRISE ». favorisent-elles?
entreprise, syndicats, communautés de voisi- L’ensemble du monde associatif partage le
nage… Il faut tout faire pour que les entre- même constat: l’administration jacobine
preneurs puissent bénéficier de l’appartenan- ou de Gauche, elles témoignent d’une même française ne parvient pas à comprendre et à
“
ce à une communauté et à des réseaux. Pour
cette raison, la vision libérale, trop courte,
d’un esprit d’entreprendre qui ne serait
dynamique de considération, de coopération,
d’investissement en faveur de l’entrepreneu-
riat. Les Régions, presque exclusivement à
Gauche depuis 2004, font preuve, dans le
cadre de l’extension de leurs compétences,
accepter qu’une organisation puisse fonc-
tionner de manières à la fois très décentralisée
et très contrôlée. A ses yeux, ces deux caracté-
ristiques ne sont pas conciliables. France
Initiative a mis en place une norme de quali-
“
d’un engagement et d’initiatives sans précé- té Afnor, à laquelle les 245 plateformes qui
Le discours libéral des dent. En ma qualité de Président de France constituent le mouvement sont tenues de se
Initiative, je ne vois vraiment aucune diffé- conformer, (ce qui est vérifié par des audits
gouvernements de rence, au niveau local, entre les élus de Droite réguliers); notre comité éthique est vigilant,
Droite a fini par agir et de Gauche, face au problème de la création la Caisse des dépôts ou le Fonds social euro-
ou de la reprise d’entreprise. Au niveau natio- péen contrôlent notre activité… Lors du lan-
cement du dispositif NACRE de prêts aux
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chômeurs créateurs d’entreprise financés par pourvus d’un potentiel de développement. de sa tâche. On a abandonné ce taylorisme.
l’Etat, l’administration n’a pas accepté de En caricaturant quelque peu, on pourrait dire Les spécialistes américains du management
négocier directement avec la tête de réseau que l’Adie est très « sociale », France Initiative ont alors initié un nouveau paradigme: le col-
pour homologuer et conventionner des pla- très « économie territoriale » – nos finance- laborateur doit atteindre l’objectif que sa hié-
teformes d’initiatives locales et a préféré des ments émanent pour moitié des collectivités rarchie lui fixe, en le laissant libre de ses
examens plateforme par plateforme. J’y ai vu locales… –. Sur le terrain, nos structures s’en- moyens. Au début, cette idée est apparue ver-
un manque de confiance bien caractéristique tendent plutôt bien, et même sur certains tueuse au plan humain. Elle signifiait en effet
de la bureaucratie française. dossiers coopèrent. Quant à nos grands par- que les gens ne sont plus des automates, qu’ils
tenaires communs – Caisse des dépôts, disposent d’une capacité d’autonomie, de
La France s’est fait une spécialité d’empiler CCI… –, ils savent parfaitement distinguer responsabilité d’innovation, et peuvent s’em-
les dispositifs d’accompagnement et d’aide. nos champs de compétences et besoins parer des nouveaux vecteurs de communica-
L’action entrepreneuriale n’y échappe pas. respectifs, et ainsi orienter les publics selon tions pour compléter le seul qui prévalait jus-
Dans le seul domaine du microcrédit, leurs singularités. qu’alors: celui, vertical, du supérieur hiérar-
France Initiative et l’Adie ne se chique, seul détenteur de l’information et des
neutralisent-elles pas? Trop d’offres ne Les deux tiers des « créateurs » ou connaissances qu’il transmettait selon son
tue-t-il pas l’offre? « repreneurs » accompagnés par France bon vouloir. Malheureusement, avec le recul,
Certes, il peut arriver que leurs compétences Initiative sont chômeurs. Ils incarnent cette il s’avère que ce système de management par
se chevauchent, mais c’est rare: les quatre action entrepreneuriale « faute de mieux », objectifs ne fonctionne pas. En cause?
principaux réseaux – Adie, France Initiative, « subie », décrite par ailleurs dans les D’abord la riposte traditionnelle lorsque l’en-
Réseau entreprendre, France active – répon- travaux de l’économiste Esther Duflo treprise traverse une mauvaise passe ou
dent à des besoins ou emploient des disposi- (Lutter contre la pauvreté, tomes 1 et 2, affronte une conjoncture délicate: à son som-
tifs différents. L’Adie s’adresse à des publics en éditions du Seuil). L’entrepreneur « forcé » met les objectifs fixés sont resserrés puis
grande difficulté, auxquels elle octroie des ou « par dépit » peut-il bien inscrire son déclinés vers le bas jusqu’à placer les salariés
prêts à taux d’intérêt élevés et conditionnés à engagement dans la durée? face à des enjeux impossibles à accomplir.
des garanties personnelles. Des publics qui Les chômeurs décident rarement d’entrepren- D’autre part, la multiplication des lieux déci-
ainsi vont pouvoir créer une activité et comp- dre par dépit. Certes, la plupart ont perdu leur sionnels, des « équipes projet », des outils de
ter sur l’Adie comme une banque spécialisée. emploi salarié et la création d’entreprise n’est communication, des interventions souvent
Des projets qui, sauf exceptions, resteront de pas leur premier choix. Certains nourrissaient contradictoires et dont la transversalité, l’en-
très petites entreprises. L’action de France déjà un rêve, un projet; mais pour la plupart, trecoupement, la juxtaposition sèment d’em-
Initiative est différente et complémentaire. nécessité fait loi. Finalement, l’expérience de bûches le chemin à parcourir pour atteindre
Les entrepreneurs que nous accompagnons notre réseau et de nos comités d’attribution l’objectif. Dans ces conditions de tension et
sont « bancables », mais il est difficile au ban- est très positive; une fois le pas franchi, c’est d’inquiétudes d’autant plus élevées qu’elles
quier de prêter à des créateurs qui n’ont ni une autre vie qui se dessine: indépendance, poussent sur un terreau de grande flexibilité,
passé dans le métier de chef d’entreprise (les challenge, « envie d’avoir envie » plutôt qu’o- la perception du risque et de la vulnérabilité
deux tiers de nos créateurs sont des chô- béissance à des règles et à un patron, fierté qui personnels devient envahissante, produit
meurs), ni garantie à offrir, ni « business contrebalance largement les difficultés du stress et fragilité, et in fine révèle l’inconsé-
plan » construit. Nous leur mettons le « pied créateur et ses nuits blanches. quence du système. Le salarié, au lieu d’une
à l’étrier », en leur accordant des prêts gratuits perspective dessinée de parcours profession-
nel et d’évolution de sa rémunération, se
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sans demande de garantie, et pour des projets A l’aune de cette génération de quadragénaires
“
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trébuche, l’échec personnel n’est pas indépas- que celui de l’intégration salariale
Je réfute totalement sable; c’est un accident de la vie, dont il se traditionnelle?
l’idée selon laquelle remettra. Chez nous, l’échec est vécu comme Les femmes ne le sont pas en matière de créa-
un drame, et il est difficile de rebondir. tion d’activité. Un tiers des créateurs aidés par
chacun porterait en lui France Initiative sont des créatrices. Une pro-
les ressorts de La crise met définitivement sur le bord portion en trop légère augmentation. Les dis-
de la route les publics les plus fragiles. Pour criminations d’ordre ethnique existent évi-
l’entrepreneuriat certains, entreprendre constitue l’ultime demment, Mais ce sont moins des discrimi-
opportunité de rebondir et d’exister nations que des difficultés de créer sa société
professionnellement, socialement. Est-ce le sans s’appuyer sur la communauté à laquelle
résultat d’une faillite de la société et de appartient le porteur de projet. Le rôle du
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trouve face à une grande insécurité, à une l’Etat? réseau local est là encore essentiel. C’est en
dépendance à l’égard de dirigeants qui enten- Des gens sont tombés qui ne se relèveront liaison avec sa communauté que le créateur
dent lier son évolution de carrière et de rému- pas: c’est le problème que pose une crise trouvera son efficacité.
nération – voire même son emploi – à la réali- comme celle que nous venons de vivre, que
sation des objectifs qui lui sont assignés. Tant nous continuons à vivre. Même si les chiffres L’état des discriminations en France
pis pour les traites de la maison acquise à cré- du chômage finissent par reculer, ce n’est forme-t-il l’une des motivations premières
dit, tant pis pour la famille. La carrière autre- de cette typologie d’entrepreneurs?
fois était dessinée, sans surprise, inscrite dans Non. Mais au sein de France Initiative, nous
les conventions collectives. C’était le passé. nous efforçons de développer les créations
Aujourd’hui, rien n’est certain. Et les objectifs d’entreprise dans les banlieues difficiles des
que l’on vous impose ou les mobilités inévita- grandes agglomérations. En responsabilisant
bles constituent des épées de Damoclès. Gérer ainsi, avec l’aide de gens qui leur sont pro-
cette nouvelle situation, les managers d’au- ches, des hommes et des femmes d’origine
jourd’hui n’y sont guère préparés. étrangère qui ne demandent que cela, je crois
que nous contribuons à l’équilibre social de
Les mêmes travaux d’Esther Duflo révèlent ces quartiers.
que les entrepreneurs rêvent massivement,
pour leurs enfants, d’emplois stables, La naissance en 2009 de Fluvial Initiative -
salariés, fonctionnaires. Ils rappellent création d’entreprises de batellerie -, en
également que tout le monde n’est pas application d’une directive du Grenelle de
programmé pour être entrepreneur. l’environnement, illustre les nouveaux
© N. MARQUES/KR IMAGES PRESSE
Et le business
de demain sera…
S
Internet, green business, tatistiques et études à l’ap- secteur médical. Les services sur-
low cost… Quel chef pui, les spécialistes de l’en- fent pour beaucoup sur le vieillis-
d’entreprise ou porteur treprise s’accordent pour sement de la population et sur le
mettre en avant trois ou quatre pouvoir d’achat des seniors, et ont
de projet n’a pas rêvé de secteurs d’activité considérés à appris à se structurer, analyse
connaître les business de fort potentiel: les services, les Jean-Louis Brunet, membre du
demain ? Les participants biotechnologies, les NTIC, et le réseau Croissance Plus et prési-
du Grand débat du Salon plus jeune d’entre eux, le green dent de Grenoble Angels. Quant
des entrepreneurs de business. Au-delà de cet inven- au green business qui a émergé
taire, l’avocat lyonnais Jean- depuis trois à quatre ans, il serait
Lyon (24 juin) traiteront Charles Simon, fondateur du faux de penser que son développe-
les secteurs appelés au cabinet éponyme, relève quel- ment va se faire sous la contrainte
succès. Et égrèneront ques dénominateurs plus ou de la législation, car les obligations
quelques-uns des moins communs, « qui sont sans réglementaires n’ont jamais été
nombreux ingrédients doute la clé de la réussite de un vecteur de développement éco-
qui font naître l’alchimie. demain ». Et de citer plusieurs nomique. L’essentiel de la problé-
pistes: penser le business diffé- matique de ce nouveau secteur est
remment de manière plus parti- de parvenir à prouver sa capacité
Françoise SIGOT cipative avec les clients, aller là à développer des solutions énergé-
où sont ces derniers, c’est-à-dire tiques nouvelles et surtout à faire
de plus en plus dans les villes, en aussi bien en consommant beau-
élargissant l’horizon des frontiè- coup moins, note celui qui est par
res, vendre différemment (lieux ailleurs fondateur de H3C
ou méthodes insolites par exem- Energie, un bureau d’études spé-
ple), s’adresser à une population cialiste des bilans énergétiques,
de clients qui se croisent et dont de l’aide à la conception de bâti-
les milieux sont divers, penser ments performants et de la ges-
vert (énergie renouvelable, pro- tion des achats d’énergies. Au
duction bio, etc..), développer final, on se rend compte que ces
des activités qui permettent de secteurs porteurs sont intimement
garder le contact avec le client et liés. Les biotechs se développent
de l’informer (base données, désormais de plus en plus souvent
alertes mails,…), réfléchir et avec les nanotechnologies. Dans
penser « marque repère » du un autre domaine, on parle désor-
consommateur, et enfin éviter le mais de green data centers qui ne
superflu et regarder le juste prix. seront rien d’autre que des centres mer, de produire, de se soigner et
Des pistes adaptables à chacun serveurs du futur pour le web, même d’entreprendre, sont l’un
LES IDÉES QUI des domaines dits d’« avenir » énergétiquement bien plus perfor- de ces créneaux porteurs. Les ser-
CARTONNENT qui devraient faire les beaux
jours des entrepreneurs de
mants que leurs aînés ».
Et la crise n’a pas véritablement
vices à la personne, ceux qui
créent du lien et qui permettent de
« Internet, green business, demain. Domaines qui, s’ils ont bouleversé ces « tendances ». se retrouver, ainsi que les techno-
low cost… Les idées qui pour caractéristique commune « Celles-ci se maintiennent depuis logies sans cesse renouvelées,
cartonnent! ». Tel est l’inti- d’être porteurs, n’en sont pas quelques années déjà, et se confir- notamment le e-commerce et les
tulé du Grand débat du moins aussi très différents quant ment depuis ces six derniers mois, services innovants, arrivent aussi
Salon des entrepreneurs, à leur histoire. assure Élisabeth Vinay, respon- en tête des projets annonciateurs
qui aura lieu le jeudi 24 juin sable des fiches professionnelles d’une entreprise ». Ainsi, l’analy-
à 15h30 au Palais des Green data centers à l’APCE (Agence pour la créa- se de l’activité des entreprises
Congrès de Lyon. « Les nouvelles technologies sont tion d’entreprises). L’écologie, créées en 2008 au regard des
Renseignements finalement une histoire ancienne l’éco rénovation, les énergies chiffres publiés par l’INSEE
et inscriptions: qui se réinvente à travers de nou- renouvelables, plus généralement montre que les services se
www.salondesentrepreneurs.com velles applications. Les biotechs le développement durable, soit taillent la part du lion. Les servi-
donnent un nouveau souffle au une nouvelle façon de consom- ces aux entreprises (+ 6 % en
INTERNET,
ne fera jamais une réussite d’en- LES PROJETS SONT
Lancé en juin 2009, le site « La vente directe est dans treprise. La dimension humaine
regioneo.com devrait l’air du temps, et nous sommes est très importante ». CONSTRUITS AVEC
clôturer son premier exercice également dans la mouvance DAVANTAGE DE
sur un résultat net au moins d’une sorte de commerce Stock-options RIGUEUR, ET MIEUX
à l’équilibre. Une réussite équitable puisque les produc- L’avenir semble désormais sou-
assurément pour Marc teurs reçoivent la majeure rire aux équipes et non plus aux ACCOMPAGNÉS »
Thouvenin, fondateur de partie de la valeur. Nous individualités. « Aucun projet
cette entreprise lyonnaise qui nous contentons de leur avec une seule personne à sa tête business on a fait beaucoup de
se positionne sur un secteur offrir une vitrine nationale et n’a eu la capacité de lever de l’ar- recherches porteuses sur le solaire,
porteur depuis longtemps: la ce sont eux qui conservent gent ces dernières années. Les por- on a mis en place des incitations
gastronomie. « Notre idée la main sur les livraisons », teurs de projet le savent, et financières, mais aujourd’hui
est de donner accès à la précise Marc Thouvenin qui
aujourd’hui ce sont souvent eux 95 % des installations françaises
vente en ligne à des petits a fourbi ses premières armes
artisans ruraux », résume dans le marketing et
qui nous sollicitent pour les aider emploient les panneaux solaires
Marc Thouvenin. Point de l’Internet et rêve à terme de à trouver la ou les compétences fabriqués à l’étranger. Or l’on sait
rupture technologique, prolonger l’expérience en qui leur font défaut », ajoute que les secteurs d’activités dont
encore moins de nouveau ligne pour donner naissance Gilles Talbotier. Souscrivant à l’industrie est décentralisée per-
métier, juste un besoin au premier réseau de vente l’analyse, Denis Bortzmeyer veut dent tôt ou tard leurs capacités de
jusque-là insatisfait. de produits du terroir en voir dans cette nouvelle tendan- recherche. Les chercheurs qui
« Souvent à l’occasion de réunion. Là encore, le métier ce entrepreneuriale, le signe de la n’ont pas régulièrement les pieds
vacances ou de déplacements, n’est pas novateur, mais il pertinence des pôles de compé- dans l’industrie ne sont plus capa-
il n’est pas rare de découvrir n’existe pas sur ce créneau. titivité. « Pour développer leur bles d’innover », alerte le repré-
des petits producteurs Aussi, Marc Thouvenin ne recherche, les entreprises ont de sentant de Croissance Plus.
locaux qui fabriquent des revendique pas d’être à la plus en plus besoin de travailler en Autant dire que le business de
produits dont on se régale, tête d’un business hyper collaboration entre elles et avec demain sera le fruit d’une savan-
mais qu’il est ensuite innovant, même s’il est des laboratoires. C’est une ten- te alchimie entre l’offre et le
impossible de trouver dans désormais de plus en plus dance récente, et féconde car cela marché, mais aussi entre une
les circuits traditionnels de convaincu qu’il est porteur. débouche ensuite sur des relations équipe et sa capacité d’adapta-
distribution. Résultat, le « Nous recherchons des de business », estime le président tion à son environnement éco-
client est frustré et les modèles qui ont été prouvés d’Axelera. La montée en puis- nomique et social. Bref une
producteurs ratent des ailleurs et nous les sance des business angels, pour- recette qui finalement n’a guère
ventes. C’est donc pour appliquons à l’agro- voyeurs de fonds, mais aussi de varié au fil des temps.
offrir un service à ces artisans alimentaire. Nous sommes compétences et de réseaux, ●
que regioneo est né », donc, au choix, soit des
contente également les défen-
explique le fondateur du site. « agrégateurs » innovants de
Moyennant 30 à 50 euros solutions, soit des créateurs
seurs d’un modèle entrepreneu-
rial fondé sur la notion d’équipe. Pour faire connaître cet article
par an, les producteurs de nouveaux vecteurs de
locaux trouvent donc via vente de produits Reste que si les secteurs porteurs
regioneo pignon sur web alimentaires », sourit le sont aujourd’hui assez claire-
pour présenter leurs spécialités. jeune homme. ment identifiés et si les métho- http://acteco.hy.pr/business
des entrepreneuriales favorables
De l’art
de concilier
l’inconciliable
Entre l’artiste contraint de trouver
une activité alimentaire
et les multinationales
des industries culturelles,
I
« l y a un an, lorsqu’on tapait l’expression
"entreprise culturelle" sur un moteur de
recherche, on ne trouvait presque aucune
occurrence. Aujourd’hui le mot est de plus en
plus repris, cette notion commence à se répan-
l’économie française réserve-t-elle dre en France ». Le constat de Géraldine
une place aux entrepreneurs Dallaire, fondatrice en 2007 de l’ADECC à
culturels ? Un nombre croissant de Lyon (Association pour le développement
créateurs la cherche à tâtons, des entreprises culturelles et créatives),
annoncerait-il la réconciliation – redoutée
et tente d’inventer une nouvelle autant que réclamée – de la création artis-
forme d’entrepreneuriat, loin du tique avec « l’esprit d’entreprendre »? Pour Le secteur des musiques actuelles garde
diktat de la rentabilité. certains, l’art était l’un des derniers bastions à l’esprit l’échec, en 2009, de l’aventure
capables de résister au tout économique. Kao Connection.
Diane DUPRE LA TOUR Pour d’autres cette fraternisation apparem-
ment impossible entre l’art et l’entreprise
résulte d’un malentendu bien français, qui chaussettes, ou sa bouteille de Beaujolais
consisterait à diaboliser tout ce qui ressem- estampillée Ben? Pour Thierry Raspail, « en
ble de près ou de loin à un patron. Le taris- France le financement de la création artistique a
sement des subventions publiques vient trop longtemps été le fait du prince, ce qui nous a
changer la donne et bousculer l’ordre établi. fait oublier la notion de prise de risque indivi-
Quelques artistes commencent ainsi à se duelle. Mais en Chine et dans les pays émergents,
détourner du mythe de la « création gratui- les artistes ont la même volonté de convaincre et
te », incapable de s’insérer dans l’économie de produire que les entrepreneurs: l’esprit est
réelle. Et imposent doucement une alterna- strictement identique ».
tive, dont le modèle économique ne repose-
rait plus sur la rentabilité du produit, mais Trop peu de success stories
sur la capacité de l’entrepreneur à envisager Pourtant les entrepreneurs diplômés d’une
autour de lui toute une sphère de création école de commerce qui tentent l’aventure
d’activité. culturelle sont rares, et les artistes qui tom-
« La vocation de l’artiste et celle de l’entrepre- bent dans la marmite de l’entrepreneuriat ne
neur ont un socle commun très fort », rappelle sont pas pléthore. La poignée d’entreprises
Thierry Raspail, directeur du Musée d’Art qui percent sont, pour la plupart, associées
Contemporain de Lyon qui expose jusqu’au au secteur de l’industrie (du disque par
11 juillet un « strip-tease intégral de Ben ».Ben, exemple, ou du tourisme). Et mises au ban
alias Benjamin Vautier, l’une des personnalités par le milieu artistique, qui les accuse d’ins-
influentes de Fluxus, ce mouvement né à la fin trumentaliser des symboles culturels au ser-
des années 1950 visant à faire exploser les limi- vice d’une performance purement financiè-
tes de la pratique artistique. Ben est à la fois re. Dans le mariage art-entreprise, le premier
reconnu et critiqué pour son parti-pris entre- est-il donc toujours condamné à voir la
preneur, qui préférera vendre 10000 agendas seconde « porter la culotte »?
qu’une toile à un collectionneur qui l’enferme- La méconnaissance commune de ces deux
ra dans son salon. Qui n’a pas sa trousse, ses mondes s’expliquerait en partie par le cloi-
sonnement des formations. « Aux Beaux
Arts de Lyon, à la fin des années 1990, les étu-
« LA MAJORITÉ DES ENTREPRISES CULTURELLES N’EST PAS diants sortaient diplômés sans même savoir
sous quels statuts juridiques ils pouvaient
SANS SUBVENTION NI MÉCÉNAT PRIVÉ. MAIS CELA s’installer », se souvient Damien Béguet,
N’EMPÊCHE PAS UNE LOGIQUE ENTREPRENEURIALE » artiste à la tête de plusieurs entreprises fic-
DR
Centre d’art et d’exposition dédié au surf et au skate, Spacejunk « se juge à dans cette définition. « Notre modèle écono-
l’applaudimètre » selon les mots de son créateur, Jérôme Catz. mique est basé dès le départ sur l’entrepreneu-
riat. Il a été créé ex nihilo, sur un projet issu
non pas d’une collectivité locale mais de la
La rentabilité? Un grand mot… s’appuyer sur une structure viable, saine et volonté de créer un événement alliant à la fois
Qu’est-ce qui explique que les quelques artis- pérenne pour soutenir durablement l’inten- la culture du monde de l’entreprise et le sou-
tes entrepreneurs qui se cherchent une place tion artistique. La rentabilité? Un grand mot, tien des élus. Toute l’année il faut fédérer une
dans l’économie renâclent à se servir de la selon Géraldine Dallaire. « La très grande équipe de bénévoles et développer un réseau
boîte à outil de l’entrepreneur classique? « La majorité des entreprises culturelles ne sont pas proche des entreprises. Dans le milieu du spec-
finalité n’est pas la même, répond Damien tacle vivant, le système de trésorerie est souvent
Béguet. Tandis que l’entreprise ordinaire est tendu: il faut avoir payé le spectacle avant que
dans une logique de résultat, l’artiste est dans DANS LE MARIAGE l’artiste monte sur scène. La prise de risque est
celle de process. La démarche constitue pour lui ART-ENTREPRISE, LE PREMIER maximale ». Le goût du risque, la chanteuse
un élément moteur, tandis que pour l’entrepri- EST-IL CONDAMNÉ À VOIR LA lyrique l’a de toute évidence, qui n’hésite pas
se elle n’est qu’un outil ». Tout le défi du à investir des lieux inédits comme les béton-
modèle économique des entreprises cultu- SECONDE « PORTER LA nières de la plaine de l’Ain ou la gare TGV
▼
relles ne serait pas d’être rentables, mais de CULOTTE » ? Saint-Exupéry, ni même à incarner elle-
L’ESS à l’épreuve
de la crise
DR
E
Si les économistes conomistes, hommes poli- Alors, l’ESS résiste-t-elle vrai- « Certaines n’ont pas pâti de la
observent qu’il semble tiques et médias semblent ment mieux? Oui et non. « Si crise, notamment dans le domai-
s’en sortir correctement soudainement découvrir l’effectif global des coopératives se ne informatique, du web ou des
l’économie sociale et solidaire maintient en Rhône-Alpes, le services », assure de son côté
en cette période de crise, (ESS) considérée jusque-là nombre de disparitions (une Sylvain Bouchard, chargé de l’a-
le domaine de comme un pan aussi sympa- vingtaine d’entreprises, surtout nimation du site Alpesolidaires,
l’économie sociale et thique que marginal de l’écono- des petites) a doublé en deux qui met en valeur les initiatives
solidaire masque de mie. Car celle-ci résiste mieux ans », note Michel Rohart. locales de l’ESS. En témoignent
nombreuses disparités, que l’économie classique à la la société de services en logiciels
crise. Mais de quoi parle-t-on? libres ProbeSys qui poursuit sa
en fonction du type de « Ce qui fonde l’appartenance des croissance, le bureau d’étude
structures et des secteurs associations, coopératives et Katène ou encore Citécréation,
d’activité. mutuelles à l’économie sociale, qui réalise fresques et trompe-
c’est leur principe statutaire : l’œil sur les murs. D’autres scop,
Muriel BEAUDOING regroupement de personnes phy- dans le BTP ou l’industrie, tri-
siques ou morales, expression butaires d’un marché très
démocratique (une personne tendu, souffrent davantage mais
= une voix) et création collective résistent. Parmi elles, l’iséroise
de valeur mise en réserve dans la Easi, spécialisée dans la sous-
structure juridique pour le déve- traitance industrielle, ou la
loppement », précise Michel haute-savoyarde Coméhor dans
Rohart, directeur de l’Union le décolletage.
régionale des scop (Urscop) de
Rhône-Alpes. L’économie soli- Coopératives: réserves et
DR
daire, pour sa part, regroupe les « Quand une scop est en difficulté, solidarité
organisations qui produisent le mouvement coopératif sollicite Leurs forces? Tout d’abord, les
des biens et services à forte utili- d’autres scop du territoire pour capitaux propres. Les scop fai-
té sociale, telles les entreprises voler à son secours », explique sant des réserves en cas d’excé-
Denis Colongo.
d’insertion. dent, la cagnotte permet de faire
gagner moins, n’étant pas à la l’association grenobloise Solexine, nationale, la situation d’établisse- confirme de son côté Christian
recherche du profit maximum », qui propose des activités cultu- ments comme la Frapna, fédéra- Jarry. Ils font le choix de l’éthique
tient à préciser Christian Jarry. relles aux personnes en difficulté, tion d’associations de protection et de la prudence. Dans ce contex-
doit ainsi compter sur l’engage- de l’environnement, n’est pas te, l’ESS a un bel avenir devant
Associations: des gagnantes ment des salariés et d’autres simple. Certaines petites associa- elle ». D’autant que la crise a per-
et des perdantes types de ressources, comme les tions ont toutefois pu bénéficier mis à ses acteurs de se profes-
Poids lourd de l’ESS en terme ventes solidaires. Quant à la fédé- des contrats aidés, destinés à sionnaliser et d’accomplir des
d’effectifs, le secteur associatif a ration des Francas de l’Isère qui amortir la chute de l’emploi, et économies d’échelle. « Nous obs-
maintenu un rythme de création organise des formation et des ainsi embaucher. On observe ervons, par ailleurs, en ce moment
d’emplois supérieur au reste de manifestations d’éducation popu- donc des effets de vases commu- un nombre croissant de reprises
l’économie, mais demeure très laire, elle a été obligée de licencier nicants, avec des gagnants et des d’entreprises en difficulté sous
dépendant des choix de dépen- une partie de ses salariés, faute de perdants. Et même si le Conseil forme de coopératives », constate
ses publiques. D’où des situa- financements suffisants. Ces régional s’est engagé à renouveler Michel Rohart. Et l’ESS ne cesse
tions diverses. D’un côté, les son contrat triennal pour assurer de se renouveler. En Isère, des
structures de l’action sanitaire et « LES GENS ONT PRIS le développement de l’économie initiatives originales émergent
sociale, soit la moitié de l’emploi sociale et solidaire, qu’en sera-t-il ainsi, notamment dans le
associatif en Rhône-Alpes, ne CONSCIENCE QU’ILS si la crise perdure? « La raréfac- domaine du logement. « On a
pâtissent pas de la crise. « Les RISQUAIENT MOINS tion des finances publiques pour- vu, par exemple, apparaître de
pouvoirs publics, conscients du AVEC UNE ÉCONOMIE rait conduire à une mise en diffi- l’habitat groupé, avec des person-
besoin d’amortisseurs sociaux, SOCIALE. L’ESS A UN culté d’un certain nombre d’asso- nes qui décident de co-construire
ont octroyé des moyens aux asso- ciations », s’inquiète Denis un immeuble pour mutualiser,
ciations travaillant sur des ques- BEL AVENIR DEVANT Colongo. coopérer et faire des économies »,
tions jugées prioritaires, comme le ELLE » rapporte Sylvain Bouchard. A
service à la personne, l’emploi ou L’ESS, solution à la crise? Crolles, pas moins de 24 loge-
l’exclusion », explique Sylvain associations poursuivent dès lors « La crise montre que bon nomb- ments vont ainsi être créés via la
Bouchard. En revanche, d’autres leurs activités grâce aux bénévo- re de réponses apportées par l’ESS société coopérative d’intérêt col-
secteurs jugés non essentiels, les. « Quant aux associations sont pertinentes. Cette économie lectif (SCIC) Villages et quartiers
comme la culture et l’éducation chargées de l’accueil de personnes suscite d’ailleurs un intérêt gran- solidaires. ●
populaire, ont subi des coupes immigrées, comme l’Adate, elles dissant, le nombre de visites sur le
sévères: « Les financements sont connaissent de lourdes difficultés site de l’Urscop étant passé de
bien inférieurs aux années précé- financières, leur action n’ayant 7000 à 11000 en 2009, et les Pour faire connaître cet article
dentes, l’Etat se désengageant et pas été jugée prioritaire », estime retours presse de 88 à 147 », pré-
les collectivités locales ne pouvant Sylvain Bouchard. Enfin, alors cise Michel Rohart. « Les gens ont
compenser complètement ». En même que l’environnement est pris conscience qu’ils risquaient http://acteco.hy.pr/ess
proie à des problèmes financiers, affiché comme une priorité moins avec une économie sociale,
Commerçants braqués
Une conviction que ne partage
pas Olivier Torrès. Dans le cadre
de son Observatoire, l’ensei-
gnant dirige plusieurs thèses
portant sur la « santé patrona-
le ». L’une se penche sur l’impact
du financement d’une PME sur
la santé du dirigeant – les problè-
mes de trésorerie propres aux
dirigeants de PME créent-ils de
l’insomnie ? Favorisent-ils les
ulcères? –. Une deuxième porte
sur le burn-out chez les patrons.
Une troisième s’intéresse à la
Stress, conditions de travail dimension « santé » et « hygiène
éprouvantes, inquiétude de vie » (temps de repos, alimen-
permanente… Les patrons de tation…) au sein des pépinières
PME eux aussi peuvent connaître et des incubateurs d’entreprise.
© FOTOLIA
Annie Deveaux. C’est notam- veillantes, censés détecter la souf- alors déplorer que la population
▼
ment pour développer cette france, puis orienter si besoin la patronale ait ainsi été pendant des
« LES CHEFS reconnaissance et cette fraternité personne vers des spécialistes. Près années « oubliée » des politiques
D’ENTREPRISE SONT entre pairs que le CJD a mis en d’une centaine de dirigeants ont de santé publique; soit les élé-
place un Groupe d’aide à la déci- ainsi été accompagnés », précise ments « salutogènes » sont les plus
SOUVENT PLUS EN sion, ainsi que le dispositif Michel Meunier. forts, et nous aurons alors le plus
FORME. « Amis JD ». « Dès qu’un JD Facteurs pathogènes d’une part beau des arguments pour pro-
JE TRAVAILLE (jeune dirigeant) envoie un cer- et facteurs « salutogènes » de mouvoir l’entrepreneuriat dans les
QUINZE HEURES PAR tain nombre de signaux faibles l’autre, il existe une véritable PME ». ●
(absence aux réunions par exem- équation de la santé entrepre-
JOUR ET JE DOIS ple, manque de concentration…), neuriale, qui garde encore une
ÊTRE MALADE UN l’un de nos quinze « Amis JD » le partie de ses mystères. « Où pen- Pour faire connaître cet article
JOUR DANS contacte pour faire le point sur che la balance? C’est ce que je vais
d’éventuelles difficultés. Forts tâcher de découvrir, promet
L’ANNÉE » d’une formation spécifique, les Olivier Torrès. Soit les éléments http://acteco.hy.pr/souff
« Amis JD » sont des oreilles bien- pathogènes l’emportent, et on peut
Entrepreneurs d’ailleurs
Ils sont singapourien, argentin ou américain. Ils bâtissent en faveur des jeunes, des villages oubliés, ou des
femmes de couleur. Ces trois personnalités, participantes du dernier World Entrepreneurship Forum (WEF)
organisé par EMLYON (prochaine édition, du 3 au 6 novembre 2010), considèrent l’entrepreneur créateur de
richesse et de justice sociale. Une conviction universelle qui transcende les géographies, les cultures, les
moyens.
Julie DRUGUET
ment, même pour nous déplacer dans les Businesses Owned by Women of
villages, l’Argentine étant un pays vaste et Color », dont le but est d’aider des
étendu. « entrepreneuses » de toutes origines à
créer et à développer leur entreprise.
« Par la faute du gouvernement, les Vous êtes géographe et sociologue de
villageois sont assistés, aveuglés, ne formation. Quel bilan dressez-vous de votre Quelle mission votre organisation s’est-elle
progressent pas. Nous les poussons au plongée dans le monde entrepreneurial? fixée?
contraire à prendre en charge leur
avenir » J’ai commencé l’aventure de l’association Sheila Brooks. Notre organisation - un cent-
toute seule, en investissant mes fonds propres. re de recherche national - rassemble et diffu-
Durant les deux premières années, j’ai « testé » se depuis près de vingt ans des informations
En quoi l’entrepreneur peut-il être créateur le réalisme de mon projet dans un seul village. et des statistiques sur les femmes et l’entre-
de justice sociale en Argentine? Et puis la situation a considérablement évolué preneuriat. Aux Etats-Unis, un million de
Marcela Benitez. L’association que je pilote en dix ans. J’ai découvert que je possédais une « business » sont dirigés par des femmes, ce
œuvre au sein de tout petits villages oubliés, énorme passion pour ce que je faisais, que l’ê- qui représente 13 millions d’emplois. Nous
isolés du reste du monde. Il s’agit d’aider les tre humain était capable de transformer la nous efforçons de soutenir et de favoriser le
gens sur place, et d’éviter qu’ils ne déména- réalité, et que souvent les situations qu’on business des femmes, particulièrement en
gent dans les grandes villes, où ils seront pense impossibles ne le sont pas. matière d’accès au capital.
© P. THOMAS/SIPA PRESSE
soit nécessaire. Lorsqu’un enfant a des diffi-
cultés à l’école, on ne l’exclut pas de la com-
pétition, mais on peut lui proposer un coach
dans certaines matières, pour lui donner les
capacités de « faire face au monde ». La « Il y a quinze ans, les jeunes rêvaient de
même logique prévaut avec les petites entre- rejoindre IBM, KPMG… Aujourd’hui ils
prises. En outre, nous essayons de trouver les ont pour modèle les businessmen
singapouriens ».
solutions « dans le marché ». C’est-à-dire que
© P. THOMAS/SIPA PRESSE
Tu seras
entrepreneur,
mon fils
© R. QUADRINI/KR IMAGES PRESSE
L
Ont-ils entrepris, celles orsque j’étais enfant, je dis- son avenir dans l’affaire, se lance tionnent en tandem parfait,Alain
et ceux qui se trouvent à ais que mon père fabriquait d’abord dans des études de géo- reste maître à bord, Laurent s’af-
la tête d’une entreprise les plus beaux vêtements du graphie à la Sorbonne. A partir firme comme son bras droit. Le
monde. A 10 ans, quand je circu- de 2000, alors que l’entreprise fils se prépare certes à succéder à
parce qu’ils s’inscrivent lais dans les ateliers, j’entendais: franchit un pallier et que l’attrac- son père… « Mais je n’ai aucun
dans la succession d’un « Tiens, voilà le futur patron » ». tion se renforce simultanément, désir d’accélérer quoi que ce soit »,
père ? Une filiation Destin tout tracé? Laurent sa sœur, déjà assistante export, précise-t-il.
suffit-elle à façonner un Schimel, 36 ans, est de fait depuis invite Laurent à les rejoindre.
entrepreneur ? Ces « fils 2006 directeur général de l’entre- Son père ne lui demande rien. Syndrome d’Obélix
prise lyonnaise Zilli, créée par « Si tu intègres Zilli, ce sera ton Dans ce passage de relais, il n’y a
et fille de » revendiquent son père Alain Schimel. Sur ce choix et tu devras t’y impliquer pas eu d’arbitraire ou d’injonc-
un parcours singulier qui créneau spécifique du vêtement totalement, en commençant par la tion paternels sur le thème « Tu
plonge ses racines dans masculin de très grand luxe, cette base », se contente-t-il d’indiquer. seras un entrepreneur mon fils »,
l’histoire familiale. PME familiale s’est imposée Après une formation à l’ISG, mais un cheminement naturel.
comme un acteur de premier Laurent Schimel débute comme Comme une évidence qui s’est
Laurence JAILLARD plan: 68,2 millions d’euros de assistant aux achats de matières fait jour progressivement. « J’ai
chiffre d’affaires en 2008 dont premières, s’initie au commercial suivi une ligne naturelle, j’ai fait
91 % à l’export; 308 personnes dans le show-room parisien, puis le choix d’intégrer l’entreprise
dont 194 en France; 10 filiales, 38 en 2004 se consacre à la chemise, familiale car j’ai jugé que ce serait
boutiques Zilli dans le monde. en développe la production jus- passionnant à vivre »: ce sont les
Laurent Schimel concède que qu’au rachat d’un fabricant ita- mots d’Elisabeth Ducottet,
Zilli a toujours « traîné dans le lien. Enfin le voilà directeur géné- aujourd’hui à la tête de Thuasne,
fond de sa tête ». Pourtant, le ral tandis que son père demeure où elle a démarré comme direc-
jeune homme, qui ne voyait pas Pdg et toujours très actif. Ils fonc- teur commercial en 1987.
DR
pour cette initiation: porteur d’histoire, fédérateur.
rencontre avec les D’ailleurs je regrette cette
collaborateurs, participation à Ces « fils et filles de » sont-ils pas d’apprentissage spécifique tendance qui, au prétexte de
des événements de l’entreprise, des entrepreneurs comme les au management d’entreprise réussir à l’international, dote
stages d’été dans l’affaire autres? Exercent-ils un familiale, et je le déplore. l’entreprise d’un nom choisi
familiale… et bien sûr les management particulier? pour être prononçable sous
déjeuners dominicaux – ils Ils ont décidé de continuer de Vous vous intéressez aux toutes les latitudes. J’ai mené
sont encore très importants manière entrepreneuriale entreprises éponymes. En quoi une étude à ce sujet; elle
dans ces familles – où on l’œuvre de la famille ces entrepreneurs se montre qu’à force d’avoir un
parle de l’entreprise la moitié – d’ailleurs je fais une différence distinguent-ils? nom passe-partout, sans
du temps. Il ne faut pas entre les entreprises familiales Tout ce que j’ai évoqué aspérités, on est perdu dans la
conditionner mais imprégner, et les familles entrepreneuriales: précédemment, leur implication, masse. Que penser de tous
préparer, sans bien sûr exercer dans ces dernières, on trouve leur engagement, etc… se ces noms en IS, Aventis,
de pression car on risque le à la fois des liens de famille et trouvent renforcés dans les Geodis, Natixis…? Le nom
rejet. Par ailleurs, ces dirigeants des liens d’argent, c’est ce entreprises éponymes. Quand de Dentressangle, si difficile
ont constaté que pour que j’appelle l’actionnariat de votre nom figure sur une à prononcer, n’a pas du
impliquer la famille, retenir les sang, un concept très fort –. voiture, un couteau, une tout été un obstacle pour
meilleurs, il leur fallait proposer Dans un tel contexte, boîte de conserve, tout le son développement
des projets forts. Que l’entre- l’engagement, la responsabilité, monde vous regarde d’une international…
prise demeure prometteuse. l’implication de ces entrepre- manière particulière; clients,
Et si un profil de leader neurs sont extrêmement collaborateurs, fournisseurs,
n’émerge pas, si le processus puissants. On y note aussi un banquiers… Ils vous font (*) Bernard Logié a fondé en
d’implication n’a rien donné management plus humain. instinctivement confiance. Ils 2000 l’association
– tout le monde n’a pas un Sans tomber dans l’angélisme, pensent que vous n’allez pas « Eponyme, » centrée sur
profil de patron –, on attend le climat y est meilleur, cela a faire d’erreurs puisque non ces entreprises spécifiques.
la génération suivante. Ce qui été mesuré. C’est au sein de seulement votre argent et Elle décerne des Trophées; la
est important, c’est que la la famille que le futur entre- celui de la famille, mais aussi prochaine édition aura lieu
famille demeure propriétaire. preneur se forme, il n’existe votre nom, sont en jeu. en novembre.
Cela m’impose devoir et respect ». il s’interroge: « Si cela s’était pro- j’ai reçu toute la confiance de mon
« IL EST LOURD Le poids de l’histoire peut-il écra- duit dans l’entreprise familiale, père. Une confiance créatrice,
DE PILOTER UNE ser ces jeunes têtes? « On pilote c’était le travail de générations développante ». ●
SOCIÉTÉ QUI A une société qui a incarné toute la sabordé et parti en fumée ».
vie d’une génération précédente, Elisabeth Ducottet, pourtant
INCARNÉ TOUTE LA c’est lourd », concède Nicolas inscrite dans une histoire d’entre- Pour faire connaître cet article
VIE D’UNE Tillie. Il a dû faire face dans son prise, n’a jamais ressenti de lour-
GÉNÉRATION parcours riche en rebondisse- deur paralysante. « Au contraire
ments à une création d’entreprise cette histoire m’est apparue énergé-
PRÉCÉDENTE » liquidée plus tard, et logiquement tique, intéressante, motivante. Car
http://acteco.hy.pr/fils
Ce supplément du n°91 d’Acteurs de l’économie est publié par RH Editions, 1 cours Albert Thomas, 69416 Lyon cedex 3. Tél: 0472180918 – Fax: 0472180921 – contact@acteursdeleconomie.com – www.acteursdeleconomie.com
Directeur de la publication et de la rédaction: Denis Lafay – Rédactrice en chef: Julie Druguet – Ont collaboré à ce numéro: Muriel Beaudoing, Diane Dupré La Tour, Laurence Jaillard, Françoise Sigot .
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