You are on page 1of 12

Culture(s) et interculturel

Qu'entend-on par culture(s) ? Quelques définitions


 Définition du T-Kit du Conseil de l’Europe1
« On appréhende la culture en tant que construction humaine. La culture c’est le «logiciel» que les
individus utilisent au quotidien. On la décrit communément comme l’ensemble des hypothèses, des
valeurs et des normes fondamentales que possèdent les individus2. Mais les fondations garantes de
sa solidité en sont plus difficilement repérables : l’histoire du groupe humain détenteur de la culture,
ses normes, ses valeurs, ses hypothèses fondamentales concernant l’espace, le temps, la nature,
etc. »
La diversité concernant la façon dont les individus pensent, ressentent et agissent, nous fait prendre
conscience de la culture. Par conséquent, on ne peut penser à la culture simplement en tant que
«culture», mais en tant que «cultures».

 Une approche humaniste. « Je » en situation


La culture, c’est l’ensemble des solutions trouvées par un groupe culturel … par un individu … pour
faire face aux aléas, pour relever les défis de son histoire. C’est l’ensemble des solutions et non
l’ensemble des problèmes.3
« Je » rencontre des défis et mets en place des solutions propres à « mon » histoire. En
conséquence :
− ma culture est en partie personnelle
− toutes les cultures sont intelligentes
− connaître les cultures (l’autre), c’est comprendre les solutions utilisées face à un problème,
c’est donc augmenter sa capacité à réagir.
Chaque individu est un être pluriculturel qui porte en lui une culture liée à son sexe, à son âge, à sa
formation, à sa catégorie socioéconomique, à sa religion, à sa région d’origine, à sa famille d’origine
et à la famille qu’il a constituée …. Chaque individu est donc un être multiculturel.
En ce sens, il y a 6,7 milliards de cultures sur terre. Tous les jours « je » rencontre de nouvelles
situations. « Je » évolue. Chaque matin devant la glace (si j’en possède une !), « Je » est un autre.

De la culture à la rencontre interculturelle


In fine, comme il y a autant de cultures que d’individus sur terre, la rencontre de l’autre est une
rencontre interculturelle. On parle aussi « d’altérité », du bas-latin alteritas, qui signifie différence.
L’altérité c’est la reconnaissance, l’acceptation, la compréhension de l’autre dans ses différences, ou
dans sa diversité.
Ce ne sont pas des cultures qui se rencontrent mais des individus.
L'"interculturel" n'est pas l'étude d'une autre culture mais l'étude de la différence et de
l'interaction entre les cultures.

L’apprentissage interculturel est un processus. Ce processus exige de se connaître et de connaître


ses origines, avant de pouvoir comprendre les autres. « Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne peux
pas savoir où tu vas » (proverbe arabe).

Accepter ou non les différences


Milton J. Bennett4 considère plusieurs phases de développement personnel dans la rencontre
interculturelle : des phases ethnocentriques et des phases « ethnorelatives ».

 Phases ethnocentriques
La dénégation : l’individu refuse l’existence de différences et d’autres visions du monde.
« La différence culturelle peut être ressentie comme une menace parce qu’elle offre une alternative à
notre vision de la réalité et ce faisant, à notre identité ». (On parle aussi de choc interculturel),
« Dans la phase de défense, par conséquent, la différence est perçue, mais combattue ».

1
T-Kit N°4 « L’apprentissage interculturel » du Conseil de l’Europe (coe)
2
Voir la définition de Claude Levi-Straus cité par Marc Bulteau. Va, vis et deviens. Mémoire pour l’obtention du
DHEPS, Lyon 2007
3
Voir Clair Michalon : "Différences culturelles, mode d'emploi"et « Histoire de différences, différence
d’histoires » aux Editions SEPIA
4
Selon le modèle de développement de la sensibilité interculturelle de Milton J. Bennett, tiré du T-Kit4 du
conseil de l’Europe
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 1
« La stratégie la plus courante pour lutter contre la différence est le dénigrement, qui consiste à
porter un jugement négatif sur toute vision du monde dissemblable. Les stéréotypes, et leur forme
extrême le racisme, sont des exemples de stratégies de dénigrement. L’autre facette du dénigrement
est la supériorité, qui consiste à mettre l’accent sur les aspects positifs de sa propre culture et à
accorder peu ou pas d’intérêt à la culture de l’autre …».
« La troisième stratégie pour se protéger de la menace que représente la différence est le
«revirement». Cette stratégie, qui à première vue peut apparaître comme une preuve de «sensibilité
interculturelle», n’est en fait que le remplacement du centre de son ethnocentrisme (nos propres
antécédents culturels) par un autre ». On parle aussi de « Retour d’ethnocentrisme ». L’autre est
mis sur un piédestal.
« La dernière phase de l’ethnocentrisme est celle que Bennett appelle la minimisation. La différence
est reconnue, … mais on en minimise la signification. Les similitudes culturelles sont mises en avant
comme l’emportant de loin sur les différences, ce qui revient à banaliser la différence ».

 Phases « ethnorelatives »
« L’ethnorelativisme commence avec l’acceptation de la différence culturelle. … Accepter que les
comportements … varient d’une culture à l’autre et … méritent le respect ». Puis « cette acceptation
va s’élargir pour englober les visions du monde et les valeurs sous-jacentes de l’autre culture ».

L’adaptation, est un processus d’addition. « L’individu apprend un nouveau comportement convenant


à une autre vision du monde et l’ajoute à son répertoire… »
« Le bout de bois a beau rester longtemps dans l’eau il ne deviendra jamais caïman ».

« La phase d’intégration se caractérise par une tentative pour intégrer ces divers cadres dans un
cadre qui n’est ni le rétablissement d’une culture, ni le simple confort que procurerait la coexistence
pacifique de différentes visions du monde ».

Cette phase peut demander un travail de déconstruction / reconstruction de son identité. Savoir d’où
l’on vient, comment on s’est construit et pourquoi. Remettre en cause certaines constructions du moi
pour le reconstruire enrichi des nouvelles expériences.
Substitution, addition puis déconstruction / reconstruction (les trois phases ethnorelatives de Bennett)
sont des étapes qui demandent du temps et encadrement pédagogique (cf. page 8 de ce document :
Quelle pédagogie dans l’éducation au développement dans l’enseignement ?)

L’apprentissage interculturel pour quelle finalité ?


La finalité du travail sur l’apprentissage interculturel est de parvenir à un stade où la différence est
jugée normale, intégrée dans l’identité de l’individu et où il est possible de s’enrichir de ces
différences.
Si l’apprentissage interculturel est un processus individuel, il importe néanmoins d’apprendre à vivre
ensemble dans un monde de différences. L’apprentissage interculturel vu sous cet angle est le point
de départ d’une coexistence pacifique.

« Si tu diffères de moi, loin de me nuire, tu m’enrichis »

Quelques schémas sur la culture, outils pédagogiques.


Le modèle de «l’iceberg»5
« Ce modèle part de l’idée que la culture peut être représentée sous la forme d’un iceberg : seule une
toute petite partie de l’iceberg est visible au-dessus de l’eau ». Cette partie visible est portée par la
partie immergée qui constitue une solide fondation mais qui est invisible.
L’analogie met en évidence le fait que certaines composantes culturelles sont visibles, tandis que
d’autres sont cachées et donc difficiles à découvrir.
« Le modèle de l’iceberg démontre que les aspects visibles de la culture ne sont que les expressions
de ses aspects invisibles. Il met également en évidence la difficulté de comprendre des individus
d’antécédents culturels différents – parce que, si l’on repère les aspects visibles de «leur iceberg», il
est par contre plus difficile d’en identifier les assises ».
Dans la partie immergée, on peut aussi ajouter le lien au sacré

5
T-Kit N°4 « L’apprentissage interculturel » du Conseil de l’Europe (coe)
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 2
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 3
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 4
Prolongement de l’iceberg
Une petite partie émergée, une forte partie immergée !

Moi L’autre

Si l’on ne sait pas d’où l’on vient, si on ne sait pas qui on est, la distance avec l’autre est
importante et la rencontre difficile.
Faire baisser le niveau de la mer, ou faire émerger l’iceberg (mieux se connaître et savoir ce
qui nous construit) permet de se rapprocher de l’autre, et de mieux le comprendre.
On devient plus apte à appréhender les différences.
Et ce d’autant plus facilement que l’autre a réalisé le même travail sur lui

Qui je suis ? Comment suis-je construit ? Le schéma de la pyramide 6


On se construit avec une base culturelle commune à un groupe social, une culture familiale,
puis l’on s’individualise, on s’enrichi d’expériences individuelles.7

Moi On peut aussi représenter le schéma sous forme


de 3 piliers. Le 3°, le parcours personnel, prend
de plus en plus d’importance.

Mes expériences perso Acquis


… Choisi
JE me construis
JE est unique
Ma famille JE est différent le soir par rapport
au matin. JE est un autre.

Il y a 6,7 milliards d’autres, Il y a 6,7


milliards de cultures différentes au monde

Mon groupe social Transmis

6
Selon une idée de Marc Bulteau
7
Voir aussi « l’arbre de référence », outil développé par le CCFD dans le guide « visa pour le voyage du CCFD
http://ccfd-terresolidaire.org/ewb_pages/o/outil_535.php
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 5
Le poisson dans son bocal 8

Le poisson dans son bocal ne voit pas l’eau, mais il peut voir à travers. S’il sort de l’eau et va
sur une table, il meurt, il ne peut plus voir ce qui se passe autour de lui. Pour qu’il survive, il
faut lui apporter un peu d’eau.
Si l’on fait l’analogie entre l’eau et la culture, on peut voir au travers de sa culture même si
l’image est déformée. Quitter sa culture c’est perdre des repères. Si on perd trop de ses
repères, on est dans un inconfort tel que l’on ne peut plus voir l’autre. La rencontre est
impossible (tendance à se recentrer sur son nombril, ethnocentrisme).
On se balade toujours avec un peu de son eau, un sac à dos, dans lequel on transporte
quelques éléments culturels dont on n’a pas forcément conscience. Mais l’autre peut le
décrypter.
Emporter trop de son eau avec soi renforce l’ethnocentrisme et peut limiter la rencontre, la
compréhension de l’autre.
Prendre conscience de ce que l’on emporte dans son sac à dos permet de l’alléger et de se
rapprocher de l’autre.

Ethnocentrisme et retour d’ethnocentrisme

Ethnocentrisme = je suis sûr de


moi. Ma culture est universelle,
elle est au dessus de l’autre.
Absence de rencontre

8
Selon une idée d’Olivier Riou, sociologue
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 6
Retour d’ethnocentrisme : Je
place l’autre et sa culture au
dessus. Je ne peux pas être dans
la rencontre. (Stratégie
d’évitement, de dénigrement de
sa culture)

B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 7


Pour s’intéresser à l’autre il faut s’intéresser à soi même. 2 outils en ce sens9

L’arbre généalogique
Objectif, identifier que vous venez de quelque part. C’est un travail sur soi, inutile d’en faire
part.
Demander : Dans ce que vous savez de vous, identifiez ce qui vous vient de vos ancêtres.

Mon grand père Ma grand mère Mon grand père Ma grand mère
maternel maternelle paternel paternelle

Ma mère
Mon père

Moi

Les cercles d’appartenance

Identifiez des groupes formels ou informels avec lesquels vous êtes en relation (club, assoc,
famille, copains, …). Dans la même bulle, notez ce que cela dit de vous. Prendre conscience
que certains cercles, on se les construit tout seul.

C’est un travail personnel, pas forcément à partager.


9
Tiré d’une rencontre avec Marc Bulteau, RIVEs, http://www.interculturel-et-solidaire.fr/
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 8
Education au développement ou action de
développement ?
L’éducation au développement, une formation de l’individu

La Charte d’Educasol
Ce texte a valeur de référent éthique pour les acteurs de l’éducation au développement et à la
solidarité internationale de la plateforme EDUCASOL10. Il donne les lignes directrices qu’ils
ont ensemble définies comme étant constitutives de la notion et de la démarche de l’éducation
au développement et à la solidarité internationale.

• L’éducation au développement et à la solidarité internationale a pour finalité le


changement des mentalités et des comportements de chacun dans le but de contribuer
individuellement et collectivement à la construction d’un monde juste, solidaire et
durable.

Pour cela elle a pour objectif de favoriser :


- la compréhension des mécanismes d’interdépendance et d’exclusion dans le
monde,
- la prise de conscience de l’importance de la solidarité internationale comme
facteur de changement social,
- l’action pour la construction d’un monde solidaire.

• Eduquer au développement et à la solidarité internationale, c’est s’impliquer dans un


processus éducatif global dont la dimension Nord/Sud (et Est/Ouest) est un élément
constitutif déterminant.

C’est un acte éducatif


- Qui s’appuie sur une démarche pédagogique participative, interactive et réflexive.
- Qui part des représentations mentales des participants.
- Qui vise des objectifs de savoir, savoir-faire et d’attitude (en particulier en favorisant
l’esprit critique).
- Qui s’appuie sur une pédagogie adaptée à la diversité des publics.
- Qui intègre des méthodes d’évaluation selon des critères de pertinence, de cohérence,
d’efficacité, d’efficience et de démultiplication.

C’est un acte politique


- Qui permet d’effectuer des choix et de les argumenter.
- Qui en terme de message souligne la complexité du développement, l’interdépendance
des pays et des peuples, la diversité et la créativité des organisations de la société civile, le
rôle pivot du partenariat, le fait que la solidarité est une façon de mieux vivre ensemble et que
chacun a les moyens d’agir pour aller dans ce sens.

10
La plateforme Educasol ( www.educasol.org ) est une plateforme qui rassemble les acteurs de l’EAD en France.
Elle est constituée de 25 associations et de 3 campagnes. Le RED, réseau éducation au développement du ministère de
l’agriculture est l’un des membres fondateurs de cette plateforme. Elle fait partie de DEEEP, plateforme européenne
d’EAD.
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 9
- Qui permet à chacun(e) de tenir une réflexion sur le modèle de société dans laquelle il
(elle) vit, d’appréhender la portée de ses actions quotidiennes et de devenir citoyen(ne) acteur
du changement social au niveau local, national et mondial.
- Qui se décline, au travers d’organisation en groupes, associations, collectifs, réseau
etc… en initiatives et actions collectives (débat, manifestation, lobbying…).

Dont les acteurs partagent :


des valeurs communes
- La conviction de la nécessité de construire un monde socialement solidaire,
culturellement diversifié, économiquement viable, écologiquement durable et politiquement
démocratique.
- La solidarité comme principe de partage et d’échange dans un esprit de respect et de
reconnaissance réciproque entre partenaires décidés à agir ensemble pour mettre un terme aux
violations des droits politiques, économiques, sociaux et culturels.

des principes d’action


- Le partenariat notamment avec les organisations du Sud à toutes les étapes de
préparation, de réalisation et d’évaluation de l’action.
- Le partage d’expérience comme ferment d’enrichissement de chacun au bénéfice de
tous.
- Le principe de laïcité associé à la liberté absolue de conscience.
- La priorité donnée à l’éducation et au changement des comportements dans les
relations Nord-Sud (et Est - Ouest).
- Les propositions d’actions de solidarité concrètes (le don, le voyage, les chantiers
internationaux, la signature de pétition…), sans en être l’objectif, peuvent faire partie du
processus d’éducation au développement et à la solidarité internationale.

En complément de la charte EDUCASOL


L’éducation au développement c’est informer, former et faire prendre conscience, éveiller
l’esprit critique pour agir. Elle présente des alternatives et des propositions d’engagements
accessibles à chacun. L’éducation au développement donne des repères et des clés de lecture aux
différents publics et facilite une vision globale.
C’est un processus de sensibilisation sociale et de formation des citoyens. Eduquer au
développement c’est changer le regard sur les pays du Sud, souvent misérabiliste et négatif, pour
aller à la rencontre et valoriser les richesses techniques, scientifiques, culturelles et humaines.
Plus généralement, éduquer au développement c’est changer de regard sur mon voisin, sur le
monde, et sur les phénomènes complexes qui le gouvernent.

« L’Education au développement durable promeut un nouveau paradigme sociétal … Elle doit


aboutir à une réflexion en termes de valeurs : dans la mesure où la science ne peut aboutir à une
réponse unique, chacun doit pratiquer et assumer des choix, donc sa responsabilité individuelle et
collective »11.

Quelle pédagogie dans l’éducation au développement dans


l’enseignement ?
Aborder les valeurs et les représentations demande une pédagogie particulière.

Le travail sur les valeurs et les représentations met en cause la fonction de l’enseignant et son
éthique professionnelle. L’enseignant est-il uniquement celui qui transmet un savoir ?
L’enseignant qui fait de l’Education au Développement se positionne comme un éducateur,

11
Yveline Nicolas, Université d’été de la solidarité internationale, Lille, 2007
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 10
comme un individu qui défend des valeurs. Pour concilier éducation et éthique, il faut être
dans une position d’ouverture et d’écoute. Les principes de l’éducation populaire, développer
une pédagogie interactive et réflexive n’est pas suffisamment dans les pratiques de
l’enseignant. Il est aussi nécessaire d’intervenir à plusieurs sur les mêmes phénomènes afin de
permettre l’expression de regard et d’analyses différentes, de développer l’esprit critique. La
pluridisciplinarité, la co-disciplinarité, les études transversales sont des outils pédagogiques
indispensables à la pratique de l’EAD en milieu scolaire.

La pratique du jeu est un des outils essentiels de cette éducation. Le jeu permet une prise de
conscience non culpabilisante. Le jeu n’est pas une fin en soi. Il permet de déclencher, de
prendre conscience de certains comportements et de la complexité des phénomènes. Le jeu
est réducteur. Il ne peut tout dire et nécessite une analyse approfondie. Le jeu est
manipulateur. Il est conçu pour faire émerger une idée, des comportements, il bouscule
l’individu. Pour cela il doit être utilisé avec précautions.
Par principe, avant d’animer un jeu il vaut mieux l’avoir vécu comme joueur.

Le 2° outil est la rencontre et le partage d’expérience. Ces rencontres peuvent se faire ici au
Nord, ou à l’étranger. Le voyage est alors conçu comme un outil d’éducation et non une fin
en soi.
Un séjour à l’étranger, qu’il soit en groupe ou individuel se prépare et se valorise au retour.

Les informations dont nous disposons (médias, école, rencontres) nous amène à « inventer un
pays avant de s’y rendre »12. Lors d’un voyage de courte durée, chacun va chercher
inconsciemment à conforter ses représentations 13 et ses préjugés. S’il n’est intégré dans un
processus pédagogique, sans une forte préparation, sans analyse au retour, ce voyage ne peut
provoquer l’ouverture interculturelle recherchée.
De nombreuses associations organisent des séminaires de préparation à la rencontre inter
culturelle. L’enseignement agricole met en place des formations de formateurs et des sessions
de préparation au départ et de valorisation au retour pour les jeunes.

« La créativité identitaire (pouvoir s’inventer différent) est étroitement lié au niveau et à la


diversité des richesses dont dispose l’individu. Les ressources économiques … sociales … et
culturelles … »14. Il est indispensable de proposer ces opportunités à un plus grand nombre
afin de démocratiser ces possibilités de s’inventer différent.

De l’action dans l’éducation au développement


Nous n’abordons pas ici le cas du volontariat ni des séjours longs.

L’EAD doit amener le citoyen à entrer dans l’action, mais quelle action ?
Quand on visite un pays « en développement », on découvre souvent un puits, une école, un moulin à
farine, un aménagement hydraulique, un abattoir, un jardin d’école, …, qui ne sont pas utilisés par
les locaux. Ces réalisations sont le fruit de projets de développement mis en œuvre par des
associations du nord, éventuellement par des groupes scolaires qui pensaient « bien faire ».

Construire une école, construire un barrage, apporter des médicaments ou des stylos en pays Sud est
souvent plus déstabilisant que constructif. Les jeunes et les moins jeunes qui découvrent une autre
situation ont tendance à se positionner comme porteurs de solutions. Sans comprendre que les

12
Franck Michel. Désirs d’ailleurs : essai d’anthropologie des voyages. Québec, Presses de l’université Laval 2004 cité
par Marc Bulteau. Va, vis et deviens. Mémoire pour l’obtention du DHEPS, Lyon 2007, http://www.iteco.be/Vas-vis-et-
deviens
13
Jean Claude Abric. Pratiques sociales et représentations. Paris, PUF 2003 cité par Marc Bulteau
14
Jean Claude Kaufmann. L’invention de soi : une théorie de l’identité. Paris Hachette, 2004 cité par Marc Bulteau
B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 11
solutions proposées véhiculent un modèle qui n’est pas forcément adapté à la situation ou aux
aspirations des citoyens locaux. « La technologie n’est pas un voyageur sans bagage ».
Il est vrai que les partenaires du Sud voient fréquemment l’occidental comme « celui qui sait ». C’est
une forme de complexe d’infériorité face à « celui qui a » (ou est supposé avoir).

« Nos partenaires étaient pourtant d’accord pour qu’on leur construise un puits à cet endroit ! »

On ne se pose pas toujours les bonnes questions :


Qu’est-ce qui est mis en place pour écouter, entendre et comprendre nos « partenaires » ?
Que veux dire le « Oui » prononcé par le « partenaire » ?
Pourquoi va-t-on « construire » ou « donner » en pays Sud et pas dans un pays de l’UE ? Ou aux
USA ?
La compréhension de la situation locale dans un milieu culturel qui nous est étranger est
particulièrement complexe. Développer un partenariat, comprendre les attentes demande du savoir
faire et du temps.
Un jeune en formation n’est pas un agent de développement. Un enseignant dans sa fonction
éducative n’est pas non plus un agent de développement.
L’action que l’on propose lors d’un voyage d’étude se doit d’être davantage un outil pour partager
des expériences, pour favoriser l’échange interculturel qu’une fin en soi.
Utiliser le Sud comme un seul champ d’application technique est dangereux pour le jeune en
formation ici qui se voit renforcé dans son « illusion de savoir universel », renforcé dans les clichés
qu’il pouvait avoir avant de partir, et c’est dangereux pour les « bénéficiaires » qui sont niés dans
leur culture, leur créativité et leur savoir faire.

Est-ce dire qu’il ne faut rien faire ?


Certainement pas. Construire un partenariat dans le temps, en s’appuyant sur l’existant local ici et là
bas, le faire vivre par des échanges réciproques, s’enrichir de l’autre et de ses différences, est une
expérience extraordinaire. « Si tu diffères de moi, loin de me nuire tu m’enrichis »
Il faut juste réaffirmer que le rôle de l’enseignant est d’éduquer et non de développer le Sud (ou
l’Est). Que l’action peut soutenir l’éducation mais qu’elle n’est pas la finalité de l’acte pédagogique.

La situation dans le cas de stage individuel à l’étranger est différente de celle du voyage de groupe.
Quelque soit le pays de destination, on se trouve dans une relation ternaire : maître de stage,
établissement scolaire (ou universitaire) et stagiaire avec une convention de stage qui définit rôles et
attentes de chacun. Le jeune est alors amené à conduire son étude et à agir avec le maître de stage,
comme dans tout stage en entreprise ou association. Favoriser ces mobilités c’est enrichir les
formations, et faire vivre les partenariats.

Au niveau des référentiels européens, on parle souvent de Global Education, terme anglo-saxon non
traduit en français qui recouvre un champ un peu plus large que Education au Développement ou du
moins qui intègre explicitement les notions de solidarité et de citoyenneté internationale. Le terme
développement n’y apparaît pas.
Faire de l’EAD, ce n’est pas faire du développement. Cependant, dans la mesure ou l’EAD vise
l’ouverture interculturelle, l’acceptation des différences et la construction d’un monde solidaire, elle
est un pivot (un outil) essentiel pour le développement durable de la planète.

B. Perrin / Ministère de l’agriculture/ RED / 2010 12

You might also like